Les Quatre Évangiles/03

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CHAPITRE III
L’EXPLICATION, PAR JÉSUS, DU RÔLE DE JEAN

Ὁ δέ Ἰωάννης ἀϰούσας ἐν τῷ δεσμωτηρίῳ τὰ ἔργα τοῦ Χριστοῦ, πέμψας δύο τῶν μαθητῶν αὐτοῦ,

Εἶπεν αὐτῷ· Σύ εἰ ὁ ἐρχόμενος, ἦ ἕτερον προσδοϰῶμεν ;


Matthieu, xi, 2. (Luc, vii, 19.) Or Jean ayant ouï parler dans la prison de ce que Jésus-Christ faisait, envoya deux de ses disciples pour lui dire : Jean ayant entendu parler dans la prison des actes de Jésus 1) lui fit dire par ses disciples 2) :
3. (Luc, vii, 19). Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?

Remarques.

1) Dans plusieurs copies il est dit précisément de Jésus.

2) Dans plusieurs copies au lieu de δύο, il y a διά. Διά est préférable, car le nombre des disciples n’est pas nécessaire.

Les paroles qui suivent, (Luc, vii, 21), sont évidemment là pour expliquer des mots compréhensibles sans cela : les aveugles voient, etc.


Jean, dans le désert, prêchait le royaume de Dieu et disait qu’après lui viendrait celui qui est plus grand que lui et qui purifiera par l’esprit. Ayant entendu parler des actes de Jésus, Jean cherche à connaître si c’est lui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre, c’est-à-dire si Jésus accomplit les deux promesses : l’annonciation du royaume de Dieu et la purification par l’esprit.


Καὶ ἀποϰριθείς ὁ Ἰησοῦς, εἶπεν αὐτοῖς· Ποοευθέντες ἀπαγγείλατε Ἰωάννη, ἀϰούετε ϰαὶ βλέπετε.

Τυφλοὶ ἀναβλέπουσι, ϰαὶ χωλοὶ περιπατοῦσι, λεπροὶ ϰαθαρίζονται, ϰαὶ ϰωφοὶ ἀϰούουσι, νεϰροὶ ἐγείρονται, ϰαὶ πτωχοί εὐαγγελίζονται.

Καὶ μαϰάριος ἐστιν ὅς ἐάν μὴ σϰανδαλισθῇ ἐν ἐμοί.


Matthieu, xi, 4. (Luc, vii, 22.) Et Jésus répondant leur dit : Allez et rapportez à Jean les choses que vous entendez et que vous voyez. Et en réponse, Jésus leur dit : Allez et rapportez à Jean ce que vous entendez et voyez :
5. (Luc, vii, 22.) Les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont nettoyés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et l’évangile est annoncé aux pauvres. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les impurs sont purifiés, les morts ressuscitent et les pauvres apprennent leur bonheur 1).
6. (Luc, vii, 23.) Heureux celui qui ne se scandalisera pas de moi. Et heureux celui qui ne me 2) reniera point.

Remarques.

1) Πτωϰοὶ εὐαγγελίζονται. Chez Luc et chez Matthieu, ces mots : « Et les pauvres apprennent leur bonheur » sont les derniers. Dans toutes les langues ces paroles sont traduites : « Et l’évangile est annoncé aux pauvres ». Le sens de cette traduction est presque exact mais la traduction elle-même ne l’est pas.

Luc, xvi, 16. Il est dit ἡ βασιλεΐα τοῦ Θεοῦ εὐαγγελίζεται, qu’il ne faut pas traduire : « l’évangile est annoncé », mais le royaume de Dieu est annoncé.

De sorte que, ici, les paroles : « l’évangile est annoncé aux pauvres », signifient : les pauvres recevront la nouvelle du bonheur ; et il faut traduire : les pauvres apprennent leur bonheur.

En outre ces paroles expriment la même chose que celles-ci : heureux les pauvres.

Chez Matthieu et chez Luc ces paroles sont les dernières, ce qui indique qu’elles sont les plus importantes. Et il ne faut pas oublier que tout ce qui suit ne fait que développer et expliquer cette pensée sur le bonheur des pauvres, opposés aux riches pharisiens et légistes.

2) Σϰανδαλίζειν ἐν τινί, signifie : être fâché contre quelqu’un, renier quelqu’un. (Matthieu, xiii, 57 ; xvii, 27 ; xxvi, 31.)

À la question de Jean : « Es-tu celui qui doit venir et qui établira le royaume de Dieu ? » Il répond : «Dites ce que vous voyez, et que sont heureux tous ceux qui ne me renient pas ».


Jean demande : « As-tu annoncé ce royaume que prêchait le prophète Ésaïe (xxxv, 5 ; lxi, 1) et duquel j’ai dit qu’il est proche et que pour l’atteindre il ne faut que la purification par l’esprit ; est-ce que les hommes sont purifiés par l’esprit ? » Et Jésus répond : « Allez, dites ce que vous voyez, à savoir que maintenant les hommes sont heureux en esprit. Il s’est accompli ce qu’a prédit Ésaïe : tous les hommes sont heureux en esprit ; les pauvres ont reçu la nouvelle du bonheur ».


Τούτων δὲ πορευομένων, ἤρξατο ὁ Ἰησοῦς λέγειν τοῖς ὄχλοις περὶ Ἰωάννου. Τί ἐξήλθετε εἰς ἔρημον θεάσασθαι ; ϰάλαμον ὁπὸ ἀνέμου σαλευόμενον ;

Ἀλλὰ τί ἐξήλθετε ἰδεῖν ; ἄνθρωπον ἐν μαλαϰοῖς ἱματίοις ἠμφιεσμένον ; ἰδοὺ, οἱ τὰ μαλαϰὰ φοροῦντες, ἐν τοῖς οἴϰοις τῶν βασιλέων εἰσίν.

Ἀλλά τί ἐξήλθετε ἰδεῖν ; προφήτης ; ναὶ, λέγω ὑμῖν, ϰαὶ περισσότερον προφήτου.

Οὖτος γάρ ἐστι περὶ οὖ γέγραπται. Ἰδοὺ, ἐγώ ἀποστέλλω τὸν ἀγγελόν μου πρὸ προσώτου σου, ὄς ϰατασϰευάσει τὴν ὁδόν σου ἔμπροσθέν σου.

Ἀμήν λέγω ὑμῖν, οὐκ ἐγήγερται ἐν γεννητοῖς γυναιϰῶν μείζων Ἰωάννου τοῦ βαπτιστοῦ· ὁ δέ μιϰρότερος ἐν τῇ βασιλείᾳ τῶν οὐρανῶν ηείξων αὐτοῦ ἐστιν.


Matthieu, vi, 1. (Luc, vii, 24.) Comme ils s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean au peuple, et dit : Qu’êtes-vous allés voir au désert ? Était-ce un roseau agité du vent ? Comme ils s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean au peuple : Qu’êtes-vous allés voir dans le désert. Voir s'agiter un roseau ?

8. (Luc, vii, 25.) Mais encore, qu’êtes-vous allés voir ? Était-ce un homme vêtu d’habits précieux ? Voici, ceux qui portent des habits précieux sont dans les maisons des rois. Ou peut-être est-ce autre chose que vous êtes allés voir ? Peut-être êtes-vous allés voir un homme vêtu d’habits précieux ? Voici, ils sont devant vous ceux qui portent des habits précieux et mangent des mets délicats. Ils habitent les palais.
9. (Luc, vii, 26.) Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? Oui, vous dis-je, et plus qu’un prophète. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Je vous dirai la vérité sur ce qui est plus grand qu’un prophète 1).
10. (Luc, vii, 27.) Car c’est celui de qui il est écrit : Voici, j’envoie mon ange devant ta face, qui préparera ton chemin devant toi. (Mal. iii, 1.) Il est celui de qui il est écrit : Voici, j’envoie un messager devant toi ; il prépara ton chemin devant toi.
11. (Luc, vii, 28.) Je vous dis, en vérité, qu’entre ceux qui sont nés de femme, il n’en a été suscité aucun plus grand que Jean-Baptiste ; toutefois celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Et je vous dis, en vérité ; jamais d’une femme, il n’est né un homme plus grand que Jean-Baptiste. Le plus infime ici, dans le royaume de Dieu est plus grand que tous 2).

Remarques.

1) Δέγω ὑμῖν, ϰαὶ περιστότερον προφήτου. — Je vous dirai ce qui est plus important qu’un prophète.

2) Ordinairement on traduit les paroles : ὁ δὲ μιϰρότερος ἐν τῆ βασιλείᾳ τῶν οὐρανῶν μείζων αὐτοῦ ἐστιν par : « le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui ». Cette traduction est mauvaise parce que le plus petit dans le royaume de Dieu est opposé au plus grand dans quelque autre lieu. Il faudrait dire ainsi : Le plus petit dans le royaume du ciel est plus grand que celui qui n’est pas dans le royaume. Ce qui fait surtout cette traduction irrégulière c’est qu’elle détruit le sens de tout ce qui précède et suit. On vient de dire que Jean est plus grand que tous les hommes, et tout d’un coup, il est plus petit que le plus petit dans le royaume du ciel, alors que Jésus ne fait que prêcher le royaume du ciel pour tous. Αὐτοῦ, est ici adverbe et signifie là-bas, et alors le sens est très logique. Jean est plus petit, plus minime que tous selon le jugement des hommes, — c’est un mendiant. Mais il est dit que le plus petit est parfois le plus grand dans le royaume de Dieu. La même idée se retrouve plusieurs fois dans les évangiles, à commencer par le passage où il est dit que ce sont les pauvres qui sont heureux et non les riches. En outre les mots, μίϰρος, μέγας, tels qu’ils sont employés dans l’Évangile, doivent être traduits non par « le plus petit » et « le plus grand » mais par misérable, bas, et important, grand.


Ὁ νόμος ϰαὶ οἱ προφήται ἕως Ἰωάννου· ἀπὸ τότε ἡ βασιλεία τοῦ θεοῦ εὐαγγελίζται, ϰαὶ πᾶς εἰς αὐτὴν βιάζεται.


Luc, xvi, 16. La loi et les prophètes ont eu lieu jusqu’à Jean ; depuis ce temps-là le royaume de Dieu est annoncé, et chacun le force. La loi et les prophètes étaient avant Jean ; et depuis ce temps-là on annonce le bonheur du royaume de Dieu et chacun y entre selon ses forces 1).

Remarques.

1) Chez Matthieu, xi, 12, il est dit : Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu’à ce jour, le royaume du ciel est pris par force, et ce sont les plus forts qui s’en emparent.

Chez Luc, On trouve : ϰαὶ πᾶς εἰς αὐτὴν βιάζεται, c’est-à-dire, par la force, comme passant à travers la foule en jouant des coudes, il y entre. C’est pourquoi, choisissant la version de Luc, qui me paraît plus exacte je traduis βιάζεται par entre selon ses forces.


Πάντες γὰρ οἱ προφῆται ϰαὶ ὁ νόμος ἕως Ἰωάννου προεφήτευσαν.

Καὶ εἰ θέλετε δέξασθαι, αὐτός ἐστιν Ἠλίας ὁ μέλλων ἔρχεσθαι.

Ὁ ἔχων ὦτα ἀϰούειν ἀϰουέτω.


Matthieu, xi, 13. Car tous les prophètes et la loi ont prophétisé jusqu’à Jean. Parce que tous les prophètes et la loi, avant Jean, ont exprimé la volonté de Dieu 1).
14. Et si vous voulez recevoir ce que je dis, il est cet Élie qui devait venir. Si vous voulez, prenez le pour cet Élie qui devait venir.
15. Que celui qui a des oreilles pour ouïr entende. Que celui qui veut comprendre comprenne 2).

Remarques.

1) Προφητεύειν signifie : avoir le don de prophétie, exprimer la volonté de Dieu.

Il est dit que la loi et tous les prophètes exprimaient la volonté de Dieu, avant Jean. Mais depuis Jean, tout cela est terminé. Depuis son époque, le royaume de Dieu s’acquiert par l’effort intérieur. C’est pourquoi tout ce qu’on dit de la venue d’Élie, et tout le reste, il faut le laisser. Si vous croyez que la venue d’Élie devait précéder celle de Dieu, alors admettez que c’est Jean qui est venu à la place d’Élie.

2) Cette expression est répétée trois fois chez Matthieu, et chaque fois dans les passages où ces paroles peuvent avoir un double sens. Cette expression est une invite à ne pas comprendre grossièrement les paroles mais à les comprendre dans leur sens symbolique.


Καὶ πᾶς ὁ λαὸς ἀϰούσας ϰαὶ οἱ τελῶναι ἐδιϰαίωσαν τὸν Θεὸν, βαπτισθέντες τὸ βάπτισμας Ἰωάννου.

Οἱ δέ Φαρισαῖοι ϰαὶ οἱ νομιϰοὶ τὴν βουλὴν τοῦ Θεοῦ ἠθέτησαν εἰς ἑαυτοὺς, μή βαπτισθέντες ὑπ' αὐτοῦ.

Εἶπε δὲ ὁ Κύριος· Τίνι οὖν ὁμοιώσω τοὺς ἀνθρώπους τῆς γενεᾶς ταύτης ; ϰαὶ τίνι εἰσιν ὅμοιοι ;

Ὅμοιοί εἰσι παιδίοις τοῖς ἐν ἀγορᾷ ϰαθημένοις, ϰαὶ προσφωνοῦσιν ἀλλήλοις, ϰαὶ λέγουσιν, Ηὐλήσαμεν ὑμῖν, ϰαὶ οὐϰ ὠρχήσασθε· ἐθρηνήσαμεν ὑμῖν, ϰαὶ οὐϰ ἐϰλαύσατε.

Ἐλήλυθε γὰρ Ἰωάννης ὁ βαπτιστὴς μήτε ἄρτον ἐσθίων μήτε οἶνον πίνῶν, ϰαὶ λέγετε, Δαιμόνιον ἔχει.

Ἐλήλυθεν ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου ἐσθίων, ϰαὶ λέγετε, Ἰδοὺ ἄνθρωπος φάγος ϰαὶ οἰνοπότης, τελωνῶν φίλος ϰαὶ ἁμαρτωλῶν.

Καὶ ἐδιϰαιώθη ἡ σοφία ἀπὸ τῶν τέϰνων αὐτῆς πάντῶν.


Luc, vii, 29. Et tout le peuple qui l’a entendu, et même les péagers, ont justiflé Dieu, ayant reçu le baptême de Jean. Et toute la plèbe qui l’avait entendu, et les péagers justifiaient Dieu en se purifiant par la purification de Jean.

30. Mais les pharisiens et les docteurs de la loi, ne s’étant pas fait baptiser par lui, ont rejeté le dessein de Dieu à leur égard. Mais les pharisiens et les légistes ont rejeté le conseil de Dieu, ne s’étant pas fait purifier par Jean.
31. Alors le Seigneur dit : À qui donc comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui ressemblent-ils ? Et Jésus dit : À qui comparerai-je les gens de cette race 1) ?
32. (Matthieu, xi, 16, 17.) Ils ressemblent aux enfants qui sont assis dans une place, et qui crient les uns aux autres, et disent : Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez point dansé ; nous nous sommes lamentés et vous n’avez point pleuré. Ils sont semblables aux petits enfants. Les enfants sont assis dans la rue et bavardent entre eux. Ils disent : nous faisons la musique et vous ne dansez pas ; nous racontons et vous ne pleurez pas.
33. (Matthieu, xi, 18.) Car Jean-Baptiste est venu, ne mangeant point de pain et ne buvant point de vin ; et vous avez dit : Il a un démon. Jean est venu, il ne boit pas, ne mange pas et l’on dit : le démon est en lui.
34. (Matthieu, xi, 19.) Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant ; et vous avez dit : Voilà un mangeur et un buveur, un ami des péagers et des gens de mauvaise vie. Le Fils de l’homme est venu. Il mange et boit, et l’on dit : Voilà un mangeur et un buveur ami des péagers et des débauchés.
Mais la sagesse a été justifiée par tous ses enfants Mais la sagesse a été justifiée d’après ses actes 2).

Remarques.

1) Les gens de cette race, se rapporte évidemment aux pharisiens.

2) Dans plusieurs manuscrits, il y a ἔργων, les actes. Le sens est le même mais plus clair. C’est pourquoi j’ai choisi ἔργων.

Le passage obscur, sur les enfants, devient clair si on le rapporte aux légistes et aux pharisiens, c’est-à-dire aux riches et aux puissants, opposés à la plèbe et aux adjudicataires méprisables. L’idée est que pour connaître Dieu, les Pharisiens et les légistes s’empruntent mutuellement la doctrine. La même pensée se retrouve chez Jean, v, 43, 44 : Je suis venu au nom de mon père et vous ne m’avez pas reçu, et si un autre vient en son nom vous le recevrez. Comment pouvez-vous croire, quand vous acceptez la gloire les uns des autres et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?

Ils sont comme les enfants dans la rue : ils bavardent et s’étonnent qu’on ne les écoute ni ne les admire. Et comment peut-on les comprendre quand eux-mêmes ne savent ce qu’ils disent ? Ils veulent s’amuser, mais Jean exige le repentir, le renoncement aux richesses. Ils veulent observer les jeûnes, le sabbat, répudier les pécheurs, et Jésus n’ordonne ni de jeûner ni d’observer le sabbat ni de renier les pécheurs.


Τότε ἤρξατο ὀνειδίζειν τὰς πόλεις, ἐν αἶς ἐγένοντο αἱ πλεῖσται δυνάμεις αὐτοῦ, ὅτι οὐ μετενόησαν. Matthieu, xi, 20. Alors il se mit à faire des reproches aux villes où il avait fait plusieurs de ses miracles 1), de ce qu’elles ne s’étaient point amendées :
Οὐαί σοι, Χοραζίν, οὐαί σοι, Βηθσαϊδάν· ὅτι εἰ ἐν Τύρῳ ϰαὶ Σιδῶνι ἐγένοντο αἱ δυνάμεις αἱγενόμεναι ἐν ὑμῖν, πάλαι ἄν ἐν σάϰϰῳ ϰαὶ σποδῷ μετενόησαν. (Luc, x, 13.) Malheur à toi Corazin ? malheur à toi Betsaïda 2) ! car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous eussent été faits à Tir et à Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties en prenant le sac et la cendre.

Ηλὴν λέγω ὑμῖν, Τύρώ ϰαὶ Σιδῶνι ἀνεϰτότερον ἔσται ἐν ἡμέρᾳ ϰρίσεως, ἤ ὑμῖν. 22. (Luc, x, 14.) C’est pourquoi je vous dis que Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous au jour du jugement.
Καὶ σύ, Καφερναούμ, ἡ ἕως τοῦ οὐρανοῦ ὑψωθεῖσα, ἕως ἅδου ϰαταβιβασθήσῃ· ὅτι εἰ ἐν Σοδόμοις ἐγένοντο αἱ δυνάμεις αἱ γενόμεναι ἐν σοὶ, ἔμειναν ἅν μέχρι τῆς σήμερον. 23. (Luc, x, 15.) Et toi, Capernaüm, qui as été élevée jusqu’au ciel, tu seras abaissée jusqu’en enfer ; car si les miracles qui ont été faits au milieu de toi eussent été faits à Sodome, elle subsisterait encore aujourd’hui.
Πλὴν λέγω ὑμῖν, ὅτι γῇ Σοδόμων· ἀνεϰτότερον ἔσται ἐν ἠμέρᾳ ϰρίσεως, ἤ σοί. 24. (Luc, x, 12.1 C’est pourquoi je te dis que ceux de Sodome seront traités moins rigoureusement que toi au jour du jugement.

Remarques.

Ces versets, traduits de cette manière, non seulement n’ont pas de sens doctrinal, ils n’ont même aucun sens. Pourquoi adresse-t-il des reproches aux villes ? Si elles croyaient à ses miracles, alors il n’y avait point lieu d’en faire, ou il en faisait peu ou les faisait mal.

S’il les blâme pour leur méfiance à l’endroit des miracles, pourquoi alors dit-il que : si les miracles faits à Corazin et à Capernaüm eussent été faits à Tyr et à Sidon, elles se repentiraient, prenant le sac et la cendre ; et que s’ils eussent été faits à Sodome, cette ville subsisterait encore aujourd’hui ?

En outre, une pareille traduction n’est liée ni à ce qui précède ni à ce qui suit. Tout d’un coup, à propos de l’explication de l’importance de Jean et du royaume du ciel, voilà des injures contre certaines villes. Tel est le sens, ou plutôt le non sens de ce passage.

La traduction de ce galimatias est tout à fait arbitraire :

1) δυνάμεις est interprété comme miracle, signification qu’il ne peut avoir.

2) ἔμειναν se rapporte à Sodome, quoique au pluriel, et bien que plus rapproché de δυνάμεις. De même μετενόησαν, au vingtième verset de Matthieu, se rapporte aussi à un inconnu quelconque, alors qu’il est lié à δυνάμεις.

J’ai essayé de traduire autrement, mais j’avoue que ma traduction ne tranche pas toutes les difficultés. Et ce passage obscur — qui ne renferme ni la négation de ce qui précède et suit ni un sens nouveau quelconque — reste incompréhensible.


SUR L’AVÈNEMENT DU ROYAUME DE DIEU

Ἐπερωτηθείς δέ ὑπό τῶν Φαρισαίων, πὸτε ἔρχεται ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ, ἀπεϰρίθη αὐτοῖς, ϰαὶ εἰπεν, οὐϰ ἔγχεται ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ, μετὰ παρὰτηρήσεως.

Οὐδέ ἐροῦσιν, Ἰδού ὦδε, ἤ, Ἰδού ἐϰεῖ· ἰδού γὰρ ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ ἐντὸς ὑμῶς ἐστιν.

Καὶ ἐροῦσιν ὑμῖν, Ἰδού· ὦδε, ἤ, Ἰδού, ἐϰεῖ· μὴ ἀπέλθητε, μηδέ διώξητε.

Ἐαν οὖν εἰπωσιν ὑμῖν Ἰδοὺ ἐν τῇ ἐρήμῳ ἐστίν, μὴ ἐξέλθητε· Ἰδού ἐν τοῖς ταμείοις, μὴ πιστεύσητε.

Ὥσπερ γὰρ ἡ ἀστραπὴ ἡ ἀστράπτουσα ἐϰ τῆς ὑπ' οὐρανόν εἰς τὴν ὑπ' οὐρανόν λάμπει, οὔτως ἔσται ϰαὶ ὁ υἱός τοῦ ἀνθρώπου ἐν τῇ ἡμέρᾳ αὐτοῦ.


Luc, xvii, 20. Les pharisiens lui ayant demandé quand le règne de Dieu viendrait, il leur répondit : Le règne de Dieu ne viendra point avec éclat ;
21. et on ne dira point : Le voici qui est ici ; ou : Le voilà qui est là ; car voici : le règne de Dieu est au milieu de vous.
Les pharisiens ayant demandé à Jésus quand et comment viendrait le royaume de Dieu ? il leur répondit : le royaume de Dieu ne vient pas de façon qu’on le remarque.
23. Alors on vous dira : Le voici qui est ici ; ou : Le voilà qui est là ; mais n’y allez point, et ne les suivez point ! On ne peut pas dire de lui : le voici ici, ou le voilà, parce que le royaume de Dieu est en vous.
Matthieu, xxiv, 26. Si donc on vous dit : Le voici dans le désert, n’y allez point : Le voici dans des lieux retirés, ne le croyez point. Et si l’on vous dit : le voici, il est venu, ou le voilà, il est là, n’y allez pas, n’y courez point.
Luc, xvii, 24. Car comme l’éclair brille et se fait voir depuis un côté du ciel jusqu’à l’autre, il en sera ainsi du fils de l’homme dans son jour. Car tel le feu du couchant qui brille au ciel pour un moment, tel sera en son temps le fils de l’homme.


L’ENTRETIEN AVEC NICODÈME

Ἦν δὲ ἄνθρωπος ἐϰ τῶν Φαρισαίων, Νιϰόδημος ὄνομα αὐτῷ, ἄρχων τῶν Ἰουδαίων.

Οὖτος ἦλθε πρὸς τὸν Ἰησοῦν νυϰτὸς, ϰαὶ εἶπεν αὐτῷ, Ῥαββὶ, οἴδαμεν ὅτι ἀπὸ Θεοῦ ἐλήλυθας διδάσϰαλος· οὐδείς γὰρ ταῦτα τά σημεῖα δύναται ποιεῖν ἅ σύ ποιεῖς, ἐὰν μὴ ᾖ ὁ Θεὸς μετ’ αὐτοῦ.


Jean, iii, 1. Il y avait un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, l’un des principaux Juifs. Il y avait un homme, un pharisien, nommé Nicodème, l’ancien des Juifs.
2. Il vint de nuit trouver Jésus et lui dit : Maître ! nous savons que tu es un docteur venu de la part de Dieu ; car personne ne saurait faire ces miracles que tu fais, si Dieu n’est avec lui. Il vint de nuit trouver Jésus et lui dit : Maître, nous savons que tu es venu de la part de Dieu pour enseigner, car personne ne pourrait donner des preuves pareilles 1) si Dieu n’était avec lui.

Remarques.

1) Ποιεῖν, outre le sens faire, uni à un substantif qui indique une action, prend la signification de l’action qu’indique ce substantif ; par exemple πρόδεσιν ποιεῖν, se décider (Éphésiens, iii, 11), ὁ ποιήσας τὸ ἔλεος, être clément (Luc, x, 37), etc. Σημεῖον signifie l’indice selon lequel on reconnaît. C’est pourquoi σημεῖα ποιεῖν doit être traduit : donner de pareilles preuves.


Ἀπεϰρίθη ὁ Ἰησοῦς ϰαὶ εἶπεν αὐτῷ, Ἀμὴν, ἀμὴν λέγω σοι, Ἐἀν μὴ τις γεννηθῇ ἄνωθεν, οὐ δύναται ἰδεῖν τὴν βασιλείαν τοῦ Θεοῦ.


Jean, iii, 3. Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, je te dis que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Et Jésus lui répondit : je te dis en vérité que celui qui n’est pas conçu 1) par Dieu, au ciel 2) peut seul ne pas comprendre ce que c’est que le royaume de Dieu.

Remarques.

1) γεννᾶσθαι, être conçu, être né du père. L’expression être conçu d’en haut signifie : être conçu de Dieu-Père.

2) ἄνωδεν, d’en haut, du ciel, de celui qui est au ciel, de Dieu. Pour éviter l’obscurité, je traduis du ciel, c’est-à-dire de l’infini.


Aux paroles de Nicodème : « Nous savons que tu viens de la part de Dieu », etc., Jésus répond sur le royaume de Dieu. L’absence de lien entre la réponse de Jésus et les paroles de Nicodème est remarquée de tous. Mais il me semble que si l’on comprend tout l’entretien avec Nicodème comme on le comprend d’ordinaire, alors non seulement il n’y a pas de lien entre les paroles de Jésus et celles de Nicodème, mais les paroles de ce dernier ne signifient rien, ne disent rien, ne provoquent aucune réponse et doivent être omises comme superflues.

Les paroles de Nicodème n’ont de sens que si on se rappelle qu’il leur faut ajouter : Comment donc dis-tu qu’il ne faut pas de culte divin, qu’il ne faut pas de temple, tandis que tu parles du royaume de Dieu ?

Nicodème voit que la doctrine est juste et importante, mais d’après tout ce que Jésus a dit auparavant, niant le culte religieux, il ne peut comprendre quel peut être le royaume de Dieu sans le Dieu des Juifs, qui était adoré dans le temple. Il ne le comprend pas, et seul, dans la nuit, il vient trouver Jésus et lui demande :

« Comment se fait-il que tu parles du royaume de Dieu alors que tu nies tout rapport envers Dieu ? »

Ce sens découle de ce qui précède — la destruction du temple ; et de ce qui suit — la réponse de Jésus. Jésus répond quel est son Dieu et ce qu’il entend par « le royaume de Dieu». Il est évident que si les paroles sur le Dieu des Juifs, qui lient le discours de Nicodème à celui de Jésus, ont été jamais prononcées, elles ont dû être supprimées ou dénaturées par les copistes qui croyaient au Dieu des juifs. Mais même sans ces paroles la logique de l’entretien est évidente si on le comprend comme tout ce qui précède.

La doctrine de Jésus Christ s’exprime en cela qu’il propage le royaume de Dieu et, en même temps, nie toute exécution de la loi et du culte au Dieu extérieur.

Le pensée de Nicodème est celle-ci : Tu propages le royaume de Dieu et tu nies le Dieu des Juifs : quel est donc ton royaume de Dieu, et quel est ton Dieu ? Et dès les premiers mots, Jésus répond à Nicodème qu’il est dit que le royaume de Dieu existe toujours, qu’il est en nous (Luc, xvii, 21), qu’on ne peut point ne pas le voir ; que l’homme pourrait ne pas voir le royaume de Dieu que s’il n’était pas conçu de Dieu. La forme conditionnelle des versets 3 et 5 ne signifie pas qu’il faut être conçu de Dieu, que l’homme doit tâcher de renaître d’en haut et de l’esprit, comme le comprend l’Église, ce qui n’a pas de sens, mais que chaque homme, par cela même qu’il est homme, est véritablement conçu d’en haut et de l’Esprit.


Λέγει πρὸς αὐτὸν ὁ Νιϰόδημος, Πῶς δύναται ἄνθρωπος γεννηθῆναι γέμων ὤν ; μὴ δύναται εἰς τὴν ϰοιλίαν τῆς μητρός αὐτοῦ δεύτερον εἰσελθεῖν ϰαὶ γεννηθῆσαι.


Jean, iii, 4. Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère, et naître une seconde fois ? Nicodème lui dit : Comment l’homme peut-il être conçu quand il est vieux ? Il ne peut pas rentrer pour la deuxième fois dans le sein de sa mère et être conçu 1).

Remarques.

1) La signification de γεννᾶσθαι, être conçu du père est confirmée par les paroles de Nicodème. Nicodème dit : L’homme était déjà conçu, avant de naître ; comment peut-il donc être conçu une deuxième fois ? Est-ce qu’il faut se détruire et de nouveau être conçu de Dieu dans le sein de sa mère ?

Nicodème, dans son incompréhension, dit mot à mot ce que dit l’Église sur la conception de Jésus dans le sein de Marie, par le Saint-Esprit, dans le sens de père charnel.


Ἀπεϰρίθη ὁ Ἰησοῦς, Ἀμὴν ἀμὴν λέγω σοι, ἐὰν μή τις γεννηθῇ ἐξ ὗδατυς ϰαὶ Πνεύματυς, οὐ δύναται εἰσελθεῖν εἰς τῂν βασιλείαν τοῦ Θεοῦ.


Jean, iii, 5. Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te dis que si un homme ne naît d’eau et d’esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Jésus lui répondit : Je te dis en vérité que celui-là seul qui n’est pas conçu de la chair 1) et aussi de l’esprit, ne peut pas entrer dans le royaume de Dieu.

Remarques.

1) ὓδωρ, eau, signifie encore le liquide du corps humain, la chair liquide.

(Jean, xix, 34). « Sorti du sang et de l’eau ».


Τὸ γεγεννημένον ἐϰ τῆς σαρϰὸς σάρξ ἐστι· ϰαὶ τὸ γεγεννημένον ἐϰ τοῦ Πνεύματος πνεῦμά ἐστι.

Τὸ πνεῦμα ὅπου θέλει πνεῖ, ϰαὶ τὴν φωνὴν αὐτοῦ ἀϰούεις, ἀλλ’ οὖϰ οἶδας ποθεν ἔρχεται ϰαὶ ποῦ ὑπάγει· οὔτως ἐστι πᾶς ὁ γεγεννημένος ἐϰ τοῦ Πνεύματος.


Jean, iii, 6. Ce qui est né de la chair, est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ce qui est conçu du corps est corps et ce qui est conçu de l’esprit est esprit.
8. Le vent souffle où il veut et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient ni où il va. Il en est de même de tout homme qui est né de l’Esprit. L’esprit souffle là où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où 1) il vient et où il va. Ainsi en est-il de quiconque est conçu de l’esprit 2).

Remarques.

1) ὅπου signifie indifféremment et quand.

2) J’intervertis les versets 7 et 8, parce qu’il est plus naturel à notre esprit de donner d’abord l’explication, et ensuite d’ajouter : « C’est pourquoi ne t’étonne point…, que de dire, comme chez Jean : « Pour que tu ne t’étonnes pas… je te dis », et de donner ensuite l’explication.


μὴ θαυμάσῃς ὅτι εἶπον σοι, Αεἶ ὑμᾶς γεννηθῆναι ἄνωθεν.


Jean, iii, 7. Ne t’étonne point de ce que je t’ai dit : Il faut que vous naissiez de nouveau. C’est pourquoi ne t’étonne point que je te dise : Nous devons être conçus de Dieu.


Ce verset a une signification importante et profonde, et chacun des mots qui le composent a également une signification importante et profonde. Et cette signification n’est nullement mystérieuse et mystique ; elle est très claire bien que profonde.

Dans le verset 3, il est dit que l’homme doit être conçu du ciel, c’est-à-dire de Dieu. Nicodème ayant compris cette conception au sens charnel, Jésus lui dit que, outre la conception charnelle, il y a encore une conception non charnelle. Et pour exprimer ce qui n’est pas la chair, il emploie le mot esprit.

Maintenant (versets 6 et 8) il explique qu’en l’homme il y a la chair de la chair et l’esprit de l’esprit. Ici Jésus définit ce qui est le commencement de la vie non charnelle, et il dit l’esprit, c’est-à-dire ce qui n’est pas la chair, ce qui souffle, c’est-à-dire se meut et vit où et quand il veut, librement, indépendamment. Et on comprend sa voix, c’est-à-dire que c’est raisonnable ; mais on ne sait pas d’où il vient ni où il va, c’est-à-dire qu’il est hors des causes et des conséquences, en dehors de la loi de causalité.

Il faut dire : l’élément spirituel vit librement, raisonnablement, et en dehors des causes et des fins. De cette façon chacun comprend ; et on ne peut pas dire autrement.


Ἀπεϰρίθη Νιϰόδημος ϰαὶ εἶπεν αὐτῷ, Ηῶς δύναται ταῦτα γενέσθαι ;

Ἀπεϰρίθη ὁ Ἰησοῦς ϰαὶ εἶπεν αὐτῷ, Σύ εἶ ὁ διδάσϰαλος τοῦ Ἰσραὴλ, ϰαὶ ταῦτα οὐ γινώσϰεις ;


Jean, iii, 9. Nicodème lui dit : Comment ces choses se peuvent-elles faire ? Et Nicodème lui dit : Comment cela peut-il être ?
10. Jésus répondit : Tu es un docteur en Israël, et tu ne sais pas ces choses ? Jésus lui répondit : Tu es maître et tu ne comprends pas cela 1).

Remarques.

1) Le point d’interrogation n’est pas nécessaire. Jésus dit : Toi, docteur en Israël, naturellement tu ne peux le savoir.


Ἀμὴν ἀμὴν λέγω σοι, ὅτι ὁ οἵδαμεν λαλοῦμεν, ϰαὶ ὁ ἑωράϰαμεν μαρτυροῦμεν· ϰαὶ τὴν μαρτυρίαν ἡμῶν οὐ λαμβάνετε.

Εἰ τὰ ἐπίγεια εἶπον ὑμῖν, ϰαὶ οὐ πιστεύετε. πῶς, ἐάν εἴπω ὑμῖν τά ἐπουράνια, πιστεύσετε ;


Jean, iii, 11. En vérité, en vérité, je te dis que nous disons ce que nous savons, et que nous rendons témoignage de ce que nous avons vu ; mais vous ne recevez point notre témoignage. Je le dis justement : nous disons ce que nous savons ; nous montrons ce que nous avons vu et vous n’acceptez point notre témoignage.

12. Si je vous ai parlé des choses terrestres, et que nous ne les croyiez point comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes ? Je vous ai dit ce qu’il y a sur la terre et vous ne me croyez pas ; comment donc me croirez-vous si je vous dis ce qu’il y a dans le ciel 1) ?

Remarques.

1) τὰ ἐπίγεια et τὰ ἐπουράνια sont mal traduits par terrestre et céleste ; cela signifie ce qui est sur la terre et ce qui est au ciel.


Καὶ οὐδεὶς ἀναβέβηϰεν εἰς τὸν οὐρανόν, εἰ μὴ ἐϰ τοῦ οὐρανοῦ ϰαταβάς, ὁ υἱός τοῦ ἀνθρώπου ὁ ὤν ἐν τῷ οὐρανῷ.


Jean, iii, 13. Aussi personne n’est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel, savoir le Fils de l’homme qui est dans le ciel. Personne donc 1) n’est allé au ciel excepté le fils de l’homme 2) qui est descendu du ciel, celui qui est au ciel 3).

Remarques.

1) Dans plusieurs manuscrits il y a οὐδεὶς δή, donc.

2) Ici pour la première fois se rencontre l’expression « le Fils de l’homme » dans le sens particulier que lui attribue Jésus. Dans le verset sur le sabbat où il est dit : « Le sabbat a été institué par le fils de l’homme », « le fils de l’homme » signifie simplement « l’homme ». Dans le verset. « Les anges monteront et descendront » cette expression peut être comprise simplement : « l’homme ». Mais ici l’expression est précisément employée dans son sens particulier.

Auparavant on a dit qu’il y a en l’homme cet esprit conçu au ciel, de Dieu. Maintenant il est dit que jamais personne n’est allé au ciel, que personne n’est monté jusqu’à Dieu, ce qui fait que nous ne pouvons parler de Dieu, mais que Dieu du ciel est descendu, a été conçu, le fils de l’esprit, l’esprit de l’homme, celui-là même qui reste toujours au ciel avec Dieu. C’est pourquoi « le fils de l’homme » signifie l’esprit, le fils de l’esprit en l’homme. Pour celui qui connaît l’évangile il est inutile de citer les passages dans lesquels se rencontrent les expressions « fils de l’homme » et « fils de Dieu » en parlant des hommes. Tous ont cette seule signification.

Jean, vi, 27. Que le fils de l’homme vous donnera, car le Père qui est Dieu, l’a marqué de son sceau.

Matthieu, v, 45. Afin que vous soyez enfants de votre père.

Luc, vi, 35, … et vous serez les enfants du Très-Haut.

3) ὁ ὤν ἐν τῷ οὐρανῷ signifie littéralement, celui qui est au ciel. « Être au ciel » signifie être Dieu ; Ciel et Dieu s’équivalent. C’est pourquoi celui qui est au ciel signifie celui qui est Dieu.


Καὶ ϰαθώς Μωσῆς ὕψωσε τὸν ὅφιν ἐν τῇ ἐρήμῳ, οὐτως ὑψωθῆναι δεῖ τὸν υἱόν τοῦ ἀνθρώπου.


Jean, iii, 14. Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même, il faut que le Fils de l’homme soit élevé. Et comme Moïse rehaussa 1) le serpent dans le désert (pour que les hommes ne périssent pas), de même il faut rehausser le fils de l’homme.

Remarques.

1) ὑψόειν signifie élever, rehausser, au sens spirituel, par l’orgueil. (Matth. xi, 23 ; Luc i, 52 ; Actes xiii, 17 ; ii Corinth. xi, 7, etc).

Ici, où l’on parle du serpent que Moïse ordonna d’adorer, et dont l’adoration sauvait, à cause du sens des paroles, il faut comprendre le mot ὔψωσεν comme l’adoration τὸν ὄφιν ἐν τῇ ἑρήμῳ. Pour comprendre parfaitement l’expression : rehaussé comme le serpent dans le désert, il faut comprendre ce qui est dit du serpent dans le désert. Livre des Nombres, xxi, 5-8.

Le peuple donc parla contre Dieu et contre Moïse, et dit : Pourquoi nous as-tu fait monter hors de l’Égypte, pour mourir dans ce désert ? car il n’y a point de pain, ni d’eau et notre âme est ennuyée de ce pain si léger.

Et l’Éternel envoya sur le peuple des serpents brûlants qui mordaient tellement le peuple, qu’il en mourut un grand nombre de ceux d’Israël.

Alors le peuple vint vers Moïse, et dit : Nous avons péché ; car nous avons parlé contre l’Éternel et contre toi. Prie l’Éternel, et qu’il ôte de dessus nous les serpents. Et Moïse pria pour le peuple.

Et l’Éternel dit à Moïse : Fais-toi un serpent brûlant et mets-le sur une perche ; et il arrivera que quiconque sera mordu, et le regardera, sera guéri.

« Rehausser le fils de l’homme, comme Moïse rehaussa le serpent », signifie se rapporter envers le fils de l’homme comme les Israélites se rapportèrent envers le serpent, dans le désert : c’est-à-dire : croire en lui et en lui chercher son salut et sa vie. Par conséquent « rehausser le fils de Dieu en l’homme » comme Moïse rehaussa le serpent, signifie donner l’image du salut.


Ἵνα πᾶς πιστεύων εἰς αὐτὸν, μὴ ἀπόληται, ἀλλ’ ἔχῃν ζωὴν αἰώνιον.


Jean, iii, 15. Afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Afin que quiconque croit en lui ne périsse point 1), mais ait la vie en dehors du temps 2).

Remarques.

1) ἀπολλύναι signifie tuer, détruire, périr. Opposé ici à la vie éternelle, il signifie évidemment périr, mourir.

2) αἰώνιον signifie : qui se trouve en dehors du temps.


Οὔτω γὰρ ἠγάπησεν ὁ Θεός τὸν ϰόσμον, ὠστε τόν υἱόν αὐτοῦ τὸν μονογενῆ ἕδωϰεν, ἵνα πᾶς ὁ πιστεύων εἰς αὐτόν ἀπόληται, ἀλλ’ ἔχῃ ξωὴν αἰώνιον.


Jean, iii, 16. Car Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement 1) aimé le monde des hommes qu’il a donné son fils tel que lui, afin que quiconque croyant en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie en dehors du temps.

Remarques.

1) Le mot grec οὕτω ne se rapporte pas à ὥστε, premièrement, parce que, dans tout l’évangile il n’existe pas de rapport pareil entre ces deux mots, et qu’il est impropre à la langue évangélique ; deuxièmement, et principalement, parce qu’un tel rapport donnerait un sens impropre et déformé à toute la phrase. « Dieu a aimé tellement, qu’il a donné le fils », comme le comprend l’Église, c’est une conception impossible envers Dieu. On peut dire d’un homme : Il aimait tant qu’il a donné son dernier rouble ; mais d’un principe infini, de Dieu, on ne peut dire cela. On ne peut pas mesurer l’amour de Dieu, ni parler des sacrifices de Dieu. Οὕτω γὰρ ne fait qu’unir ce qui précède à ce qui suit. Il était dit : de même que Moïse a rehaussé le serpent, il faut rehausser le fils de l’homme pour que les hommes ne meurent point, pour qu’ils aient la vie. Et maintenant il est dit : de même que Moïse, aimant le peuple, fit le serpent pour que les hommes fussent sauvés, de même Dieu a donné au monde son fils pour le salut des hommes.

Ce verset et le suivant répondent à la pensée que devait avoir Nicodème, et qui se retrouve en tous les hommes quand ils songent à l’importance de leur vie : Pourquoi quelqu’un m’a-t-il créé pour mourir ? C’est à ce sentiment de chaque homme que Jésus répond. Il a dit auparavant que l’homme peut ne pas périr, ne pas se détruire, maintenant il le confirme et dit :

Dieu ne pouvait pas, pour la perte des hommes, leur donner son fils, sa vie ; mais il aimait le monde, et pour son bien il lui a donné la vie, non pour qu’elle périsse, mais pour qu’elle soit éternelle. Il faut aussi se rappeler que dans ce passage le mot Dieu ne peut être compris comme notre Dieu ou celui des Juifs, ni comme aucun être défini.

Il a été dit que personne n’a jamais connu ni ne connaît Dieu ; que personne n’est jamais allé au ciel, mais qu’il n’existe que le fils de l’homme descendu du ciel. Il est dit aussi que l’homme est né de l’Esprit, c’est pourquoi ici, par le mot Dieu, il ne faut entendre que la source, le commencement de l’Esprit en l’homme. De ce commencement il est dit seulement qu’il aimait le monde. Autrement dit, ce que nous savons de lui, c’est qu’il est subjectivement — amour, objectivement — bonheur.


Οὐ γὰρ ἀπέστειλεν ὁ Θεός τὸν υἱόν αὐτοῦ εἰς τὸν ϰόσμον ἵνα ϰρίνῃ τὸν ϰόσμον, ἀλλ’ ἵνα σωθῇ ὁ ϰόσμος δὶ αὐτοῦ.


Jean, iii, 17. Car Dieu n’a point envoyé son fils dans le monde pour condamner le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui. Dieu a envoyé 1) son fils dans le monde 2) non pour punir 3) le monde, mais pour que le monde en soit vivifié.

Remarques.

1) « Venir » dans le monde, selon la construction hébraïque de la phrase, signifie naître. C’est pourquoi « a envoyé dans le monde » peut être traduit est né pour le monde.

2) ϰόσμος, le monde, dans le sens du monde des hommes.

3) ϰρίνειν, diviser, choisir, distinguer, juger. Mais dans les Évangiles, les Messages, les Actes et surtout chez Jean, il a, le plus souvent, le sens de punir.

Jean, vii, 24. Ne jugez point selon l’apparence, mais jugez selon la justice.

Jean, viii, 50. Je ne cherche point ma gloire, il y en a un autre qui la cherche et qui en jugera.

Jean, xviii, 31. Sur quoi Pilate leur dit : Prenez-le vous-même et le jugez selon votre loi.

Actes, xxiii, 3, Alors Paul lui dit : Dieu te frappera, muraille blanchie, car tu es assis pour me juger selon la loi, et en transgressant la loi, tu commandes qu’on me frappe.

Actes, xxiv, 6. Il a même tenté de profaner le temple ; de sorte que nous l’avions saisi, et nous voulions le juger selon notre loi.

Dans ces passages, et plusieurs autres, le sens est indiscutablement celui de punir. Dans les passages doctrinaux où se rencontrent les mots ϰρίνειν et ϰρίσις, un seul mot, punition ou punir, les traduit ; et dans tous les passages sans exception :

Jean, v, 24. En vérité, en vérité je vous dis que celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle, et il ne sera point sujet à la punition ; mais il est passé de la mort à la vie.

Jean, xii, 47. Et si quelqu’un entend mes paroles et ne croit pas, je ne le juge point ; car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde.

Jean, xii, 31. C’est maintenant que se fait le jugement de ce monde ; c’est maintenant que le prince de ce monde va être chassé.

Jean, iii, 17. Car Dieu n’a point envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui.

Tous ces passages indiquent nettement qu’on oppose la mort à la vie et que par ϰρίνειν on entend l’état de mort.

Dieu a envoyé, donné, engendré le Fils pour le monde. Personne n’est monté au ciel ; ce n’est que le fils de l’homme qui est descendu du ciel. Chaque homme est né de Dieu. Alors cet esprit qui est en l’homme et qui est né de Dieu, et le fils de l’homme, qui est descendu du ciel, et le fils de Dieu donné au monde, et la lumière qui est venue dans le monde, tout cela c’est la même chose.

La lumière est ce que, dans l’introduction, on appelle l’entendement, λόγος. Le fait que « la lumière » signifie la même chose que « le fils de Dieu », « le fils de l’homme », « l’esprit » est confirmé par tout ce qui suit.

Il importe donc de retenir que tous ces noms 1) Dieu, 2) esprit, 3) fils de Dieu, 4) fils de l’homme, 5) lumière, 6) entendement, ont la même signification, et s’emploient l’un pour l’autre selon la phrase.

Quand on dit que c’est le commencement de tout, on l’appelle Dieu ; que c’est le centre de la chair, on l’appelle esprit. Quand on parle de lui, en tant que source, origine, on l’appelle le fils de Dieu ; et fils de l’homme quand on a en vue sa manifestation ; et quand on parle de son rapport envers la raison, cela s’appelle la lumière et l’entendement.


Ὁ πιστεύων εἰς αὐτὸν οὐ ϰρίνεται· ὁ δέ μὴ πιστεύων ἤδη ϰέϰριται, ὅτι μὴ πεπίστευϰεν εἰς τὸ ὄνομα τοῦ μονογενοῦς υἱοῦ τοῦ Θεοῦ.

Αὔτη δὲ ἐστιν ἡ ϰρίσις, ὅτι τὸ φῶς ἐλήλυθεν εἰς τὸν ϰόσμον, ϰαὶ ἠγάμησαν οἱ ἄνθρωποι μᾶλλον τὸ σϰότος, ἤ τὸ φῶς· ἦς γὰρ πονηρὰ αὐτῶν τὰ ἔργα.

Πᾶς γὰρ ὁ φαῦλα πράσσων μισεῖ τὸ φῶς, ϰαὶ οὐϰ ἔρχεται πρὸς τὸ φῶς, ἵνα μὴ ἐλεγχθῇ τὰ ἔργα αὐτοῦ·

Ὀ δέ ποιῶν τὴν ἀλήθειαν ἔρχεται πρὸς τὸ φῶς ἵνα φανερωθῇ αὐτοῦ τὰ ἐργα, ὅτι ἐν Θεῷ ἐστιν εἰργασμένα.


Jean, iii, 18. Celui qui croit en lui ne sera point condamné ; mais celui qui ne croit point est déjà condamné, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Celui qui croit au Fils ne sera pas puni, mais celui qui ne croit point est déjà puni, parce qu’il ne croit pas en cela même qu’il existe un fils pareil 1) à Dieu.
19. Or, voici la cause de la condamnation : c’est que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Cette punition est celle que la lumière est venue dans le monde, mais que les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
20. Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière de peur que ses œuvres ne soient reprises. Car quiconque fait de mauvaises actions 2), fuit la lumière, de sorte que 3) ses actes 4) ne paraissent point 5).

21. Mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites selon Dieu. Et celui qui vit en vérité, celui-là marche à la lumière, de sorte que ses actes paraissent.

Remarques.

1) μονογένης signifie de même espèce, pareil.

2) φαῦλος signifie mauvais, nul, vide.

3) ἵνα a dans la langue évangélique, surtout chez Jean, la signification ὥστε, de sorte que. Et ici il a cette signification (Jean xix, 2, 39 ; xii, 38, 40 ; xviii, 9, 32 ; xix, 24. Apoc. xiii, 13).

4) Dans quelques manuscrits il y a φανερωθῆ.

5) Dans la plupart des copies il n’y a pas le mot qui termine ce verset.


L’entretien avec Nicodème, c’est l’exposé complet de toutes les bases de la doctrine de Jésus sur le royaume de Dieu sur la terre. C’est l’explication de ce qu’est l’homme, de ce qu’est Dieu, de ce qu’est le royaume de Dieu. Cet entretien est d’une part, le développement des pensées principales exprimées dans la tentation au désert ; d’autre part, l’exposition, au nom de Jésus, de ces mêmes bases de la doctrine exprimées au nom de l’évangéliste Jean, dans l’Introduction.

Dans les chapitres postérieurs de l’évangile de Jean, excepté l’entretien d’adieu, où est exprimé ce qui ne l’est pas ici, les mêmes choses sont répétées mais considérées d’un autre point de vue. Mais les pensées principales sont toutes exprimées ici. Le chapitre v, sur la guérison le jour du sabbat ; le chapitre vi, sur le pain du ciel ; les entretiens dans le temple et les paroles à propos de la guérison de l’aveugle-né, expliquent, éclairent et confirment plusieurs choses. Mais les différents cas exposés sont détachés, ils répètent ce qui était dit auparavant, sont incomplets et parfois paraissent vagues, si l’on n’a pas en vue l’entretien avec Nicodème qui explique la pensée exprimée dans la tentation et répète celle de l’Introduction. Pour bien comprendre les entretiens suivants il est donc nécessaire de comprendre clairement ces pensées.


CE QUI EST DIT DANS L’ENTRETIEN AVEC NICODÈME

1. Dans les versets 1-5 il est dit : Outre cette cause de la vie que l’homme voit dans la conception de l’enfant dans le sein de sa mère, dans le père, la cause charnelle, il y a encore une autre cause de la vie de l’homme, non charnelle, spirituelle.

Ce commencement non charnel de la vie, Jésus l’appelle Père, Esprit. Cette pensée, Jésus l’exprima étant encore enfant, dans le temple, quand il appela Dieu, son Père. C’est par la même pensée que commencent les tentations : « Si tu es le fils de Dieu », et la même pensée est exprimée dans la réponse : Ce nest pas de pain que l’homme vivra, mais de l’Esprit qui descend de la bouche de Dieu. La même pensée est exprimée dans l’introduction : Au commencement était l’entendement, etc. (Jean i, 1). Tout est né par lui etc (Jean i, 3).

2. Les versets 7, 8, 9 expriment cette idée que ce commencement non charnel de la vie — raisonnable et libre — chaque homme le sent en soi et le comprend, bien qu’il n’en connaisse pas la source.

Dans l’Introduction la même pensée est exprimée dans les versets 4 et 5.

3. Dans les versets 11, 12, 13, il est dit que nous ne pouvons pas comprendre ce qui est au ciel, ce commencement non charnel, infini, comme le commencement en soi-même, mais que nous connaissons ce commencement infini parce qu’en nous, en l’homme, se trouve cet esprit qui est venu de l’infini, qui est l’infini lui-même. Et cet esprit en l’homme est ce que nous devons considérer comme le commencement de tout le commencement.

La même pensée est exprimée dans l’introduction et dans les versets de Jean, i, 18, 19.

4. Dans le verset 14 il est dit que c’est cet esprit en l’homme qui est venu de l’infini et qui se rapporte envers lui comme le fils envers le père. Que c’est ce commencement infini en l’homme qu’il faut adorer ; c’est-à-dire qu’il faut remplacer le Dieu inventé par ce véritable et unique Dieu.

Nous retrouvons la même chose dans les paroles de Jean-Baptiste sur le royaume de Dieu : quand l’esprit purifiera les hommes. De même quand il est dit à Nathaniel : que le ciel est ouvert à l’homme et que l’homme est en communion avec Dieu. De même il est dit à la Samaritaine : Dieu est esprit et il le faut servir en esprit et par les actes.

5. Dans le verset 15, il est dit que la foi en ce Dieu unique et véritable délivre les hommes de leur perte et leur donne la vie en dehors du temps.

La même pensée est exprimée dans les versets 10, 11, 12, et dans xx, 31.

Dans le verset 15 de l’entretien avec Nicodème, il est dit que la foi dans le fils de l’homme donne la vie qui ne se détruit pas. Dans l’Introduction il est dit que la foi les fera fils de Dieu. Croire au fils ou avoir la vie en dehors du temps, c’est la même chose. La même pensée est exprimée dans la tentation, où il est dit que Jésus, après la tentation, comprit la puissance de l’Esprit.

6. Dans les versets 16 et 17, il est dit que si nous avons le bien suprême pour nous, — la vie, — ce qui nous a donné ce bien devait désirer notre bonheur, c’est-à-dire nous aimer. De sorte que, bien que nous ne puissions connaître le commencement infini, nous savons de lui qu’il est le bonheur, (qu’il nous aime), que son rapport envers nous est l’amour et que notre vie est le bonheur.

Si Dieu, nous aimant, nous a donné la vie comme bonheur, alors il ne nous punit pas, ne nous fait pas périr, mais nous donne la vraie vie, en dehors du temps, sans aucun mal, comme il est dit dans l’épître de Jean : « Dieu est la lumière, et il n’y a pas en lui les moindres ténèbres ». Et c’est cette vie que nous avons, en supposant notre vie dans cet esprit — lumière, Dieu, qui est la source de notre vie.

L’idée que l’amour est la source de notre vie est exprimée en détail dans la parabole du vigneron et dans l’entretien d’adieu.

7. Dans le verset 18, il est dit que la vie nous est donnée en dehors du temps, en notre esprit ; qu’en nous écartant de la source de la vie nous nous détruisons temporairement, tandis que, si nous ne nous en écartons pas, nous avons la vie en dehors du temps.

La même pensée est exprimée dans l’Introduction, versets 4 et 5, et dans la tentation quand, après que Jésus a résolu de travailler pour Dieu seul, la force de Dieu lui vient en aide.

8. Dans les versets 19, 20, 21, il est dit que ce qui se présente à nous comme la punition, la mort, la destruction, n’est pas la conséquence d’une volonté quelconque, en dehors de nous, de Dieu, comme nous nous le figurons, mais la conséquence de notre propre volonté.

Pour comprendre clairement cette pensée, il ne faut pas perdre de vue que Jésus n’a jamais rien dit de la vie future. Au contraire, la niant absolument, il disait : que les morts ensevelissent leurs morts ; Dieu est le Dieu des vivants et non des morts. Il a dit seulement que la vie a une source temporaire, la chair, et une source en dehors du temps, l’esprit, le fils de Dieu.

En croyant à la source de la vie temporaire, l’homme se détruit, meurt ; en ne se fiant qu’à la source de la vie, l’esprit, en ne croyant qu’en lui, — le fils de Dieu, l’homme a la vie en dehors du temps, qui ne se détruit pas.

La manifestation dans le monde de la vie de l’entendement est semblable à la manifestation de la lumière dans les ténèbres ; et le rapport des hommes envers la vie est le même que le rapport des hommes envers la lumière. De même qu’il est au pouvoir de chaque homme de marcher dans la lumière ou de s’en éloigner, de même il est du pouvoir de chaque homme d’aller à l’entendement et à la vie ou de s’en éloigner. La perte, la destruction des hommes, ce n’est que l’éloignement volontaire de l’entendement et de la vie, de même que l’obscurité n’est que la conséquence de l’éloignement volontaire des hommes de la lumière.

La punition consiste en ceci : que les hommes qui font le mal s’éloignent eux-mêmes de l’entendement de la vie. Et de même que les hommes qui font le mal n’aiment pas la lumière et ne la recherchent point, pour qu’on ne voie point que leurs actes sont mauvais, de même les hommes qui font le mal n’aiment pas l’entendement et ne vont pas vers lui pour qu’on ne voie pas que leurs actes sont mauvais.

Être dans la lumière, cela signifie vivre dans l’esprit en dehors du temps. Être dans les ténèbres, cela signifie vivre en dehors de l’entendement, périr.

La même chose est dite dans l’Introduction, versets 4, 5, 9, 10, Jean i, ainsi que dans la tentation, quand Jésus dit qu’il ne travaille que pour Dieu, et que par cela même il triomphe du démon.

9. Toutes ces pensées expriment ce que Jésus entend par « le royaume de Dieu », que Jean et lui-même prêchent.

L’entretien commence par cette affirmation de Jésus : que chaque homme, du fait seul de la conception de Dieu, se trouve déjà dans le royaume de Dieu ; et tout l’entretien expose ce qu’il faut entendre par le royaume de Dieu et comment y entrer.

Élever le fils de Dieu en l’homme, se fier à lui, vivre dans la vérité, — cela signifie être dans le royaume de Dieu. Faire le contraire signifie se détruire ou ne pas être dans le royaume de Dieu.

L’entretien avec Nicodème se termine par les paroles suivantes : Dieu a envoyé son fils, tel que lui-même — la vie de l’entendement, et par cela il a fait que chaque homme peut éviter sa propre perte et vivre en dehors du temps, être le fils du royaume de Dieu.

Le but de Dieu n’est pas la mort des hommes, mais la vie. Ce n’est pas pour la mort mais pour la vie que la vie a été donnée à l’homme — la lumière de l’entendement.

Quiconque croit en l’esprit du fils vit dans la lumière de l’entendement ; celui-là ne meurt pas mais reste dans le royaume de Dieu. Mais celui qui ne croit pas en la lumière de l’esprit du fils, celui-là ne vit pas, il meurt.

La lumière de la vie est donnée aux hommes, mais ils font le mal et par là se privent de la vie. C’est la mort. Quiconque fait le mal sort de la lumière de l’entendement et se détruit, et celui qui vit d’après la vérité reste dans la lumière de l’entendement, il vit dans le royaume de Dieu.

Le parabole du semeur éclaire l’idée de ce verset. Le semeur c’est Dieu ; la semence c’est l’entendement. Les hommes gardent l’entendement, comme la route pierreuse et la bonne terre retiennent la semence. Tout le monde comprend ainsi cette parabole, et moi de même. Mais mon interprétation diffère de celle de l’Église en ce que moi, j’entends par le mot Dieu, ce que Jésus a défini par ce mot dans la tentation, dans l’entretien avec Nicodème, et l’entretien avec la Samaritaine, et non ce Dieu créateur, juif, que Jésus niait et que l’Église désigne par le mot « Dieu ».

Si Dieu est le créateur tout-puissant, bon et omniscient comme l’Église le comprend, alors une question se pose : comment, étant bon, a-t-il créé l’homme susceptible d’être mauvais et périssable ; pourquoi la mort ?

Dieu tout-puissant, omniscient, pouvait ne pas créer le mal, ou le faire cesser ; au lieu de cela, il a admis sa perpétuation et sa multiplication. Pourquoi fait-il périr les hommes qu’il pouvait délivrer du péché et de la mort ? Pourquoi a-t-il créé Satan et l’a-t-il laissé déchoir ? Admettant Dieu créateur de tout, pour expliquer cette contradiction, il devint nécessaire d’inventer le diable, la chute d’Adam, la rédemption, la grâce…

L’ignorance de la doctrine de Jésus, niant le Dieu créateur juif, et remplaçant ce Dieu par Dieu esprit unique, père du fils de l’homme — l’entendement, conduisait fatalement à l’invention des dogmes stupides et immoraux sur la création, par Dieu, d’esprits méchants, sur la rédemption, sur les souffrances éternelles. Il suffit de comprendre ce qui est dit dans le chapitre précédent et dans tout l’évangile, sur le fils de l’homme, pareil au Père, que Jésus reconnaît, pour que cette contradiction disparaisse. Les paraboles du semeur et autres semblent pressentir la question sur ce que l’homme appelle le mal, et répondent à cette question.

Jésus a déclaré que personne n’a vu et ne connaît Dieu créateur, législateur et juge, mais qu’en l’homme existe l’esprit qui est descendu du commencement infini — le fils de l’esprit, la lumière de l’entendement, et que la vie est en lui.

Dans l’entretien avec Nicodème, il est dit que la source de la vie, Dieu, a donné la vie au monde, en l’aimant. Il n’est dit nulle part que Dieu aime chaque homme, mais il est dit expressément que Dieu aima le monde, c’est-à-dire les hommes, en général, et voulut leur donner la vie ; et c’est pourquoi il donna au monde le fils, et par cela donna au monde, c’est-à-dire aux hommes, en général, la vie et la possibilité de rentrer dans le royaume de Dieu. Et c’est à ce verset que sont liées les paraboles du semeur.


LES PARABOLES DU SEMEUR ET AUTRES QUI EXPLIQUENT
LE ROYAUME DE DIEU

La première parabole du semeur est la représentation extrême de ce qu’est ce Dieu qui a donné la vie au monde, et pourquoi et comment il donna cette vie. Cette représentation extrême de Dieu, commencement de tout, ne peut être exprimée que par la similitude.

La similitude est la suivante : le semeur qui aime le froment, qui le cultive, représente Dieu qui aime le monde et en prend soin. Le semeur ne se soucie pas de chaque grain en particulier ; de même Dieu ne se soucie pas de chaque homme en particulier. Le semeur se soucie de la récolte, sachant que malgré la perte de plusieurs grains la récolte viendra quand même ; et il sème partout ; de même Dieu sème partout, sachant que malgré la perte de plusieurs semences il sera la récolte.

Et Dieu ne s’occupe pas davantage des actes de ce monde, comme cela est exprimé dans la parabole (Marc, iv, 26-29).

Si l’on entend Dieu comme Jésus le définit, l’accusation dressée contre Dieu d’avoir créé le mal et la mort, et par suite d’aimer le mal et la mort, tombe d’elle-même. Cette accusation devient une question personnelle appliquée inexactement à un cas général.

L’homme accusant Dieu d’avoir permis la mort, cela est aussi absurde que le seraient les plaintes d’un des millions de grains de bouleaux, voyant que les autres germent, tandis que lui, tombé dans la rivière, périt.

Celui qui créa des millions de grains ne les fit point pour qu’ils périssent, mais au contraire, il en a fait des millions pour qu’ils ne périssent point. C’est pourquoi son but, c’est la vie et non la mort.

Du point de vue général, du point de vue de Dieu, du commencement de tout, c’est raisonnable.

Mais si l’on demande pourquoi l’on porte en soi la mort, la réponse à cette question est intérieure : Cette réponse est donnée dans la parabole et dans tous les passages doctrinaux de l’évangile : parce que vous le voulez. Chaque grain a la possibilité de croître et de porter des fruits, et chaque homme a la possibilité de devenir fils de Dieu et de ne pas connaître la mort.

Jésus fait attention à l’inexactitude de la comparaison dans l’explication de la parabole quand il dit (Luc) : Regardez comme vous comprenez. De sorte que la parabole répond à la question des deux côtés : du côté extérieur et du côté intérieur, et établit une démarcation nette entre l’intelligence extérieure du royaume de Dieu, buts et intentions de Dieu, et l’intelligence intérieure du royaume de Dieu, la possibilité pour chacun d’y entrer.


Ἐν δὲ τῇ ἡμέρᾳ ἐϰείνῃ, ἐξελθών ὁ Ἰησοῦς ἀπό τῆς οἰϰίας ἐϰάθητο παρὰ τῂν θαλασσαν·

Καὶ συνήχησαν πρὸς αὐτὸν ὄχλοὶ πολλοί, ὤστε αὐτόν εἰς τὸ πλοῖον ἐμβάντα ϰαθῆσθαι ϰαὶ πᾶς ὁ ὄχλος ἐπὶ τὸν αἰγιαλόν εἱστήϰει.

Καὶ ἐλάλησεν αὐτοῖς πολλά ἐν παραβολαῖς, λέγων. Ἰδού, ἐζῆλθεν ὁ σπείρων τοῦ σπείρειν.

Καὶ ἐγένετο ἐν τῷ σπείρειν, ὅ μέν ἔπεσε παρὰ τὴν ὀδόν, ϰαὶ ἦλθε τὰ πετεινά τοῦ οὐρανοῦ ϰαὶ ϰατέφαγεν αὐτό·

Ἅλλο δέ ἔπεσεν ἐπί τὸ πετρῶδες, ὅπου οὐϰ εἶχε γὴν πολλήν· ϰαὶ εὐθέως ἐξανέτειλε, διά τὸ μὴ ἔχειν βάθος γῆς.

Ἡλιου δέ ἀνατείλαντος ἐϰαυματίσθη, ϰαὶ διά τὸ μὴ ἔχειν ῥίζαν ἐξηράνθη.

Καὶ ἄλλο ἔπεσεν εἰς τάς ἀϰάνθας· ϰαὶ ἀνιβησαν αἰ ἄϰανθαι, ϰαὶ συνέπνιξαν αὐτό, ϰαί ϰαῥπόν οὐϰ ἔδωϰε.

Καὶ ἄλλο ἔπεσεν εἰς τὴσς γῆς τὴς ϰαλήν· ϰαί ἐδιδου ϰαρπὸν ἀναβαίνοντα ϰαὶ αὐξάνοντα, ϰαὶ ἔφερεν ἐν τορὰϰοντα, ϰαὶ ἔν ἐξήϰοντα, ϰαὶ ἔν ἐϰατόν.

Καὶ ἔλεγεν αὐτοῖς, Ὁ ἔχων ὦτα ἀϰούειν ἀϰουέτω.


Matthieu, xiii, 1. Ce même jour Jésus étant sorti de la maison s’assit au bord de la mer. Jésus sortit de la maison et s’assit au bord de la mer.
2 Et une grande foule de peuple s’assembla vers lui ; en sorte qu’il monta dans une barque. Il s’y assit et toute la multitude se tenait sur le rivage. Et une telle foule s’assembla vers lui que du bord il monta dans une barque. Et le peuple resta sur le rivage.
3. Et il leur dit plusieurs choses par des similitudes, et il leur parla ainsi : Un semeur sortit pour semer. Et il leur dit : Une fois, un propriétaire se mit à semer.
Marc, iv, 4. Et il arriva qu’en semant, une partie de la semence tomba le long du chemin ; et les oiseaux vinrent, et la mangèrent toute. Des grains tombèrent sur la route et les oiseaux les picorèrent.
5. Une autre partie tomba sur des endroits pierreux, où elle avait peu de terre ; et elle leva d’abord, parce qu’elle n’entrait pas profondément dans la terre ; D’autres tombèrent parmi les pierres 1), ils levèrent rapidement et sortirent.
6. Mais quand le soleil fut levé, elle fut brûlée ; et parce qu’elle n’avait pas de racine, elle sécha. Mais quand le soleil les chauffa ils se fanèrent aussitôt parce qu’ils n’avaient point de terre pour enfoncer leurs racines, et c’est pourquoi ils desséchèrent.
7. Une autre partie tomba parmi les épines, et les épines crûrent, et l’étouffèrent, et elle ne rapporta point de fruit. D’autres tombèrent parmi les mauvaises herbes, poussèrent ; mais les mauvaises herbes les étouffèrent, (et ils ne donnèrent pas de grains).

8. Et une autre partie tomba dans une bonne terre, et rendit du fruit, qui monta et crût ; en sorte qu’un grain en rapporta trente, un autre soixante, et un autre cent. Enfin les autres tombèrent sur une bonne terre, et les épis poussèrent et les uns donnèrent cent fois plus de grains, les autres cinquante, les autre trente.
9. Et il leur dit : Que celui qui a des oreilles pour ouïr entende. Celui qui a du bon sens comprendra.

Remarques.

1) J’ai déplacé les mots sur le manque de terre, pour garder une forme plus littéraire.


Dans le monde infini, incompréhensible des hommes, l’entendement fut envoyé et vint.

L’entendement est répandu parmi tous les hommes, de même qu’un nombre incalculable de grains est répandu par le semeur sur tout son champ, ainsi que sur la route, les cailloux et les mauvaises herbes.

Le semeur sait que dans son champ il y a le chemin, les pierres, les mauvaises herbes, que beaucoup de grains se perdent, cependant il sait que le champ vaut la peine d’être ensemencé. Il sait que malgré la perte, beaucoup de grains croîtront et qu’il y aura une récolte. Ainsi est dispersée la vie de l’entendement parmi les hommes. Il y aura perte, mais aussi récolte. De ce nombre incalculable de grains une petite partie périra, mais l’autre rendra cent fois, cinquante fois, trente fois plus.

De même, la vie de l’entendement est dispersée sur tous les hommes : les uns perdent cette vie, les autres rendent en double.

Le semeur sème les grains, et ce ne sont que les grains qui lui sont nécessaires, et il ne ramassera que des grains. L’amour mystérieux sème la vie de l’entendement et il ne récoltera que la vie de l’entendement.

Les hommes qui ont la vie de l’entendement sont nécessaires au semeur ; ceux qui l’ont perdue ne lui sont pas nécessaires.

Tous étaient des grains. Les uns se sont perdus encore à l’état de grain ; les autres en poussant. Ainsi sont les hommes : les uns avant, les autres après ont perdu la vie de l’entendement. Seuls ceux qui gardent en eux l’entendement, pour ne pas cesser d’avoir la vie, d’être ce de quoi ils sont sortis, ceux-là seuls vivent ; les autres périssent.

Tel est le sens extérieur. Les uns, tels les grains tombés sur le mauvais terrain, semblent prédestinés à la perte ; les autres à la vie exubérante. Mais, ayant dit cela, Jésus ajoute aussitôt : « Celui qui a des oreilles entendra », paroles qu’il ajoute toujours quand on peut comprendre faussement ce qu’il dit, quand le sens de ses paroles est double.


Une autre parabole du semeur (Marc iv, 26 29) exprime la même pensée sur la manière de comprendre le but de Dieu et sa participation à la vie du monde.

Καὶ ἔλεγεν· Οὔτως ἐστίν ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ, ὡς ἐὰν ἄνθρωπος βάλῃ τὸν σπόρον ἐπὶ τῆς γῆς.

Καὶ ϰαθεύδῃ, καὶ ἐγείρηται νύϰτα ϰαὶ ᾑμέραν· ϰαὶ ὁ σπόρος βλαστάνῃ, ϰαὶ μηϰυνηται ὡς οὐϰ οἶδεν αὐτὸς.

Αὐτομάτη γὰρ ἡ γῆ ϰαρποφορεῖ, πρῶτον χόρτον, εἶτα στάχυν, εἶτα πλήρη σῖτον ἐν τῷ ρτάχυϊ.

Ὄταν δέ παραδῷ ὁ ϰαρπός, εὐθέως ἀποστέλλει τὸ δρέπανον, ὅτι παρέστηϰεν ὁ θερισμός.


Marc, iv, 26. Et il dit : Il en est du royaume de Dieu comme si un homme avait jeté de la semence en terre ; Et il dit : le royaume de Dieu est tel comme si un propriétaire jetait des grains en terre.
27. soit qu’il dorme ou qu’il se lève, la nuit ou le jour, la semence germe et croît sans qu’il sache comment. Il dort la nuit, se lève le jour et le grain pousse et croît, et lui-même ne sait comment.
28. Car la terre produit d’elle-même premièrement l’herbe, ensuite l’épi, et puis le grain tout formé dans l’épi ; La terre elle-même fait croître le grain, ensuite l’épi, et ensuite, dans l’épi, le grain.
29. Et quand le fruit est dans sa maturité, on y met aussitôt la faucille, parce que la moisson est prête. Et si le grain se dessèche, il envoie aussitôt les faucheurs, car le temps de la moisson est venu.

L’entendement donne la vie aux hommes ; mais la source de l’entendement, Dieu, ce Dieu que personne ne vit jamais et qui ne dirige pas les hommes, comme ce paysan qui a semé le grain ne s’en occupe plus. Il ne sait qu’une chose qu’il accepte, c’est l’entendement. De même que le paysan prend au champ le même grain qu’il sème, de même l’entendement chez les hommes s’unit à la source de l’entendement.


La même pensée est ainsi exprimée dans la parabole du levain.

Ἄλλην παραβολήν ἐλάλησεν αὐτοῖς. Ὁμοία ἐστίν ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν ζύμῃ, ἤν λαβοῦσα γυνὴ ἐνέϰρυψεν εἰς αλεύρου σάτα τρία, ἔως εζυμώθη ὄλον.


Matthieu, xiii, 33. Il leur dit une autre similitude : le Royaume des cieux est semblable à du levain qu’une femme prend et qu’elle met parmi trois mesures de farine, jusqu’à ce que la pâte soit toute levée. Le royaume du ciel est comme le levain. La femme le prend et le met dans la farine jusqu’à ce que la pâte soit toute levée.


La femme a mis le levain et a laissé la pâte jusqu’à ce qu’elle soit toute levée. La femme n’a besoin de rien faire. Ce qu’elle a fait suffit pour atteindre le résultat dont elle a besoin.

La terre produit elle-même ; le levain fermente lui-même ; de même la vie de l’entendement, vit elle-même et ne cesse pas.


À nouveau, la parabole du semeur et de la mauvaise herbe exprime la même pensée (Matthieu xiii, 24-30), mais avec une signification nouvelle et profonde qui donne une réponse directe à cette question des hommes : Qu’est-ce qui est le mal, comment l’homme doit-il le comprendre et se comporter envers lui ?

Ἄλλην παραβολήν παρέθηϰεν αὐτοις, λέγων· Ὡμοιώθη ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν ἀνθρώπῳ σπείροντι ϰαλόν σπέρμα ἐν τῷ ἀγρῷ αὐτοῦ.

Ἐν δὲ τῷ ϰαθεύδειν τοὺς ἀνθρώπους, ἦλθεν αὐτοῦ ὁ ἐχθρός, ϰαὶ ἔσπειρε ζιζάνια ἀνὰ μέσον τοῦ σίτου ϰαὶ ἀπῆλθεν.

Ὄτε δὲ ἐβλάστησεν ὁ χόρτος, ϰαὶ ϰαρπόν ἐποίησε, τότε ἐφάνη ϰαὶ τὰ ζιζάνια.

Προσελθόντες δὲ οἱ δοῦλοι τοῦ οἰϰοδεσπότου εἶπον αὐτῷ· Κύριε, οὐχί ϰαλόν σπέρμα ἔσπειρας ἐν τῷ σῷ ἀγρῷ ; πόθεν οὖν ἔχει τὰ ζιζάνια ;

Ὁ δὲ ἔφη αὐτοῖς· Ἐχθὸς ἄνθρωπος τοῦτο ἐποίησεν. Οἱ δὲ δοῦλοι εἶπον αὐτῷ·

Θέλεις οὐν ἀπελθόντες συλλέζωμες αὐτά ;

Ὁ δὲ ἔφὴ· Οὔ, μήποτε συλλέγοντες τὰ ζιζάνια, ἐϰριζώσητε ἄμα αὐτοῖς τὸν σῖτον.

Ἄφετε συναυξάνεσθαι ἀμφότερα μέχρι τοῦ Θερίσμοῦ· ϰαὶ ἐν τῷ ϰαιρῷ τοῦ Θερισμοῦ ἐρῶ τοῖς Θερισταῖς· Συλλέξατε πρῶτον τὰ ζιζάνια, ϰαὶ δήσατε αὐτὰ εἰς δέσμας, πρὸς τὸ ϰαταϰαῦσαι αὐτά τὸν δὲ σῖτον συναγάγετε εἰς τὴν ἀποθήϰην μου.


Matthieu, xiii, 24. Jésus leur proposa une autre similitude, en disant : le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bonnes semences dans son champ. Et Jésus dit : Voici à quoi l’on peut comparer le royaume de Dieu. Un propriétaire avait ensemencé son champ avec de bons grains.
25. Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint qui sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla. Pendant la nuit son ennemi vint et sema de l’ivraie 1) parmi le froment, et s’en alla.
26. Et après que la semence eût poussé et qu’elle eût produit du fruit, l’ivraie parut aussi. Et après que le froment eût poussé et commencé à se remplir de grains, l’ivraie parut.
27. Alors les serviteurs du père de famille lui vinrent dire : Seigneur, n’as-tu pas semé de bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? Les ouvriers vinrent chez leur patron et dirent : Est-ce toi qui as semé de mauvais grains dans ton champ ? Il y a beaucoup d’ivraie là-bas.

28. Et il leur dit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui répondirent : Veux-tu donc que nous allions la cueillir ? Le maître dit : Ce n’est pas moi, c’est un étranger qui a fait cela. Les ouvriers dirent : alors donne des ordres et nous arracherons l’ivraie.
29. Et il leur dit : Non, de peur qu’il n’arrive qu’en cueillant l’ivraie vous n’arrachiez le froment en même temps. Et le maître dit : Il ne faut pas l’arracher ; autrement vous commenceriez à arracher l’ivraie et gâteriez le blé.
30. Laissez-les croître tous les deux ensemble jusqu’à la moisson ; et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Cueillez premièrement l’ivraie, et liez-la en faisceaux pour la brûler ; mais assemblez le froment dans mon grenier. Laissez le blé croître avec l’ivraie jusqu’à la moisson et pendant la moisson j’ordonnerai aux moissonneurs de séparer l’ivraie et de la brûler, et le blé je le ramasserai et le mettrai dans la grange 2).

Remarques.

1) ζιζάνιον, cette plante est semblable au froment, jusqu’au moment de la formation des grains.

2) Ce que dit le maître : qu’il brûlera ce qui n’est pas nécessaire, et que le nécessaire, le froment, il le rassemblera dans la grange, n’est que la répétition de Matthieu iii, 12 ; « Il a son van dans ses mains et nettoiera parfaitement son aire, et amassera son froment dans le grenier ; mais il brûlera la bale au feu qui ne s’éteint point. »

Ici, il est dit expressément qui détruira les choses inutiles et ramassera les choses nécessaires : celui qui purifiera par l’esprit.

Plus loin, il sera dit que c’est le fils de l’homme.


Τότε ἀφεις τοὺς ὄχουσς, ἦλεν εἰς τὴν οἰκίαν ὁ Ἰῆσοῦς· ϰαὶ προσῆλθον αὐτῷ οἱ μαθηταί αὐτοῦ, λέγοντες· Φράσον ἡμῖν τὴν παραβολήν τῶν ζιζανίων τοῦ ἀγροῦ.

Ὁ δὲ ἀποϰριθεὶς εἶπεν αὐτοῖς· Ὁ σπείρων τὸ ϰαλὸν σπέρμα ἐστίν ὁ υἱός τοῦ ἀνθρώπου.

Ὁ δὲ ἀγρός ἐστιν ὁ ϰόσμος· τὸ δὲ ϰαλὸν σπέρμα, οὖτοί εἰσιν οἱ υἱοί τῆς βασιλείας· τὰ δὲ ζιζάνια εἰσιν οἱ υἱοί τοῦ μονηροῦ.

Ὁ δὲ ἐχθρός ὁ σπείρας αὐτά ἐστιν ὁ διάβολος· ὁ δέ Θερισμός συντέλεια τοῦ αἰωνός ἐστιν· οὑ δὲ Θερισταὶ ἄγγελοί εἰσιν.

Ὥσπερ οὖν συλλέγεται τὰ ζιζάνια, ϰαὶ πυρὶ ϰαταϰαίεται· οὖτως ἔσται ἐν τῇ συντελεία τοῦ αἰῶνος τούτου.

Ἀποστελεῖ ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου τοὺς ἀγγέλους αὐτοῦ, ϰαὶ συλλέξουσιν ἐϰ τῆς βασιλείας αὐτοῦ πάντα τὰ σϰάνδαλα, ϰαὶ τοὺς ποιῦντας τὴν ἀνομίαν.

Καὶ βαλοῦσιν αὐτούς εἰς τὴν ϰάμινον τοῦ πυρός· ἐϰεῖ ἔσται ὁ ϰλαυθμός ϰαὶ ὁ βρυγμός τῶν ὀδόντων.

Τότε οἱ δίϰαιοι ἐϰλάμψουσιν ὡς ὁ ἥλιος, ἐν τῇ βασιέᾳ τοῦ πατρός αὐτῶν· Ὁ ἐχων ὦτα ἀϰούειν ἀϰουέτω.

Matth. xiii, 36-42 ; Marc iv, 10, 14-20 ; Luc viii, 9, 11-15.

Matthieu, xiii, 36. Alors Jésus, ayant renvoyé le peuple, s’en alla à la maison, et ses disciples, étant venus vers lui, lui dirent : Explique-nous la similitude de l’ivraie du champ. Et les disciples se mirent à interroger Jésus : Explique-nous cette similitude de l’ivraie du champ.
37. Il leur répondit, et leur dit : Celui qui sème la bonne semence, c’est le fils de l’homme ; Et Jésus leur dit : le maître sème du bon grain, c’est le fils de l’homme.

38. Le champ, c’est le monde ; la bonne semence, ce sont les enfants du royaume ; l’ivraie, ce sont les enfants du malin ; Le champ, c’est le monde des hommes ; les bons grains sont les fils du royaume de Dieu ; l’ivraie ce sont les méchants.
39. L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; et les moissonneurs sont les anges. L’étranger, c’est la tentation ; la moisson c’est la fin de la vie terrestre ; les moissonneurs, c’est le pouvoir de Dieu.
40. Comme donc, on amasse l’ivraie, et qu’on la brûle dans le feu, il en sera de même à la fin du monde. De même qu’on ramasse l’ivraie et la brûle, de même ce sera à la fin de la vie terrestre.
41. Le Fils de l’homme enverra ses anges, qui ôteront de son royaume tous les scandales et ceux qui font l’iniquité ; Le fils de l’homme enverra ses ouvriers, et l’on écartera, parmi les hommes de son royaume, toutes les tromperies et tous ceux qui font le mal.
42. et ils les jetteront dans la fournaise ardente ; c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. Et on les jettera dans la fournaise et alors 2), il y aura des gémissements et des grincements de dents.
43. Alors les justes luiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende. Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a du bon sens comprendra.

Remarques.

1) Ici l’on doit employer le présent. Il n’est pas dit qu’on écartera tous ceux qui ont fait le mal, comme il le faudrait si l’on entendait par là le jugement dernier, comme l’interprète l’Église ; mais il est dit : Ceux qui font. C’est-à-dire que ceux qui font le mal s’excluent d’eux-mêmes, comme il est dit dans l’entretien de Nicodème.

2) ἐϰεῖ, outre « là-bas », signifie aussi « alors » ; et, dans le cas présent, il a cette signification, comme chez Luc (xiii, 28) ἑϰεὶ signifie « alors » dans la même expression. Le sens est donc qu’alors les hommes pourraient, mais trop tard, pleurer et grincer des dents de dépit, parce qu’ils n’ont pas vécu dans l’entendement.


L’esprit de Dieu en l’homme — le fils de l’homme, tout ce que nous savons de Dieu donne la vie de l’entendement aux hommes ; de même que le paysan sème le bon grain dans son champ et il pousse.

Dans la vie de l’entendement surgit quelque chose de semblable à la vie et qui se termine par la mort.

Qu’est-ce donc que ce semblant de vie ? D’où vient-il ? Cette question ne se rapporte pas à Dieu esprit, mais aux hommes. Dieu-esprit, la source de la vie, sème la vie et conserve la vie. Seuls les ouvriers insensés peuvent conseiller de piétiner la vie pour arracher ce qui n’est pas la vie. La vie seule est nécessaire, et elle restera seule, et il n’y a rien de plus pour Dieu-esprit. La vie temporaire se termine ; tout temporaire disparaît, périt ; seule la vie de l’entendement, ce qui est de l’esprit, ce qui est de Dieu, ne se termine pas, ne périt pas.

Cette parabole renferme deux pensées principales ; deux réponses aux questions posées :

1o Qu’est-ce qui, pour Dieu, est mal ?

2o Qu’est-ce qui, pour l’homme, est mal ?

La réponse à la première question est celle-ci : que pour Dieu — le fils de l’homme, le mal n’existe pas. Il est le Dieu de la vie et du bonheur, et ne connaît pas le mal. Puisqu’il est le Dieu de la vie et du bonheur, pour lui le mal n’existe pas, il ne peut donc désirer le détruire. Le désir de la destruction du mal, c’est le mal, et il ne peut exister que chez les hommes et non en lui.

La conclusion de la deuxième pensée, qui n’est exprimée ici que d’un seul côté, sera développée plus loin, dans la doctrine de la non-résistance au mal.

Le fils de l’homme donne la vie, et il ne connaît que la vie de l’entendement. C’est pourquoi, chaque homme, s’il transporte sa vie dans le fils, dans l’esprit, ne peut connaître le mal, et, par conséquent, ne peut résister au mal.

La seconde pensée est la réponse à la question : Qu’est-ce donc, ce que nous, les hommes, nous appelons le mal ? Ce que nous appelons le mal, c’est le libre éloignement du monde, déchéance à propos de laquelle il est dit dans l’entretien avec Nicodème : Il y a que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes se sont éloignés d’elle.

Cette pensée, que pour Dieu le mal n’existe pas, et que pour les hommes le mal est leur séparation de l’entendement, est exprimée dans la parabole du filet.

Πάλιν ὁμοία ἐστὶν ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν σαγήνῃ βληθείσῃ εἰς τὴν θάλασσαν, ϰαὶ ἐϰ παντὸς γένους συναγαγούσῃ.

Ἤν, ὄτε ἐπληρώθη, ἀναβιβάσαντες ἐπὶ τὸν αἰγιαλόν, ϰαὶ ϰαθίσαντες, συνέλεξαν τὰ ϰαλὰ εἰς ἀγγεῖα, τὰ δὲ σαπρά ἔξω ἔβαλον.


Matthieu, xiii, 47. Le royaume des cieux est encore semblable à un filet qui, étant jeté dans la mer, ramasse toutes sortes de choses. Le royaume de Dieu est encore semblable à un filet. On le jette dans l’eau et il prend des poissons de toutes sortes.
48. Quand il est rempli, les pêcheurs le tirent sur le rivage ; et s’étant assis, ils mettent ce qu’il y a de bon à part dans leurs vaisseaux, et ils jettent ce qui ne vaut rien. Le filet rempli, on le tire sur le rivage ; on s’assied, on ramasse le bon poisson dans des seaux et l’on rejette le reste.


Dieu fait ce que font les pêcheurs. Il rejette les mauvais poissons, et ne garde que ce qui est nécessaire. On choisit le poisson qui est nécessaire aux pêcheurs, et l’on jette le reste à la mer parce qu’il n’est pas nécessaire. Il n’est pas question de savoir si ce sera pis ou mieux. Le poisson qui est dans la mer n’existe pas pour le pêcheur ; de même pour Dieu n’existent pas les hommes qui ne sont pas ses fils, dont la vie n’est pas dans la lumière de l’entendement. Pour Dieu le mal n’existe pas, mais pour l’homme il existe. Le mal, pour lui, c’est la vie en dehors de l’entendement. C’est pourquoi il faut distinguer nos conceptions sur le mal, en général, le mal objectif, comme disent les philosophes, le mal extérieur, et nos conceptions sur le mal pour chaque homme, le mal subjectif, le mal intérieur. Le mal objectif n’existe pas. Le mal subjectif c’est l’éloignement envers la compréhension, c’est la mort. Cette séparation des deux sortes de mal est exposée dans l’interprétation de la parabole du semeur et des grains qui sont tombés sur différents terrains.


Καὶ προσελθόντες οἱ μαθηταὶ εἶπον αὐτῷ· Διατί ἐν παραβολαῖς λαλεῖς αὐτοῖς ;

Τίς εἴη ἡ παραβολή αὔτη ;

Ἠρώτησαν αὐτόν τῂν παραβολήν.


Matthieu, xiii, 10. Alors les disciples s’étant approchés lui dirent :
Luc viii, 9. Que signifiait cette parabole ?
Et les disciples, s’étant approchés de lui, lui dirent :
Marc, iv, 10. Ils l’interrogèrent touchant le sens de cette parabole. Pourquoi nous racontes-tu des paraboles 1) ?

Remarques.

1) Selon Marc et Luc, les disciples demandent : Que signifie cette similitude ? Et selon Matthieu, ils demandent : Pourquoi nous parles-tu avec des similitudes ? Je pense que ces deux questions signifient la même chose : Pourquoi nous racontes-tu des similitudes et que signifient-elles ? Et les paroles de Jésus répondent aux deux questions. Il explique ce que signifie la parabole, et de sa signification il découle qu’à ceux qui ignorent le royaume de Dieu on ne peut parler autrement que par des exemples, comme dans les paraboles : ils ne voient que le sens extérieur, et ne voient pas le sens intérieur. Chez Matthieu il est dit : διατί ἐν παραβολαῖς λαλεῖς αὐτοῖς. Le mot αὐτοῖς manque dans plusieurs manuscrits, parce qu’il n’a pas de substantif correspondant. Évidemment il est ajouté parce que la question διατί se rapporte également à la façon de parler par paraboles et aux paraboles elles-mêmes. Le mot grec Διατί signifie comme l’allemand « warum », pourquoi.

Les disciples demandent : Pourquoi nous racontes-tu ces paraboles ? Ainsi disent Marc et Luc, c’est pourquoi le mot αὐτοῖς est inutile, et c’est pourquoi les versets de Matthieu 11-19, ne sont pas des maximes de hasard mais l’explication de la parabole. Unissant le sens de la réponse et de la question dans les trois évangiles, je traduis : Pourquoi nous racontes-tu des paraboles ? question qui se rapporte et au sens de la parabole et à la raison pour laquelle il parle au peuple par paraboles.


Ὁ δὲ ἀποϰριθείς, εἶπεν αὐτοῖς· Ὅτι ὑμῖν δέδοται γνῶναι τὰ μυστήρια τῆς βασιλείας τῶν οὐρανῶν, ἐϰείνοις δὲ οὐ δέδοται.

Ἐϰείνοις δὲ τοῖς ἕξω, ἐν παραβολαῖς τὰ πάντα γίνεται.

Διά τοῦτο ἐν παραβολαῖς αὐτοῖς λαλῶ.


Matthieu, xiii, 11. Il leur répondit et leur dit : Parce qu’il vous est donné de connaître les mystères du royaume des cieux ; mais cela ne leur est point donné. Il leur répondit : Parce qu’il vous est donné de connaître le sens intérieur du royaume de Dieu.
Marc, iv, 11. Mais pour ceux qui sont du dehors, tout se traite par des paraboles. Et à ceux qui sont dehors, cela leur paraît en paraboles.
Matthieu, xiii, 13. C’est à cause de cela que je leur parle en similitudes. C’est pourquoi je leur interprète 1) tout en paraboles.

Remarques.

1) λαλεῖν, parler, communiquer. Ici il serait plus juste d’employer se communiquer puisque ce passage correspond à ceux de Marc et de Luc, où il est dit : Et pour eux tout paraît en paraboles. L’idée n’est pas : « C’est pourquoi je leur parle en paraboles », mais : C’est pourquoi ils ne peuvent comprendre autrement que par des paraboles ; et plus loin on trouve l’explication.

Διὰ τοῦτο indique que ce qui est dit est la réponse à la question διατί. Après le mot λαλῶ, il faut un point-virgule. Alors le sens n’a plus cet aspect douteux : Jésus leur parle en paraboles parce qu’ils ne comprennent pas, ce qu’on pourrait interpréter : exprès pour qu’ils ne comprennent pas. Au contraire, le sens devient très net, lorsqu’on l’interprète ainsi : que ne connaissant pas le sens intérieur du royaume de Dieu, ils ne peuvent comprendre autrement que d’une façon extérieure, c’est-à-dire par les paraboles. C’est pourquoi je prends la première moitié du verset de Matthieu, xiii, 11, et la dernière de Marc, iv, 21.


Il vous est donné de connaître le sens intérieur du royaume de Dieu. Vous êtes la bonne terre qui produit cent, cinquante, trente fois plus.

Et aux autres, cela n’est pas donné. Les autres sont la route, les pierres, les mauvaises herbes. La signification de la parabole est celle-ci : Qu’aux uns le sens est révélé, tandis qu’il ne l’est pas aux autres. Il dit : La raison pour laquelle je leur parle par paraboles est celle-ci, que, ne comprenant pas le sens intérieur, ils ne peuvent comprendre autrement. Chez Luc il est dit : Il vous est donné de connaître le sens intérieur du royaume de Dieu, et aux autres c’est par les exemples.


Ὁ ἔχων ὦτα ἀϰούειν, ἀϰουέτω.

Καὶ ἀναπληροῦται ἐπ’ αὐτοῖς ἡ προφητεία Ἠσαῖου, ἡ λέγουσα.

Ἀϰοῇ ἀϰούσετε, ϰαὶ οὐ μὴ σονῆτε· καὶ βλέποντες βλέψετε, ϰαὶ οὐ μὴ ἴδητε.

Ἐπαχύνθη γὰρ ἡ ϰαρδία τοῦ λαοῦ τούτου, ϰαὶ τοῖς ὠσὶ βαρέως ἤϰουσαν, καὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς αὐτῶν ἐϰάμμυσαν· μήποτε ἴδωσι τοῖς ὀφθαλμοῖς ϰαὶ τοῖς ὠσίν ἀϰουσωσι, ϰαὶ τῇ ϰαρδίᾳ συνῶσι, ϰαὶ ἑπιστρέψωσι, ϰαὶ ἰάσωμαι αὐτούς.

Ὑμῶν δὲ μαϰάριοι οἱ ὀφθαλμοὶ, ὅτι βλέπουσι· ϰαὶ τὰ ὦτα ὑμῶν ὅτι ἀϰούει.

Ἀμὴν γὰρ λέγω ὑμῖν, ὅτι πολλοὶ προφῆται ϰαὶ δίϰαιοι ἐπεθύμησαν ἰδεῖν ἅ βλέπετε, ϰαὶ οὐϰ εἶδον· ϰαὶ ἀϰουσαι ἅ ἀϰούετε, ϰαὶ οὐϰ ἤϰουσαν.

Ὑμεῖς οὖν ἀϰούσατε τὴν παραϐολήν τοῦ σπείροντος.

Ὁ σπόρος ἐστίν ὁ λόγος τοῦ Θεοῦ.

Παντὸς ἀϰούοντος τόν λόγον τῆς βασιλεῖας, ϰαὶ μὴ συνιέντος ἔρχεται ὁ πονηρὸς ϰαὶ ἀρπάζει τὸ ἐσπαρμένον ἐν τῇ ϰαρδίᾳ αὐτοῦ· οὖτος ἐστιν ὁ παρὰ τὴς ὁδόν σπαρείς.

Ὁ δὲ ἐπὶ τὰ πετρώδη σπαρείς, οὖτός ἐστιν ὁ τὸν λόγον ἀϰούων, ϰαὶ εὐθύς μετὰ χαρᾶς λαμβάνων αὐτόν.

Οὐϰ ἔχε δὲ ῥίζαν ἐν ἑαυτῷ, ἀλλά πρόσϰαιρος ἐστι· γενομένης δὲ θνίψεως ἤ διωγμοῦ διὰ τὸν λόγον, εὐθύς σϰανδαλίζεται.

Ὁ δὲ εἰς τὰς ἀϰάνθας σπαρείς, οὖτός ἐστιν ὁ τὸν λόγον ἀϰούων· ϰαὶ ἡ μέσιμνα τοῦ αἰῶνος τούτου, ϰαὶ ἡ ἀπάτη τοῦ πλούτου συμπνίγει τὸν λόγον, ϰαὶ ἀϰαρπος γίνεται.

Ὁ δὲ ἐπὶ τὴν γῆν τῆν ϰαλήν σπαρείς, οὖτός ἐστιν ὁ τὸν λόγον ἀϰούων, ϰαὶ συνιῶν· ὄς δὴ ϰαρπορορεῖ, ϰαὶ ποιεῖ, ὁ μὲν ἐϰατόν, ὁ δὲ ἑξήϰοντα, ὁ δὲ τριάϰοντα.

Βλέπετε οὖν πῶς ἀϰούετε· ὅς γὰρ ἄν ἔχῃ, δοθήσεται αὐτῷ· ϰαὶ ὅς ἄν μὴ ἔχῃ, ϰαὶ ὄ δοϰεί ἔχειν, ἀρθήσεται ἀπ’ αὐτοῦ.


Matthieu, xiii, 9. Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende. Celui qui a du bon sens comprendra.
14. Ainsi s’accomplit en eux la prophétie d’Ésaïe, qui dit : Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ; vous verrez de vos yeux et vous n’apercevrez point. Et sur eux se réalise la prédiction du prophète Ésaïe : Vous entendrez par l’ouïe et ne comprendrez pas ; vous regarderez par les yeux et ne verrez pas.
15. Car le cœur de ce peuple est appesanti ; ils ont ouï dur de leurs oreilles, ils ont fermé les yeux, afin qu’ils n’aperçoivent pas de leurs yeux, et qu’ils n’entendent pas de leurs oreilles, et qu’ils ne comprennent pas du cœur, et qu’ils ne se convertissent pas, et que je ne les guérisse pas, (Ésaïe, 6, 9, 10). Car le cœur de ce peuple s’est engraissé, et ils ont fermé les yeux de telle façon qu’ils ne voient point avec leurs yeux, et ils n’entendent pas avec leurs oreilles, et ne reçoivent rien dans leur cœur pour ne pas se convertir et pour que je ne les guérisse point.
16. Mais pour vous, vous êtes heureux d’avoir des yeux qui voient et des oreilles qui entendent. Et vos yeux sont heureux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent.

17. Car je vous dis en vérité que plusieurs prophètes et plusieurs justes ont désiré de voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu ; et d’entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. Je vous dis en vérité que les prophètes et les saints ont désiré voir ce que vous voyez et ils n’ont pu ni connaître ni entendre ce que vous entendez.
18. Vous donc écoutez ce que signifie la similitude du semeur. Maintenant 1) vous comprendrez la similitude du semeur.
Luc, viii, 11. La semence c’est la parole de Dieu. Le grain, c’est l’entendement de Dieu.
Matthieu, viii, 19. Lorsqu’un homme entend la parole du royaume de Dieu, et qu’il ne la comprend point, le malin vient, et ravit ce qui est semé dans le cœur : c’est celui qui a reçu la semence le long du chemin. Quand un homme entend la doctrine du royaume de Dieu et ne la reçoit pas dans son cœur, l’ennemi vient et ravit ce qui était semé dans son cœur. C’est le grain semé au bord du chemin.
20. Et celui qui a reçu la semence dans les endroits pierreux, c’est celui qui entend la parole, et qui la reçoit d’abord avec joie. Ce qui est semé parmi les pierres, c’est celui qui entend la doctrine du royaume de Dieu, qui la comprend, et ensuite la reçoit avec joie dans son cœur.
21. Mais il n’a point été raciné en lui-même ; c’est pourquoi il n’est que pour un temps ; et lorsque la persécution ou l’affliction surviennent à cause de la parole, il se scandalise aussitôt. Mais il ne tient point la racine en lui-même, et ce n’est que pour un temps. Et lorsque vient la persécution à cause de la doctrine, aussitôt il cède au mensonge.
22. Et celui qui a reçu la semence parmi les épines, c’est celui qui entend la parole ; mais les soucis de ce monde et la séduction des richesses étouffent la parole, et elle devient infructueuse. Celui qui est tombé parmi les mauvaises herbes, c’est celui qui comprend la doctrine, mais les soucis de ce monde et l’amour 2) de la richesse étouffent la doctrine et elle ne porte pas de fruits.

23. Mais celui qui a reçu la semence dans une bonne terre, c’est celui qui entend la parole, et qui la comprend, et qui porte du fruit ; en sorte qu’un grain en produit cent, un autre soixante, et un autre trente. Et ce grain qui est tombé dans la bonne terre, c’est celui qui comprend la doctrine et la reçoit dans son cœur, et qui produit tantôt cent fois plus, tantôt cinquante, tantôt trente.
Luc, viii 18. (Matth., xiii, 12). Prenez donc garde de quelle manière vous écoutez ; car on donnera à celui qui a déjà, mais pour celui qui n’a pas, on lui ôtera même ce qu’il croit avoir. Maintenant examinez comment vous comprenez. À celui qui tient 3) la doctrine se donne ; et à celui qui ne tient pas, on la lui reprend  4).

Remarques.

1) οὖν se traduit par maintenant, et ici, a précisément ce sens.

2) Dans plusieurs manuscrits on trouve ἀγάπη, c’est-à-dire l’amour, ce qui est plus clair, plus simple et plus exact.

3) ἔχειν, tenir. Cette expression est de forme proverbiale, et peut se rapporter à un seau ou à un sac : « Dans un sac solide ça tient, dans un mauvais ça tombe ».

4) Je prends ce verset chez Matthieu et Luc, où il est rédigé de la même façon.


Les disciples demandent : Pourquoi nous racontes-tu ces similitudes, et que veux-tu dire par là ?

Et Jésus répond : Vous seuls pouvez comprendre le royaume de Dieu, comme les grains tombés sur une bonne terre ; mais les autres, comme les grains qui se perdent, ne le peuvent pas. À vous, comme au grain dans une bonne terre, il est permis de vous accroître, tandis qu’aux autres est ôtée cette vie même, qui, semblait-il, existait en eux ; de même que disparaît le grain tombé sur la route, parmi les pierres ou parmi les mauvaises herbes.

C’est ce que je dis dans les similitudes, parce qu’ils ne voient pas et ne comprennent pas leur bonheur. Ils sont semblables à ces hommes dont parle Ésaïe, et que Dieu a punis parce qu’ils regardent et ne voient point, écoutent et n’entendent point. Le cœur de ces hommes s’est engraissé, c’est pourquoi ils ne comprennent pas ce qui est devant eux. Vous êtes heureux, vous comprenez.

Telle est la signification extérieure de la parabole. Mais le sens caché est tout autre. Et Jésus explique ce sens caché.

Le sens extérieur de la parabole est celui que pour Dieu les uns sont prédestinés à la mort et les autres à la vie. Le sens caché est qu’il n’y a aucune prédestination mais que chacun peut retenir l’entendement et l’acquérir en abondance.

Le grain tombé sur la route, c’est l’indifférence, le mépris pour l’entendement. C’est pourquoi Jésus met en garde contre l’indifférence et le mépris et dit que les hommes doivent faire un effort pour recevoir dans leur cœur l’entendement.

Le grain tombé sur les pierres, c’est la faiblesse. C’est pourquoi Jésus met en garde contre elle et indique que l’homme doit faire un effort pour ne pas se laisser ébranler par les injures et les persécutions.

Les mauvaises herbes, ce sont les soucis du monde. Jésus met en garde contre eux et indique que l’homme doit faire un effort pour les rejeter.

La bonne terre, c’est la compréhension et l’accomplissement, malgré les persécutions et les soucis, et Jésus montre que celui qui fera cet effort, recevra la vie en abondance.


Πάλιν ὁμοία ἐστίν ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν θησαυρῷ ϰεϰρυμμένῳ ἐν τῳ ἀργῷ, ὄν εὑρών ἄνθρωπος ἔϰρυψε, ϰαὶ ἀπὸ τῆς χαρᾶς αὐτοῦ ὑπάγει, ϰαὶ πάντα ὄσα ἔχει, πωλεῖ, ϰαὶ ἀγοράζει τὸν ἀγρον ἐϰεῖνον.

Πάλιν ὁμοία ἐστίν ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν ἀνθρώπῳ, ἐμπόρῳ ζητοῦντι ϰαλούς μαργαρίτας.

Ὁς εὐρών ἔνα πολύτιμον μαργαρίτην, ἀπελθών πέπραϰε πάντα ὂσα εἶχε, ϰαὶ ἠγόρασεν αὐτόν.


Matthieu, xiii, 44. Le royaume des cieux est encore semblable à un trésor caché dans un champ, qu’un homme a trouvé, et qu’il cache ; et de la joie qu’il en a, il s’en va, et vend tout ce qu’il a et achète ce champ-là. Le royaume de Dieu est semblable à un trésor caché dans un champ.
Un homme a trouvé un trésor et le cache de nouveau. Et, de la joie de l’avoir trouvé, il va, vend tout ce qu’il a et achète ce champ.

45. Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles. Le royaume de Dieu est encore semblable à un marchand qui achète des pierres précieuses.
46. Et qui, ayant trouvé une perle de grand prix, s’en va, et vend tout ce qu’il a, et l’achète. Ayant trouvé une pierre précieuse, il va, vend toutes celles qu’il possédait et achète celle-ci.

Le royaume du ciel est semblable à celui qui désire avoir une perle ou un trésor qu’il sait enfouis dans un champ.

Et sachant cela, il vend tout pour acquérir la perle et le champ.


Ὁμοία ἐστίν ἡ βασιλεία τῶ οὐρανῶν ϰόϰϰῳ σινάπεως, ὅν λαβών ἄνθρωπος ἔσπειρεν ἐν τῳ ἀργῷ αὐτοῦ.

Ὁ μιϰρότερον μὲν ἔστι πάντων τῶν σπερμάτων· ὄταν δὲ αὐξηθῇ, μεῖζον τῶν λαχάνων ἐστί, ϰαὶ γίνεται δένδρον, ὤστε ἐλθεῖν τὰ πετεινά τοῦ οὐρανοῦ, ϰαὶ ϰατασϰηνοῦν ἐν τοῖς ϰλάδοις αὐτοῦ.


Matthieu, xiii, 31. Il leur proposa une autre similitude et il dit :
Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde que quelqu’un prend et sème dans son champ.
Le royaume du ciel est semblable à une graine de bouleau. L’ayant prise, l’homme la sème dans son champ.
32. Ce grain est la plus petite de toutes les semences ; mais quand il a crû, il est plus grand que les autres légumes, et il devient un arbre ; tellement que les oiseaux du ciel y viennent, et font leurs nids dans ses branches. Bien qu’elle soit la plus petite de toutes les semences, quand elle a crû, elle est plus grande que toute herbe et devient un arbre ; et les oiseaux font leurs nids dans ses branches.

LE ROYAUME DE DIEU
Exposé général du chapitre premier.

Jésus déclare que le royaume de Dieu est arrivé, et cependant, il ne s’est produit aucun phénomène visible.

Il déclare à ses disciples que depuis ce jour le ciel est ouvert, et qu’entre le ciel et les hommes il y a une communion constante.

Il dit qu’il ne faut pas s’éloigner des gens débauchés et adultères, qu’ils ne sont pas coupables, que les coupables sont ceux qui se croient bons parce qu’ils accomplissent la loi de Dieu.

Il dit qu’il n’est pas besoin de purification extérieure, que seul ce qui sort de l’intérieur souille, et que c’est l’esprit seul qui purifie.

Il dit qu’il ne faut pas observer le sabbat, que cette observance est stupide et mensongère ; que le sabbat une institution humaine.

Il dit que non seulement il ne faut pas observer le jeûne, mais que tous les anciens rites extérieurs sont pernicieux pour sa doctrine.

Enfin il déclare qu’il ne faut pas servir Dieu par les sacrifices. Il ne faut ni bœufs, ni brebis, ni argent, ni pigeons, ni même de temple ; que Dieu est esprit et désire non des sacrifices mais l’amour ; qu’il faut le servir toujours et partout en esprit et par les actes.

Ayant vu et entendu cela, des pharisiens vinrent trouver Jésus et lui demandèrent comment il pouvait prêcher le royaume de Dieu et nier Dieu ? Il leur répondit : « Le royaume de Dieu que je prêche n’est pas celui qu’ont annoncé les prophètes anciens. Ils disaient que Dieu viendrait, précédé de divers phénomènes, et moi je parle d’un royaume de Dieu dont on ne peut voir la venue. Et si l’on vous dit : le voici, il est arrivé ou arrivera ; ou le voilà, il est là, ne le croyez point. Le royaume de Dieu n’est ni dans le temps ni dans l’espace, ni dans un endroit quelconque. Il est comme l’éclair ici et là, et partout, et pour lui n’existe ni le temps, ni le lieu, parce que le voilà, il est en nous. »

Puis l’ancien des Juifs, un pharisien, Nicodème, vient secrètement chez Jésus et lui dit : « Tu enseignes que le royaume de Dieu est venu et qu’il est en nous, et tu n’ordonnes ni de jeûner, ni de faire des sacrifices. Tu as détruit le temple, quel est donc ton royaume de Dieu, est-il ?

Et Jésus lui répond : « Comprends donc que si l’homme est conçu de Dieu le Père, alors il verra le royaume de Dieu. »

Nicodème ne comprend pas que Jésus voulait dire que chaque homme est déjà conçu de Dieu. Et il dit : « Comment donc un homme, s’il est conçu de la chair de son père, et a vieilli, peut-il rentrer de nouveau dans le sein de sa mère, et être de nouveau conçu par l’esprit de Dieu ? »

Et Jésus lui répond : « Comprends donc ce que je dis. Je dis que l’homme, outre son origine charnelle, est encore conçu par l’esprit. C’est pourquoi chaque homme est fait de chair et d’esprit, et peut entrer dans le royaume de Dieu. La chair est de la chair. De la chair ne peut naître l’esprit. Ce n’est que de l’esprit que peut naître l’esprit. L’esprit c’est ce qui vit en toi et vit librement, par la raison, et ce dont tu ignores le commencement et la fin. Et chaque homme le sent en lui. Pourquoi donc es-tu étonné que je te dise que nous devons être conçus du ciel, de Dieu, de l’esprit ? »

Nicodème dit : « Et cependant, je ne crois pas qu’il en puisse être ainsi. »

Alors Jésus lui dit : « Quel maître es-tu donc si tu ne le comprends pas ? Comprends donc que ce ne sont pas des subtilités quelconques que j’interprète. J’interprète ce que nous connaissons tous ; je parle de ce que nous voyons tous. Comment donc croiras-tu en ce qui est au ciel si tu ne crois pas en ce qui est sur la terre, qui est en toi-même. Personne n’est allé au ciel, mais en l’homme, fils de Dieu, qui est sur la terre, il y a l’esprit, celui-là même qui est Dieu.

« Voici, il faut précisément adorer ce même fils de Dieu en l’homme, comme vous avez adoré Dieu, comme Moïse a adoré dans le désert non la chair du serpent mais son image ; et cette image est devenue le salut des hommes. De même il faut adorer le fils, Dieu en l’homme, non la chair de l’homme mais le fils de Dieu, afin que les hommes, se fiant à lui, ne connaissent point la mort, mais aient la vie éternelle dans le royaume de Dieu.

« Dieu a envoyé son fils, pareil à lui, non pour la perte des hommes mais pour leur bonheur. Il l’a donné pour que chacun, en se fiant à lui, ne périsse point mais ait la vie en dehors du temps. Il a procréé son fils, la vie, non pour la destruction du monde des hommes, mais pour que le monde des hommes soit vivant par lui dans le royaume de Dieu.

« Et celui qui a foi au fils, celui-ci est dans le royaume de Dieu, dans le pouvoir de Dieu. Celui qui n’a pas foi en lui se détruit soi-même, parce qu’il ne s’est pas fié en ce qui est la vie. La destruction consiste précisément en cela que la vie est venue dans le monde, mais que les hommes se sont volontairement éloignés de la vie. La vie c’est la lumière des hommes. La lumière est venue dans le monde ; mais les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière ; et ils ne marchent pas vers la lumière. La lumière c’est l’entendement ; c’est pourquoi celui qui fait le mal évite la lumière de l’entendement pour que l’on ne voie point ses actes. Et celui-ci s’éloigne du royaume de Dieu, du pouvoir de Dieu. »

Dans les paroles adressées aux pharisiens et dans l’entretien avec Nicodème, Jésus explique ce qu’il comprend par le royaume de Dieu, et Dieu.

Dieu et le royaume de Dieu sont en l’homme. Dieu c’est le principe non charnel qui donne la vie à l’homme. Ce principe non charnel il l’appelle le fils de Dieu en l’homme, le fils de l’homme. Le fils de l’homme c’est l’entendement. Il faut l’élever, l’adorer et en vivre. Les hommes qui font le mal périssent. Ceux qui font la vérité, vivent. Celui qui vit dans l’entendement vit hors du temps. Celui qui ne vit pas dans l’entendement ne vit pas mais périt. Qu’est-ce donc que Dieu le Père, non le créateur de tout, mais le Dieu particulier du monde, comme le pensaient autrefois les Juifs ? Comment comprendre ce Père dont le fils est en l’homme, et comment comprendre son rapport envers l’homme ?

À cela Jésus répond par les paraboles.

« Il faut comprendre le royaume de Dieu non comme vous le comprenez : que pour tous les hommes, à un moment donné, et d’un lieu quelconque, viendra le royaume de Dieu ; mais, que dans tout le monde, toujours, les uns — ceux qui croient au fils de Dieu — deviennent les fils du royaume de Dieu, et les autres — ceux qui ne croient pas en lui — disparaissent. »

Dieu esprit, le père de cet esprit qui est en l’homme, n’est Dieu et Père que de ceux qui se reconnaissent ses fils. C’est pourquoi, au regard de Dieu ceux-là seuls existent qui ont retenu ce qu’il leur a donné.

Et Jésus commençant à leur interpréter le royaume de Dieu, le faisait par des exemples. Il leur disait :

« Dieu le Père sème dans le monde la vie de l’entendement. C’est comme un propriétaire qui ensemence son champ. Il sème dans tout le champ sans faire attention où tombent les grains. Les uns tombent sur le chemin, et les oiseaux accourent et les picorent. D’autres tombent sur des pierres ; ils germent mais ils se flétrissent, parce qu’ils n’ont pas de quoi se fortifier. D’autres tombent parmi les mauvaises herbes, et les mauvaises herbes étouffent le froment, l’épi pousse mais ne se remplit pas. Enfin, les autres tombent sur la bonne terre. Ceux-là poussent et dédommagent des grains perdus. Ils se remplissent et les uns donnent cent fois plus de grains, les autres soixante, les autres trente.

« Ainsi Dieu a semé l’entendement parmi les hommes. Chez les uns il périt, chez les autres il s’accroît ; et ce sont eux qui font le royaume de Dieu.

« Ainsi le royaume de Dieu n’est pas ce que vous pensez, que Dieu viendra pour régner sur vous. Dieu ne fait que semer l’entendement, et le royaume de Dieu sera en ceux qui le recevront. Dieu ne gouverne pas les hommes.

« Le propriétaire ensemence la terre, et ne s’en occupe plus ; les grains germent, croissent et se multiplient d’eux-mêmes ; et seulement, quand le grain est venu, le maître envoie des faucheurs. De même Dieu a donné au monde son fils, l’entendement. L’entendement croît de lui-même dans le monde et les fils de l’entendement font le royaume de Dieu.

« De même que la femme met le levain dans le pétrin, le mélange avec la pâte, et n’y touche plus jusqu’à ce que la pâte lève d’elle-même.

« Tant que les hommes vivent, Dieu ne s’occupe pas de leur vie. Dieu a donné au monde l’entendement, et l’entendement vit lui-même dans les hommes et fait le royaume de Dieu. Dieu-esprit, c’est Dieu de la vie et du bonheur ; c’est pourquoi il n’y a pour lui ni mort ni mal. La mort et le mal existent pour les hommes et non pour Dieu.

« Voici à quoi peut se comparer le royaume de Dieu : le maître a semé du bon grain dans son champ. Le maître c’est l’esprit de Dieu ; le champ c’est le monde ; les grains sont les fils du royaume de Dieu. Le maître se couche pour dormir, et son ennemi vient et sème dans le champ de mauvais grains. L’ennemi, c’est la tentation ; les mauvais grains, les fils de la tentation. Alors les ouvriers viennent chez le maître et lui disent : As-tu donc semé de mauvais grains dans ton champ, car il y a beaucoup de mauvaises herbes ? Envoie-nous les arracher. Et le maître dit : Il ne faut pas, autrement vous commenceriez à arracher les mauvaises herbes et piétineriez le froment. Qu’ils croissent ensemble ; la moisson viendra, alors j’ordonnerai aux moissonneurs de mettre à part les mauvaises herbes et je les brûlerai ; et le froment je le mettrai dans la grange.

« La moisson c’est la fin de la vie humaine ; les moissonneurs c’est la force de Dieu. On brûlera les mauvaises herbes et le froment sera mis dans la grange ; ainsi, à la fin de la vie périra tout ce qui était la tromperie du temps, et il ne restera que la seule vraie vie de l’esprit. Pour Dieu le mal n’existe pas. Dieu garde ce qu’il lui faut, et qui est à lui ; et ce qui n’est pas à lui n’existe pas pour lui. »

« Le royaume de Dieu est comme un filet. On jette le filet dans la mer, il garde des poissons de toutes sortes. Quand on a retiré le filet, on rejette à la mer le mauvais poisson. Il en sera de même à la fin du monde. La force de Dieu choisira le bon, et rejettera le mauvais. »

Quand il eut fini de parler, ses disciples lui demandèrent comment il fallait comprendre ces paraboles.

Et il leur dit :

Il faut comprendre ces paraboles dans les deux sens. Je dis ces paraboles parce que les uns, — comme vous, mes disciples, qui comprenez en quoi consiste le royaume de Dieu — comprennent que le royaume de Dieu est en chacun de nous, et savent comment y entrer ; tandis que les autres ne le comprennent pas. Les autres regardent et ne voient pas, écoutent et n’entendent pas, parce que leur cœur s’est engraissé.

Je dis que ces paraboles, dans les deux sens, s’adressent aux uns et aux autres. Aux uns je dis ce que c’est que le royaume de Dieu, je raconte que les uns rentrent dans ce royaume, et que d’autres n’y rentrent pas ; et ils peuvent le comprendre. À vous, je dis comment entrer dans le royaume de Dieu ; vous écoutez et comprenez comme il faut la parabole du semeur. Voici ce que pour nous elle signifie :

« En celui qui écoute la doctrine du royaume de Dieu et ne l’accepte pas dans son cœur, la tromperie entre, et arrache de son cœur la doctrine. C’est le grain tombé au bord de la route. Le grain semé sur la pierre, c’est celui, qui entend la doctrine, l’accepte avec joie ; mais il n’y a pas en lui de racine ; il ne l’accepte que provisoirement ; il répudie la doctrine dès qu’à cause d’elle il est persécuté.

« Le grain semé parmi les mauvaises herbes, c’est celui qui entend la doctrine mais la laisse étouffer par les soucis du monde, l’amour des richesses ; et elle ne donne point de fruits. Le grain semé sur la bonne terre, c’est celui qui écoute la doctrine et la comprend ; et elle donne des fruits, tantôt cent, tantôt soixante, tantôt trente pour un. C’est pourquoi celui qui comprend donne beaucoup et celui qui ne comprend pas, perd le reste. Veillez donc à la façon de comprendre les paraboles. Comprenez de façon à ne pas céder aux tromperies, aux injures, aux soucis, mais à donner des fruits au centuple et à entrer dans le royaume de Dieu.

« Le royaume du ciel se forme dans l’âme, de rien, mais donne tout. Il est semblable au grain de bouleau, le plus petit des grains, mais quand il croît il devient le plus grand de tous les arbres, et les oiseaux y font leurs nids. »

Après cela, les disciples de Jean vinrent demander à Jésus si c’était de lui que Jean avait dit : « Il découvre le royaume de Dieu et rénove les hommes par l’esprit. » Jésus leur répond : « Regardez, écoutez, et racontez à Jean si le royaume de Dieu est venu et si les hommes se rénovent par l’esprit. Racontez-lui comment j’enseigne le royaume de Dieu. Dans les prophéties, il est dit que quand viendra le royaume de Dieu tous les hommes seront heureux. Eh bien ! dites-lui que mon royaume de Dieu est tel que les mendiants sont heureux, et que quiconque m’écoute devient joyeux. »

Et laissant partir les disciples de Jean, Jésus se met à expliquer au peuple ce qu’est le royaume de Dieu annoncé par Jean.

Il dit : « Quand vous allâtes vous faire purifier par Jean, dans le désert, qu’espériez-vous voir ? Un homme habillé somptueusement ? mais il en est de pareils vivant ici, dans les palais. Qu’espériez-vous donc voir dans le désert ? Un prophète ? Non, ne le pensez point, Jean n’est pas un prophète ; mais il est celui de qui les prophètes ont parlé. Il est celui qui annonça la venue du royaume de Dieu. Je vous dis la vérité : Il n’est pas encore né l’homme plus grand que Jean. Il était dans le royaume de Dieu, c’est pourquoi il était supérieur à tous. La loi et les prophètes, tout cela était nécessaire avant Jean. Mais depuis Jean et jusqu’à ce jour, on annonce que le royaume de Dieu est sur la terre, et que celui qui fait un effort entre dans le royaume de Dieu. Les docteurs et les pharisiens n’ont pas compris ce qu’annonçait Jean, et l’ont considéré comme rien. Cette race — les docteurs et les pharisiens — ne considère comme vérité que ce qu’elle invente elle-même. Ils répètent leurs lois et ne s’écoutent qu’entre eux. Ni ce que Jean disait, ni ce que je dis, ils ne l’écoutent pas, ne comprennent point. De ce que disait Jean, ils ont compris seulement qu’il jeûnait dans le désert, et ils dirent : Le démon est en lui. De ce que je dis, moi, ils ont compris seulement que je ne jeûne pas, et ils disent : Il boit et mange avec les adjudicataires, et il est l’ami des débauchés. Ils sont comme les enfants dans la rue. Ils bavardent entre eux et s’étonnent que personne ne les écoute. Leur sagesse, on la voit d’après leurs actes. Tout ce que j’enseigne est facile et simple parce que le royaume de Dieu s’annonce comme le bien suprême ».