Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Marc/03

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 183-186).
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saint Marc


CHAPITRE III


MAIN DESSÉCHÉE (Matth. xii, 9 sv. Luc, vi sv.). — DIVERSES GUÉRISONS (ibid.). — ÉLECTION DES APÔTRES (Matth. x, 1 sv.). — JÉSUS CONFOND LES SCRIBES (Matth. xii, 24 sv. Luc, xi, 15 sv.). — MÈRE ET FRÈRES DE JÉSUS. (Matth. xii, 46 sv.).


1 Jésus étant entré une autre fois dans la synagogue, il s’y trouva un homme qui avait la main desséchée. Et ils[1]l’épiaient pour voir s’il ferait une guérison le jour du sabbat, afin de l’accuser. Et il dit à l’homme qui avait une main desséchée : Tenez-vous là debout au milieu ; puis il leur dit : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou du mal, de sauver la vie à quelqu’un, ou de la lui ôter ? Et ils se taisaient. Alors, les regardant avec colère, contristé de l’aveuglement de leur cœur, il dit à cet homme : Étendez votre main. Il l’étendit, et sa main devint saine. Les Pharisiens, étant sortis, allèrent aussitôt s’entendre avec les Hérodiens sur les moyens de le perdre.

7 Mais Jésus se retira vers la mer avec ses disciples, et une foule nombreuse le suivit de la Galilée et de la Judée, de Jérusalem, de l’Idumée et d’au delà du Jourdain[2] ; ceux des environs de Tyr et de Sidon, apprenant les choses qu’il faisait, vinrent aussi à lui en foule. Et il dit à ses disciples de tenir une barque prête, à cause de la multitude, pour n’en pas être accablé ; car il en guérissait un grand nombre, de sorte que tous ceux qui avaient quelque mal se jetaient sur lui pour le toucher. Les esprits impurs, en le voyant, se prosternaient devant lui et s’écriaient : Vous êtes le Fils de Dieu[3] ; et il leur défendait avec de grandes menaces de révéler qui il était.

13 Étant monté ensuite sur une montagne, il appela à lui ceux que lui-même voulut ; et ils vinrent à lui. Il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher, leur donnant le pouvoir de guérir les maladies et de chasser les démons. C’étaient : Simon, à qui il donna le nom de Pierre, Jacques, fils de Zébédée, et Jean, frère de Jacques, qu’il nomma Boanergès, c’est-à-dire, fils du tonnerre[4], André, Philippe, Barthélémi, Matthieu, Thomas, Jacques, fils d’Alphée, Thaddée, Simon le Zélé, et Judas Iscariote, qui le trahit[5].

20 Ils vinrent à la maison[6], et la foule s’y assembla de nouveau, de sorte qu’ils ne pouvaient pas même prendre leur repas. Ce que les siens[7] ayant appris, ils vinrent pour se saisir de lui, car ils disaient : Il a perdu l’esprit. Mais les Scribes[8] qui étaient venus de Jérusalem, disaient : Il est possédé de Béelzébub, et c’est par le prince des démons[9] qu’il chasse les démons. C’est pourquoi Jésus, les ayant assemblés, leur disait en parabole : Comment Satan[10] peut-il chasser Satan ? Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne saurait subsister ; et si une maison est divisée contre elle-même, cette maison ne saurait subsister. Si donc Satan s’élève contre lui-même, il est divisé ; il ne pourra subsister, et sa puissance touche à sa fin. Nul ne peut entrer dans la maison du fort et enlever ses meubles, si auparavant il ne l’enchaîne ; et alors il pillera sa maison. En vérité, je vous le dis, tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes qu’ils auront proférés. Mais celui qui aura blasphémé contre l’Esprit-Saint, n’obtiendra jamais de pardon ; il sera coupable d’un crime éternel[11]. Jésus leur parla ainsi, parce qu’ils disaient : Il est possédé de l’esprit impur.

31 Sa mère et ses frères[12]étant venus, ils se tinrent dehors et l’envoyèrent appeler. Or le peuple était assis autour de lui, et on lui dit : Votre mère et vos frères sont là dehors, qui vous cherchent. Il leur répondit : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Et, regardant ceux qui étaient assis autour de lui : Voici, dit-il, ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.

  1. Les Scribes et les Pharisiens (Luc, vi, 7).
  2. De la Pérée.
  3. Le Fils unique de Dieu, son Fils par nature et non par adoption. En ce dernier sens, saint Jean, dans sa première Épitre, appelle tous les chrétiens fils de Dieu ; mais qu’il s’agisse ici de toute autre chose, d’une qualité propre à Jésus, c’est ce que le contexte démontre, et ce que l’article qui accompagne toujours en grec le mot Fils, prouve d’une manière péremptoire.
  4. Soit à cause de leur éloquence sublime et entraînante, soit à cause de l’ardeur de leur zèle : voy. Luc, ix, 54. Plus tard, ce zèle purifié et sanctifié par l’Esprit-Saint en fit deux infatigables prédicateurs de l’Évangile.
  5. André et Philippe sont les seuls qui aient un nom grec. Thomas, c’est-à-dire jumeau, en grec Didyme, comme l’appelle saint Jean (ix, 16). Thaddée, le même que Jude et Lebbée.
  6. À Capharnaüm, après le discours prononcé par Jésus dans un lieu uni (saint Luc, vi 17, sv.), et que le père Patrizzi distingue du Sermon sur la Montagne.
  7. Ses parents : voyez Jean, vii, 5.
  8. Ce qui suit jusqu’à la fin du chap. arriva dans l’automne de l’an 28 de l’ère vulgaire. Notre-Seigneur était venu à Jérusalem pour la fête des Tabernacles, et se trouvait alors dans quelque ville de Judée, où il avait chassé un démon (Matth. xii, 22, 23 ; Luc, xi, 14).
  9. Et c’est par Béelzébub, prince des démons, etc. Voy. ce mot dans le Vocabulaire.
  10. Satan, c’est-à-dire, adversaire, qui tend des embûches, nom propre du diable.
  11. 1. Notre-Seigneur ne dit pas que celui qui blasphème contre le Saint-Esprit ne peut pas être pardonné, mais simplement qu’il ne le sera jamais. Il n’y a pas de péché que Dieu, autant qu’il est en lui, refuse de pardonner. 2. Si donc Dieu refuse de pardonner un péché, la cause de ce refus n’est pas en lui, ou, comme parlent les théologiens, dans sa volonté antécédente et absolue ; elle est uniquement dans le pécheur endurci qui repousse la grâce du pardon. 3. Cette disposition du pécheur est justement appelée blasphème contre le Saint-Esprit ; car la grâce qu’il repousse est partout présentée, dans le Nouveau-Testament, comme un don de l’Esprit-Saint, et quoi de plus injurieux à l’Esprit-Saint, et par conséquent de plus blasphématoire contre lui, que le refus obstiné de ses dons ? 4. À ses calomniateurs Jésus avait répondu, au moins indirectement (Matth. xii, 28), qu’il chassait les démons par la vertu de l’Esprit-Saint qui était en lui ; eux, néanmoins, continuaient d’attribuer au démon ce qu’il faisait par la vertu de l’Esprit-Saint, et de prendre, en quelque sorte, l’Esprit-Saint pour le démon lui-même : n’était-ce pas blasphémer contre le Saint-Esprit et rejeter ses dons de la manière la plus indigne ? 5. Jésus, prévoyant qu’ils ne changeront jamais de sentiments, les avertit de la damnation éternelle qui les attend ; toutefois, il parle en général : Celui qui aura, etc., parce que le même sort est réservé à ceux qui imiteront leur endurcissement. Patrizzi.
  12. Le Père Patrizzi pense que ce qui suit n’est pas le même fait que raconte saint Luc, viii, 19 sv.