Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Marc/02

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 179-182).
◄  Ch. 1
Ch. 3  ►
saint Marc


CHAPITRE II


GUÉRISON D’UN PARALYTIQUE (Matth. ix, 1 sv. ; Luc, v, 17 sv.). — VOCATION DE SAINT MATTHIEU (Matth. ix, 9 sv. ; Luc, v, 27 sv.). — POURQUOI LES DISCIPLES DE JÉSUS NE JEÛNENT PAS (ibid.). — ÉPIS CUEILLIS LE JOUR DU SABBAT (Matth. xiii, 1 sv. ; Luc, vi, 1 sv.)


1 Quelques jours après, Jésus revint à Capharnaüm. Et lorsqu’on sut qu’il était dans la maison, il s’y assembla un si grand nombre de personnes, que l’espace même en dehors de la porte ne les pouvait contenir ; et il leur prêchait la parole de Dieu[1]. Alors on lui amena un paralytique porté par quatre hommes. Et, comme ils ne pouvaient le lui présenter à cause de la foule, ils découvrirent le toit au-dessus du lieu où il était, et par l’ouverture descendirent le lit où gisait le paralytique[2]. Jésus, voyant leur foi[3], dit au paralytique : Mon fils, vos péchés vous sont remis. Or, il y avait là quelques Scribes assis, qui pensaient dans leur cœur : Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut remettre les péchés, que Dieu seul[4]) ? Aussitôt Jésus, connaissant dans son esprit[5] ce qu’ils pensaient en eux-mêmes, leur dit : Pourquoi pensez-vous ces choses dans votre cœur ? Lequel est le plus facile de dire au paralytique : Vos péchés vous sont remis, ou de lui dire : Levez-vous, prenez votre lit et marchez ? Mais afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, je vous le commande (dit-il au paralytique), levez-vous, prenez votre lit, et vous en allez dans votre maison. Et aussitôt celui-ci se leva, et, prenant son lit, il s’en alla en présence de tous, de sorte que tout le peuple était dans l’admiration et rendait gloire à Dieu, disant : Jamais nous n’avons rien vu de semblable.

13 Jésus sortit de nouveau du côté de la mer ; et tout le peuple venait à lui, et il les enseignait. Or, ayant vu sur son passage Lévi[6], fils d’Alphée, assis à un bureau de péage, il lui dit : Suivez-moi ; et, se levant, il le suivit. Il arriva que Jésus étant à table dans la maison de cet homme, beaucoup de publicains et de pécheurs y mangeaient avec lui et ses disciples ; car un grand nombre d’entre eux le suivaient aussi. Les Scribes et les Pharisiens, voyant qu’il mangeait avec les publicains et les pécheurs, dirent à ses disciples : D’où vient que votre Maître mange et boit avec des publicains et des pécheurs ? Entendant cela, Jésus leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades ; car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs.

18 Les disciples de Jean et les Pharisiens jeûnaient souvent. Ils vinrent le trouver et lui dirent : Pourquoi, tandis que les disciples de Jean et ceux des Pharisiens font beaucoup de jeûnes[7], vos disciples ne font-ils pas de même ? Jésus leur répondit : Les conviés aux noces[8] peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux ? Aussi longtemps qu’ils ont l’époux, ils ne peuvent pas jeûner. Mais viendront des jours où l’époux leur sera enlevé, et ils jeûneront en ces jours-là. Personne ne coud une pièce d’étoffe neuve à un vieux vêtement : autrement la pièce neuve emporte quelque chose de l’autre, et la déchirure devient plus grande ; et personne ne met de vin nouveau dans des outres vieilles : autrement, le vin rompant les outres, le vin se répandra et les outres seront perdues. Mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves[9].

23 Il arriva encore[10] que le Seigneur passant le long des champs de blé un jour de sabbat, ses disciples, tout en s’avançant, cueillaient des épis. Et les Pharisiens lui dirent : Pourquoi font-ils, le jour du sabbat, ce qu’il n’est pas permis de faire ? Il leur répondit : N’avez-vous pas lu ce que fit David pressé par le besoin, lorsqu’il eut faim, lui et ceux qui l’accompagnaient ? Comment il entra dans la maison de Dieu, au temps du grand-prêtre Abiathar[11], et mangea les pains de proposition dont il n’était permis de manger qu’aux prêtres seuls, et en donna même à ceux qui étaient avec lui ? Il leur dit encore : Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. C’est pourquoi[12] le Fils de l’homme est maître même du sabbat.

  1. L’Évangile.
  2. Les toits étaient plats. Ces gens arrivèrent soit par un escalier en dehors de la maison, soit par le toit des maisons voisines ; puis, enlevant les briques ou les tuiles au-dessus de l’endroit où était Jésus, qui prêchait sans doute dans le cénacle ou salle à manger, ils, etc.
  3. Jésus pardonne au malade à la considération non-seulement de sa foi, mais encore de celle des autres. « À quelque prix que ce soit, ô mon Sauveur, je veux vous aborder pour obtenir votre indulgence ; si je ne puis entrer par la porte, je me ferai descendre par le toit ; je tenterai les voies les plus difficiles, je ne vous aborderai pas seul ; j’aurai avec moi des intercesseurs semblables à ceux qui descendirent ce paralytique aux pieds du Sauveur, et dont la foi le toucha. » Bossuet. Ce passage confirme le dogme catholique de la Communion des Saints.
  4. Cela est vrai, et, rapproché des vers. 9 et 10, prouve tout à la fois que Jésus se dit Dieu et l’est en effet.
  5. Shallow : L’Esprit de Jésus-Christ, c’est l’Esprit-Saint. Patrizzi : Par lui-même, sans que personne le lui révélât.
  6. Appelé aussi Matthieu, l’Évangéliste.
  7. Il s’agit de jeûnes non commandés par la loi.
  8. Litt. les fils des noces, peut-être, au moins en grec, avec le sens plus restreint de paranymphes, ou compagnons de l’époux : voy. Matth. xxv, 1.
  9. Sens : les Apôtres ne sont pas encore assez forts pour que j’exige d’eux des choses difficiles.
  10. Un peu après Pâque, l’an 27 de l’ère vulgaire.
  11. Le premier livre des Rois (chap. xxi) le nomme Achimélech, père d’Abiathar, qui ne devint grand-prêtre qu’un peu plus tard. On a donné beaucoup d’explications de cette différence de nom ; la plus simple est de supposer qu’Achimélech avait pour surnom Abiathar.
  12. Le sabbat a été institué pour que l’homme pût rendre à Dieu les hommages qu’il lui doit et réparer ses forces par le repos. C’est pourquoi, en faveur des besoins de l’homme, etc.