Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Marc/07

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 202-205).
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saint Marc


CHAPITRE VII


SCANDALE DES PHARISIENS, LEUR HYPOCRISIE ET LEURS MAXIMES PERVERSES (Matth. xv, 1 sv.). — LA CHANANÉENNE (ibid.). — GUÉRISON D’UN SOURD-MUET (Matth. xv, 30).


1 Les Pharisiens et plusieurs Scribes, venus de Jérusalem, vinrent ensemble trouver Jésus. Et ayant vu quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées, ils les en blâmèrent[1]. Car les Pharisiens et tous les Juifs ne mangent point sans s’être à plusieurs reprises lavé les mains, suivant en cela la tradition des anciens. Et lorsqu’ils reviennent de la place publique, ils ne mangent pas sans s’être lavés. Ils pratiquent encore beaucoup d’observances traditionnelles, la purification des coupes, des vases pour la boisson, des vases d’airain, et des lits[2]. Les Pharisiens et les Scribes lui demandèrent donc : Pourquoi vos disciples ne gardent-ils pas les traditions des anciens, mais prennent leur repas avec des mains impures ? Il leur répondit : Isaïe

a bien prophétisé de vous, hypocrites, lorsqu’il dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais leur cœur est loin de moi. Vain est le culte qu’ils me rendent, enseignant des maximes et des ordonnances humaines[3]. » Car vous négligez la loi de Dieu, et vous observez avec soin la tradition des hommes, purifiant les vases et les coupes et faisant beaucoup d’autres choses semblables. Il est beau, ajoutait-il, d’anéantir ainsi la loi de Dieu, pour observer votre tradition ! Car Moïse a dit : « Honore ton père et ta mère ; » et : « Celui qui maudira son père et sa mère, qu’il soit puni de mort. » Et vous, vous dites : Si un homme dit à son père ou à sa mère : « Tout corban, c’est-à-dire tout don fait à Dieu de mon bien, vous profite ! » il est dispensé de rien faire davantage pour son père ou sa mère : annulant la parole de Dieu par une tradition dont vous êtes vous-mêmes les auteurs. Et vous faites encore beaucoup d’autres choses semblables.

14 Et appelant de nouveau le peuple[4], Jésus leur dit : Écoutez-moi tous, et comprenez. Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, entrant en lui, puisse le souiller ; mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme : que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. Lorsqu’il eut quitté la foule et fut entré dans la maison, ses disciples l’interrogèrent sur cette parabole[5]. Et il leur dit : Vous aussi, avez-vous si peu d’intelligence ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller, parce que cela n’entre point dans le cœur, mais va au ventre, et est rejeté au lieu secret, par un travail où tous les aliments se purifient[6]. Mais, disait-il, ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, du cœur des hommes, que sortent les pensées mauvaises, les adultères, les fornications, les homicides, les vols, l’avarice, les méchancetés, la fraude, les impudicités, l’œil malin[7], le blasphème, l’orgueil, l’aveuglement. Tous ces maux sortent du dedans et souillent l’homme.

24 Il partit ensuite de ce lieu, et s’en alla vers les confins de Tyr et de Sidon. Et étant entré dans une maison, il désirait que personne ne le sût, mais il ne put demeurer caché. Car une femme, dont la fille était possédée d’un esprit impur, n’eut pas plutôt appris qu’il était là, qu’elle vint se jeter à ses pieds[8]. C’était une femme d’entre les Gentils, syro-phénicienne de nation[9] ; et elle le priait de chasser le démon hors de sa fille. Il lui dit : Laissez d’abord les enfants se rassasier ; car il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens. Elle lui répondit : Il est vrai, Seigneur ; mais les petits chiens mangent sous la table les miettes des enfants. Et il lui dit : À cause de cette parole, allez, le démon est sorti de votre fille. Étant retournée à sa maison, elle trouva sa fille reposant sur son lit, et comprit que le démon l’avait quittée.

31 Des confins de Tyr, Jésus revint par Sidon vers la mer de Galilée, et traversa le pays de la Décapole. Là, ils lui amenèrent un sourd-muet, et le priaient de lui imposer les mains. Jésus, le tirant à part hors de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et de sa salive sur la langue[10] ; et levant les yeux au ciel, il poussa un soupir et dit : Ephephta, c’est-à-dire ouvrez-vous. Et aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia, et il parlait distinctement[11]. Jésus leur défendit d’en rien dire à personne. Mais plus il le leur défendait, plus ils le publiaient ; et leur admiration allant toujours croissant, ils disaient : Il a bien fait toutes choses[12], il a fait parler les muets et entendre les sourds.

  1. Le gr. omet les en blâmèrent, et après la parenthèse des vers. 3-4, continue la phrase au vers. 5.
  2. On voit par ces explications que saint Marc écrit pour d’autres que pour les Juifs. Voy. aussi vers. 11.
  3. Isaïe, xxix, 13.
  4. En gr. et appelant tout le peuple.
  5. La sentence exprimée au vers. 15.
  6. C.-à-d. où disparaissent les immondices qu’ils laissent après eux.
  7. L’envie.
  8. Saint Marc passe sous silence les détails donnés par saint Matthieu, xv, 23, 24, c’est-à-dire, ce qui se passa hors de la maison.
  9. La partie du pays de Chanaan non occupée par les Israélites, s’appela Phénicie. Mais depuis que la Judée, la Phénicie, la Galilée, la Syrie proprement dite, etc., formaient la province romaine de Syrie, on disait, pour distinguer ces divers peuples, les Syriens-Juifs ou Syro-Juifs, les Syro-Phéniciens, etc.
  10. Ces moyens par eux-mêmes ne pouvaient contribuer à la guérison de ce malade ; mais Jésus les emploie pour provoquer l’attention, et montrer quelle vertu merveilleuse la divinité communiquait à sa chair adorable.
  11. Ce sourd-muet, nous disent les Pères, c’est l’humanité non régénérée, ne pouvant ni entendre la doctrine du salut, ni publier les louanges de Dieu. Voilà pourquoi l’Église catholique, dès la plus haute antiquité, regardant ce que fit Jésus à l’égard du sourd muet comme une action symbolique, a adopté un rit semblable dans les cérémonies du baptême.
  12. C’est-à-dire, selon Kuinœl, il ne fait partout que du bien.