Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Luc/13

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 320-323).
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saint Luc


CHAPITRE XIII


NÉCESSITÉ DE LA PÉNITENCE ; PARABOLE DU FIGUIER STÉRILE. — GUÉRISON D’UNE FEMME COURBÉE. — PARABOLES DU GRAIN DE SÉNEVÉ, DU LEVAIN (Matth. xiii, 31 ; Marc, iv, 30). — PORTE ÉTROITE (Matth. vii, 13 ; viii, 11). — RÉPONSE DE JÉSUS AUX MENACES D’HÉRODE (Matth. xxiii, 37, 39).


En ce même temps, quelques-uns vinrent raconter à Jésus ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices[1]. Il leur répondit : Pensez-vous que les Galiléens fussent plus pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir été 3. traités ainsi ? Non, je vous le dis, et si vous ne faites 4. pénitence, vous périrez tous de la même manière. De même ces dix-huit sur qui tomba la tour de Siloé[2], et qu’elle tua, pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le dis, et si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de la même manière.

6 Il leur dit aussi cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne[3] ; il vint pour y chercher des fruits, et n’en trouvant point, il dit aux vignerons : Voilà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n’en trouve point ; coupez-le donc : à quoi bon occupe-t-il encore la terre ? Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année ; je creuserai tout autour et je mettrai du fumier. Peut-être portera-t-il du fruit ; sinon, vous le couperez alors[4].

Or Jésus enseignait dans la synagogue les jours de sabbat. Et il se trouva là une femme possédée d’un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans : elle était toute courbée, et ne pouvait aucunement regarder en haut. Jésus la voyant, l’appela et lui dit : Femme, vous êtes délivrée de votre infirmité. Et il lui imposa les mains, et aussitôt elle redevint droite, et elle glorifiait le Seigneur. Mais le chef de synagogue, s’indignant que Jésus eût guéri un jour de sabbat, dit au peuple : Il y a six jours pour le travail, venez en ces jours-là pour vous faire guérir, et non pas le jour du sabbat. Hypocrites, lui répondit le Seigneur, est-ce que chacun de vous, le jour du sabbat, ne délie pas de la crèche son bœuf ou son âne, pour le mener boire ? Et cette fille d’Abraham, que Satan a tenue liée pendant dix-huit ans, il ne fallait pas rompre son lien le jour du sabbat ? Pendant qu’il parlait ainsi, tous ses adversaires étaient couverts de confusion, et tout le peuple était ravi des choses merveilleuses qu’il faisait.

18 Et Jésus leur disait : A quoi est semblable le royaume de Dieu, et à quoi le comparerai-je ? Il est semblable à un grain de sénevé qu’un homme prit et sema dans son jardin ; il crût et devint un grand arbre, et les oiseaux du ciel se reposèrent dans ses rameaux. Il dit encore : A quoi comparerai-je le royaume de Dieu ? Il est semblable au levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait fermenté.

22 Il allait ainsi enseignant par les villes et les villages, et s’avançant vers Jérusalem. Quelqu’un lui demanda : Seigneur, n’y aura-t-il qu’un petit nombre qui soient sauvés ? Il leur dit : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite[5] ; car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer, et ne le pourront pas. Lorsque le père de famille sera entré et aura fermé la porte, vous serez dehors et vous vous mettrez à frapper, en disant : Seigneur, ouvrez-nous ; mais il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes. Alors vous direz : Nous avons mangé et bu devant vous, et vous avez enseigné dans nos places publiques[6]. Et il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité. Là seront les pleurs et le grincement des dents, lorsque vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les Prophètes dans le royaume de Dieu, et vous chassés dehors. Et il en viendra de l’Orient et de l’Occident, de l’Aquilon et du Midi, et ils auront place au banquet dans le royaume de Dieu. Et tels sont aujourd’hui les derniers qui seront les premiers, tels sont les premiers qui seront les derniers[7].

31 Le même jour, quelques-uns des Pharisiens vinrent lui dire : Retirez-vous et partez d’ici ; car Hérode en veut à votre vie[8]. Il leur répondit : Allez et dites à ce renard[9] : Je chasse les démons et guéris les malades aujourd’hui et demain, et le troisième jour sera ma fin. Cependant il faut que je continue de marcher aujourd’hui, et demain, et le jour suivant ; car il ne convient pas qu’un prophète meure hors de Jérusalem. Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme un oiseau rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! Voilà que votre maison va demeurer déserte. Je vous le dis, vous ne me verrez plus, jusqu’à ce que je vienne le jour où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !

  1. Probablement dans le temple de Jérusalem. Il ne faut pas confondre ce massacre, dont l’histoire profane ne parle pas, avec ce qui est raconté dans les Actes, v, 37, et dans Josèphe, Antiq. xx, 5.
  2. Siloé était une fontaine située au pied du mont Sion ; la tour se trouvait dans le mur de la ville, à côté de la fontaine.
  3. Dans un angle du terrain, et non parmi les ceps, ce qui aurait été contraire à la loi (Deutér. xxii, 9).
  4. Le maître de la vigne, c’est Dieu ; le figuier, c’est le peuple d’Israël. Dieu a envoyé à ce peuple des docteurs et des prophètes pour l’instruire, afin qu’il portât des fruits de justice. Lorsqu’il voulut recueillir ces fruits, il n’a rien trouvé que l’observation de pratiques extérieures, des œuvres semblables à un vain feuillage. Le Seigneur, dit saint Jérôme, est venu trois fois : il a donné la Loi par Moïse, il a parlé par les prophètes, enfin il a envoyé son Fils. Après la mort de ce Fils bien-aimé, il a donné encore l’espace de quarante-six ans pour faire pénitence. Le peuple juif ne se convertissant pas, Jérusalem fut détruite, et le peuple lui-même dispersé parmi les nations. Allioli.
  5. Notre-Seigneur parle de la réception dans le royaume du ciel au delà de cette vie.
  6. Nous appartenions extérieurement à votre société, à votre Église.
  7. Plusieurs (il n’y a point d’article en grec) passeront du dernier rang au premier, et réciproquement ; bien des païens et des publicains convertis occuperont le rang auquel les Pharisiens se croient seuls appelés.
  8. Ce prince fourbe et rusé les avait sans doute envoyés lui-même. Voyant s’accroître le nombre des disciples de Jésus, et craignant qu’il n’en résultât des troubles qui eussent mécontenté les Romains, il voulait lui faire peur et l’éloigner du territoire soumis à sa domination.
  9. Cette hardiesse de langage à l’égard des rois et des grands était familière aux prophètes hébreux.