Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Matthieu/01

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 33-36).
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saint Matthieu


CHAPITRE PREMIER


TABLE GÉNÉALOGIQUE DE JÉSUS-CHRIST (Luc, iii, 23, sv.) ;
SA NAISSANCE (Luc, ii, sv.).


1 Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham[1].

2 Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères ; Juda engendra, de Thamar, Pharès et Zara ; Pharès engendra Esron ; Esron engendra Aram ; Aram engendra Aminadab ; Aminadab engendra Naasson ; Naasson engendra Salmon ; Salmon, de Rahab[2], engendra Booz ; Booz, de Ruth, engendra Obed ; Obed engendra Jessé ; Jessé engendra le roi David ; le roi David engendra Salomon, de celle qui fut la femme d’Urie[3] ; Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abias ; Abias engendra Asa ; Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Ozias[4] ; Ozias engendra Joathan ; Joathan engendra Achaz ; Achaz engendra Ézéchias ; Ézéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Aman ; Aman engendra Josias ; Josias engendra Jéchonias et ses frères, au temps de la transmigration de Babylone[5] ; et après la transmigration de Babylone, Jéchonias engendra Salathiel ; Salathiel engendra Zorobabel ; Zorobabel engendra Abiud ; Abiud engendra Éliacim ; Éliacim engendra Azor ; Azor engendra Sadoc ; Sadoc engendra Achim ; Achim engendra Eliud ; Eliud engendra Éléazar ; Éléazar engendra Mathan ; Mathan engendra Jacob ; et Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus[6], qu’on appelle Christ[7].

17 Donc la somme des générations depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à la transmigration de Babylone, quatorze générations ; et depuis la transmigration de Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations[8].

18 Or, la naissance du Christ arriva ainsi. Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph[9], il se trouva, avant qu’ils vinssent ensemble, qu’elle avait conçu par l’opération du Saint-Esprit. Joseph, son mari, qui était un homme juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement. Comme il était dans cette pensée, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe[10], et lui dit : Joseph, fils de David[11], ne craignez point de prendre avec vous Marie votre épouse, car ce qui est formé en elle est l’ouvrage du Saint-Esprit. Et elle enfantera un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus[12] ; car il sauvera son peuple de ses péchés. Or tout cela se fit afin que fût accompli ce qu’avait dit le Seigneur par le Prophète : « La Vierge concevra et enfantera un fils ; et on le nommera Emmanuel[13], » c’est-à-dire Dieu avec nous. Réveillé de son sommeil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait commandé et prit Marie son épouse. Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle enfantât son Fils premier-né[14], et il lui donna le nom de Jésus.

  1. Kuinoel et Patrizzi veulent qu’on traduise, table généalogique ; mais, d’après Fritzsche, ces premiers mots seraient le titre de tout le chap. i, et non pas seulement des vers. 2-17. — Fils d’Abraham se rapporte à David, et non à Jésus-Christ. Le Messie devait descendre d’Abraham (Gén. xii, 3 ; xviii, 18) et de David (II Rois, vii, 4 ; Isaïe, xii, 1 al.) : S. Matthieu affirme dans le vers. 1 que Jésus remplit cette double condition, et le prouve dans les versets qui suivent.
  2. Rahab est-elle la femme de Jéricho qui sauva la vie aux espions de Josué, 366 ans avant la naissance de David ? Ce long espace de temps est-il suffisamment rempli par quatre générations ? Les interprètes sont partagés.
  3. De Bethsabée.
  4. Les noms d’Ochosias, de Joas et d’Amasias sont omis après celui de Joram. L’Évangéliste a voulu sans doute effacer jusqu’à la troisième génération la mémoire d’un roi qui s’était uni à la fille de l’impie Jésabel. S. Jérôme.
  5. C’est-à-dire un peu auparavant. Fritzsche. Patrizzi : Et ses frères qui vivaient au temps de la transmigration, etc. — Transmigration n’est pas synonyme de captivité, mais de voyage pour l’exil ; ainsi, après la transmigration peut signifier, et signifie ici : pendant la captivité.
  6. Ici l’Évangéliste n’ajoute plus le mot engendra ; il se contente de nommer « Joseph l’époux de Marie, » dans le chaste sein de laquelle Jésus fut formé par la vertu du Très-Haut (Luc, i, 35). Comme d’ailleurs la sainte Vierge était parente de S. Joseph, la généalogie de l’un s’applique à l’autre, et Jésus est vraiment fils de David selon la chair.
  7. Christ répond au mot hébreu d’où l’on a fait Messie, et signifie oint. On donnait ce nom, chez les Juifs, aux rois, aux prophètes et aux prêtres, qui recevaient une onction solennelle, et quelquefois à Dieu, parce que, dans la théocratie hébraïque, Dieu est considéré comme le roi ou l’oint de la nation. Comme Jésus est à la fois grand-prêtre, prophète et roi, oint, non d’une huile matérielle, mais par l’Esprit-Saint qu’il avait en lui en vertu de sa divinité, le nom de Christ lui est exclusivement attribué dans le Nouv. Testament, et souvent avec l’article comme nom propre.
  8. S. Matthieu a voulu renfermer toute la généalogie de J.-C. dans un cadre symétrique, dont chaque période, composée de quatorze générations, reproduisît deux fois le nombre sept, sacré chez les Juifs ; et, en cela, il n’a fait que suivre la coutume des Orientaux qui partageaient les généalogies en divisions égales pour aider la mémoire. Voilà pourquoi plusieurs anneaux, comme nous l’avons dit, manquent à la chaîne des générations. Mais comment trouver ici les trois séries de quatorze générations ? Plusieurs moyens ont été indiqués ; voici celui qui nous paraît le plus simple : Arrêtez la deuxième période à Josias, qui se place comme au seuil de la captivité, et admettez que l’Évangéliste range ce prince et David dans chacune des deux périodes dont ils marquent soit la fin, soit le commencement, et vous aurez le nombre exact des générations comptées avant J.-C. Wallon. Voy. le mot Généalogie dans le Vocabulaire.
  9. Les fiançailles se célébraient, chez les Juifs, environ un an avant le mariage. Les fiancés n’habitaient point ensemble ; mais déjà on les désignait sous les noms de mari et de femme, et le lien qui les unissait était si étroit, qu’il fallait, pour le rompre, un écrit de répudiation, comme s’il se fût agi d’époux véritables. « Les fiançailles valent autant que le mariage, dit Philon, quand les noms des parties ont été inscrits sur des registres dans une assemblée solennelle d’amis. »
  10. Pourquoi Marie elle-même, prévenant l’ange, n’expliqua-t-elle pas ce mystère à S. Joseph ? — Après qu’elle a dit : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole, » (Luc, i, 38), elle abandonne tout à Dieu et demeure dans sa paix. Bossuet.
  11. Ce n’est pas sans raison que l’ange rappelle ici à Joseph la noblesse de son origine, en nommant David, dont le Messie devait naître et dont il savait que Marie était la fille. Ce glorieux souvenir, dit S. Jean Chrysostome, le prépare au grand mystère qui va lui être révélé.
  12. « Pourquoi vous ? Vous n’en êtes pas le père ; il n’a pas de père que Dieu ; mais Dieu vous a transmis ses droits ; vous tiendrez lieu de père à J.-C. » Bossuet. — Jésus, c’est-à-dire Sauveur. Ce nom n’était pas rare parmi les Juifs ; mais ici, il est choisi par le Ciel même comme le nom significatif du Fils de Dieu fait homme pour nous racheter.
  13. Isaïe, vii, 14. Le nom d’Emmanuel exprime clairement la double nature de J.-C, Dieu et homme tout ensemble.
  14. Jusqu’à ce que n’indique pas qu’il en fut autrement plus tard ; car on sait que, dans la langue biblique, ces mots, précédés d’une négation, nient la chose dans le passé d’une manière absolue, sans l’affirmer pour l’avenir. (Gen., viii, 7 al.). Le mot premier-né ne suppose pas non plus que d’autres enfants sont nés ou naitront plus tard ; il signifie simplement fils unique (Jos., xvii, 1).