Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Matthieu/25

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 146-150).
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saint Matthieu


CHAPITRE XXV


PARABOLE DES DIX VIERGES, DES TALENTS. — TABLEAU DU JUGEMENT DERNIER.


1 Alors le royaume des cieux sera semblable[1] à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Cinq d’entre elles étaient folles[2], et cinq étaient sages. Les cinq folles, ayant pris leurs lampes, ne se pourvurent point d’huile ; les sages, au contraire, prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes. Or, l’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Mais au milieu de la nuit un cri s’éleva : Voici l’époux qui vient, allez au-devant de lui. Alors toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. Et les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages répondirent : Nous craignons qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt à ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Mais, pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Enfin les autres vierges vinrent aussi, disant : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. Il leur répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point. Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour, ni l’heure[3].

14 C’est comme un homme[4] qui, partant pour un long voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens. À l’un il donna cinq talents[5], à un autre deux, à un autre un, selon la capacité de chacun, et aussitôt il partit. Celui qui avait reçu cinq talents, s’en étant allé, les fit valoir, et en gagna cinq autres. De la même manière celui qui en avait reçu deux en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un, s’en alla creuser la terre, et y cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le maître de ces serviteurs étant revenu, leur fit rendre compte. Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha et lui en présenta cinq autres, en disant : Seigneur, vous m’aviez remis cinq talents ; en voici de plus cinq autres que j’ai gagnés. Son maître lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle ; parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup : entrez dans la joie de votre seigneur. Celui qui avait reçu deux talents, vint aussi, et dit : Seigneur, vous m’aviez remis deux talents, en voici deux autres que j’ai gagnés. Son maître lui répondit : Bien, serviteur bon et fidèle ; parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup. S’approchant à son tour, celui qui n’avait reçu qu’un talent, dit : Seigneur, je sais que vous êtes un homme dur ; vous moissonnez où vous n’avez pas semé, et recueillez où vous n’avez pas vanné. Craignant donc, je m’en suis allé, et j’ai caché votre talent dans la terre ; le voici, je vous rends ce qui est à vous. Son maître lui répondit : Serviteur mauvais et paresseux, vous saviez que je moissonne où je n’ai point semé, et que je recueille où je n’ai point vanné ; il fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j’eusse retiré avec usure ce qui est à moi. Otez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui en a dix. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il semble avoir. Pour ce serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres extérieures : là seront les pleurs et le grincement des dents[6].

31 Or, quand le Fils de l’homme viendra dans sa majesté[7], et tous les anges avec lui, alors il s’asseoira sur le trône de sa gloire. Et toutes les nations étant rassemblées devant lui, il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d’avec les boucs. Et il placera les brebis à sa droite, les boucs à sa gauche[8]. Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous dès l’origine du monde : car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais sans asile, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi[9]. Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant faim, et que nous vous avons donné à manger ; ayant soif, et que nous vous avons donné à boire ? Quand est-ce que nous vous avons vu sans asile, et que nous vous avons recueilli ; nu, et que nous vous avons vêtu ? Et quand est-ce que nous vous avons vu malade ou en prison, et que nous sommes venus à vous ? Et le Roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. S’adressant ensuite à ceux qui seront à sa gauche, il dira : Loin de moi, maudits, allez au feu éternel, préparé pour le diable et ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire. J’étais sans asile, et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. Alors eux aussi lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant soif, ou sans asile, ou nu, ou malade, ou en prison, et que nous ne vous avons point assisté ? Mais il leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. Et ceux-ci s’en iront à l’éternel supplice, et les justes à la vie éternelle.

  1. Les deux paraboles suivantes ont également pour but de montrer qu’il faut se préparer par la vigilance et la pratique des bonnes œuvres à la mort et au jugement.

    Pour bien comprendre la première, il faut connaître les usages suivis dans les noces parmi les Israélites. L’époux, suivi de ses compagnons, appelés les amis ou les fils de l’époux, allait vers le soir chercher l’épouse à la maison de son père. Celle-ci était environnée de ses compagnes, lesquelles, lorsque l’époux approchait, allaient à sa rencontre, et le conduisaient à l’épouse qui était restée en arrière. Puis le cortége se mettait en marche, à la lueur des lampes que les jeunes filles et les jeunes gens portaient fixées au bout de bâtons, soit pour éclairer la route, soit comme un symbole de l’éclat que répand autour de soi l’innocence et la pureté du cœur. On célébrait alors le repas des noces dans la maison et aux frais du fiancé.

  2. Imprévoyantes.
  3. L’époux, c’est J.-C. ; l’épouse, c’est l’Église ; les vierges, ce sont tous les fidèles ; l’huile, c’est la charité et les bonnes œuvres ; l’arrivée de l’époux, c’est la mort ou le jugement.
  4. Car, au jour du jugement (particulier ou général), j’en agirai comme fait un homme, etc.
  5. Le talent attique valait 5600 francs.
  6. L’homme qui entreprend un voyage, c’est J.-C. remontant au ciel pour revenir un jour : pour chaque homme à l’heure de sa mort, pour tous au jugement dernier ; les serviteurs, ce sont les chrétiens ; les talents, ce sont les dons de la nature et de la grâce que l’homme doit faire valoir pendant sa vie par la pratique des bonnes œuvres.
  7. Ces vers. se rapportent au chap. xxiv, 31. Allioli.
  8. Les brebis et les boucs figurent les bons et les méchants.
  9. En Orient, les prisonniers ne sont point, d’ordinaire, tenus enfermés comme chez nous ; ils peuvent assez librement recevoir leurs parents et leurs amis : c’est pour cela que N.-3. place la visite des prisonniers parmi les œuvres de miséricorde. Sepp.