Les Quatre Stuarts/I

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Les Quatre Stuarts
Œuvres complètes de ChateaubriandGarnier frères10 (p. 353-354).
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JACQUES Ier.

1685-1688.


Il naquit sans doute dans la Grande-Bretagne en 1603, à l’avènement de Jacques Ier, plusieurs individus qui ne moururent qu’en 1688, à la chute de Jacques II : ainsi tout l’empire des Stuarts en Angleterre ne fut pas plus long que la vie d’un vieil homme. Quatre-vingt-cinq ans suffirent à la disparition totale de quatre rois qui montèrent sur le trône d’Élisabeth, avec la fatalité, les préjugés et les malheurs attachés à leur race.

Jacques, comme beaucoup de princes dévots, fut gouverné par des favoris : tandis qu’avec sa plume il combattait pour le droit divin, il laissait le sceptre à Buckingham, qui usait et abusait du droit politique : le favori prenait les vices de la royauté, dont le monarque retenait les vertus. Souvent les princes se plaisent à déléguer le pouvoir à un ministre dont ils reconnaissent eux-mêmes l’indignité ; imitant Dieu, dont ils se disent l’image, ils ont l’orgueil de créer quelque chose de rien.

Jacques expira sans violence dans le lit de la femme qui avait tué Marie d’Écosse, de cette noble Marie, qui, selon une tradition, créa son bourreau gentilhomme ou chevalier ; de cette belle veuve de François de France, laquelle désira avoir la tête tranchée avec une épée à la française, raconte Etienne Pasquier. Le bourreau montra la tête séparée du corps, dit Pierre de L’Estoile, et comme en cette montre la coiffure chut en terre, on vit que l’ennui avait rendu toute chauve cette pauvre reine de quarante-cinq ans, après une prison de dix-huit. Mais Jacques n’en travailla pas moins à établir les principes qui devaient amener la fin tragique de Charles Ier : il mourut toujours tremblant entre l'épée qui l'avait effrayé dans le ventre de sa mère, et le glaive qui devait tomber sur la tête de son fils. Son règne ne fut que l'espace qui sépara les deux échafauds de Fotheringay et de Whitehall ; espace obscur, où s'éteignirent Bacon et Shakespeare.

Jacques était auteur, et auteur non sans mérite. Son Basilicon Doron, qui servit de modèle à l' Eikon Basiliké, renfermait cette inutile leçon pour Charles son fils : « Ne vous en rapportez point à des gens qui ont des intérêts à vous cacher les besoins de vos sujets, afin de vous tenir dans la dépendance, et qui ne portent jamais au souverain les plaintes publiques que comme des révoltes, donnant aux larmes du peuple les noms de désobéissance et de rébellion. »






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