Les Quatre livres/Entretiens de Confucius/01

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Traduction par Séraphin Couvreur.
Imprimerie de la mission catholique (p. 71-76).
ENTRETIENS DE CONFUCIUS



CHAPITRE I. HIO EUL.


1. Le Maître dit : « Celui qui cultive la sagesse et ne cesse de la cultiver n’y trouve-t-il pas de la satisfaction ? Si des amis de la sagesse viennent de loin recevoir ses leçons, n’éprouve-t-il pas une grande joie ? S’il reste inconnu des hommes et n’en ressent aucune peine, n’est il pas un vrai sage ? »

2. Iou tzeu dit : « Parmi les hommes naturellement enclins à respecter leurs parents, à honorer ceux qui sont au dessus d’eux (par le rang ou par l’âge), peu aiment à résister à leurs supérieurs. Un homme qui n’aime pas à résister à l’autorité, et cependant aime à exciter du trouble, ne s’est jamais rencontré. Le sage donne son principal soin à la racine. La racine, une fois affermie, donne naissance au tronc et aux branches. L’affection envers nos parents et le respect envers ceux qui sont au dessus de nous sont comme la racine de la vertu ». (Iou tzeu, nommé Jo, était disciple de Confucius).

3. Le Maître dit : « Celui qui par des discours étudiés et un extérieur composé (cherche à plaire aux hommes) ruine ses vertus naturelles. » (Sien équivaut à la lettre wang).

4. Tseng tzeu dit : « Je m’examine chaque jour sur trois choses : Si, traitant une affaire pour un autre, je ne l’ai pas traitée avec moins de soin que si elle eût été ma propre affaire ; si, dans mes relations avec mes amis, je n’ai pas manqué de sincérité ; si je n’ai pas négligé de mettre en pratique les leçons que j’ai reçues. »

5. Le Maître dit : « Celui qui gouverne une principauté qui entretient mille chariots de guerre doit être attentif aux affaires et tenir sa parole, modérer les dépenses et aimer les hommes, n’employer le peuple aux travaux publics que dans les temps convenables, (afin de ne pas nuire aux travaux des champs). »

6. Le Maître dit : « Un jeune homme, dans la maison, doit aimer et respecter ses parents. Hors de la maison, il doit respecter ceux qui sont plus âgés ou d’un rang plus élevé que lui. Il doit être attentif aux affaires et sincère dans ses paroles ; aimer tout le monde, mais se lier plus étroitement avec les hommes vertueux. Ces devoirs remplis, s’il lui reste (du temps et) des forces, qu’il les emploie à l’étude des lettres et des arts libéraux. »

7. Tzeu hia dit : « Celui qui, au lieu d’aimer les plaisirs, aime et recherche les hommes sages, qui aide ses parents de toutes ses forces, qui se dépense tout entier au service de son prince, qui avec ses amis parle sincèrement, quand même on me dirait qu’un tel homme n’a pas cultivé la sagesse, j’affirmerais qu’il l’a cultivée. »

8. Le Maître dit : « Si celui qui cultive la sagesse manque de gravité, il ne sera pas respecté et n’acquerra qu’une connaissance superficielle de la vertu. Qu’il mette au premier rang la fidélité et la sincérité ; qu’il ne lie pas amitié avec des hommes qui ne lui ressemblent pas (qui ne cultivent pas comme lui la sagesse) ; s’il tombe dans un défaut, qu’il ait le courage de s’en corriger. »

9. Tseng tzeu dit : « Si le prince rend les derniers devoirs à ses parents avec un vrai zèle et honore par des offrandes ses ancêtres même éloignés, la piété filiale fleurira parmi le peuple. »

10. Tzeu k’in adressa cette question à Tzeu koung : « Quand notre maître arrive dans une principauté, il reçoit toujours des renseignements sur l’administration de l’État. Est-ce lui qui les demande au prince, ou bien est ce le prince qui les lui offre ? » Tzeu koung répondit : « Notre maître les obtient (non par des interrogations, mais) par sa douceur, son calme, son respect, sa tenue modeste et sa déférence. Il a une manière d’interroger qui n’est pas celle des autres hommes. » (Le nom de famille de Tzeu Koung était Touan mou, et son nom propre Seu)

11. Le Maître dit : « Un fils doit consulter la volonté de son père, tant que son père est en vie, et ses exemples, quand il est mort. Si durant trois ans après la mort de son père, il imite sa conduite en toutes choses, on pourra dire qu’il pratique la piété filiale. »

12. Iou tzeu dit : « Dans l’observation des devoirs mutuels, la concorde est d’un grand prix. C’est pour cette raison que les règles des anciens souverains sont excellentes. Toutes leurs prescriptions, grandes ou petites, ont été inspirées par le désir de la concorde. (Cependant,) il est une chose qu’il faut éviter : connaître le prix de la concorde, et faire tout pour la concorde, sans tenir compte du devoir, c’est ce qui n’est pas permis. »

13. Iou tzeu dit : « Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole. Un respect et des égards conformes aux règles de la bienséance ne sont ni honteux ni déshonorants. Si vous choisissez pour protecteur un homme digne de votre amitié et de votre confiance, vous pourrez lui rester attaché à jamais. »

14. Le Maître dit : « Un disciple de la sagesse qui ne recherche pas la satisfaction de son appétit dans la nourriture, ni ses commodités dans son habitation, qui est expéditif dans les affaires et circonspect dans ses paroles, qui se fait diriger par des hommes vertueux, celui-là a un véritable désir d’apprendre. »

15. Tzeu koung dit : « Que faut il penser de celui qui, étant pauvre, n’est pas flatteur, ou qui, étant riche, n’est pas orgueilleux ? Le maître répondit : « Il est louable ; mais celui-là l’est encore plus qui dans la pauvreté vit content, ou qui au milieu des richesses garde la modération. » Tzeu koung répliqua : « On lit dans le Cheu king que le sage imite l’ouvrier qui coupe et lime l’ivoire, ou qui taille et polit une pierre précieuse. Ces paroles n’ont elles pas le même sens (ne signifient-elles pas que le sage ne doit pas se contenter de n’être ni flatteur dans la pauvreté, ni orgueilleux dans l’opulence, mais travailler à conserver toujours la joie de l’âme et la modération) ? » Le Maître repartit : « Seu (Tzeu koung) commence à pouvoir entendre l’explication du Cheu king ; sur ma réponse à sa question, il a aussitôt compris le sens des vers qu’il a cités. »

16. Le Maître dit : « Le sage ne s’afflige pas de ce que les hommes ne le connaissent pas ; il s’afflige de ne pas connaître les hommes. »