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Les Règles de la composition typographique/Espacement

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ESPACEMENT


L’espacement régulier des mots est la première qualité d’une bonne composition typographique.

Il doit être, autant que possible, du tiers du cadratin et doit être le même entre les mots d’une même ligne. C’est-à-dire que, si les nécessités de la justification forcent à augmenter ou à diminuer l’espacement-type qui devrait être le tiers du cadratin, toutes les espaces de la ligne seront uniformément augmentées ou diminuées.

Ce n’est que pour faciliter l’espacement régulier qu’il a été admis de séparer un mot en deux tronçons. Par conséquent, lorsqu’une des règles qui président à la coupure d’un mot mettrait dans la nécessité, pour être suivie, d’espacer irrégulièrement, il vaudrait mieux faire une mauvaise division qu’un mauvais espacement.

Nous ferons remarquer à ce sujet que, dans la plupart des cas, il est facile de remédier à ces deux inconvénients en remaniant quelques lignes.

On met une espace d’un point avant le point virgule, le point d’exclamation et le point d’interrogation.

On ne met d’espace ni avant le point, ni avant la virgule, ni avant les points de suspension.

La parenthèse et le crochet ne prennent aucune espace intérieurement.

Cependant, si l’espacement de la ligne est large, il sera bon de mettre une espace d’un point avant la virgule, avant ou après la parenthèse et le crochet.

Les deux points, le tiret, les paragraphe, croix, pied-de-mouche, prennent, avant et après, le même espacement que les mots.

L’astérisque et les chiffres supérieurs figurant comme renvois de notes sans parenthèses prennent, avant, une espace moyenne ou fine.

On ne met pas d’espace entre les doubles lettres abréviatives :

LL. MM. l’empereur et l’impératrice de Russie.

On ne met d’espace ni avant ni après l’apostrophe placée par élision.

Il en est de même lorsqu’on élide une syllabe dans l’intérieur d’un mot :

C’te tête !… M’sieur…
ou qu’on lie un ou plusieurs monosyllabes avec le mot suivant :
J’viendrai… C’gamin… J’v’l’jure…

Si l’apostrophe se trouve à la fin d’un mot de plusieurs syllabes, on sépare ce mot du suivant :

Bonn’ petite… Aimab’ enfant !…

Nous avons dit : « L’espacement régulier des mots est la première qualité d’une bonne composition typographique. »

Voilà, en effet, la règle la plus importante et aussi la plus négligée.

Combien peu de livres, sortis des imprimeries les plus justement renommées sous d’autres rapports, seraient exempts de reproches au sujet de la régularité de l’espacement !

Et cependant rien ne choque autant l’œil — même du lecteur le moins prévenu — qu’une page dont certaines lignes sont serrées et d’autres espacées trop largement.

Le lecteur ne s’apercevra peut-être pas que d’autres règles typographiques ont été inobservées, ou du moins il lui faudra un peu de temps pour s’en apercevoir.

Mais, avant même d’avoir lu une page, son œil sera choqué si la disposition des blancs entre les lignes et l’espacement des mots sont irréguliers.

On ne saurait trop s’élever contre la négligence à cet égard.

Il y a dans tous les arts des règles d’unité et des règles de variété. La typographie n’en est pas exempte.

C’est l’emploi judicieux de ces règles qui concourt à la beauté.

Autant l’essor est permis dans les règles de variété, — lisez travaux de ville pour la typographie, — autant celles d’unité doivent être rigoureusement suivies.

Eh bien ! la première règle d’unité en typographie, après l’orthographe, est l’interlignage et l’espacement réguliers.

Il est impossible de s’y soustraire.

Que pensera-t-on lorsque nous dirons que dans un concours qui eut lieu, il y a une quinzaine d’années, au Cercle de la Librairie, il y avait parmi les pages exposées, tirées en couleur avec le plus grand luxe, des pages espacées sans souci d’aucune règle ? Quel contraste choquant et quelle négligence ! Il leur manquait bien peu d’effort pour être des chefs-d’œuvre.

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