Les Renaissances/Lemerre, 1870/Les Parfums

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Les Renaissances Voir et modifier les données sur WikidataAlphonse Lemerre, éditeur (p. 23-25).
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IX

Les Parfums


 
Pareille au fin réseau que sur sa gorge nue
Psyché serrait, pleurant ses premières pudeurs,
Une invisible mer balance sous la nue
Le flux et le reflux des terrestres odeurs.


Comme un sein virginal que traverse une haleine
De parfums infinis, tièdes et pénétrants,
Un souffle intérieur a visité la plaine
Et soulève du sol un chœur d’esprits errants.

Tout respire : les bois sentent courir une âme
A leur cime légère et pleine de frissons,
Et, comme la chaleur d’une lointaine flamme,
Les voluptés du soir montent des horizons.

Les charnelles senteurs des verdures marines
Suivent, le long des flots, le spectre de Vénus,
Et des grands bœufs couchés les bruyantes narines
Aspirent, dans l’air chaud, des bonheurs inconnus.

Tout s’enivre de boire à la source cachée
Où, comme un holocauste éternel et fumant,
La Vie exhale une âme à la Mort arrachée,
Une âme qui dormait sous l’herbe, obstinément ;


L’âme des morts sacrés dont la dernière haleine
Vient errer, chaque nuit, sur les lis odorants,
Le souffle intérieur qui roule sur la plaine
Des parfums infinis, tièdes et pénétrants.