Les Responsabilités de la guerre - Les Intrigues allemandes au Maroc (1905-1914)

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Les Responsabilités de la guerre - Les Intrigues allemandes au Maroc (1905-1914)
Revue des Deux Mondes7e période, tome 13 (p. 315-344).
LES RESPONSABILITÉS DE LA GUERRE

LES INTRIGUES ALLEMANDES
AU MAROC
(1905-1914)

Lorsqu’après l’assassinat du docteur Mauchamps à Marrakech, en mars 1907, et après le meurtre de cinq ouvriers français du port de Casablanca en juillet de la même année, la France décida d’occuper Oudjda, puis d’opérer à Casablanca un débarquement pour protéger la vie de ses nationaux, il régnait dans l’Empire du Maroc une anarchie complète. Par un singulier paradoxe, cette anarchie voisinait avec un régime féodal fondé sur l’autorité absolue de chacun des grands seigneurs qui se partageaient le pouvoir et le contrôle des différentes régions de ce vieux pays. Le Sultan ne jouissait en réalité que des prérogatives précaires et limitées de chef religieux de l’Islam occidental. Son autorité temporelle ne dépassait guère la région de Fez, d’où il ne sortait que rarement, escorté d’une armée imposante, en prévision d’un coup de main, toujours possible, de l’un des nombreux prétendants à la suprématie. Il vivait des impôts levés les armes à la main, et son titre de Sultan ne lui valait qu’un respect illusoire. Telle était la situation du Maroc à cette époque ; c’était à peu près celle de la France à l’avènement de Louis XI.

Un pareil état de choses était éminemment propice aux intrigues de l’intérieur et de l’extérieur : aussi les pêcheurs en eau trouble ne se faisaient-ils pas faute de tendre leurs filets et de risquer maints coups de harpon. Le Sultan lui-même, prisonnier des siens, en butte aux mille combinaisons que ne cessaient de lui suggérer les agents des Puissances étrangères, ne savait, si j’ose dire, à quel marabout se vouer. C’est dans ce milieu dangereux et trouble que se mouvaient les représentants de la France avec mandat de maintenir l’ordre, et que débarquèrent nos troupes et leurs chefs.

L’accord de 1904, suivi de l’arrivée de colons français, avait suscité, parmi les quelques négociants allemands établis au Maroc, un grand mécontentement. Dès lors, ils n’eurent plus qu’un but : semer sous les pas des Français les traquenards et les embûches. Ils utilisèrent pour cela tous les moyens et déployèrent une perfidie et une ténacité prodigieuses.

A peine eûmes-nous fait sentir le poids de nos armes, dont la force étonna tous ceux qui ne croyaient plus en elles, que l’opposition se déchaîna. L’Allemagne, parvenue de la dernière heure en matière coloniale, et qui, jusqu’alors, n’avait jamais pensé au Maroc, s’avisa soudain que cette terre était un morceau... d’empereur : la République voisine était indigne de la protéger.

Une vaste organisation politique, ordonnée et conduite avec une méthode implacable, prit naissance et exerça une action graduelle et formidable qui ne devait finir qu’en 1914, avec l’arrestation de ses principaux agents, véritablement « commissionnés » par l’Empire d’Allemagne. Un service serré d’espionnage et de contre-influence étendit ses ramifications jusque dans le Sud du Maroc. Des agents furent placés à Rabat, à Mazagan, Fez, Mogador, Marrakech. Les renseignements et les nouvelles étaient centralisés à Casablanca par le chef du service et transmis à Berlin par le canal des consuls et du représentant de l’Allemagne à Tanger. Inversement, et par la même voie, arrivaient les instructions et les ordres. Le but de cette organisation était de discréditer la France auprès des Marocains et dans le monde entier, de fomenter la révolte, de créer des difficultés de toute nature et de tous les instants, enfin de rendre impossible à la France l’exécution de son mandat. Ce n’est que grâce à l’énergie inlassable de nos représentants, à leur clairvoyance, à leur dévouement que le monde put atteindre 1914 sans que se déchaînât une guerre vers laquelle tendaient tous les efforts des Allemands, selon un plan parfaitement organisé et approuvé secrètement par le Gouvernement impérial.

Dès la déclaration de guerre, par un de ces coups d’énergie dont il est coutumier, le maréchal Lyautey fit brusquement arrêter tous les Allemands résidant au Maroc, sans exception. Protestations, menaces, rien n’y fit. On les interna d’abord dans la vaste villa du chef de l’organisation Carl Ficke, puis ils furent dirigés sur des camps de concentration en Algérie. Les perquisitions faites dans leurs maisons, dans leurs propriétés urbaines et rurales, amenèrent la découverte d’archives aussi suggestives que l’étaient les monceaux de cendre de papiers trouvés dans tous les foyers. Convaincus que, faute de préparation, la France n’accepterait pas la guerre, ils ne détruisirent qu’à la dernière minute les pièces les plus compromettantes de leurs archives confidentielles.

D’après ce qui subsistait de ces archives, on a pu reconstituer toute l’action des agents secrets de l’Allemagne au Maroc. Les certitudes qu’apportaient ces documents, permirent au Conseil de guerre de Casablanca de prononcer de sévères et justes sanctions contre les principaux instigateurs de cette entreprise d’espionnage et de meurtre. Plusieurs d’entre eux furent condamnés à mort et passés par les armes, notamment Seyfert, Carl Ficke, Gründler, Brandt (dont la peine fut commuée).

Les dirigeants de l’organisation étaient surtout des commerçants aidés de quelques fonctionnaires de l’Empire d’Allemagne, à savoir :

Carl Ficke, chef du service, négociant à Casablanca ;
Gründler, bras droit du précédent, négociant à Mazagan ;
Nehrkorn, neveu de Carl Ficke et négociant ;
Brandt, négociant à Casablanca, chargé des intérêts de l’Autriche en qualité de vice-consul ;
Docteur Holzmann, médecin à Marrakech ;
Docteur Vassel, chargé de mission politique secrète à Fez ;
Capitaine Karow, à Tanger ;
Karl Hornung, journaliste à Tanger ;
Seyfert, receveur des postes allemandes à Casablanca ;
Tœnniès, négociant (surtout en armes de contrebande), à Rabat ;
Frères Mannesmann, négociants dans tous les centres du Maroc ;
Just et Sievers, secrétaires du consulat d’Allemagne.

Le dépouillement des quelque cinquante caisses de documents saisis dura huit mois : ils étaient rédigés en allemand, en anglais, en espagnol et en arabe.

C’est dans cet amas de pièces que nous allons puiser la preuve de la longue et patiente machination préparée par nos ennemis. On y trouvera le témoignage irréfutable que l’Allemagne souhaitait ardemment la guerre et qu’elle nous y acheminait, alors que, de l’aveu même des Allemands, la France n’en voulait à aucun prix et ne s’y préparait en rien.


Il faut remonter à l’année 1905. Ce fut alors que Guillaume II se rendit à Tanger. Ce grand coup devait à la fois frapper l’imagination des populations musulmanes et donner à la France un avertissement. Une propagande effrénée fut organisée en prévision de la visite de l’Empereur. Les indigènes furent travaillés à outrance. D’un bout à l’autre du Maroc on ne parlait que du puissant empereur Guillermo. Des milliers et des milliers de papillons multicolores furent lancés sur toute la côte, notamment à Tanger, portant ces mots : « Vive l’empereur Guillaume ! Vive l’indépendance marocaine ! » et, par un raffinement de perfidie : « Viva España ! » (Il en existe encore des échantillons.)

Cette mise en scène n’ayant pas eu de résultat pratique immédiat, le chef de l’organisation usa de la provocation directe ; il le fit un peu lourdement, comme toujours, ainsi que l’ambassadeur d’Allemagne lui-même fut obligé d’en convenir dans une lettre adressée à la Légation allemande à Tanger :


Copie transmise à Ficke par la Légation allemande à Tanger le 15 juin 1905.

« L’ambassadeur de France à Berlin a exposé à M. le secrétaire d’État que M. Carl Ficke a galopé de long en large autour de l’avant-poste français en compagnie de plusieurs cavaliers arabes, qu’il a menacé les Français du revolver en prononçant contre eux des injures et des menaces, jusqu’à ce que, finalement, il fût écarté par un sous-officier.

« Qu’en outre M. Ficke est le principal instigateur de toutes les réclamations ; qu’également on a trouvé chez un de ses nombreux protégés la selle du lieutenant Picard assassiné.

« Monsieur le secrétaire d’Etat remarque que, quelque non fondées que puissent être ces allégations, il est à recommander, d’après son appréciation, que j’agisse par votre intermédiaire sur M. Carl Ficke, afin qu’il évite autant que possible toute provocation des Français. »

Les mots : « autant que possible » sont délicieux.


La rage des Allemands ne connut plus de bornes, et la lutte fut menée par d’autres moyens occultes dont le principal était de procurer aux Marocains des armes et des munitions pour tuer nos soldats. On les leur procura en quantités qui donnent le vertige, et qui font se demander avec admiration comment nos militaires purent, malgré tout, poursuivre et mener à bien la pacification.

Nous ne citerons que quatre pièces entre tant d’autres authentiques et caractéristiques :


Moritz Magnus junior, à Hambourg, à Tœnniès, à Rabat.


Hambourg, 7 janvier 1905.

« Je me permets de rappeler à nouveau ma maison à votre souvenir, pour la fourniture de matériel d’artillerie et d’armes portatives, et je serais heureux que vous me transmettiez vos ordres.

« Je possède dans un magasin de Hambourg, emballés en caisses bois et zinc, prêts à l’expédition : 35 000 fusils Werndl à un coup, avec baïonnette (je fais suivre une figure), à 5 francs pièce emballé franco Hambourg ; 3 500 000 cartouches métalliques Werndl à percussion centrale, cal. 11 mm., qualité du gouvernement, en caisses bois et zinc de 2000 p. à 50 francs le 1 000 emballé, franco Hambourg.

« En outre, j’ai prêts à l’expédition :

« 3 000 fusils espagnols Remington, emballage en caisses bois à 16,50 pièce, emballé, franco Hambourg ;

« 1 000 000 cartouches espagnoles Remington, cal. 43, balle de plomb, à 55 francs le 1 000.

« 2 000 000 cartouches Remington à balle de plomb, à pointe de laiton [1], cartouches réformées à 50 francs le 1 000.

« 15 000 fusils Gras français, modèle 66/74 avec baïonnette (épée Gras), à 12,50 pièce, emballés, franco Hambourg.

« Cartouches nouvelles pour les susdits, emballées, à 85 francs le 1 000, emballage compris, franco Hambourg.

« Comme matériel d’artillerie, je possède ce qui suit, prêt à la livraison immédiate :

« 1 batterie de 6 canons légers de campagne selon photo 900. Vous trouverez tous les détails pages 3 et 4 de mon catalogue rouge.

« Je vous accorde avec la commande le plus fort escompte sur les prix indiqués, à savoir 20 pour 100, 5 pour 100 et 2 1/2 pour 100.

« L’embarquement peut être exécuté immédiatement.

« Les âmes pèsent seulement 125 kilos ; elles peuvent être portées à dos de mulet et toute l’artillerie peut être transportée par des hommes sans l’aide de chevaux.

« Je livre aux Républiques sud-américaines des pièces de campagne de 7 cm. 5 (75 millimètres) construction Krupp, sur commande, tandis que j’ai prêtes à l’expédition les pièces de 8 centimètres offertes plus haut.

« Vous trouverez les pièces 7 cm. 5 selon photo 907 spécifiées pages 18, 19, 20 et 21, traduites en espagnol.

« Comme la fabrication d’une ou plusieurs batteries de pièces de 7 cm. 5, dure deux mois, la batterie de 8 centimètres qui est prête, mérite la plus grande attention. Le plus fort escompte sur les prix des pages 19, 20 et 21 est aujourd’hui de 10 pour 100. »


Moritz Magnus, à Hambourg, à Tœnniès (suite).


Hambourg, le 9 janvier 1905.

« Mitrailleuses. — En outre, je possède prête à l’embarquement :

« 1 mitrailleuse, calibre 1 pouce, 5 canons, système Nordenfelt, sur pivot de marine avec affût de campagne, selon photos 905 et 905 a, page 10,

« Pour cette arme, j’ai en magasin 16 000 cartouches et je vous offre la pièce complète avec les deux sortes d’affût, en excellent état, fabrication nouvelle aux prix marqués avec 10 pour 100 et 2 1/2 pour 100 d’escompte.

« Toutes les pièces que je vous offre parmi l’existant du Gouvernement allemand sont des pièces de première qualité, avec lesquelles il n’a été tiré que des coups d’essai ainsi que le prouvent les livres officiels d’essais.

« Les nouvelles pièces sont fabriquées par des usines de premier ordre et je garantis de toutes façons un matériel sans reproche.

« Je serais heureux que vous me fassiez faire des affaires et vous pouvez être persuadé que je vous servirai rapidement et à bon compte.

« Dans l’attente de vos nouvelles, je vous prie, etc... »


A remarquer, dans la lettre du 7 janvier 1905, le prix dérisoire de 5 francs, soit, si l’on déduit l’escompte de 20 + 5 + 2,5 pour 100, le prix net de 3 fr. 71, pour un fusil muni de sa baïonnette, prix qui fait se demander comment pouvait vivre cette singulière fabrique d’armes, si elle n’était pas... subventionnée par un généreux Mécène.

Et que dire de la phrase : « Comme la fabrication d’une ou plusieurs batteries de 7 cm. 5 dure deux mois, la batterie de 8 centimètres, qui est prête, mérite la plus grande attention ! » Cela ne signifie-t-il pas clairement que le destinataire est fort pressé de les recevoir ?


Moritz Magnus, à Hambourg, à Tœnniès, à Rabat.


Hambourg, 17 janvier 1905.

« Comme suite à ma lettre du 11 courant, je vous prie de noter, en outre des armes que nous avons offertes, que j’ai en magasin et à votre disposition :

« 600 fusils espagnols Mauser à répétition, etc., etc.

« Cartouches. — Il existe bien une deuxième qualité qui est meilleur marché, mais, comme les cartouches sont chargées depuis le commencement du décennat 1890, la qualité n’est pas absolument sans reproche et il faudrait s’attendre à dos ratés, C’est pour cette raison que je ne vous offre de primo abord que de la marchandise de première qualité, ainsi que nous venons d’en expédier 3 000 000 de même qualité, dans l’Est.

« J’attends vos nouvelles avec plaisir et signe... »


Quel est donc ce gros client de l’Est ? (De l’Est de l’Allemagne, s’entend.) La quatrième lettre va nous le dire :


A Gründler, à Mazagan.


Berlin, 15 mars 1906.

« Le pistolet à répétition est enfin parti pour Hambourg ; la fabrique les livre tous en Russie aux révolutionnaires et elle a cessé toutes autres livraisons. »


Avions-nous tort de dire que ces deux dernières lettres feraient rêver le lecteur ?

L’introduction de fusils, de mitrailleuses, de canons et de munitions en masse ne suffisait pas aux Allemands. Ils tentèrent de perfectionner les moyens de résistance des indigènes dissidents ; voici une lettre qui montre jusqu’où ils poussaient le raffinement :


Saffi, le 17 mars 1906.

« Cher monsieur Gründler,

« Le matériel de télégraphie optique est arrivé par le dernier bateau, mais la douane d’ici ne l’a pas laissé passer. »


On voit que nous avions en réalité fort à faire. Mais rien ne faisant fléchir le courage tranquille de nos représentants et de nos troupes, la lutte prit une autre tournure. On entama une campagne de calomnies dans les journaux d’outre-Rhin et d’ailleurs : on dénonça de prétendues atrocités commises à Casablanca par les troupes françaises de débarquement ; on laissa entendre que les Européens eux-mêmes, et notamment les Allemands, avaient été molestés dans leurs personnes et dans leurs biens. Cette campagne eut même son écho dans une partie de la presse française.

Le chef de l’organisation, Ficke, adressa alors un appel vibrant des Allemands du Maroc à la patrie allemande, appel qui fut répandu à des milliers d’exemplaires. Voici quelques passages de cette longue élucubration :


Casablanca, en août 1907.

« Les derniers événements de cette place ont été très déformés dans la presse, par suite de fausses nouvelles françaises.

« Le meurtre du docteur Mauchamps perpétré en mars dernier provoqua une grande agitation du côté français, bien que ce soit par la faute du docteur que la populace s’est précipitée sur lui.

« L’établissement de la T. S. F. excita de la part des Arabes, contre tout ce qui était français, une haine qui s’accrut lorsque commencèrent les travaux du port, suivis de l’établissement d’un petit chemin de fer Decauville pour le transport des matériaux.

« Les Arabes eurent l’impression croissante qu’on voulait leur prendre leur pays...

« Si le Sultan, s’éveillant de sa léthargie, était brusquement sorti de Fez pour montrer qu’il est encore le maître du pays, la suite des événements eût pris une autre tournure...

« Le matin du 30 juillet, un shérif fanatique parcourait les rues, prêchant la guerre sainte, et, l’après-midi du même jour, la populace se précipita sur la locomotive qui fonctionnait sur la grève et assomma neuf des ouvriers du port.

« Si des Français ne s’étaient pas installés au Maroc, tout cela ne serait pas arrivé...

« Le débarquement qui a suivi ce meurtre a causé un dommage considérable au commerce allemand en ravageant nos biens, et aucun de nous n’a perdu confiance dans les paroles de notre Empereur qui, lors de sa visite à Tanger, nous promit pleine sécurité et protection de nos intérêts et qui, tourné vers la nombreuse colonie allemande, réunie expressément à Tanger, ajouta : « Casablanca entendra encore parler de moi. »

«... Nous espérons que notre patrie allemande ne laissera pas ses fils en plant. »

Le rédacteur de ce manifeste était conscient de ses mensonges, car il ajoutait cette phrase textuelle qui le trahit :

« On est ici sous l’impression que la Légation allemande à Tanger croit plutôt les rapports tendancieux de la Légation française que les faits rapportés par des Allemands. »

Nul n’ignore le rôle singulièrement louche du docteur Holzmann, dans l’affaire Mauchamps. La lettre suivante, d’une date postérieure, va nous en donner un aperçu :


Docteur Holzmann à Gründler.


Fez, 9 janvier 1909.

« En ce qui concerne mon état d’esprit au point de vue politique, je crois que qui connaît mon activité aurait dû savoir que j’ai, à proprement parler, fait plus à moi seul pour les intérêts de l’Allemagne, que tous les Allemands du Maroc réunis ; toutefois, j’ai acquis la conviction, depuis la première affaire Mauchamps, que l’Allemagne me laisserait en plant et, au besoin, comme cela s’est d’ailleurs produit, me secouerait de ses chausses. »

Si l’on reprend le manifeste cité plus haut, on trouvera singulier que seuls les colons français étaient assassinés et jamais les colons allemands. Il saute aux yeux que ces massacres, pratiquement inutiles à la cause arabe, nuisibles même et absolument stupides, étaient fomentés par quelqu’un d’étranger au monde musulman. N’est-il pas singulier, qu’alors que tout était calme, brusquement un fanatique se promène dans les rues, le matin, prêche soi-disant la « guerre sainte, » et que, peu d’heures après, les Français seuls sont assassinés sans motif, sur un chantier où l’on travaillait depuis un an sans le moindre ennui ?

A la vérité, les Allemands n’avaient personnellement rien à craindre, étant de connivence avec Moulay Hafid, sultan que nous ne tarderons pas à déposer.


Daum... à Gründler.


Marrakech, 18 mai 1907.

« Moulay Hafid nous a donné la garantie écrite que, tant dans nos personnes que commercialement, nous sommes en parfaite sécurité. »


En revanche, ces défenseurs de la cause allemande, si désintéressés en apparence, ne perdaient pas de vue leurs petits intérêts personnels. Le chef du service secret, C. Ficke, présenta au Gouvernement français une note fantastique et... fantaisiste de dommages de guerre, tellement exagérée qu’elle provoqua l’indignation des Allemands eux-mêmes.


Carl Hess, employé de C, Ficke, à Gründler.


Casablanca, 13 septembre 1907.

« Messieurs Ficke et Toël [2] sont des égoïstes et leurs réclamations de dommages de guerre sont beaucoup trop élevées. Ils vont faire une « affaire carabinée » (ein Bonbengeschäft), qui les sauve de la ruine. »


Nehrkorn [3] à Gründler.


Casablanca, 12 septembre 1907.

« M. Schlieben (consul d’Allemagne à Tanger, marié à une Française) a dit ouvertement dans une réunion officielle devant l’ambassadeur de Belgique ou je ne sais plus lequel, que la situation actuelle et le paiement de toutes les demandes de dommages de guerre arrivaient fort à propos pour beaucoup de Casablancais, principalement pour C. Ficke.

« De plus, plusieurs journaux allemands ont sorti des articles sur des « escroqueries à la protection, » en disant qu’une grosse maison allemande y était principalement impliquée [4]. »


Contre l’attente des Allemands qui, vraiment, exagéraient, le résultat fut diamétralement opposé à celui qu’ils escomptaient.

Lyautey occupait Oudjda, le 29 mars 1907, et Drude entrait, le 7 août, dans la Chaouïa, où son œuvre était poursuivie par d’Amade et Moinier.


La contrebande d’armes et de munitions continua. Le régime des capitulations et d’innombrables complicités nous empêchaient malheureusement d’agir, témoin les lettres suivantes :


Lettre de Krake.


Aïn Sebah, 28 février 1909.

« Relativement à vos intentions d’apporter une carabine à répétition, n’ayez aucune crainte, j’ai en réserve un permis d’introduction. »


Correspondance de la maison C. Ficke :


Casablanca, 12 octobre 1908.

« Vapeur Porto, arrivé ce matin, a été accosté après la visite de la Santé par la célèbre barcasse française. Malheureusement, le capitaine n’a pas été assez rusé et a répondu aux diverses questions. Il serait bon que MM. R. avisent les capitaines, à Tanger, afin d’éviter cela.

« Faites-leur donc remarquer à l’occasion qu’on a été désagréablement impressionné au Consulat de voir le capitaine répondre aux questions des Français. »


Casablanca, 10 octobre 1908.

« Lorsque le vapeur allemand Oldenbourg est arrivé hier soir, une barcasse du stationnaire français est apparue pour étendre ses droits de surveillance jusqu’à ce bateau, avec un livre dans lequel le nom, le pavillon, etc., du vapeur devaient être inscrits. Mais le capitaine U. tint pour superflu de donner suite à cette curiosité un peu indiscrète et appela l’attention de l’homme sur le beau grand nom du vapeur, inscrit bien clairement à divers endroits, ainsi que sur les pavillons de l’Empire et de la ligne allemande.

« S’agit-il de contrebande d’armes à réprimer rigoureusement, ou bien le commandant du vaisseau de guerre veut-il introduire lentement l’habitude que messieurs les capitaines devront s’annoncer à lui ? Il s’agit sans doute de contrebande d’armes,

« Voici que maintenant on recherche à nouveau les chameliers [5], principalement ceux qui se sont approvisionnés dans des maisons allemandes, pour savoir s’ils ne portent pas des armes ou de la contrebande. C’est dommage pour toute la peine perdue. »

La lettre suivante montre, une fois de plus, que le Gouvernement allemand connaissait et favorisait cette contrebande d’armes :


Tœnniès à Benrici [6].


Casablanca, 14 juin 1908.

« Henri vous a fait part en son temps, que Wætgen aurait affirmé au Consulat que, dans le coffre-fort qu’Henri a reçu en 1906, il serait entré des armes en contrebande. Bien que cette affaire ne soit pas encore entièrement liquidée, vous pourrez déduire l’opinion du Consul du fait qu’il nous a invités à dîner, Henri et moi, avant-hier. Ainsi donc, rien à craindre, si ce n’est de longs débats qui feront perdre du temps à mon frère et l’ennuieront. »

Les recherches faites ont permis de découvrir un de ces coffres-forts truqués, dans un fondouk des Mannesmann. La paroi intérieure qui, d’ordinaire, est remplie d’une matière isolante incombustible, laissait un vide important, duquel furent extraites des pièces de fusils démontées.

Le nommé Wætgen devint alors suspect aux Allemands : on avait perdu confiance en lui.


Hornung à Gründler.


5 octobre 1908.

« On suppose que Wætgen a donné aux Français quelques indications sur C. Ficke. »


Comme la propagande, les articles haineux, les calomnies, la fourniture d’armes aux indigènes, le meurtre même ne nous effrayaient pas, un nouveau plan fut combiné : provoquer la désertion des légionnaires, afin de pousser les Français à un acte quelconque de nature à amener la guerre. Pour cela, on fit appel à l’Empereur lui-même.

Les lettres suivantes lèvent un coin du voile ; elles montrent, d’une manière éclatante, que la France, non seulement ne préparait pas la guerre, mais qu’elle faisait l’impossible pour l’éviter. On entendra le bruit du sabre impérial.


E. Nehrkorn à Gründler.


Casablanca, 22 septembre 1908.

« Je reçois aujourd’hui de Berlin des lignes privées que je vous transmets en communication sous forme d’extrait pour vous orienter.

« La colonie allemande a reçu la nouvelle dont copie ci-incluse que je vous prie de me retourner. Ces messieurs ont là-bas extraordinairement à faire, ils travaillent du matin au soir, en conférence avec toute sorte de gens. C’est d’autant plus satisfaisant que le travail est déjà couronné de succès.

« 1° Le Dr Rosen revient à Tanger et part le 19 courant ;

« 2° Le consul Schlieben [7], au sujet duquel je vous ai déjà écrit, est rappelé, je ne sais pas si c’est seulement à Madrid ou bien s’il est mis entièrement en disponibilité ;

« 3° Le baron de Langwert va, selon toutes probabilités, quitter Tanger incessamment ;

« 4° Fonds de secours, se montant à 250 000 marks ;

« 5° Changement dans notre politique concernant le Maroc.

« Le 18 courant la réunion mentionnée aura lieu, et la remise de rapports doit inciter le Gouvernement à s’intéresser davantage à nous.

» De plus, un Comité du Maroc sera constitué, lequel sera appelé à fournir des nouvelles à l’Allemagne et aux Allemands du Maroc : il influera directement sur les Affaires étrangères.

« Il a été également envisagé de demander à l’Empereur une audience pour les représentants de Tanger et de Casablanca, dans le dessein de tenter d’intéresser l’Empereur à nous.

« Casablanca et Tanger ensemble auront plus de poids. Du côté de Tanger on choisirait probablement Rosen et le Dr L. v. H... Si Sa Majesté nous fait des promesses (et elle les fait facilement avec sa nature impulsive), ces dernières devront être tenues.

« Nous aurons dans le Dr Rosen un représentant excellent de nos intérêts ; il aura une lourde charge, mais il n’épargnera pas sa peine.

« J’ai eu la lettre de M. B..., et là-dessus j’ai fait aussitôt des démarches contre le Consul [8]. Entre temps, il a déjà été rappelé. M. B... aurait dû fournir plus de témoins. Aussitôt que la situation s’éclaircira, il devra retourner à Fez et ces Messieurs de Marrakech à leur poste d’action.

« Le consul Luderitz se rend directement à Marseille le 21 courant ; il logera dans la maison de Toël. Son rappel si précipité montre que maintenant l’on éprouve plus d’intérêt pour le Maroc qu’auparavant, du côté du Gouvernement. Si seulement l’on voulait un peu faire de bruit avec le sabre, si peu que cela soit, ils s’engageraient immédiatement dans d’autres voies, car il règne en France une peur terrible d’une guerre contre l’Allemagne, chacun le dit. »


Lettre de C. Fiche.


4 décembre 1908.

« J’ai été aujourd’hui au Consulat sur le désir du Consul, lequel m’a communiqué sous le sceau du secret qu’il s’était formé à Berlin un syndicat composé de cinq grandes Sociétés et Banques connues, qui se mettrait en rapport avec nous au Maroc, et en particulier avec les maisons Brandt et Toël, C. Ficke, W... et M... C’est tout ce qu’il sait et tout ce qu’il devait nous communiquer, et encore à la condition de se taire, car on ne veut pas attirer l’attention de la France.

« Mon opinion est que ceci est l’œuvre de notre Empereur... »


Au moyen du nouveau fonds de secours, et fort de l’appui du Gouvernement allemand et de l’Empereur, le Service secret allait bientôt mettre en œuvre une machination nouvelle, celle des déserteurs. On verra avec quelle impatience haineuse et fébrile les Allemands désiraient la guerre, et comment ils tentaient de nous y pousser par mille traquenards, par mille nouvelles mensongères : tout était prévu, y compris le massacre en masse de tous les Français du Maroc. On verra que nous ne nous sommes pas laissé intimider et qu’heureusement pour nous, l’Allemand, gaffeur, passa la mesure au point que nos nationaux outrés et se sentant couverts par l’opinion universelle, n’hésitèrent pas à se servir des grands moyens et se défendirent contre l’agent consulaire allemand. Enfin, on verra sur quel pied d’intimité les Allemands vivaient avec Moulay-Hafid.

La seule lecture des documents suffit ; ils montrent la nature des sentiments de l’Allemagne, qui, surprise et furieuse de notre relèvement de la défaite de 1870, accumulait les circonstances propices au déchaînement d’une nouvelle guerre.


E. Tœnniès à C. Fiche.


Casablanca, 13 janvier 1908.

« La situation politique de votre pays me montre que les Marocains ont réellement le courage de résister aux Français Je crois que cela ne va pas devenir plus mauvais pour nous Allemands, mais meilleur.

« M. R... provoqua de la part de la Chambre de commerce une réunion des intéressés, et celle-ci eut lieu précisément le jour où Moulay-Hafid fut proclamé sultan dans la mosquée de Fez... Mais les circonstances ont devancé là-bas nos conclusions, et d’après la situation actuelle, nous n’avons plus besoin de faire intervenir le Gouvernement, car les Marocains s’entendent à défendre eux-mêmes leurs droits. »


Voici qui montre combien étroites étaient les relations du Service secret allemand avec les indigènes dissidents :


C. Fiche... à C. Fiche, Mazagan [9].


Casablanca, 16 janvier 1908.

Politique : « A l’instant j’ai eu un messager de Si-Aïdi, agent de mon frère dans les Ouled Harriz, qui, il est vrai, ne travaille presque qu’avec moi. Celui-ci annonce que les Français seraient à Settat et qu’il y a eu en route différents combats jusqu’à ce qu’ils y arrivent. Les Ouled-Ider et Idor sont tous chassés et en partie tombés. Notre Schich-Ben-Amor et son frère Si-El-Mati ont voulu servir d’otages, mais ils n’ont pas été acceptés et se trouveraient maintenant prisonniers des Français. Hadj-Abd’es-Slam, aussi, le fils du vieux Hadj-EI-Mati qui venait d’être fait caïd par Moulay-Hafid, serait tombé. Ce ne sont là que des nouvelles apportées verbalement, parce que les gens dans le Bled ont peur d’en donner d’écrites, craignant que celles-ci ne tombent dans les mains des Français. »


Gründler au docteur Holzmann.


Mazagan, 30 mars 1908

« A l’instant, je reçois de Casablanca la lettre pour vous ci-incluse. Ce que j’y lis est éminemment regrettable ; jamais la cause de Moulay-Hafid n’a été en meilleure posture que maintenant.

« Pourquoi donc ne m’avez-vous pas envoyé plus souvent de messagers, puisque je savais que vous étiez en relations directes avec Casablanca ? Il n’y avait pas lieu de ma part à l’envoi d’autres messagers qui, comme vous le pensez, ne faisaient que me coûter de l’argent. Il est vrai que, pour la bonne cause, on n’en est pas à cela près ; mais, comme vous observiez le silence et que j’avais entendu dire que Sa Majesté Moulay-Hafid ne voulait pas se mettre en route pour Fez, je vous croyais suffisamment informé sur l’état d’esprit en Allemagne. La France ne peut oser dépasser la Chaouïa, je vous prie d’en convaincre Sa Majesté. Seulement, il faudrait que Rabat soit attaqué un peu plus vite, car là-bas également les Français ne peuvent rien faire. En hâte, avec bien des salutations cordiales à Sa Majesté [10] et à vous. »


Le Service secret envoyait parfois des nouvelles tellement fantaisistes que la presse allemande elle-même se refusait à les reproduire telles quelles ; en voici la preuve :


Nehrkorn... à la rédaction de la Weser-Zeitung à Brême.


Casablanca, 30 avril 1908.

« En qualité d’abonné de votre journal, j’ai reçu votre n° 22085, dans lequel vous avez accueilli mon envoi.

« Il est vrai que nous autres commerçants allemands d’ici avons déjà perdu patience, depuis longtemps, mais cela ne peut être utile à nos intérêts allemands, non plus qu’agréable pour moi, de voir des « faits réels » qualifiés de faits fortement reproduits [11]

« Naturellement je ne puis que continuer avec vous mes rapports, si vous donnez accès dans votre feuille à des plaintes justifiées... »


Capitaine Karow à C. Ficke.


Tanger, le 27 mai 1908.

« Très honoré M. Ficke,

« Meilleurs remerciements pour votre aimable lettre d’hier, si extraordinairement intéressante.

« J’avais justement écrit quelque chose qui traitait à peu près du même sujet, ce qui m’a permis d’envoyer en même temps votre lettre à mon journal. Naturellement, votre nom ne sera pas donné, — secret de rédaction, — et j’ai demandé qu’on me renvoie la lettre après usage...

« Monsieur Nehrkorn m’a tenu jusqu’à présent magnifiquement au courant et je vous suis vraiment très reconnaissant que vous m’ayez procuré cette source. Voulez-vous, je vous prie, lui dire qu’aujourd’hui il n’y a rien eu, sauf quatre légionnaires enfuis de Rabat. Peut-être en apprendrez-vous davantage par Neudörfer (consul d’Allemagne). Malheureusement, je n’ai pas vu les gaillards moi-même, car le bateau ne s’est arrêté qu’une heure ici et je ne me doutais pas qu’ils étaient à bord. »


Où se montre le but poursuivi par la campagne de presse :


Nehrkorn à Karow.


29 mai 1908.

« Mon oncle vous remercie bien pour vos lignes du 27 courant. J’ai été extraordinairement pris ces jours derniers.

« En ce qui concerne les articles envoyés, vous pouvez tranquillement les transmettre ou bien les employer comme vous le voudrez, le principal est que nous soutenions convenablement notre cause allemande.

« Le bon Régnault [12] a peut-être ragé de sa nomination au titre de Comte de Rabat [13]. L’article est excellent, mais le plus agréable est le changement de la politique française, après quoi nous allons enfin vraiment être débarrassés de nos gêneurs. Ces nouvelles vont produire aussi un effet énorme dans les milieux indigènes et serviront d’une manière colossale la cause hafidiste.


« Mohamed-Ben-Larbi va son chemin. Cet homme ne songe guère à se faire prendre les armes à la main. Il est clair qu’il faut que d’Amade ait une excuse. Seulement la question se pose si notre courtoisie la tolérera. »


Karow à Nehrkorn.


Tanger, le 13 juin 1908.

« Une des lettres de M. C. Ficke vient de paraître dans la V. Z. [14] et vos documents pour discréditer la cause française seront insérés régulièrement. »

La présence de la Légion étrangère au Maroc, où de nombreux Allemands étaient enrôlés sous nos drapeaux, devait fournir à l’Allemagne une belle occasion de nous créer des ennuis et de nous amener, si possible, à un mouvement d’impatience. C’eût été prétexte à une demande de réparation avec bruit de sabre, poudre sèche, etc. La France effrayée, une fois de plus, par les conséquences possibles de l’incident, lâcherait peut-être un morceau de ses colonies ou quelque autre proie propre à satisfaire l’appétit du Germain. Le Gouvernement allemand, par l’intermédiaire de ses consuls, fournissait donc des subsides au Service secret pour soudoyer les légionnaires et les amener à déserter.


Tœnniès à son frère.


Casablanca, le 28 juin 1908.

« Légion étrangère. — Prépare tranquillement le compte pour le Consulat de là-bas ; si l’argent n’est pas versé, après tout, cela ne fera pas grand chose.

« M... a réclamé, mais n’a rien obtenu jusqu’à maintenant (du Gouvernement). »


Hesse, à Neudôrfer, consul.


Rabat, 30 juin 1908.

« Légion étrangère. — Il en est encore arrivé un hier, de sorte que j’en ai 8 jusqu’à maintenant. »


Voici comment les Allemands déformaient les faits et les présentaient aux lecteurs de la presse germanique :


Gründler à Hernung, à Tanger.


Mazagan, 6 juillet 1908.

« Je me réfère à l’annexe relative aux événements effectifs devant Azemmour. Peut-être pourriez-vous y joindre la variante suivante :

« Au lieu de :


« Casablanca, le 1er juillet.

« On annonce de Mazagan que la ville d’Azemmour s’est débarrassée de son Gouverneur hafidiste Si Nassi-Glaoui, qui a pris la fuite avec ses partisans. »

« Mettre :

Télégramme officieux : D’Amade perd Azemmour. (Par radiogramme.)


Casablanca, 5 juillet.

« On annonce de Dar-Ould-Hadj-Cassem que la ville d’Azemmour s’est débarrassée de son Gouverneur français, général d’Amade, qui a pris la fuite avec ses partisans. »


Ces dépêches tendancieuses avaient pour but de jeter le trouble dans la politique européenne :


Gründler au Lt Holzmann.


21 juillet 1908.

« Depuis que vous êtes allé de Mechra Chaer à Marrakech, vous ne m’avez plus donné de nouvelles, ce qui n’est pas bien du tout de votre part, car vous savez que je suis ici le plus zélé partisan de Sa Majesté Moulay-Hafid et que par mon influence parmi les grands des Ouled Boasis, j’ai sauvé deux fois cette province à Sa Majesté. Ce qui s’est passé ici, avec Azemmour, etc., vous le savez sans doute.

« Les belles dépêches de la Société allemande des câbles qui ont apporté du mouvement dans la politique européenne étaient mes rapports. Que les Français le veuillent ou non, il faudra bien que cesse tout le mic-mac marocain. »


Voici maintenant un véritable ordre de service du Consulat d’Allemagne, relatif à l’incitation des légionnaires à la désertion :


Vice-Consulat impérial d’Allemagne à Rabat.


Casablanca, le 31 juillet 1908.

« Bien des remerciements pour votre communication d’hier.

« J’espère que vous serez bientôt débarrassé des légionnaires. A propos, vous ai-je dit que les gens doivent s’engager à supporter les frais de voyage ?

« Faites-vous signer par tous les sujets de l’Empire (pas par les Autrichiens, etc.) une déclaration comme suit sur un papier de format sans en-tête :

« Auguste H..., né le 18 mai 1877 à H……….
Parents……….
a quitté l’Allemagne……….
a déjà servi………. ou appelé sous les drapeaux, etc.

……….

Je m’engage par la présente à rembourser, dès que je serai en mesure de le faire, les frais de mon rapatriement de Rabat en Allemagne.

Rabat, le

« Signé : Auguste H... »

On craint que Moulay-Hafid ne soit pas encore aussi dévoué qu’on le voudrait à la cause allemande.


Docteur Vassel à C. Ficke.


Fez, 10 septembre 1908.

« J’ai pu transmettre immédiatement vos salutations en Haut-Lieu-Par-la-Grâce-de-Dieu. Elles ont été accueillies gracieusement avec la remarque : « Sahbi Besef ! » [15].

« J’ai une situation très difficile, car Moulay Hafid n’est pas aussi allemand qu’il en a l’air. »

La lettre qui suit montrera toute l’étendue des graves dangers auxquels nous étions exposés :


Copie d’une lettre de Hornung à C. Fiche [16].


Tanger, 21 septembre 1908.

« La situation en Europe reste très aiguë ; on parle beaucoup de la guerre. Ne vous étonnez pas, si, dans le journal, j’insiste sur ce point que la mission de Vassel à Fez n’est pas une mission politique. Maintenant, à Berlin, on ne songe pas à se dérober : mais l’on fait à présent comme on aurait toujours dû faire, on agit, tout en faisant une figure innocente, c’est-à-dire que dans le cas présent, on dit que Vassel a seulement quelques réclamations à faire aboutir, alors qu’en réalité il a une mission archi-politique, ce qui est de toute évidence. La nouvelle méthode est certainement meilleure que la première, avec laquelle on poussait un grand cri, puis on se déclarait satisfait.,

« Je veux vous mettre au courant d’autres choses importantes. S’il y a la guerre, il faudra qu’il soit fait en sorte que pas un Français ne sorte vivant de la Chaouïa [17]

« En raison de la situation, je vous prie de m’envoyer régulièrement des rapports, à la place de M. Hesse, pour Cologne et Darmstadt, ainsi que des informations confidentielles. J’emploierai toujours vos informations d’une façon ou d’une autre. Mais, par le temps qui court, je ne dois pas rester sans rapports réguliers, précisément de Casablanca. Peut-être M.Nehrkorn aura-t-il l’amabilité de confectionner les rapports. Le capitaine Karow n’est pas ici et M. Ficke part ces jours-ci pour l’Allemagne. J’espère que je puis m’en rapporter à vous ? »


L’Allemagne trouve que le moment est venu de nous prendre à la gorge :


Neudörfer (consul) à Henrici.


Casablanca, 11 juillet 1908.

« Il n’est que temps qu’on en flanque un soigné sur la tête de cette bande !!! »


Le consulat d’Allemagne prépare la désertion en masse des légionnaires :


Neudörfer à Henrici,


Casablanca, 25 juillet 1908.

« Meilleurs remerciements pour votre dernier rapport. Veuillez joindre aux pièces celles ci-incluses, la chose doit être portée au journal.

« Je crois volontiers que vous devez- vous réjouir que les légionnaires soient enfin partis. Hier j’ai rencontré deux hommes qui ont agi en prévision des désertions en masse. »


Un peu de comique se mêle à tout ce drame. Les Français, outrés des procédés de l’Allemagne, s’opposèrent à la désertion des légionnaires, et, à la grande fureur des Allemands, malmenèrent M. le Secrétaire du consulat d’Allemagne qui poussait l’impudence jusqu’à accompagner en personne les déserteurs aux bateaux allemands.

Ce fut une douche sur tout ce beau zèle, en même temps que l’occasion de soulever un grave incident.


Tœnniès à Henrici,


Casablanca, le 27 septembre 1908.

« Il s’est passé ici, avant-hier, une chose folle. Just [18] et Sievers amenaient sept légionnaires au port. Lorsqu’ils furent assis dans le canot, celui-ci tourna et tout le monde revint à terre, où les légionnaires furent arrêtés par un officier français et ses hommes, malgré les protestations de Just et ses références au consulat d’Allemagne.

« Just invoque sa situation officielle, mais l’officier le menace du revolver et les hommes déchirent ses vêtements. Pendant ce temps, le poste ferme la grande porte. Je crains que nous n’encaissions encore cela, D’ailleurs, nous ne méritons pas mieux. »


L’affaire n’ayant pas réussi, tout le monde s’excuse et s’accuse.


X… au capitaine Karow.


30 septembre 1908.

« Nous avons, comme tous les autres, soutenu l’affaire avec de l’argent, mais c’est tout. Je sais que nous sommes soupçonnés, et on l’a fait savoir à Tanger, mais on ne s’est pas donné la peine d’examiner la chose à fond, et de surveiller Sievers ; on dénonce tout de suite C. Ficke. On a même dit que nous expédions les gens dans des caisses.

« Pour parler franchement, nous avons toujours suivi la chose avec intérêt, et nous nous sommes réjouis quand certains ont réussi à s’évader. Personnellement, j’ai fait dernièrement ma collecte pour les légionnaires et ai rassemblé 200 francs. Mais nous nous sommes toujours dit que la chose casserait un jour ou l’autre et qu’il était préférable de ne rien avoir à faire avec cela. Sievers en a fait son affaire et compte activer de cette façon le retrait lies troupes.

« Je souhaite de tout cœur l’échec de toute la bande, et, demain matin, quand d’Amade viendra au môle pour prendre congé de ses braves, je viendrai avec plaisir lui montrer mon vilain visage souriant, afin de lui gâter le plaisir de sa matinée. »


On remarquera le ton bassement haineux de ces lettres.


Où l’on voit que tous les bons Allemands voulaient la guerre, et où l’Allemagne se juge elle-même :


Pohl, directeur de la Gazette du Rhin et de Westphalie à Bazlen, à Casablanca. [19]


Essen, 4 novembre 1908.

« En même temps que je vous félicite du beau fait « du sauvetage » du pauvre légionnaire, je vous informe que, suivant votre indication, j’ai écrit immédiatement au grand père, sans réponse toutefois jusqu’à présent...

« Nous avons noté vos incitations et les emploierons volontiers dans des articles. Soyez assuré qu’après comme avant, nous interviendrons le plus âprement pour l’entretien de nos frères allemands, à l’étranger. Mais, ces jours derniers, nous avons reçu, en Allemagne même, un affront tel qu’on ne pouvait pas se préoccuper des Allemands au Maroc. Précisément à cette heure, une décision est prise à Berlin, qui pour vous peut signifier la délivrance. Car, si le prince de Bülow et son impérial Maître veulent réellement se réhabiliter, ils en ont la meilleure occasion, maintenant que la France refuse de la façon la plus impertinente toute satisfaction.

« Après avoir perdu notre prestige par la politique impériale, notre honneur par la faiblesse de notre Gouvernement et le respect de nous-mêmes par les histoires Eulenbourg et autres, il ne nous reste plus qu’à faire entrer encore une fois en jeu la force de nos armes. Souhaitons que ces espérances que j’écris sous l’impression de nouvelles arrivées à l’instant même, ne seront pas fausses. Tons les bons Allemands les salueraient avec joie.

« Toujours volontiers à votre service, avec la plus haute considération et un salut allemand.

« Signé : Pohl,

Rédacteur en Chef. »


L’Allemagne crut alors l’occasion excellente, et, sous la poussée de la campagne de presse, le Gouvernement allemand fit une « grave affaire » de l’incident des déserteurs et des voies de fait sur la personne du secrétaire du consulat d’Allemagne. Ce dernier ayant frappé nos soldats qui s’opposaient à l’embarquement des déserteurs, l’officier qui les commandait, se trouvant en état de légitime défense, riposta vigoureusement.

Le Gouvernement allemand, en vue d’appuyer une déclaration de guerre éventuelle sur un motif juridique, fit tant et si bien que le Tribunal de la Haye fut saisi officiellement de l’incident. Mais l’espoir des Allemands fut encore une fois déçu, car cette haute juridiction prononça, à la date du 22 mai 1909, les deux parties entendues, une sentence arbitrale qui ruinait tout espoir d’un conflit. Cette sentence déclarait en effet que c’était « à tort et par une faute grave et manifeste » que le secrétaire du consulat impérial allemand à Casablanca avait tenté de faire embarquer, sur un vapeur allemand, des déserteurs de la légion étrangère française. Les parties furent renvoyées dos à dos, et la paix fut sauve une fois de plus.


La lutte sournoise continue.

L’entente devient de plus en plus étroite avec les ennemis de la France.


Lettre de chefs arabes, à Brandi et Toël.


1908.

« Louange à Dieu seul !

« A nos amis le Tadjer Brandt et le Tadjer Toël ; que le salut soit sur vous !

« Ensuite nous vous informons que nos compagnons de Chapuïa montent à cheval pour se rendre à Casablanca à cause des Français.

« Aujourd’hui, nous allons vous retrouver en compagnie des cavaliers, ou bien nous les précéderons ; nous nous tenons à votre disposition.

« Vos biens seront en sûreté tant que dureront les temps.

« Nous demandons à Dieu qu’il ne manque rien entre nous et vous.

« Voilà ce que nous avions à vous faire connaître. Salut.

« Vos compagnons Larbi ben Hemham, Daoudi et son frère Si Mohammed, que Dieu les protège !

« P.-S. — Nous attendons votre réponse. Salut ! [20]»


Aucune de ces manœuvres n’avant réussi à faire sortir la France de son calme, un nouveau coup de théâtre se prépare : l’Empereur envoie le croiseur Panther devant Agadir, le 1er juillet 1911. Pour éviter une guerre imminente, la France signe, le 4 novembre 1911, le traité de Berlin qui lui arrache un morceau du Congo. Mais le Germain rapace ne s’apaise pas. Ce succès lui monte à la tête, et sa joie s’épanche en espoirs extravagants.


{{c|Grundler à Mosso’f [21]


28 novembre 1911.

« Je trouve au contraire que l’accord est combiné d’une manière très rusée, presque trop rusée, car elle montrera bientôt aussi son revers. Malgré tout, la France n’a en réalité reçu que l’autorisation de jouer au policier au Maroc, et, quand elle parle de protectorat, c’est avec un fil à la patte, car presque à chaque pas elle ira contre le sens du traité, de sorte qu’au cours d’une occasion meilleure, on pourra encore découper le reste du Congo ou n’importe quel autre morceau de la France. En outre, on peut voir maintenant que la France est dans cette fatale position, que le cher ami de l’Entente va lui envoyer à la tête, par-dessus le canal, de nouvelles difficultés, sous la forme de prétentions espagnoles.

« C’est encore un festin qui se prépare pour le tertius gaudens qui jusqu’à présent fut toujours John Bull. »


Les intrigues avec les dissidents s’accentuent et portent leurs fruits :


C. Fiche, à Casablanca [22].


Le 27 décembre 1911.

« Politique. On croit savoir ici que le commandant M... est destitué. Mais il paraît que cela a coûté aux Français 20 morts et 40 blessés. »


C. Fiche, à Casablanca.


27 juin 1912.

« La situation devient de plus en plus aiguë. Le programme du général Lyautey va recevoir un mauvais coup... Je crois que la politique française se trouve dans une mauvaise impasse, surtout que, pendant la forte chaleur actuelle, elle ne peut pas exiger grand chose des troupes...

« Naturellement, il règne un grand contentement chez les Arabes, car il est évident que les Français ont peur. »


Fidèle au mot d’ordre nouveau : « agir, tout en faisant une figure innocente, » on se sert de protégés espagnols pour masquer l’action allemande, et, si possible, mous mettre en conflit avec l’Espagne :


Gründler à C. Fiche, à Casablanca.


Mazagan, 4 août 1912.

« Le rôle que le caïd protégé espagnol joue actuellement sur l’ordre du consulat d’Allemagne est des plus difficiles. D’ailleurs, l’affaire doit lui rapporter 2 000 douros...

« Le consul de France est l’un des plus craintifs et il se gardera de toute provocation, »


C. Fiche à C. Fiche, Casablanca.


Mazagan, 29 juillet 1914.

« Cours : Comme le cours est monté à 130, je me vois incité à vous demander télégraphiquement le cours de là-bas, ainsi que de m’indiquer plus en détail, si la guerre entre l’Autriche et la Serbie est déclarée. Je ne crois guère que cela en vienne à une guerre générale, car ni la Russie ni la France ne semblent être très préparées. »


On pourrait publier quantité d’autres lettres, car plus de 500 pièces suggestives ont été extraites des archives saisies, mais nous en avons assez dit pour montrer comment s’est déroulée la trame de l’intrigue allemande.

Aussitôt après l’accord de 1904 qui consacre les droits de la France, l’Allemagne lie partie contre nous avec le sultan Moulay-Hafid qui garantit par écrit sécurité et protection aux Allemands. Le docteur Mauchamps est assassiné à Marrakech, grâce aux manœuvres du pseudo-médecin allemand Ilolzmann. Puis cinq ouvriers français du port de Casablanca sont assommés. C. Ficke, chef du service secret, provoque les soldats français et les menace de son revolver, — cherchant visiblement « l’histoire. » La selle du docteur Picard tué et mutilé est trouvée chez un de ses protégés.

Les Allemands importent les armes par 30 et 40 000 pièces à des prix dérisoires qui sentent « la subvention, » et les munitions par millions de pièces ; on y joint même du matériel de télégraphie optique. Bref, on équipe consciencieusement nos ennemis de pied en cap.

Une délégation va rappeler à l’Empereur, qui, « avec sa nature impulsive, » fera des promesses, les paroles qu’il prononça à Tanger en 1905 : « Casablanca entendra encore parler de moi. » Comme on désire et qu’on cherche la guerre, on prévoit qu’il est nécessaire de créer des difficultés chez notre alliée la Russie, et l’on envoie à tour de bras des armes et des munitions aux révolutionnaires russes.

Pour préparer l’opinion universelle, on ouvre dans les journaux une campagne de basses calomnies sur de prétendues atrocités françaises : on lance des fausses nouvelles où le général d’Amade figure comme fuyant honteusement devant les Marocains ; bref, on met tout en œuvre pour discréditer la cause française. Et l’on travaille avec ardeur en vue « de faire entrer encore une fois en jeu la force des armes allemandes. »

On installe une agence de désertion en masse, sous la direction des consuls et avec l’appui financier du Gouvernement, pour désorganiser la Légion étrangère, « activer le retrait des troupes françaises, » créer des incidents susceptibles d’amener la guerre et de provoquer ainsi « l’échec de toute la bande. »

L’agent consulaire allemand en personne conduit les déserteurs au port et tente impudemment de les embarquer, sous nos yeux mêmes, sur un bateau allemand. Il se livre à des voies de fait sur la personne de nos soldats.

On monte les esprits en Allemagne et en Europe au moyen des « belles dépêches » de la Société des Câbles qui « apportent tant de mouvement dans la politique européenne, » et l’on se réjouit à la pensée que « ces nouvelles vont produire un effet énorme et qu’elles serviront d’une manière colossale la cause hafidiste. »

On envoie à Fez, où finit par éclater une révolte, un docteur Vassel chargé d’une mission secrète « archi-politique. »

Nouveau coup de théâtre : le croiseur allemand Panther vient jeter l’ancre devant Agadir. Personne n’a certes oublié les heures vécues à cette époque où avec angoisse nous attendions de l’Allemagne une déclaration de guerre qui semblait imminente. Résultat final : l’Allemagne nous arrache un morceau du Congo en échange de droits cependant acquis et reconnus. Nous acceptons cette spoliation pour éviter la guerre.

On achète les Caïds qui prennent les ordres du consulat d’Allemagne pour nous résister, et selon le mot d’ordre : agir tout en faisant une figure innocente, on s’arrange pour que les apparences soient contre l’Espagne : « Le rôle que le Caïd protégé espagnol joue actuellement sur l’ordre du consulat d’Allemagne est des plus difficiles. »

On sème les embûches sous les pas de nos malheureux officiers et l’on fait décimer sournoisement nos soldats. « On croit que le commandant M... est destitué. Mais il parait que cela a coûté aux Français 20 morts et 40 blessés. »

On se réjouit de ce que la « situation européenne reste très tendue ; » on affirme « qu’il est grand temps qu’on en flanque un soigné sur la tête à cette bande. »

L’entente est complète avec les dissidents qui obéissent aux ordres des Allemands : « Nous vous informons que nos compagnons de Chaouïa montent à cheval pour se rendre à Casablanca à cause des Français... Nous nous tenons à votre disposition ; nous attendons votre réponse. » On prépare le massacre général des Français au Maroc : « Si la guerre éclate, il faudra faire en sorte que pas un Français ne sorte vivant de la Chaouïa. »

Enfin, voici le but cyniquement avoué, vers lequel tendait toute l’action allemande : « Une occasion meilleure va se présenter, qui permettra de découper le reste du Congo ou n’importe quel autre morceau de la France. » On ne saurait être plus clair. Et l’un des chefs du Service secret s’écrie, débordant d’enthousiasme : « Tout cela est l’œuvre de notre Empereur. » Ce qui n’empêche pas ce dernier, tremblant de peur devant le coup manqué, de déclarer aujourd’hui avec des larmes dans la voix : Je n’ai pas voulu cela !


  1. Note de l’auteur : Balle extrêmement dangereuse et interdite par la Convention de La Haye.
  2. Toël, associé de Brandt.
  3. Neveu de C. Ficke.
  4. La maison C. Ficke de Casablanca.
  5. Chargés des transports dans l’intérieur.
  6. Son associé.
  7. Celui qui a osé dire que les notes de dommages de guerre étaient exagérées.
  8. Schlieben.
  9. Grûndler et Nehrkorn signaient souvent : C. Ficke.
  10. Moulay-Hafid.
  11. Appréciation portée par la presse allemande elle-même sur les rapports envoyés par le Service secret.
  12. Ministre de France à Fez.
  13. Plaisanterie des Allemands sur M. Régnault.
  14. Vossische Zeitung.
  15. Très ami.
  16. Cette lettre est adressée à un des représentants de la maison C. Ficke.
  17. Vu la gravité du message, cette phrase avait été écrite à l’envers.
  18. Secrétaire du consulat d’Allemagne.
  19. Grand journal pangermaniste d’Essen.
  20. Ces indigènes ont été interrogés par le conseil de guerre.
  21. Commerçant allemand
  22. Les chefs des succursales signaient fréquemment : « C. Ficke. »