Les Rochelais à Terre-Neuve/8° Produit de la pêche

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Chez Georges Musset (p. 55-58).


8o Produit de la pêche.


Il est bien difficile de déterminer, pour ces époques lointaines, quel pouvait être le bénéfice de la pêche. Les produits apportés sur les navires sont de nature si diverse qu’il est souvent malaisé de faire la distinction des uns et des autres, en quantité et en valeur.

Cherchons cependant quelques bases sur lesquelles nous puissions établir ce rapport.

En 1537, deux navires d’un tonnage à peu près égal font le voyage de Terre-Neuve. Le Christophe a 70 tonneaux ; le quart du navire est vendu au maître 270 livres, ce qui met sa valeur à 1,080 livres. La Marguerite, dont nous ne connaissons pas le tonnage, est montée par douze hommes ; elle doit donc être à peu près de la grandeur du Christophe. La part de pêche de l’équipage est évaluée 300 livres. Si l’équipage est au tiers, et c’est vraisemblable, en raison de « l’usance de la mer », c’est 900 livres que vaut la totalité de la pêche. Le bénéfice du bourgeois ou seigneur du navire est de 300 livres, puisqu’un tiers de la pêche est pour la coque, l’autre pour les avitailleurs, le troisième tiers pour l’équipage ; 300 livres représenteraient 27,75 pour 100 de la valeur du navire.

Quelques années plus tard, les frais d’avitaillement s’élèvent un peu. En 1541, l’avitaillement du Charles, de Bayonne, navire de 150 tonneaux, coûte 995 livres. En 1549, les avitailleurs de la Marie, de Talmond-sur-Jard, dépensent dans ce navire qui ne jauge que 50 tonneaux, 685 livres d’une part, la valeur de dix côtes de lard, c’est-à-dire dix quartiers de porc, soit 10 livres, au prix courant ; celle de sept pipes de vin qui à 5 livres 10 sols, prix d’alors, s’élève à 38 livres 10 sols ; en tout 733 livres 10 sols, mais les prix de la pêche semblent s’élever aussi.

Il est d’ailleurs bien difficile d’établir des moyennes, en présence des écarts brusques qui se constatent dans les apports et dans les prix. Tantôt c’est la disette du poisson, le mauvais temps ou la piraterie qui rendent le poisson rare sur le marché et élèvent les cours ; tantôt, au contraire, ce sont les guerres et les évènements dont la terre est le théâtre qui rendent l’écoulement de la marchandise difficile et avilissent les prix. Les variations sont bien plus brusques que de nos jours.

Ainsi un exemple à quinze ans de distance.

En 1556, le Baptiste, de Saint-Jean-de-Luz, du port de 100 tonneaux, revient à La Rochelle, avec quarante milliers de morues parées et, séchées, soixante milliers de morues vertes tant grandes que moyennes et petites, vingt barriques de baleine pacquée et douze barriques de graisse de morues. Le tout est estimé 4.325 livres.

En 1571, la Madeleine, d’Olonne, navire du même tonnage, rapporte seulement seize milliers et demi de morue de toute grandeur, tant verte que sèche ; et sa cargaison se vend 5.400 livres.