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Les Séparés

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Élégies — Romances — Mélanges — Fragments — Poésies posthumesLemerre (p. 348-349).



LES SÉPARÉS


Nécris pas ! Je suis triste, et je voudrais m’éteindre ;
Les beaux étés, sans toi, c’est l’amour sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre ;
Et, frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau.
N’écris pas !

N’écris pas ! n’apprenons qu’à mourir à nous même.
Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi si je t’aimais.
Au fond de ton silence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
N’écris pas !


N’écris pas ! Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N’écris pas !

N’écris pas ces deux mots que je n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur,
Que je les vois briller à travers ton sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon cœur[1].
N’écris pas !

  1. Un mot ne rime pas avec lui-même, cœur avec cœur, comme on vient de le lire dans ce cri qu’on a dégagé des brouillons raturés, des vers inachevés que l’auteur n’a pu revoir. Fallait-il, au nom de la prosodie, supprimer cette note vibrante et poignante, si personnelle à Mme Valmore, et « comme elle seule en avait ? » — « C’est ainsi, ajoute Sainte-Beuve, que chantait la dernière Valmore dans le ressentiment de ses jeunes et anciennes douleurs. »