Les Saisons (Lamartine)

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Œuvres complètes de LamartineChez l’auteur (p. 211-213).
XI


LES SAISONS





À M. CABARRUS


 
Au printemps, les lis des champs filent
Leur tunique aux chastes couleurs ;
Les gouttes que les nuits distillent
Le matin se changent en fleurs.
La terre est un faisceau de tiges
Dont l’odeur donne des vertiges
Qui font délirer tous les sens ;
Les brises folles, les mains pleines,
Portent à Dieu, dans leurs haleines
Tout ce que ce globe a d’encens.


En été, les feuillages sombres,
Où flottent les chants des oiseaux,
Jettent le voile de leurs ombres
Entre le soleil et les eaux ;
Des sillons les vagues fécondes
Font un océan de leurs ondes,
Où s’entre-choquent les épis ;
Le chaume, en or changeant ses herbes,
Fait un oreiller de ses gerbes
Sous les moissonneurs assoupis.

Ainsi qu’une hôtesse attentive
Après le pain donne le miel,
L’automne à l’homme son convive
Sert tour à tour les fruits du ciel :
Le raisin pend, la figue pleure,
La banane épaissit son beurre,
La cerise luit sous l’émail,
La pêche de duvet s’épluche,
Et la grenade, verte ruche,
Ouvre ses rayons de corail.

L’hiver, du lait des neiges neuves
Couvrant les nuageux sommets,
Gonfle ces mamelles des fleuves
D’un suc qui ne tarit jamais.
Le bois mort, ce fruit de décembre,
Tombe du chêne que démembre
La main qui le fit verdoyer,
Et, couvé dans le creux de l’âtre,
Il rallume au souffle du pâtre
Le feu, ce soleil du foyer.


Ô Providence ! ô vaste aumône
Dont tout être est le mendiant !
Vœux et grâce autour de ton trône
Montent sans cesse en suppliant.
Quels pleurs ou quels parfums répandre ?…
Hélas ! nous n’avons à te rendre
Rien, que les dons que tu nous fais.
Reçois de toute créature
Ce Te Deum de la nature,
Ses misères et tes bienfaits !