Les Sciences au XVIIIe siècle/I/IX

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Librairie Germer Baillière (p. 107-118).

CHAPITRE IX

Controverse entre Voltaire et Buffon. — La théorie de la formation des montagnes. — La question des coquilles fossiles.

Placé sur ce terrain, Voltaire attaqua directement le système de Buffon, et entama avec lui une sorte de polémique qui ne laissa pas de tourner à l’aigreur.

Il s’éleva vivement contre l’idée que l’Océan avait pu couvrir le globe entier. L’Océan avait son lit creusé à demeure ; la masse des eaux, fixée une fois pour toutes, n’avait pu en même temps combler les parties basses et s’élever au-dessus des plateaux.

Buffon objectait qu’il s’était peut-être produit des mouvements successifs, et que la mer avait pu, en se déplaçant à des intervalles divers, occuper tour à tour tous les points du globe ; mais pour Voltaire, « l’Océan une fois formé, une fois placé, ne peut pas plus quitter la moitié du globe pour se jeter sur l’autre, qu’une pierre ne peut quitter la terre pour aller dans la lune. »

La formation des montagnes était un point fort controversé. Buffon avait repris sur ce sujet l’opinion émise par de Maillet. En dehors des cataclysmes et des soulèvements subits, il supposait que toute une série de montagnes avait pu être élaborée lentement au fond des mers par le flux et le reflux.

« Je puis supposer légitimement, disait-il, que le flux et le reflux, les vents et toutes les autres causes qui agitent la mer, doivent produire au fond des eaux des éminences et des inégalités qui seront toujours composées de couches horizontales ou également inclinées. Ces éminences pourront avec le temps augmenter considérablement et devenir des collines, puis des chaînes de montagnes. Ces hauteurs une fois formées feront obstacle à l’uniformité du mouvement des eaux ; entre deux hauteurs voisines, il se formera un courant qui suivra la direction commune des collines, et coulera comme coulent les fleuves de la terre, en formant un canal dont les angles seront alternativement opposés dans toute l’étendue de son cours. Ces hauteurs formées au-dessus des surfaces du fond pourront augmenter encore de plus en plus, car les eaux qui n’auront que le mouvement du flux déposeront sur la cime le sédiment ordinaire, et celles qui obéiront aux courants creuseront le vallon au pied des montagnes. »

Voltaire s’élève contre cette étrange imagination, qui est passée du livre de Telliamed dans l’Histoire naturelle imprimée au Louvre[1], « comme un enfant inconnu et exposé est quelquefois recueilli par un grand seigneur ». Il déclare que le flux peut bien amonceler un peu de sable, mais que le reflux l’emporte aussitôt, et qu’il n’y a pas là matière à la naissance d’une montagne.

D’ailleurs, en même temps qu’il fait naître les monts au fond des mers, Buffon les fait détruire sur terre par l’eau du ciel ; il remarque que les pluies entraînent sans cesse les matières placées sur les hauteurs, qu’il y a là une cause puissante de nivellement, et que les sommets des continents peuvent ainsi s’abaisser pour être ensuite envahis par l’Océan. C’est là une supposition que Voltaire n’admet pas plus que la précédente ; l’abaissement et l’élévation des montagnes lui répugnent également. « Il est évident, dit-il, que l’un des deux systèmes est faux, et il n’est pas improbable qu’ils le soient tous deux. » Il ne voit qu’une conception monstrueuse dans ce mouvement de bascule qui changerait tour à tour la terre en océan et l’océan en terre ; il rappelle l’auteur de l’Histoire naturelle à l’examen des faits et lui fait remarquer qu’il a dit lui-même : « La mer irritée s’élève vers le ciel et vient en mugissant se briser contre les digues inébranlables qu’avec tous ses efforts elle ne peut ni détruire ni surmonter. La terre élevée au-dessus du niveau de la mer est à jamais à l’abri de ses irruptions. » Là est la vérité, et les petits changements que l’on peut observer, les ports qui s’ensablent, le limon qui se dépose à la bouche des fleuves, les légères variations que l’on constate dans la hauteur des rivages, n’autorisent point les hypothèses excessives qu’on en veut tirer.

Il n’accepte aucun changement de quelque importance. Buffon a prétendu que la Méditerranée est une mer relativement récente, et qu’elle s’est produite par l’irruption de l’Océan, qui a renversé les promontoires situés entre Gibraltar et Ceuta. C’est là un point de vue que Voltaire déclare inadmissible. Il ne veut pas concevoir l’ancien continent sans Méditerranée. Tous ces grands fleuves qui viennent d’Europe et d’Asie, le Tanaïs, le Borysthène, le Danube, le Pô, le Rhône, ont de tout temps formé un grand lac. Ces fleuves ne pouvaient avoir d’embouchure dans l’Océan, « à moins qu’on ne se donnât encore le plaisir d’imaginer un temps où le Tanaïs et le Borysthène venaient par les Pyrénées se rendre en Biscaye. » La mer Noire, la Caspienne, sont tout aussi nécessaires à l’économie générale du continent, et, pour employer une comparaison dont nous nous sommes déjà servi tout à l’heure, il n’imagine pas plus le continent dépourvu de ces mers qu’il ne comprend un visage sans bouche et sans yeux.

On voit bien quelle position Voltaire avait prise. Il défendait la physique du globe contre l’imagination déréglée des naturalistes.

Ceux-ci ne laissaient rien en place.

L’illustre auteur de l’Histoire naturelle disait : « Nous voyons sous nos yeux d’assez grands changements de terres en eau et d’eau en terres pour être assurés que ces changements se sont faits, se font et se feront, en sorte qu’avec le temps les golfes deviendront des continents, les isthmes seront un jour des détroits, les marais deviendront des terres arides, et les sommets de nos montagnes les écueils de la mer. »

C’est contre cette espèce de danse vertigineuse des éléments que Voltaire proteste ; mais il faut avouer qu’il pousse à l’excès l’esprit de résistance. Qu’il n’accepte pas les explications qu’on lui donne et qui sont manifestement des fantaisies de théoriciens, des rêves de philosophes, qu’il rappelle les esprits à la prudence et au bon sens, c’est fort bien ; mais pourquoi aller jusqu’à proscrire toute tentative d’explication ? Est-il possible que nous nous abstenions de chercher les causes des phénomènes naturels ? Ce serait trop nous demander ; tout ce qu’on peut exiger de nous, c’est que nous regardions de fort près aux hypothèses que nous faisons ou que font les autres.

Ici d’ailleurs l’ardeur de la réaction fit commettre à Voltaire une erreur grave, nous pouvons même dire une lourde bévue ; elle lui a été bien souvent reprochée, et elle a suffi pour diminuer considérablement l’autorité de son nom en matière de sciences naturelles : nous voulons parler de l’obstination avec laquelle il a nié l’existence de coquilles marines dans les terres actuellement éloignées de la mer.

Les fossiles marins étaient un des principaux articles des systèmes de Woodward, de Whiston, de Telliamed, de Buffon ; ils arguaient tous de la présence de ces débris au milieu des continents et sur le sommet même des montagnes pour affirmer que la terre avait été autrefois couverte par les eaux[2]. En effet, il ne s’agissait pas seulement de quelques échantillons isolés, de quelques corps particuliers trouvés çà et là ; c’était une multitude innombrable de coquilles et d’autres productions marines qu’on rencontrait par amas immenses, par bancs de cent et deux cents lieues de longueur.

Bernard Palissy, vers la fin du xvie siècle, avait le premier osé dire que ces amas fossiles étaient de véritables coquilles déposées par la mer dans les lieux mêmes où on les rencontrait ; il avait développé ses idées dans des conférences publiques faites au sujet des pétrifications, si abondantes dans les terrains de Paris ; mais ses enseignements étaient restés stériles, et sa voix n’avait pas eu d’écho.

Dans la seconde moitié du xviie siècle, la question fut reprise en Italie par plusieurs géologues, tels que Fabio Colonna, Scilla et surtout Stenon. Stenon était un Danois qui était venu professer l’anatomie à Padoue. Ses connaissances exactes en histoire naturelle lui permirent de ne pas se borner aux coquilles et de comparer aux animaux vivants certaines parties des animaux anciens. Ainsi certains corps en forme de fer de lance étaient considérés par le peuple comme des langues de serpent converties en pierres, et les savants les avaient désignés pour cette raison sous le nom de glossopètres ; on les classait parmi les pierres figurées formées, comme des jeux de la nature, par des forces mystérieuses. Stenon annonça et prouva que ce n’était autre chose que des dents d’une espèce de squale analogue à celle qui habite encore nos mers.

Quant aux coquilles, il montra qu’elles existent dans les divers terrains à différents degrés d’altération, les unes n’ayant d’autre caractère de fossilisation que l’absence de matière animale, tandis qu’à l’autre extrémité de l’échelle on en trouve qui sont pétrifiées dans le sens propre du mot, c’est-à-dire que, tout en conservant leur forme, elles n’ont plus rien de leur nature primitive.

La théorie des fossiles marins se dessinait donc très-nettement dans le livre que Stenon publia en 1669 sous un titre assez bizarre : De solido intrà solidum contento naturaliter. L’auteur avait voulu indiquer par ces mots qu’il s’occupait des différents corps, minéraux ou organiques, que l’on trouve renfermés à l’intérieur des roches. Depuis ce temps, un grand nombre de faits avaient été rassemblés. On savait que les couches de craie, de marne, de pierre à chaux, de marbre, sont composées soit de coquilles entières, soit de fragments de coquilles mêlées à d’autres productions marines ; on y trouvait des débris très-reconnaissables de poissons de mer : et cela se rencontrait non-seulement en Angleterre et en France, mais en Asie et en Afrique, non-seulement dans les plaines, mais sur les Alpes et les Pyrénées.

Voltaire vint se heurter contre cette masse considérable de faits. Il les rejeta tout d’un bloc. Plutôt que d’admettre que la mer eût occupé la place des continents, il refusa de croire aux amas de fossiles marins.

Et d’abord il admettait parfaitement que la nature pût façonner des pierres par ses forces propres et leur donner directement la forme de certains animaux. C’est ainsi que les Alpes, les Vosges, sont pleines de pierres tournées en spirales ; il a plu aux naturalistes de les appeler des cornes d’Ammon et l’on veut dès lors y reconnaître un poisson qui vit dans la mer des Indes ; on se laisse ainsi abuser par les mots. Comme on a nommé glossopètres ces pierres que les géologues italiens ont signalées dans les montagnes de leur pays et qui ont quelque rapport avec la langue d’un chien marin, les naturalistes imaginent que des chiens marins sont venus mourir sur les Apennins du temps de Noé. « Que n’ont-ils dit aussi que les coquilles que l’on appelle conques de Vénus sont en effet la chose même dont elles portent le nom ? »

Une fois entré dans cette voie, Voltaire pousse à outrance ses plaisanteries sur les jeux de la nature et sur ce qu’en tirent les philosophes à systèmes. Il y a dans le Chablais, à deux petites lieues de Ripaille, une grotte remarquable par des stalactites et des stalagmites. L’eau qui distille à travers le rocher a formé dans la voûte la figure d’une poule qui couve des poussins. Auprès de cette poule est une autre concrétion qui ressemble parfaitement à un morceau de lard avec sa couenne, de la longueur de près de trois pieds. Dans un bassin situé au milieu de la grotte, on trouve des pralines assez semblables à celles qui se vendent chez les confiseurs, et à côté la forme d’un rouet à filer avec la quenouille. La tradition rapporte même qu’on voyait autrefois dans l’enfoncement de la grotte une femme pétrifiée ; on ne distingue plus rien qui ressemble à une femme, mais le nom de grotte des Fées est resté à la caverne. Que ces faits tombent entre les mains d’un philosophe à systèmes, il ne manquera pas de prétendre qu’il est en face de pétrifications véritables. « Cette grotte, dira-t-il, était habitée autrefois par une femme ; elle filait au rouet, son lard était pendu au plancher ; elle avait auprès d’elle une poule avec ses poussins ; elle mangeait des pralines quand elle fut changée en rocher, elle, les poulets, son lard, son rouet, sa quenouille et ses pralines, comme la femme de Loth fut changée en statue de sel. »

Tout en tenant pour les « jeux de la nature », Voltaire convient qu’ils ne peuvent tout expliquer ; il y a des empreintes de poissons tellement caractéristiques, qu’on ne saurait les récuser. Il les présente du moins comme des cas isolés, des accidents fortuits. « On a trouvé dans les montagnes de la Hesse une pierre qui portait l’empreinte d’un turbot, et sur les Alpes un brochet pétrifié ; on en conclut que la mer et les rivières ont coulé tour à tour sur les montagnes. Il était plus naturel de soupçonner que ces poissons, apportés par un voyageur, s’étant gâtés, furent jetés et se pétrifièrent dans la suite des temps ; mais cette idée était trop simple et trop peu systématique. »

Quant aux coquilles mêmes, Voltaire fait observer qu’il y en a très-peu dont l’origine maritime soit incontestable. Les débris que l’on rencontre ne proviennent-ils pas de colimaçons, de moules, de crustacés ou de mollusques de rivière ? Il a fait chercher des fragments de coquillages marins sur le mont Saint-Gothard, sur le Saint-Bernard, dans les montagnes de la Tarentaise : on n’en a pas découvert. Un seul physicien lui a écrit qu’il a trouvé quelques écailles d’huîtres pétrifiées vers le mont Cenis. Ces huîtres paraissent authentiques ; mais « est-ce une idée tout à fait romanesque de faire réflexion sur la foule innombrable de pèlerins qui partaient à pied de toutes les provinces pour aller à Rome par le mont Cenis, et qui portaient des coquilles à leurs bonnets ? » Ces coquilles de mer ont donc été perdues ou jetées par des pèlerins, et « une huître près du mont Cenis ne prouve pas que l’Océan indien ait enveloppé toutes les terres de notre hémisphère. » Et d’ailleurs, sans recourir aux pèlerins, n’y a-t-il pas d’autres causes qui peuvent déplacer des coquilles d’huîtres ? « Il n’y a pas longtemps, dit-il, que dans un de mes champs, à cent cinquante lieues des côtes de Normandie, un laboureur déterra vingt-quatre douzaines d’huîtres ; on cria miracle : c’étaient des huîtres qu’on m’avait envoyées de Dieppe il y avait trois ans. Je suis de l’avis de l’Homme aux quarante écus, qui dit que des médailles romaines trouvées au fond d’une cave à six cents lieues de Rome ne prouvent pas qu’elles aient été fabriquées dans cette cave. »

On parlait beaucoup du falun de Touraine, sur lequel l’attention avait été autrefois appelée par Bernard Palissy ; on prétendait qu’il existait en Touraine une masse de 130 millions de toises cubiques d’un terrain presque entièrement composé de coquilles de mer intactes ou brisées, sans mélange de matières étrangères. Certainement, s’il y avait à quarante lieues de la mer des bancs immenses de coquilles marines, si elles étaient, comme on l’assurait, posées à plat par couches régulières, il fallait bien admettre que la mer eût séjourné longtemps dans ces parages. Voltaire fit venir à Ferney des caisses de ce falun pour le considérer de près. Tout examen fait, il n’y vit qu’une terre marneuse mêlée de talc, un peu salée au goût ; mais il n’y découvrit aucun vestige de coquilles. « Les laboureurs de Touraine l’emploient, dit-il, pour féconder leurs champs. Si ce n’était qu’un amas de coquilles, je ne vois pas qu’il pût fumer la terre. J’aurais beau jeter dans mon champ toutes les coques desséchées des limaçons et des moules de ma province, ce serait comme si j’avais semé sur des pierres. »

Buffon, contre qui les critiques et les plaisanteries de Voltaire étaient dirigées, y avait été fort sensible.

Dès l’année 1749, Voltaire avait envoyé à l’Académie de Bologne une dissertation, écrite en italien et traduite par lui-même en français, sur les changements arrivés dans notre globe. Il y parlait de la théorie des montagnes et des fossiles à peu près dans les termes qu’on vient de voir.

Buffon, très-piqué, répondit à son adversaire en prenant lui-même le ton de la plaisanterie, qui ne lui était pas habituel. On lit dans la Théorie de la terre : « La Loubère rapporte, dans son voyage de Siam, que les singes au cap de Bonne-Espérance s’amusent continuellement à transporter des coquilles du rivage de la mer au-dessus des montagnes… En lisant une lettre italienne sur les changements arrivés au globe terrestre, je m’attendais à trouver ce fait rapporté par la Loubère, car il s’accorde parfaitement avec les idées de l’auteur. Les poissons pétrifiés ne sont, à son avis, que des poissons rares rejetés de la table des Romains parce qu’ils n’étaient pas frais ; et à l’égard des coquilles, ce sont, dit-il, les pèlerins de Syrie qui ont rapporté dans le temps des croisades celles des mers du Levant qu’on trouve actuellement pétrifiées en France, en Italie et dans les autres États de la chrétienté. Pourquoi n’a-t-il pas ajouté que ce sont les singes qui ont transporté les coquilles au sommet des hautes montagnes et dans tous les lieux où les hommes ne peuvent habiter ? Cela n’eût rien gâté et eût rendu son explication encore plus vraisemblable. »

Si Buffon supportait mal la raillerie, on sait que Voltaire était encore moins endurant. L’historien de la nature et l’ermite de Ferney restèrent longtemps animés de sentiments fort vifs l’un contre l’autre. Voltaire renouvelait à chaque instant ses attaques contre la géologie nouvelle ; il la criblait, en toute occasion et sous le moindre prétexte, de traits peu mesurés. Buffon ne dissimulait pas sa mauvaise humeur ; il s’en expliquait vertement et à tout propos. Lisait-on aux séances de l’Académie française quelque nouvel ouvrage adressé par Voltaire, on voyait Buffon s’agiter sur son fauteuil et témoigner vivement son improbation. En vain des amis communs essayèrent pendant de longues années d’adoucir cette animosité mutuelle.

Un incident de famille y mit fin. Buffon envoyait son jeune fils faire le tour de l’Europe pour s’instruire ; le gouverneur du jeune homme eut ordre de le présenter à Ferney. Voltaire, touché de cette avance, écrivit sur-le-champ à son adversaire une lettre émue et cordiale. La paix fut faite à partir de ce jour. Voltaire désarma, et Buffon, sans effacer de son livre le passage que nous venons de citer, en atténua l’effet par une note. « Sur ce que j’ai écrit au sujet de la lettre italienne, dit-il, on a pu trouver, comme je le trouve moi-même, que je n’ai pas traité M. de Voltaire assez sérieusement. J’avoue que j’aurais mieux fait de laisser tomber cette opinion que de la relever par une plaisanterie, d’autant que c’est peut-être la seule qui soit dans mes écrits… On m’apporta cette lettre italienne dans le temps même que je corrigeais la feuille de mon livre où il en est question. Je ne lus cette lettre qu’en partie, imaginant que c’était l’ouvrage de quelque érudit d’Italie qui, d’après ses connaissances historiques, n’avait suivi que son préjugé sans consulter la nature, et ce ne fut qu’après l’impression de mon volume sur la Théorie de la terre qu’on m’assura que la lettre était de M. de Voltaire. J’eus regret alors à mes expressions. Voilà la vérité ; je le déclare autant pour M. de Voltaire que pour moi-même et pour la postérité, à laquelle je ne voudrais pas laisser douter de la haute estime que j’ai toujours eue pour un homme aussi rare et qui fait tant d’honneur à son siècle. »




  1. L’imprimerie royale était située dans les bâtiments du Louvre.
  2. L’antiquité elle-même avait connu les coquilles fossiles et en avait tiré la même conséquence. Ovide dit en termes précis :

    Vidi egomet quod erat quondam solidissima tellus
    Esse fretum, vidi factas ex æquore terras,
    Et procul a pelago conchœ jacuere marinœ.