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Les Stoïques/Ce soir, quand la ville engourdie

La bibliothèque libre.
Les StoïquesAlphonse Lemerre, éditeur (p. 52-54).



À qui je pense, hélas ! loin du toit où vous êtes ?
Enfants, je pense à vous…

Victor Hugo.


I.


Ce soir, quand la ville engourdie
S’éveille à l’heure où le jour fuit,
La strada se remplit de bruit,
Le golfe au soleil s’incendie.

Et par l’ombre enfin enhardie,
Dès que Vénus dans le ciel luit
Au premier souffle de la nuit
S’ouvre la fenêtre agrandie.

Les enfants sont là, seuls, en deuil :
De sa frêle voix cristalline,
Bébé chante : « À la Mergelline… »


Ninon guette leur père au seuil,
Et, laissant les jeux éphémères,
Margot songe aux devoirs des mères.

II.



Car, ô pauvres parents navrés,
Si l’enfant bien-aimé succombe,
Vous suivez presque la colombe
Dans son vol aux cieux azurés,

Et vous savez que vous irez
Rouvrir bientôt pour vous sa tombe ;
Mais, quand c’est la mère qui tombe
Laissant les siens désespérés…

Celui qu’un tel chagrin dévore,
En deuil aussi, plus seul encore,
Au retour sonde l’horizon.


Père, époux, sa peine est pareille :
Ses enfants, nul ne les surveille,
Et plus de femme à la maison !