Les Stoïques/Chanson triste

La bibliothèque libre.
Les StoïquesAlphonse Lemerre, éditeur (p. 67-68).


CHANSON TRISTE.


Printemps, que me veux-tu ?…
Sainte-Beuve.


L’aube sourit à toute fleur nouvelle,
Sous les blés verts l’alouette a chanté.
L’amour candide aux cœurs purs se révèle ;
Mais mon cœur est désenchanté.

Le renouveau dans les âmes excite
De fiers élans d’audace & de vertu.
Le bois s’éveille & le champ ressuscite.
Mais mon courage est abattu.

Le ruisseau jase en filtrant sous les haies :
Fredons, bruits d’aile, aveux, désirs troublés,
Le ciel s’emplit de mille choses gaies ;
Mais mes rêves s’en sont allés.


Et bien plus mort que cette feuille morte
Qui gît au pied de l’arbre reverdi,
Mon espoir vole à ce vent qui l’emporte,
Froid jouet d’un souffle attiédi.

Car le printemps qui rend la feuille aux branches,
L’aurore au ciel & le nid à l’amour,
A beau fleurir les aubépines blanches,
Il n’est pas pour moi de retour.