Les Stromates/Livre troisième/Chapitre XIV

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Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome cinquièmep. 256-257).
Livre troisième

CHAPITRE XIV.
Il explique quelques passages de saint Paul.

Mais ne voilà-t-il pas que l’hérésiarque, par une interprétation forcée, contraint l’apôtre d’attribuer malgré lui la génération à la chute primitive dans le passage suivant. « Je crains que, comme Ève fut séduite par le serpent, vos esprits, de même, ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité chrétienne. »

Il est plus vrai de dire, avec tous, que le Seigneur est venu vers ce qui était égaré ; égaré, non pas de la demeure céleste pour tomber dans l’œuvre terrestre de la génération ; la génération est elle-même une institution du Tout-Puissant, qui n’eût jamais précipité l’âme d’un état de félicité pour la plonger dans une situation inférieure ; c’est pour sauver ceux qui s’égaraient dans leurs pensées ; c’est vers nous que le Seigneur est descendu. Nos pensées avaient été corrompues par la violation des commandements, avides que nous étions de voluptés, et fils d’un père prévaricateur, qui, devançant le temps marqué, avait convoité prématurément les douceurs du mariage. En effet, « quiconque aura regardé une femme pour la convoiter, a déjà commis l’adultère dans son cœur, » pour n’avoir pas attendu le temps marqué par la volonté divine. C’était donc le même Seigneur qui alors condamnait aussi les désirs prématurés. L’apôtre, en nous disant : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, qui est créé à la ressemblance de Dieu, » s’adresse à nous, que la volonté du Tout-Puissant a faits tels que nous avons été faits. Toutefois, par le mot de vieil homme, Paul n’entend ni la génération, ni la régénération ; il parle de la vie de désobéissance et de la vie de révolte. Cassien veut que les tuniques de peau soient le corps. Sur ce point, il s’est trompé, lui et ceux qui ont embrassé la même opinon. Nous le prouverons plus tard, lorsque, amené par une discussion qu’il faut placer auparavant, nous aborderons la naissance de l’homme. « Car, dit-il, ceux qui sont assujettis aux choses de la terre, engendrent et sont engendrés ; mais nous, nous vivons déjà dans le ciel ; c’est de là aussi que nous attendons le Sauveur. » Paroles pleines de sens, nous le savons aussi, et où nos devoirs sont tracés ! Étrangers et voyageurs ici-bas, il nous faut vivre comme des étrangers et des voyageurs ; dans le mariage, comme n’étant pas mariés ; possédant, comme ne possédant pas ; engendrant des enfants, comme engendrant des êtres destinés à mourir ; disposés à abandonner tout ce qui est à nous ; prêts à vivre sans femme, s’il est besoin ; n’apportant que des désirs modérés dans l’usage des créatures ; n’en usant qu’avec actions de grâces, les yeux de l’âme toujours fixés sur nos hautes destinées.