Les Sybilles, sur la fête des alliances
XXVI
LES SYBILLES
sur la feste des alliances
de france et d’espagne
Que Bellone et Mars se détachent,
Et de leurs cavernes arrachent
Tous les vents des seditions ;
La France est hors de leur furie
Tant qu’elle aura pour alcyons
L’heur et la vertu de Marie.
Cessé, Pò, d’abuser le monde ;
Il est temps d’oster à ton onde
Sa fabuleuse royauté.
L’Arne, sans en faire autres preuves,
Ayant produit cette beauté,
S’est acquis l’empire des fleuves.
La France à l’Espagne s’allie ;
Leur discorde est ensevelie.
Et tous leurs orages finis.
Armes du reste de la terre,
Contre ces deux peuples unis
Qu’estes-vous que paille et que verre ?
Arrière ces plaintes communes,
Que les plus durables fortunes
Passent du jour au lendemain ;
Les noeux de ces grands hyménées
Sont-ils pas de la propre main
De ceux qui font les destinées ?
Taisez-vous, funestes langages,
Qui jamais ne faittes presages
Où quelque malheur ne soit joint ;
La discorde icy n’est meslée.
Et Thetis n’y soupire point
Pour avoir espousé Pelée.
Roy que tout bon-heur accompagne,
Voy partir du costé d’Espagne
Un soleil qui te vient chercher.
Ô vrayment divine avanture,
Que ton respect fasse marcher
Les astres contre leur nature !
Ô que l’heur de tes destinées
Poussera tes jeunes années
A de magnanimes soucis,
Et combien te verront épandre
De sang des peuples circoncis
Les flots qui noyerent Leandre !
Soit que le Danube t’arreste,
Soit que l’Euphrate à sa conqueste
Te face tourner ton desir,
Treuveras-tu quelque puissance
À qui tu ne faces choisir
Ou la mort, ou l’obeïssance ?
Courage, Reyne sans pareille :
L’esprit sacré qui te conseille
Est ferme en ce qu’il a promis.
Achève, et que rien ne t’arreste :
Le Ciel tient pour ses ennemis
Les ennemis de cette feste.
Sous ta bonté s’en va renaistre
Le siecle où Saturne fut maistre :
Themis les vices détruira,
L’honneur ouvrira son échoie,
Et dans Seine et Marne luyra
Mesme sablon que dans Pactole.