Les Syrtes/La carmencita
Apparence
Premières Poésies : 1883-1886, Société du Mercure de France, , Les Syrtes. Les Cantilènes (p. 61-62).
LA CARMENCITA
Pauvre enfant, tes prunelles vierges,
Malgré leur feu diamanté,
Dans mon cœur, temple dévasté,
Ne rallumeraient pas les cierges.
Pauvre enfant, les sons de ta voix
— Telles les harpes séraphiques —
De mes souvenirs maléfiques
Ne couvriraient pas les abois.
Pauvre enfant, de tes lèvres vaines,
La miraculeuse liqueur
N’adoucirait pas la rancœur
Qui tarit la vie en mes veines.
Pareil au climat meurtrier
Déserté de toute colombe,
Et pareil à la triste tombe,
Où l’on ne vient jamais prier,
— O la trop tard — au cours du fleuve
Inéluctable, je m’en vais,
Ayant au gré des vents mauvais
Effeuillé ma couronne neuve.