Les Tableaux vivants/12
XII
LES MATINÉES D’UNE COURTISANE
C’était en juillet. Il faisait chaud. La chaleur m’excite. À dix heures du matin, je me rendis chez la petite Coralie, que je trouvai sortant du bain.
Elle était étendue sur une causeuse (et pourquoi ne dit-on pas une fouteuse ?), enveloppée dans une couverture de laine et entourée de ses deux soubrettes Rosine et Nana, en simple chemise toutes deux.
À la chaleur du baiser que je lui donnai en entrant, Coralie comprit que j’étais d’humeur galante.
— Toi ! me dit-elle en riant, tu viens me demander l’aumône !
— Oh ! madame, dit Nana, qui vient de s’assurer que sa maîtresse disait vrai, madame, il bande !
— Il bande ! répéta Rosine.
Je pris deux louis dans ma poche et, en tenant un de chaque main, je priai ces deux aimables filles de rejeter la couverture de leur maîtresse et d’ôter elles-mêmes leur chemise, ce qu’elles ne me refusèrent point.
Elles étaient forts brunes l’une et l’autre ; Coralie, au contraire, était assez blonde, assez petite, un peu trapue même, avec des seins qui ressemblaient à des boules d’ivoire, des flancs bien remplis, la cuisse et la jambe replètes, mais la cheville fine avec des amours de pieds, comme on n’en voit qu’à Paris ou en Espagne. Quant à son joli fessier rose, tout le beau monde masculin et féminin même l’a pincé, mordu, fouetté. Quel charmant visage de coquine avait Coralie ! Fi ! Le minois impudent ! Quels yeux à la perdition de toutes les âmes ! Et quelle bouche également faite pour l’amour et pour rire au nez du genre humain, tout en lui mangeant son argent !
— Tiens ! me dit-elle en me jetant son pied au visage, baise l’instrument de ton plaisir ; je vais te le faire entre ces deux petons-là !
Ah bien oui ! Le timbre résonna à la porte de l’appartement. Nana, en costume de la mère Ève, courut s’informer du visiteur et revint éperdue.
— Madame, c’est monsieur le duc ! Je l’ai fait entrer dans le boudoir.
— Mon doux ami, me dit Coralie en se levant, souffre que j’aille gagner cinquante louis.
Drelin, drelin, drelin ! Ce fut au tour de Rosine d’aller aux nouvelles.
— Madame, madame, c’est le gros banquier !
— C’est cinquante autres louis vraiment ! s’écria Coralie en battant des mains.
Drelin, drelin, drelin ! Cette fois les deux filles y coururent ensemble.
— Madame, c’est le petit Lousteau !
— Cent louis, celui-là ! dit Coralie, mais en un billet payable à sa majorité. Il faut battre monnaie comme on peut quand on a affaire aux enfants. Eh bien ! Que tous les trois attendent ! Mes filles, présentez-moi le joli membre de mon ami.
Rosine et Nana me déculottèrent avec complaisance. Coralie prit et commença de rouler entre ses deux pieds ce qu’elle voulait bien nommer mon joli membre.
Ne savez-vous pas que les filles de Corinthe avaient une renommée pour l’exquise façon dont elles savaient branler avec leurs pieds leurs amants d’Athènes ou de Béotie ? Les pieds de Coralie étaient aussi joliment tournés qu’agiles. Ils saisirent mon membre entre leurs deux plantes satinées.
Elle donna l’ordre à ses deux caméristes de se ranger auprès d’elle, l’une à gauche et l’autre à droite, et se mit à en chatouiller une de chaque main. Ses deux petites menottes disparaissaient dans le chat noir des deux filles. Ses deux petons glissaient, volaient, tournoyaient autour de mon vit enflammé, tantôt frottant doucement du talon les deux boules qui contiennent la liqueur divine, tantôt de la pointe et du pouce s’aventurant jusqu’au couloir de Sodome…
Tout à coup elle s’arrêta.
— Si je congédiais mes trois amoureux ! dit-elle.
— Madame, dit Nana, veut-elle que j’aille les prier l’un après l’autre de revenir dans deux heures ?
— Sotte que tu es ! fit Coralie. Si tu veux qu’ils reviennent, dis-leur plutôt d’aller au diable !
Ainsi fut fait. Lorsque Nana rentra dans la chambre après avoir rempli cette mission délicate, elle put voir un flot blanc qui s’élevait en l’air… C’était mon foutre jaillissant.
— Madame ! s’écria cette charmante fille d’un air consterné, n’est-ce pas là du bien perdu ?…
— Oui, dit sentencieusement Rosine, il ne faut pas gaspiller le bien du bon Dieu, madame…
Coralie éclata de rire :
— Mes filles ! cria-t-elle, voulez-vous remettre notre bon ami en état de vous plaire !
Chères filles ! Déjà elles faisaient avancer leurs charmes et étendaient les mains.
— N’y touchez pas ! s’écria Coralie. C’est par les yeux qu’il faut ranimer notre ami. Venez là, mes filles ! Venez là !
En même temps elle se couchait sur le sofa, les cuisses ouvertes et légèrement relevées.
— Qui m’aime me baise ! dit-elle.
Rosine et Nana s’élancèrent ensemble. Nana joignit le but la première, et la motte de Coralie disparut sous sa bouche libertine. Rosine se consolait comme elle pouvait en embrassant sa maîtresse et en lui suçant les seins ; et moi je branlais et je postillonnais Nana, dont la croupe se trouvait près de mon visage. Des cris, des soupirs, des imprécations impies annoncèrent que Coralie allait jouir.
— Nana ! cria-t-elle, regarde s’il bande encore !
Ce dont Nana s’assura en faisant un peu reculer sa croupe, qui rencontra mon membre devenu d’airain.
— Oui, madame, soupira-t-elle.
Dans la position où elle se trouvait, c’est au con de Coralie qu’elle parlait. Le fripon entendit à merveille. Coralie me fit asseoir au milieu du sofa, et s’assit sur moi. Dans cette posture, la jouissance est lente et les trous-bonbons les moins étroits se resserrent. D’après les ordres de sa maîtresse, Rosine vint s’agenouiller devant nous.
La chère créature se mit à nous lécher ainsi tous deux à la fois. Un coup de langue au clitoris de Coralie, un autre coup à la racine de mon membre. Je le faisais sortir, elle l’engoulait tout entier. Il rentrait dans le con de Coralie et je recommençais ce jeu charmant. Nana, à genoux derrière Rosine, tenait le croupion de sa commère serré entre ses cuisses et la branlait…
On sonna une fois, deux fois, trois fois. C’étaient les trois amoureux qu’on avait envoyés au diable et qui revenaient chercher le paradis.
— Oui… oui… disait Coralie toute pâmée… Après le plaisir… Les affaires… Je vais aller gagner mes deux cents louis !
Quelle belle vie que la vie d’une courtisane ! On baise, on jouit, on s’enrichit, on a toutes les joies ensemble.