Les Tremblements de terre/Introduction

La bibliothèque libre.
J.-B. Baillière et Fils (p. 5-8).

LES
TREMBLEMENTS
De Terre




INTRODUCTION


L’étude des tremblements de terre n’est entrée dans une voie véritablement scientifique que depuis un petit nombre d’années. Autrefois on se contentait de relater plus ou moins exactement les effets variés des mouvements du sol d’origine souterraine, et de perpétuer la mémoire des désastres causés par ces redoutables cataclysmes. Partant d’observations évidemment insuffisantes, on en était réduit à émettre et à discuter des hypothèses hasardées sur la cause de ces phénomènes. D’un autre côté, par suite d’une réaction bien naturelle, les meilleurs esprits dans le monde scientifique, dédaignant les discussions stériles, en étaient arrivés à penser que la question était de toutes parts inabordable ; ils la considéraient comme dépourvue de solution certaine. Jamais problème n’excita plus vivement l’attention publique et en même temps ne fut davantage un objet de découragement pour les hommes de science.

La phase nouvelle dans laquelle est entrée la question est caractérisée par la concentration des efforts des chercheurs sur quelques points spéciaux susceptibles d’être atteints directement et de donner prise aux observations exactes et à l’expérimentation. Un des traits saillants de cette période récente est aussi l’introduction dans la pratique d’instruments de précision comparables à ceux qui sont en usage dans les autres branches de la physique. De telles améliorations ont eu pour conséquence d’élever le niveau de la discussion en ce qui touche aux causes des phénomènes séismiques. Des théories jusqu’alors soutenues avec ardeur ont été définitivement abandonnées, des lois considérées naguère comme probables ou même comme sûrement établies ne trouvent plus de défenseurs. En un mot, la question a fait un pas en avant ; elle est sortie de l’immobilité à laquelle elle semblait à tout jamais condamnée et désormais on peut être certain qu’elle ne cessera plus de progresser. Chacun des savants qui travaille à son avancement se laisse bien encore animer et guider par quelque considération théorique incertaine, mais au lieu d’en faire l’objet de ses préoccupations exclusives, il relègue sa conception favorite au second plan et se contente de remplir l’office du pionnier qui défriche lentement et méthodiquement quelques parcelles du domaine soumis à son labeur.

Les premiers chapitres de cet ouvrage sont consacrés, sous une forme dogmatique, à l’exposé des points particuliers qui préoccupent actuellement ceux qui s’adonnent à l’étude des tremblements de terre. Ils sont destinés à mettre en relief les faits les plus saillants parmi ceux qui semblent désormais acquis ; les faits qui y sont présentés permettent de se rendre compte des difficultés rencontrées, des incertitudes graves et nombreuses qui subsistent, et surtout d’entrevoir la voie dans laquelle tend à s’engager la science moderne. Deux chapitres contiennent l’examen des relations longtemps cherchées entre les séismes et les autres phénomènes compris dans le domaine de la physique terrestre. Le lecteur y trouvera aussi la réfutation de certaines opinions admises jusqu’à présent comme prouvées ou au moins rarement discutées.

Ce volume renferme ensuite l’exposé des recherches récentes, faites pour déterminer la vitesse de propagation des mouvements vibratoires dans des sols de nature diverse. Ce n’est pas le seul côté par lequel l’étude des séismes puisse être abordée expérimentalement ; cependant, jusqu’à présent, c’est sur cette question spéciale que les expériences ont porté.

Malgré l’extrême importance qu’ont pris les essais effectués pour arriver à la construction d’instruments divers, destinés à constater et à enregistrer la production et les diverses particularités des séismes, nous n’avons pas consacré de chapitre particulier à la description technique de ces instruments, pensant que ce sujet méritait d’être traité dans un ouvrage spécial. D’ailleurs, chaque jour des perfectionnements considérables sont apportés à la fabrication de ces instruments par des ouvriers habiles associés à des hommes de science. Nous pensons que la description des séismographes et microséismographes gagnera singulièrement à n’être exposée en détail que dans quelques années.

La dernière partie de l’ouvrage contient enfin le récit des principaux tremblements de terre qui se sont manifestés depuis une trentaine d’années. Les observateurs qui se sont appliqués à l’étude de ces phénomènes ont été tous sans exception dépourvus de moyens efficaces pour atteindre le but qu’ils s’étaient proposé ; aucun n’a réussi à fournir les données précises qu’il avait eu le désir de recueillir. Cependant, nous espérons mettre en évidence la tendance scientifique nouvelle qui les a animés et faire entrevoir les raisons de leur confiance dans un prochain avenir meilleur.

Enfin, quelques-uns de ces récits serviront encore utilement à montrer ce qui distingue les séismes qui ébranlent les régions volcaniques, et ceux qui se manifestent loin de tout volcan. On pourra ainsi juger par soi-même de la difficulté que l’on éprouve quand on veut séparer nettement les phénomènes de l’une et de l’autre catégorie.