Les Vaillantes/I/7

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Marc Imhaus et René Chapelot (p. 121-134).

CHAPITRE VII


L’Internationale féminine.


« Celles qui tiennent ». — La Propagande française par les femmes.

Facteur essentiel de la résistance et de la victoire, la femme l’est apparue — non à nos yeux seulement, éblouis peut-être d’un mirage — mais aux yeux de toutes les nations. Sa force, elle l’a manifestée suivant les cas, par sa parole ou son silence, par l’abstention ou l’action.

Nous connaissons mal encore l’action collective, consciente ou non, des femmes appartenant aux groupements belligérants. On soupçonne pourtant, d’après les entrefilets trop brefs des journaux, combien dans les deux camps, elle fut différente.

Ivre comme son frère et son époux d’un abominable orgueil, haïssant comme lui la France dont elle jalouse l’élégance comme il jalouse la richesse, la femme allemande a, sinon voulu, du moins accepté allègrement la guerre. Et aux heures de victoire, nulle pitié chez elle pour les hommes sacrifiés ou les peuples martyrs. Dans ses lettres, dans ses actes s’expriment une haine féroce et la convoitise du luxe des vaincus.

Le manifeste lancé en novembre 1914 par l’élite des femmes allemandes est en tout point digne de celui des intellectuels. Même arrogance, même faux intérêt de la civilisation et de l’humanité, même souci de rejeter sur les alliés toutes les responsabilités.

Quelle différence avec la dignité triste de nos Françaises, l’étonnement scandalisé des Anglaises, la pitié profonde des femmes russes !

Après les mécomptes de la Marne et de l’Yser, quand les morts s’amoncellent et que la famine fait sentir son étreinte, les femmes allemandes supportent mal l’adversité. Il est dur de se priver quand on a cru goûter les fruits d’une rapide victoire. Sur la ménagère allemande, la vie chère, la disparition des denrées essentielles pèsent lourdement. Et puisque la guerre était une affaire, elles s’en désintéressent dès l’instant que l’affaire est mauvaise.

Depuis le printemps de 1915, depuis le 18 mars, date où devant le Reichstag des femmes manifestent pour la paix, les journaux n’ont cessé d’enregistrer les manifestations tumultueuses de femmes qui, en deux mots, réclament toujours « du pain ou la paix ! » Halle, Dusseldorf, Leipzig, Berlin, ont vu la troupe charger des centaines de femmes hurlant devant les boucheries vides et les boulangeries fermées, les faubouriennes insulter la famille impériale et accueillir l’empereur par un silence glacial. Les Viennoises, dérangées par la guerre de leur vie insouciante et facile, ont maintes fois protesté, réclamé un armistice, une paix même séparée. Il n’est pas jusqu’aux désenchantées de Stamboul qui n’aient un jour, devant Yldiz Kiosk (27 juillet 1916), fait entendre leurs voix aux oreilles du Sultan pour réclamer la fin de leurs misères.

L’histoire des émeutes de femmes, seule manifestation sincère de l’opinion chez nos ennemis, sera à faire un jour. Nous sommes loin de les connaître toutes. Quelle n’a pas dû être l’impatience de celles qu’à travers de multiples voiles, nous pouvons pourtant apercevoir ! En France, ni aux jours sombres qui précédèrent la Marne, ni après nos déceptions diplomatiques, ni dans l’angoisse de Verdun, nulle protestation, nulle colère, nulle bruyante manifestation. La vie chère, elle-même, si gênante soit-elle, n’a pas fait sortir nos ménagères de leur calme habituel.

Chez elles donc, aucun changement d’attitude suivant les circonstances ; c’est sans joie comme sans faiblesse l’acceptation du fait brutal.

Les féministes ont été aux yeux du monde les interprètes qualifiés de ces sentiments.

L’attitude des groupes féministes, avant et pendant la guerre, est de tous points comparable à celle du parti socialiste. Jusqu’en août 1914, les féministes comme les socialistes étaient hostiles à la guerre et marquaient des tendances internationales, sinon internationalistes. Dans tous leurs congrès, la question du pacifisme était agitée.

C’est que, comme les socialistes, elles avaient encore de généreuses illusions. L’agression autrichienne et la duplicité allemande ont fait de tous les yeux, tomber les écailles et chez les féministes, comme chez les socialistes, une révolution s’est opérée dans les esprits. Les uns et les autres ont compris que le meilleur moyen de préparer la grande Fraternité et la grande Paix futures, était de ne pas s’obstiner à les poursuivre dans le présent. Les uns et les autres sont devenus belliqueux par nécessité, pour faire « la guerre à la guerre ». — Or les gouvernements austro-allemands, soucieux de ne négliger aucune force ont plié le féminisme à l’accomplissement de leurs desseins.

Quand le souffle de la victoire cessa de tendre les drapeaux allemands, d’Allemagne les féministes adressèrent un appel à leurs amies de France. Le moment leur semblait venu de faire cesser les horreurs de la guerre et de les réprouver solennellement dans un Congrès. À partir du mois de mars les manifestations féminines en faveur de la paix se multiplient dans les « empires centraux ». Des brochures se répandent qui engagent les femmes à faire tous leurs efforts dans un sens pacifique ; le Congrès des femmes socialistes s’ouvre à Berne. La Révérende Anna Shaw adresse aux femmes françaises un appel en faveur de la paix. Mme Carrie Chapman Carr, après avis du Président Wilson, agit de même. Les germanophiles espèrent agir sur la France par cette opinion nettement exprimée des leaders du Conseil international.

Les Françaises restent insensibles. Alors un grand coup est frappé. Les féministes hollandais, comme l’ont fait à plusieurs reprises les socialistes, font le jeu de l’Allemagne et lancent l’idée d’un Congrès international. Faute de pouvoir se tenir à Berlin, comme il avait été convenu lors du Congrès de Budapest, celui-ci se tiendra à La Haye. Un appel est adressé aux citoyennes de tous les pays affiliées à l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes. L’occasion n’est-elle pas unique de manifester dans le malheur commun des sentiments d’universelle solidarité ? L’alliance refuse il est vrai d’intervenir officiellement. Mais des féministes de divers pays se rendent à La Haye à titre individuel. Notons les chiffres qui ont ici une signification profonde. « La Hollande envoya environ 1 000 délégués. Les États-Unis en envoyèrent 47, l’Allemagne 28, la Suède 16, la Norvège 12, la Hongrie 9, l’Autriche 6, le Danemark 6, la Belgique 3, la Grande-Bretagne 3, le Canada 2, l’Italie 1. Les 180 membres déléguées par la Grande-Bretagne ne purent assister au Congrès en conséquence de la fermeture de la Mer du Nord » [1]. Ainsi les circonstances politiques et militaires voulurent que ce congrès fut en fait un congrès des femmes de l’Europe centrale, plus ou moins imprégnée d’esprit germanique.

Les Anglaises qui, trop généreuses ou trop crédules, auraient favorisé les desseins allemands [2], durent malgré elles s’abstenir. À donner leur adhésion, les Russes ne songèrent jamais. Les femmes serbes se déclarèrent « bien décidées à ne rien faire qui put gêner leurs maris et leurs fils dans l’accomplissement de leur devoir le plus sacré ». Et quant aux Françaises de tous les partis l’unanimité de leur conscience nationale, leur fière résolution de ne pas faire un geste que l’étranger puisse interpréter comme le signe de découragement resteront un de leurs plus beaux titres de gloire.

Dès que l’idée du congrès fut lancée, les féministes françaises notifièrent aux organisatrices leur abstention. À la Haye, on parla seulement de « difficultés » (entendez de communications) qui s’opposaient à la participation des Françaises.

Pour forcer à entendre les oreilles les plus sourdes, à comprendre les intelligences les plus épaisses, les membres du Conseil National et de l’U. F. S. F. rédigèrent alors un manifeste conçu dans les termes les plus explicites.

Ce manifeste s’adresse aux femmes des pays neutres et des pays alliés. En voici le passage capital : « Comment nous serait-il possible à l’heure actuelle de nous rencontrer avec les femmes des pays ennemis, pour reprendre avec elles le travail si tragiquement interrompu ? Ont-elles désavoué les crimes politiques et de droit commun de leur gouvernement ? Ont-elles protesté contre la violation de la neutralité de la Belgique ? Contre les atteintes au droit des gens ? Contre les crimes de leur armée et de leur marine ? Si leurs voix se sont élevées c’est trop faiblement pour qu’au delà de nos territoires violés et dévastés l’écho de leur protestation soit allé jusqu’à nous. Nous ne pourrons reprendre notre collaboration que lorsque le respect du droit sera devenu, pour elles comme pour nous, la base de toute action sociale ».

Mais il ne s’agit pas seulement de raisons sentimentales. Les Françaises se sont abstenues parce que le Congrès ne leur semblait pas présenter toutes les garanties d’impartialité nécessaires en un pareil moment. Qu’est-ce en effet que cette proposition d’armistice timidement lancée puis retirée ? Qu’est-ce que cette clause restrictive qui précède le programme ? « Toute discussion sur les causes de la guerre, sur la façon dont elle est conduite est interdite ». Qu’est-ce que « la condamnation de toute annexion en dehors de la volonté exprimée des administrés ? « 

La tournée de visites entreprise peu après le Congrès par Miss Adams et Arletta Jacobs auprès des ministres des affaires étrangères des belligérants, n’a pas recueilli non plus l’adhésion des Françaises.

À la fin de l’année 1915, nos féministes, restées fidèles au même sentiment, déclaraient encore repousser toute paix prématurée.

« C’est par amour de la paix, dit Mme de Schlumberger, que les femmes, mères et sœurs de France doivent avoir le courage de ne pas pousser actuellement à une paix défectueuse qui ne serait pas durable.

« C’est par horreur de l’esprit militariste… qui a affolé les dirigeants d’Allemagne, que nous ne pouvons pas demander de cesser la guerre sans que cet esprit maudit soit brisé et que son danger mondial soit écarté.

« C’est parce que nous avons cru possible autrefois une organisation du monde par la paix et une entente des États pour la maintenir en dehors de la ruineuse paix armée, c’est parce que nous croyons encore de toute notre énergie à cette possibilité…

« C’est parce que nous avons foi en la supériorité du bien sur le mal et au triomphe nécessaire et final de la paix sur la guerre, c’est parce que, sans ce triomphe, la vie est une lutte de brutes qui attaquent et de malheureux qui se défendent.

« C’est parce que nous ne croyons pas que l’idéal d’un monde basé sur une organisation pacifique soit une utopie… mais une réalité, qu’on peut amener en la voulant et qu’on ne l’a pas encore assez énergiquement voulue.

« C’est pour toutes ces raisons, et en vue du but final, que nous acceptons toutes les souffrances actuelles, l’angoisse à propos de nos fils et de nos maris et la continuité de la guerre nécessaire pour la défense du droit,

« Comme toutes les féministes, dit Mme Brunschwig, j’ai été pacifiste avant la guerre. J’ai cru et je crois encore, que la guerre n’est pas un mal nécessaire, un fléau inévitable… Quand le militarisme prussien sera vaincu, nous reprendrons notre travail d’éducation internationale… et de nos efforts sortira un avenir meilleur ».

Mais, « quant à l’action en faveur d’une paix immédiate, nous la réprouvons absolument. Cette action n’a du reste aucun rapport avec nos idées d’action pacifiste. Quelques natures plus sensibles que compréhensives ont pu s’y tromper, mais c’est en vain qu’elles ont essayé de faire naître un mouvement en faveur d’une paix prématurée. Elles n’ont rencontré que peu d’échos car l’opinion éclairée de notre peuple a compris que le temps travaillait pour nous et que notre victoire dépendait de notre ténacité et de notre force morale. L’Allemagne encerclée… a tout intérêt à vouloir la paix immédiate. Mais la France se suiciderait en faisant son jeu, et si pénible que ce soit, et pour eux et pour nous, nous devons souhaiter que nos chers absents supportent vaillamment cette épreuve jusqu’au triomphe final.

« Notre attitude à nous, féministes, sera donc actuellement celle de toute la France : donner sans restriction notre confiance aux chefs qui nous ont sauvés par la victoire de la Marne. Soulager par notre effort constant, les souffrances et les misères causées par la guerre, travailler activement, même au milieu de la tourmente, à préparer un avenir meilleur pour la société de demain.

« Elles comprennent presque toutes, dit Mme Compain que pour que la paix soit durable, il faut qu’elle soit victorieuse, que soit écrasée la puissance de guerre, incarnée par l’Allemagne.

« La paix que les alliés signeront devra être le signal d’une ère meilleure, d’une évolution de l’humanité vers un état social plus juste et plus à l’abri des bouleversements de la guerre.

« Les femmes doivent, à mon avis, demander cette paix là, pas une autre, paix sans faiblesse et sans haine, paix qui châtiera les oppresseurs actuels, qui les réduira à l’impuissance et permettra leur relèvement moral.

« Mais tendre la main à celles qui répudient l’idéal barbare, et les aider à élever leurs enfants dans le respect du droit.

« La paix victorieuse et sereine, sans haine et sans faiblesse, c’est cette paix-là que nous demandons.

Voici enfin comment parle Mme Siegfried, au nom du Conseil National.

« Les temps sont durs, les jours sont longs et les nuits souvent angoissantes, mais la femme sent également que les heures qu’elle traverse sont uniques au point de vue du rôle sacré qu’elle a à jouer dans l’humanité. Elle prend confiance en elle-même en voyant que l’homme compte sur elle pour être la gardienne du foyer. Avec les combattants elle veut une France nouvelle, plus belle, plus grande et elle comprend qu’une paix hâtive briserait l’idéal pour lequel elle sacrifie ses joies intimes et sa vie présente.

« Oui, je crois pouvoir le dire, au nom de toutes les femmes qui luttent et souffrent : si nos cœurs aspirent à la Paix, notre conscience nous la défend. »

Dès les prodromes du Congrès pacifiste, les femmes françaises, féministes ou non, comprirent quelle force morale elles représentaient à l’étranger et quel puissant intérêt elles avaient à mettre cette force au service du pays.

En avril 1915, les Sociétés féministes fondent, dirigés par leurs principales adhérentes, Mme Pichon-Landry (Conseil National), Mmes Brunschwicg et le Verrier (U. F. S. F.), Mme de Witt Schlumberger (Alliance Internationale), le Service de propagande française chez les Neutres. « L’objet de ce service est de faire de la propagande par l’envoi de brochures, traitant de la guerre, de ses causes, de ses responsabilités, des atteintes au droit, de l’étrange mentalité allemande ». Les relations mutuelles des sociétés féministes des divers pays permettent la distribution rapide de ces brochures, l’établissement de tournées de conférences, la traduction des brochures en plusieurs langues.

Dès le mois de mars, un groupe de personnalités féminines, politiques ou littéraires, s’était assigné le même but par des moyens différents.

Quand Mmes Juliette Adam, Augagneur, Alphonse Daudet, Madeleine Lemaire, de Ganay, Jules Siegfried, Daniel Lesueur, lancent l’idée de la Croisade des femmes Françaises, elles se proposent, sans organiser « un travail de bureau » « d’éveiller une sorte de rayonnement de nos compatriotes les unes sur les autres et au delà de nos frontières sur les neutres [3].

Toute adhérente — et toute Française peut et doit l’être — devra semer autour d’elle l’idée et engager ou reprendre une correspondance active avec les femmes neutres ou les Françaises résidant dans les pays neutres. « La seule effusion d’une âme de femme suffira à conquérir ou reconquérir des sympathies ».

Dix mille adhérentes se font bientôt inscrire…

Sous cette double direction, de leur propre mouvement parfois, comme le désiraient les inspiratrices de la Croisade, bien des femmes françaises ont, sous des formes très diverses poursuivi une active propagande.

Au début de 1915, Mme Marthe Pattez, secrétaire de rédaction à la Française, a parcouru les principales villes de la Suisse : Genève, Berne, Lausanne, Zurich l’ont entendue exposer les causes et les aspects de la guerre devant un auditoire enthousiaste. — Au mois d’avril, moment où, devant l’opinion publique italienne est posée la question de l’intervention, une correspondance active s’engage entre les sociétés féministes des deux pays. Dès ce moment, Mme Dora Mélégari, présidente du Conseil national des Femmes italiennes et Thérèse Labriola, l’avocate bien connue, envoient à la Vie Féminine, l’expression de leurs sympathies Françaises et des vœux pour l’union des armes. Elles contribuent dans leur sphère à former le courant qui, irrésistible bientôt, entraîne vers la guerre le peuple entier.

Pendant l’été de la même année, l’Espagne est à son tour entamée. Au nom de la Croisade des Femmes Françaises, Mme Juven se rend à Barcelone où, dans un milieu, du reste toujours francophile, elle recueille, en traitant de la guerre, des adhésions innombrables. La propagande germanique est un instant tenue en échec.

Plus tard, les conférences sur la guerre sont interdites par un délicat souci de respecter jusqu’au bout la courtoisie internationale.

Mais nos Françaises savent tourner les difficultés ; et quand pendant l’été de 1916, une romancière d’un beau talent, Mme Gabrielle Reval, parcourt les principales villes de la péninsule en parlant de l’imagerie française, ses auditeurs, et ils sont nombreux, apprennent à connaître et à goûter l’un des aspects charmants du génie de la France. On peut penser que, sans traiter officiellement de la guerre, elle a pu affermir les hommes politiques et les intellectuels dans leurs sympathies latines. — Des adhésions, des encouragements en effet arrivent assez nombreux d’Espagne aux deux sociétés de propagande. On peut dire cependant qu’en Espagne les résultats n’ont pas répondu à l’effort accompli.

En Roumanie, une féministe, Mme Jane Nemo, fait, à l’automne de 1915, une longue série de conférences où elle traite à la fois du féminisme et de la guerre. La reine Marie, Hélène Vacaresco, Mme Thomas Jonesco l’écoutent et conversent avec elle. Comme l’Italie, la Roumanie est un terrain déjà favorable. Mais en un pays où tant de femmes ont conquis une renommée intellectuelle, l’opinion féminine a pu peut-être compter pour quelque chose dans le mouvement national.

Les États-Unis ont été, pendant toute la guerre, le théâtre d’une active propagande, nécessaire pour contrebalancer l’influence allemande encore puissante auprès des sociétés féministes.

C’est ici surtout que le rôle de nos féministes a été prépondérant. Des lettres n’ont cessé de s’échanger des deux côtés de l’Atlantique où nos féministes exposaient sur la guerre le point de vue français. Des conversions ont pu se faire alors et dans bien des lettres émanées de Boston ou de New-York j’ai pu lire des vœux pour la victoire des alliés. Pour compter et coordonner les sympathies américaines autant que dans un but industriel, Mlle Thonson et la Vie féminine ont organisé à la fin de 1915 l’exposition du Jouet Français au cours de laquelle Mme Le Verrier sut, avec l’autorité que lui donnent ses relations aux États-Unis et son talent de parole, trouver les accents qu’il fallait pour plaider notre cause.

Aujourd’hui cette cause est gagnée dans l’opinion et, comme l’écrit une féministe de San Francisco, nulle propagande n’est désormais nécessaire.

La Hollande même où naquit l’idée d’un congrès pacifiste favorable aux intérêts allemands, a été facilement entamée. Au reçu des brochures et des lettres, des professeurs, des avocats, des médecins, des artistes, toute l’élite intellectuelle conduite par Raemakers ont répondu par le désir de voir se développer plus encore notre propagande et par l’expression de leur amour pour la France.

Tous les pays neutres ont, plus ou moins fréquente, plus ou moins passionnée, plus ou moins efficace, reçu la bonne parole.

De Norvège, de Suède, d’Amérique du Sud, des témoignages de sympathie sont arrivés.

Quels résultats n’auraient pu — ne pourraient être encore obtenus si la conviction, l’ardeur, l’effusion des âmes féminines étaient dans des proportions plus vastes mises au service de notre influence dans le monde ?

  1. Jus Suffragii. Numéro de juin 1915.
  2. La principale association féministe d’Angleterre avait d’ailleurs, par la plume de Mrs Fawcet, formellement désapprouvé toute participation au Congrès.
  3. Daniel Lesueur : La Française, 8 janvier 1916.