Les Vendanges ou Le Bailly d'Asnières
M. TRIGAUDIN, avocat.
Mme TRIGAUDIN.
BABET, fille de M. Trigaudin.
TOINON, servante de M. Trigaudin.
LÉANDRE, amant de Babet.
CHAMPAGNE, valet de Léandre.
GRIFFONET, clerc de M. Trigaudin.
GUILLOT et MATHIEU, paysans.
LA PROCUREUSE.
LA GREFFIÈRE.
LA SERRE, procureur.
UN GREFFIER.
UN COMMISSAIRE.
Scène I.
Oui, vous dis-je, sans faute ils arrivent ce soir ;
Ma femme, ordonnez tout pour les bien recevoir :
Étant bailly du lieu, cette charge m’engage
A faire de mon mieux les honneurs du village.
Ça, pendant la vendange, égayons nos esprits ;
Pour cela, tout exprès ils viennent de Paris,
Monsieur de Bonnemain, procureur, et son père,
Honnête huissier, tous deux pour moi gens à tout faire ;
Mais surtout le premier, à qui je veux demain
Que ma fille s’unisse, en lui donnant la main.
Les autres sont greffier, commissaire, et notaire ;
Savoir : messieurs Hardi, Tiran, La Griffaudière.
Çamon ! c’est bien le temps de faire des bombances !
Vous deviendrez bien riche avecque ces dépenses !
Voyez-vous, mon mari, je vous le dis tout net,
Il faut qu’un avocat ménage mieux son fait.
J’ai mes raisons, ma femme, et sais ce qu’il faut faire.
Sont-ce là les leçons de feu votre grand-père ?
Le pauvre homme ! Il me semble encor que je le voi.
C’étoit un homme sage.
L’étoit plus que moi,
D’accord.
Tous ses discours portoient toujours sentence
Manger son bled en herbe est grande extravagance,
A-t-il dit mille fois. Quoiqu’on puisse amasser,
Il ne faut point de bourse à qui veut dépenser.
Grandes maisons se font par petite cuisine.
Oui, mon grand-père étoit fort savant en lésine ;
Et pour jeter l’argent, je sais trop ce qu’il vaut :
Gens de robe n’ont point volontiers ce défaut.
Mais, malgré tout cela, je tiens, quoi que l’on die,
Que dépense bien faite est grande économie ;
Enfin j’ai de l’esprit, et sais mes intérêts.
Mais pourquoi rassembler la crasse du Palais ?
Des greffiers !
N’en déplaise à votre humeur bourrue,.
Ce sont tous bons bourgeois ayant pignon sur rue.
Ah ! mon fils, vous avez le goût peu délicat : Des procureurs !
Eh bien ! Moi, je suis avocat ;
Mais ma profession, malgré son excellence,
De ces sortes de gens a quelque dépendance ;
Et beaucoup d’avocats, qui font les grands, seigneurs,
Se trouvent bien d’avoir des gendres procureurs.
Mais.
Mais point de discours, j’ai résolu l’affaire ;
Faites-nous seulement bonne mine et grand’chère.
M’entendez-vous ? ,.
Il faut suivre vos volontés ;
Mais je fais malgré moi ce que vous souhaitez.
Du souper sur vos soins mon esprit se repose.
On y va donner ordre.
Au moins, sur toute chose,
N’allez pas pratiquer les leçons de tantôt,
Là. celles du grand-père.
On fera ce qu’il faut.
Scène II.
Au fond, elle a raison ; dans le temps des vacances,
Ne gagnant rien, on doit modérer ses dépenses :
Cependant marier ma fille, que je croi,
Quelque argent qu’il m’en coûte, est fort bien fait à moi.
De l’âge dont elle est, la garde d’une ville
Dans un pays conquis, seroit moins difficile.
Il lui faudra pourtant faire part de mon bien ;
Ma charge de bailly ne vaut presque plus rien.
En vendange, autrefois, dans les lieux où nous sommes,
Peu de jours se passoient qu’il n’arrivât mort d’hommes ;
Mais tout est bien changé, chacun se tient reclus ;
Le temps est malheureux : on ne s’assomme plus.
Griffonet !
Scène III.
Quoi, monsieur ?
Va dire en diligence
Au procureur-fiscal qu’il tienne, en mon absence,
Les plaids pour moi.
Fort bien.
Moi, dans mon cabinet,
Je vais dresser le plan du contrat de Babet.
Scène IV.
Et madame Babet, de Léandre amoureuse,
Dresse un plan pour ne pas devenir procureuse.
On a beau la garder et l’observer de près,
Il suffit que Toinon soit dans ses intérêts,
Monsieur le procureur ne tient rien.
Scène V.
Ah ! ma chère,
Te voilà sans Babet ?
Qu’as-tu fait de son père ?
Il est monté là-haut.
Ça, maître Griffonet,
De notre enlèvement tu sais tout le projet :
Mon estime pour toi sera-t-elle trompée ?
Ne veux-tu point quitter la cape pour l’épée ?
Aimes-tu mieux, dis-moi, toujours être un piea-plat,
Un apprenti sergent, petit clerc d’avocat,
Que de te voir monsieur par les soins de Léandre ?
Le moins, en le servant, que tu puisses prétendre,
C’est d’être subalterne en quelque régiment,
Où tu feras bientôt fortune assurément.
Réponds donc.
N’es-tu pas sûre de ma réponse ?
Au métier que je fais de bon cœur je renonce.
N’aurai-je pas bon air à cheval, Toinon, dis,
Avec un grand plumet ? Tiens, je crois que j’y suis.
Pour moi, j’aime la guerre et je hais les affaires,
Palais, à présent, on n’en amasse guères :
Monsieur jamais n’y plaide, y fût-il tout le jour ;
Il en a fait serment, que je pense. A la cour,
Je ne l’ai point encore ouï que dans une cause ;
Aussi ne parle-t-il à chacun d’autre chose :
Il est de la conter tellement altéré,
Qu’on le fuit en tous lieux comme un pestiféré ;
Dès qu’il ouvre la bouche on déserte sur l’heure.
Scène VI.
Mais j’aperçois sa fille.
Ah ! Griffonet, demeure :
Je veux t’entretenir.
J’ai tout su de Toinon, Madame.
Eh bien ?
Ma foi, je n’ai pu dire non.
Pour servir vos amours je suis prêt à tout faire.
Je vais auparavant où monsieur votre père
M’envoie, et je reviens ; quoi qu’il puisse arriver,
J’oserai tout pour vous, jusqu’à vous enlever.
Scène VII.
Oh ! Monsieur Griffonet est un brave, madame.
Un garçon hasardeux. Mais, qui trouble votre âme ?
Léandre va venir ; quel est votre souci ?
Ce n’est qu’avec chagrin que je le vois ici ;
Ma mère peut rentrer, mon père peut descendre,
Et cette salle, enfin, est commode à surprendre :
Je suis dans des frayeurs qu’on ne peut concevoir.
Eh quoi ! mort de ma vie ! Est-ce un crime d’avoir
Un tendre engagement avec un honnête homme ?
Si celles qui en ont alloient le dire à Rome,
La France deviendroit un pays bien désert.
Mais si ce rendez-vous, Toinon, est découvert ?
Il faut bien vous attendre à d’autres aventures.
Mais le moindre soupçon peut rompre nos mesures.
Mais, pour les prendre, il faut se voir, et convenir
De vos faits, et savoir à quoi vous en tenir.
Je crains.
Dans le chagrin que cette peur me donne,
Je ne sais qui me tient que je vous abandonne.
Comment ! Trembler toujours ! Avoir incessamment
Des inégalités.
Scène VIII.
Mais voici votre amant
Prends donc garde, Toinon, que personne.
Madame,
On ose proposer cette variante :
S’il falloit, pour en prendre, aller le dire à Rome.
Tout semble conspirer au succès de ma flamme ;
Et votre tante, enfin, de l’aveu d’un époux,
En cette occasion se déclare pour nous :
Nous trouverons chez elle une sûre retraite ;
Mais vous me paroissez incertaine, inquiète :
Après m’avoir donné votre consentement,
Avez-vous pu sitôt changer de sentiment ?
N’imputez point ce trouble à mon peu de tendresse,
Léandre, et n’accusez que ma seule foiblesse.
Vous rassurez par là mon esprit alarmé,
Madame ; et ce soupçon heureusement calmé,
Fait place aux doux transports.
Oh ! finissons de grâce :
Dans un long entretien votre esprit s’embarrasse ;
Il n’est point maintenant question de cela.
Que mon bonheur est doux ! Ah, madame !
Halte-là !
Vous dis-je, et bannissons tous ces discours frivoles :
Il faut des actions, et non pas des paroles.
Que tous vos gens.
Ils sont à deux cents pas d’ici.
La chaise ?
Dans une heure elle doit être aussi
Au coin du petit bois.
Au moins, qu’elle soit prête
Lorsque nos paysans commenceront la fête :
C’est un bal villageois, dont la confusion
Sera très-favorable à notre évasion ;
Et chacune de nous, en nympbe déguisée,
Trouvera vers le bois la fuite plus aisée,
Pendant que Griffonet. Mais on vient nous troubler.
Scène IX.
c’est mon père, Toinon.
Laissez-moi lui parler.
Que vois-je ? Un homme ! Il entre en ceci du mystère.
Je crains…
Ne craignez rien, je prends sur moi l’affaire ;
J’ai tout prévu…Le bruit de votre grand savoir
Me fait venir, monsieur, de Paris pour vous voir,
Et vous communiquer un fait de conséquence.
Je le débrouillerai mieux que personne en France.
Ce fait est important, mais il n’est pas nouveau.
Rentrez.
Scène X.
Vous toussez fort.
C’est un fruit du barreau.
Ayant, ces jours derniers, dans toute une audience
Entretenu la cour sur un cas d’importance,
Un brouillard, dont en vain je voulus me garder,
M’a mis pour quatre mois hors d’état de plaider :
Lorsque je veux parler, je souffre le martyre.
Écoutez-moi, je n’ai que deux mots à vous dire.
A la bonne heure, soit ; dépêchez seulement.
Quoiqu’en vacation, jusqu’au moindre moment,
Le temps m’est précieux.
Dites-moi votre affaire.
Il s’agit en ceci d’un amoureux mystère.
Or, soit.
Je crois, monsieur, que vous êtes humain.
Aux gens de bien, monsieur, je tends toujours la main.
Que vous êtes charmé de rendre un bon office.
Expliquez-vous, je suis tout à votre service.
Monsieur, un mien ami, de qui les intérêts
M’ont toujours été chers et me touchent de près,
Est fortement épris d’une fille très-belle,
Qui répond à ses feux d’une ardeur mutuelle ;
Un père rigoureux veut forcer leurs désirs.
En cette extrémité, n’est-il point d’artifice
Pour les mettre à couvert des rigueurs de justice
Contre l’enlèvement qu’ils sont prêts de tenter ?
L’ami pour qui je viens ici vous consulter.
M’a parié, ne voulant rien faire à la légère,
De prendre par écrit votre avis sur l’affaire.
Lorsque la voix publique a su vous informer
De ce profond savoir qui me fait estimer,
Elle a dû, ce me semble, aussitôt vous instruire
De cette probité qu’en moi chacun admire ;
Et je ne sais, monsieur, qui vous donne sujet
De me communiquer un si hardi projet :
En cela je vous trouve un peu bien téméraire,
Et n’ai point là-dessus de réponse à vous faire.
Je conviens avec vous de ma témérité,
Et mon début vous a justement irrité ;
Mais, malgré mon audace, et trop grande et trop haute,
S’il est quelque moyen de réparer ma faute, J’oserai.
Quoi, monsieur ?
Vous prier instamment.
Ces prières, monsieur, sont un commandement.
Fort bien.
Ne croyez pas que l’intérêt m’engage protéger le crime ou le libertinage ;
Et, n’étoit que je vois que c’est à bonne fin,
Que tout cela ne tend qu’au mariage enfin,
Vous me verriez toujours résolu de me taire.
Oui, je pèse toujours mûrement une affaire,
Et l’examine bien avant que m’embarquer ;
Mais je vois bien qu’ici je n’ai rien à risquer.
Cette affaire, monsieur, est de soi criminelle ;
En matière de rapt l’ordonnance est formelle ;
Mais, dans l’occasion, on peut bien quelquefois
En faveur d’un ami, faire gauchir les lois :
C’est là le fin, monsieur. Ce père inexorable ;
Quel homme est-ce ?
Un fâcheux, d’une humeur peu traitable,
Qui n’a point d’autre but que son propre intérêt.
Quelque bourru, sans doute !
Oui, voilà ce que c’est.
Ce complot se fait-il de l’aveu de la belle ?
Oui, tout cela se fait de concert avec elle :
C’est ainsi qu’on m’a dit la chose.
Elle a raison.
Elle fera fort bien de forcer sa prison.
Et quand un père usurpe un pouvoir tyrannique,
On peut, pour s’affranchir, mettre tout en pratique.
Que votre ami, monsieur, achève son dessein ;
J’entreprends le procès, si l’on poursuit.
Enfin,
Vous approuvez la chose ?
Oui ; qu’ils partent : le père
Se trouvera, ma foi, bien camus.
On l’espère.
Ayez donc la bonté de signer votre avis.
Volontiers.
Vos conseils seront en tout suivis.
Je réponds du succès. Savez-vous quelle cause
Je plaidai l’autre jour ? Morbleu, la belle chose !
Je vais en répéter quelques traits seulement.
Scène XI.
On vous demande là.
Qu’on m’attende un moment..
Ce sont gens bien pressés.
Monsieur, je me retire.
Non, non. Vous entendrez ce que je veux vous dire ;
La chose vous plaira, j’en suis très assuré.
Le sujet du procès est un âne égaré.
Le voilà tout trouvé, sans procès, ni chicane.
En la cause, je suis pour le maître de l’âne,
Qui sur le détenteur veut le revendiquer.
Certes ! la cause est rare.
Et fort à remarquer.
Voyez avec quel art ce plaidoyer commence !
Voilà pour mettre à bout toute ma patience.
« Quand le grand Annibal et les Carthaginois,
« De deux consuls romains triomphant à la fois,
« Portèrent la terreur au sein de l’Italie,
« Et couvrirent de morts les plaines d’Apulie ;
« Quand ce fils d’Amilcar, du sang des légions,
« Fit rougir la campagne, inonda les sillons,
« L’aigle prenant la fuite au fameux jour de Canne. »
Qu’a cela de commun, monsieur, avec votre âne,
Et qu’est-il besoin là de canne, ni d’oison ?
Sortez.
Scène XII.
On le verra dans ma péruraison.
Sur ce fameux combat jusque-là je me joue ;
Mais naturellement tout cela se dénoue,
Et je viens à mon fait.
J’abuse trop longtemps
Des moments destinés à vos soins importants.
Par ce commencement vous jugez bien du reste.
L’exorde m’a coûté beaucoup, je vous proteste ;
Mais de ma peine aussi j’ai recueilli le fruit,
Et jamais plaidoyer ne fera plus de bruit :
Aux affaires depuis je ne saurois suffire.
Vous me désobligez de vouloir me conduire.
Je prétends m’acquitter de ce que je vous doi.
Demeurez.
Oh ! monsieur.
De grâce, laissez-moi.
Scène XIII.
Qu’est-ce ?
Deux paysans qui vont crever, je pense.
Voulez-vous bien, monsieur, leur donner audience ?
Ils viennent, que je crois, de faire un mauvais coup,
Ou bien, par la campagne, ils ont vu quelque loup ;
Car ils haltent tous deux comme des chiens de chasse.
Qu’ils entrent.
Les voici ; je vais leur faire place.
Scène XIV.
Ces gens sont-ils muets ? Que veut dire ceci ?
Que voulez-vous ?
Monsieur. j’ons couru. jusqu’ici
Pour… je suis essoufflé… Mathieu conte la chore,
Et défrinche… tout c’en que j’ons vu…
La pécore !
Dis tai-même, s’tu veux. je suis tout hors de moi.
Ces lourdauds, me feront enrager, que je croi.
Que diantre voulez-vous ? Parleras-tu, maroufle ?
Mathieu. je n’en pis plus.
Le coquin ! comme il souffle.
Qu’est-ce donc ? Qu’y a-t-il ?
C’est que, tout maintenant,
Comme j’allions nous deux… aux champs… endandenant…
Tu diras ce que c’est, ou, morbleu, je t’assomme,
Pour vous le faire court, j’ons vu tuer un homme.
Voici de quoi payer mon souper.
Ah, Monsieu !
Celi qu’en a tué, c’est le genre à Mathieu.
Oui, monsieu.
Eh ! tant mieux. Bonne affaire, ou je meure.
J’ons morguenne arrêté l’assassin tout sur l’heure ;
Pis, l’ayant enfarmé dans la grange à Gariau,
J’ons couru. vous voyez, j’ons le corps tout enyau.
Avez-vous des téméins ?
J’en avons à revenre.
Monsieu, tout chaudement si vous vouliez le penre.
Il faut y procéder et j’y vais à l’instant ;
Mais, dites-moi d’abord, quel est le délinquant ?
C’est…
Hé bien ! Parle donc.
Un garçon de village.
C’est bien à des marauds de tuer ! Ah ! j’enrage !
Ce n’est point là, morbleu, ce que j’ai cru d’abord :
J’en rabats plus de quinze ; et je me trompe fort,
Si je ne demeurois pour les frais de l’enquête.
Morgués- monsieu, partons.
Va, tu me romps la tête.
Peut-être qu’on lairra sauver le criminel.
Hé bien ! sauve qui peut ! Rien n’est si naturel.
Le jeu n’en vaudroit pas aussi-bien la chandelle.
Ma si.
Les importuns !
Scène XV.
Monsieur ! Bonne nouvelle !
Un homme assassiné.
J’ai tout su de ces gens.
Quoi ! Vous n’y courez pas ?
Hé ! nous avons du temps ;
Demain il fera jour ; rien encor ne se gâte.
Oui ; mais.
Courez devant, si vous avez si hâte.
La chose presse.
A l’autre ! Au diantre le plat-pied !
Vous ne savez donc pas que la bête a bon pied.
Comment ?
Que l’assassin que ces gens ont fait
prendre,
Conduisoit au marché des cochons pour les vendre ?
Des cochons ?
Oui vraiment.
Eh bien ! qu’en as-tu fait ?
Belle demande !
Encore ?
Serez-vous satisfait ?
J’ai tout mis en prison.
Où donc ?
Dans une étable.
Un novice auroit fait arrêter le coupable ;
Mais, instruit au métier par vos douces leçons,
Laissant le délinquant, j’ai saisi les cochons.
Tu seras quelque jour un juge d’importance ;
Mais, sans perdre de temps, partons en diligence
Allons, que l’on me bride un cheval, dépêchons.
Scène XVI.
Que ne me disiez-vous qu’il avoit des cochons ?
Eh ! je ne pensions pas qu’il en fût plus coupable.
Si fait ! si fait ! Un homme assommé ! Comment, diable !
Et des cochons ! suffit ! Rien ne peut m’émouvoir ;
Je prétends, en bon juge, en faire mon devoir ;
Ceci mérite exemple.
Eh ! pour le maître, passe ;
Mais les cochons, monsieu ; morgué, faites-leu grâce.
Je vous la demandons.
Nous verrons tout cela.
Je vais prendre ma robe, enfants, attendez là.
Scène XVII.
Noutre bailly, tout franc, entend les récritures ;
Morgué ! son clerc itou sait bian les proucédures,
Ce sont deux fins matois que ces compères-là.
Voilà, par ma figuette, un bon juge, stilà ;
N’est-il pas vrai, Guillot
Y me semble de même.
Y n’y cherche point tant de chose, ni de frême.
Aux autres, pour avoir un méchant jugement,
Y leu faut, palsangué, plus de recoulement,
Et plus de con. fron. tra. tanquia, plus de grimoire !
An n’en seroit chévir, et c’est la mar à boire ;
Maly, sans barguigner, y va d’abour au fait ;
Drès qu’on a des cochons, le prooès est tont fait :
C’esï juger comme il faut.
Oui, morgué, c’est l’entenre.
Ma si, tandis qu’il est dans son himeur de penre,
A noutre collecteur je faisions… tu m’entends.
C’est très-bian avisé ; vengeons-nous tout d’un temps.
Le compère a, morguoi, des cochons.
La pensée En est bonne : oui, ma foi, baillons-ly la poussée.
Scène XVIII.
Un homme assassiné ! Nous allons voir beau jeu !
Il en mourra plus d’un.
C’est bian dit ; mais, monsieu,
Comme tout vilain cas fut toujours regniable,
S’il soutiant aux témoins.
Quoi ?
Qu’il n’est point coupable,
Qu’on la pris pour un autre.
Eh ! non : sait-on pas bien.
S’il les récuse enfin ?
Allez, ne craignez rien : Voyez-vous, ces détours ne peuvent me surprendre,
L’homme aux cochons, vous dis-je, est celui qu’il faut pendre.
Mais, monsieu, si toujou je commencions par là,
Pour ne point parde temps ?
Le lourdaud que voilà !
Je verbaliserons après tout à noutre aise.
Oui, oui. Ça, dépêchons.
Monsieu, ne vous déplaise,
Je pourrions là-dessus raisonner un moment.
J’avons du temps pour tout.
Partons incessamment ;
La chose se requiert. Sans me rompre la tête,
Qu’on aille plutôt voir si ma monture est prête.
Scène XIX.
Quoi ! Qu’est-ce encor-, Toinon ? Ne partirons-nous pas ?
Le travail du continuateur commence au premier ver & de ceue page.
Votre bidet, monsieur, est tout bridé là-bas.*
*On n’a point trouvé, parmi les manuscrits de M. Regnard, de copie entière de cette pièce ; cependant le libraire croit faire plaisir au public de lui donner ce fragment, tel qu’il a été copié sur l’original de l’auteur.