Les Vies des hommes illustres/Notice sur Ricard
Dominique Ricard naquit à Toulouse, le 23 mars 1741, de parens peu fortunés. Un religieux de cette ville, pour lequel il conserva toujours la plus tendre amitié, fut chargé de diriger ses premières études ; et les rapides progrès du jeune élève récompensèrent les soins de cet homme respectable.
Reçu bachelier en théologie lorsqu’à peine il avait atteint l’âge prescrit par les règlemens de l’université, Ricard se destina à la carrière de l’enseignement, et
(*) La vie d’un homme de lettres qui par goût autant que par devoir se tint constamment éloigné de tout ce qui pouvait le mettre en évidence et le sortir de ses études chéries, doit, on le sent bien, offrir peu d’événemens dignes d’être racontés. Aussi dans la courte notice que nous consacrons au traducteur de Plutarque, ne ferons-nous en quelque sorte que obtint bientôt une place de professeur d’éloquence au collége d’Auxerre. Ce fut en cette qualité qu’il eut à prononcer, en 1766, en présence de toutes les autorités de la ville, un éloge funèbre (*) du Dauphin, fils de Louis XV. Quatre ans plus tard, on le choisit pour composer un discours latin (**) à l’occasion du mariage du duc de Berry, depuis Louis XVI, avec Marie-Antoinette. Les journaux littéraires de cette époque félicitèrent l’auteur d’
(*) Éloge funèbre de très haut, très puissant et très excellent Prince monseigneur Loris, Dauphin de France, prononcé dans la salle du collége, le 28 janvier 1766, par M. Ricard, professeur d’éloquence. Auxerre, 1766, in-4o.
(**) Oratio gratulatoria in nuptias Ludovici-Augusti, Dclphini, et MarijE-AntosijE, Archiducis Anstriacae, praesentibus omnium ordinum viris^ dicta die sabbati, 25 mensis jimii, anno domini 1770, a Doniinico Ricard, eloquentiae Professore, in anla majore Collegii Autissiodori. Àtixerrc, 1770, in-4o. avoir su employer constamment une latinité pure et un style simple, qualités peu communes chez nos latinistes modernes.
Le collége d’Auxerre ayant été supprimé en 1772, par suite de quelques démêlés entre les professeurs de cet établissement et le bureau d’administration (*), Ricard vint 5 Paris, où le président de Meslay lui confia l’éducation de son fds. Accompagné du père de son élève, il visita, en 1 784, les sites pittoresques de la Suisse, et rédigea en l’orme de lettres, qui sont restées manuscrites, le récit de ce voyage. On y trouve d’agréables descriptions des pays qu’il avait parcourus, et des notions satisfaisantes sur le gouvernement, les lois, les mœurs et les coutumes de leurs habitans (**).
Les longues et savantes études auxquelles il avait dû se livrer par état lui avaient rendu familiers les plus grands
(*) On trouve dans le quatrième volume de la bibliothèque historique de la France l’indication détaillée de douze consultations ou Mémoires publiés dans cette affaire.
(**) Diograpliic universelle. écrivains de la Grèce et de Rome. Mais il en était un surtout pour lequel il se sentait une prédilection marquée, et dès longtemps il avait conçu le projet de le traduire en entier. Encouragé par les conseils d’un grand nombre de savans et de quelques amis, en tête desquels il faut placer Mme de la Ferté-Imbault (*), Ricard fit paraître, en 1783, le premier volume des Œuvres morales de Plutarque (**). Le succès de sa traduction ne fut pas un moment douteux, et on l’invita de toutes parts à poursuivre un travail si heureusement commencé. Dusaulx, traducteur de Juvénal, lui écrivait alors : « J’ose vous prédire que vous fournirez glorieusement la carrière immense dans laquelle vous vous êtes jeté avec tant de courage. On
(*) Cette dame, fille de l’excellente madame Geoffrin, avait extrait de Plutarque un recueil de maximes. D’Alembert disait d’elle qu’elle jouait la dévotion, mais ne jouait pas la sottise. Pour apprécier à sa juste valeur le jugement du philosophe, il faut se rappeler que madame de la Ferté Imbault lui avait fait défendre la porte de sa mère.
(**) La traduction entière des Œuvres morales (17 volumes in-12) ne fut terminée qu’en 1795. dira, quelque jour, le Plutarque de Ricard, comme on a dit jusqu’à présent le Plutarque d^Amjot. »
Cette publication était loin d’être achevée, lorsque éclatèrent les premiers trouhles de la révolution. Ricard, peu disposé à en adopter les principes, alla chercher à la campagne la tranquillité et le repos que ne pouvait plus lui offrir le séjour de la capitale. Un acte de courage, un devoir d’amitié à remplir l’y rappela bientôt, mais pour peu de temps. Il voulut accompagner au tribunal révolutionnaire sou amie, madame de Comulier, qui vit périr en un jour, sur le même échafaud, son mari, sa mère et son grand-père.
Au commencemcui de 1795, la tourmente révolutionnaire paraissant prête à s’apaiser, Ricard revint à Paris. Il conçut le noble, mais téméraire projet de rappeler les Français à la religion de leurs pères, et publia les douze premiers numéros du Journal de la Religion et du Culte cntlio lique, qui prit depuis le titre à’ Annales pliilosophiques, morales et littéraires. Il avait composé, durant son séjour à la campagne, un poème en huit chants sur la Sphère ; il le fit imprimer en 1796 (*). La poésie en est généralement faible et trop facile ; mais les notes curieuses et savantes dont l’ouvrage est accompagné lui firent trouver des lecteurs.
Ce ne fut que deux ans plus tard, en 1798, que Ricard commença, à ses frais, l’impression de la traduction des Vies de Plutarque. Il n’eut pas la satisfaction de voir terminer ce monument élevé par lui à la gloire de son auteur favori : les derniers volumes ne virent le jour qu’après sa mort, arrivée à Paris le 28 janvier 1803 ; il allait atteindre sa soixante et deuxième année. Les lettres perdirent en Ricard un savant estimnhle et modeste, la société un homme de hien.
Outre les ouvrages que nous avons cités, on a encore de lui : 1° Sur les Prophéties
(*) La Sphère, poème en huit chants, qui contient les élémens de la sphère céleste et terrestre avec les principes d’astronomie i>Iiysique, accompagné de notes et suivi d’uiu• n.tice des puèiues grecs, latins cl français qui tiaitcnt de quelque partie de l’astronomie. Paris, an V (1796), in-8°. de Mlle Brousse, 1789, in-8°, anonyme ; 2° Notice sur la Vie et les Ouvrages de Pluquet, en tête du Traité de. la Superstition et de C Enthousiasme, de ce dernier ; 3° Traductions des Politiques d’Aristote ; 4° Traductions de diverses harangues de Démoslhène et de Cicéron, de quelques pièces de Sophocle et d’Euripide ; 5° un poème de plus de quatre cents vers sur la Révolution française, adressé en 1790 a M. Villenave. Ces trois derniers articles sont restés manuscrits.
consigner la date de sa naissance et de sa mort, ainsi que l’époque de la publication de ses divers ouvrages. M. Villenave, qui fut l’élève et l’ami de Ricard, a, dans la Biographie universelle, donné sur son ancien maître un article plein d’intérêt comme tous ceux de cet habile écrivain. Nous y avons fréquemment eu recours.