Les Voix intérieures/Avril – À Louis B.
Louis, voici le temps de respirer les roses,
Et d’ouvrir bruyamment les vitres longtemps closes ;
Le temps d’admirer en rêvant
Tout ce que la nature a de beautés divines
Qui flottent sur les monts, les bois et les ravines
Avec l’onde, l’ombre et le vent !
Louis, voici le temps de reposer son âme
Dans ce calme sourire empreint de vague flamme
Qui rayonne au front du ciel pur ;
De dilater son cœur ainsi qu’une eau qui fume,
Et d’en faire envoler la nuée et la brume
A travers le limpide azur !
O Dieu ! que les amants sous les vertes feuillées
S’en aillent, par l’hiver pauvre ailes mouillées !
Qu’ils errent, joyeux et vainqueurs !
Que le rossignol chante, oiseau dont la voix tendre
Contient de l’harmonie assez pour en répandre
Sur tout l’amour qui sort des cœurs !
Que, blé qui monte, enfant qui joue, eau qui murmure,
Fleur rose où le semeur rêve une pêche mûre,
Que tout semble rire ou prier !
Que le chevreau gourmand, furtif et plein de grâces,
De quelque arbre incliné mordant les feuilles basses,
Fasse accourir le chevrier !
Qu’on songe aux deuils passés en se disant : qu’était-ce ?
Que rien sous le soleil ne garde de tristesse !
Qu’un nid chante sur les vieux troncs !
Nous, tandis que de joie au loin tout vibre et tremble,
Allons dans la forêt, et là, marchant ensemble,
Si vous voulez, nous songerons.
Nous songerons tous deux à cette belle fille
Qui dort là-bas sous l’herbe où le bouton d’or brille,
Où l’oiseau cherche un grain de mil,
Et qui voulait avoir, et qui, triste chimère !
S’était fait cet hiver promettre par sa mère
Une robe verte en avril.
Avril 1837