Les anciens couvents de Lyon/20. Génovéfains

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Emmanuel Vitte (p. 373--).

LES GÉNOVÉFAINS



AVANT de parler des Génovéfains, à qui, vers 1702, on confia la garde de notre église de Saint-Irénée, nous avons à faire rapidement l’historique de ce vénéré sanctuaire qui fut, avec la crypte de Saint-Nizier, le berceau de la foi à Lyon.

Quand le primitif oratoire de Saint-Pothin fut devenu trop petit pour le nombre toujours croissant des fidèles, on chercha un autre lieu de réunion. On chercha, et l’on trouva, dans le cimetière gallo-romain situé sur la colline et dominant le confluent, une grotte qui, par suite d’agrandissements successifs, devint une véritable catacombe. La crypte actuelle de Saint-Irénée en faisait certainement partie, car l’un des Bollandistes raconte à ce sujet que, se trouvant à Lyon, en 1625, époque à laquelle on creusait les fondations du nouveau prieuré de Saint-Irénée (aujourd’hui refuge de Saint-Michel), les ouvriers trouvèrent plusieurs excavations et monceaux de pierres sur lesquels on établit les bases de l’édifice. Ce savant écrivain n’hésite pas à penser que ces excavations et ces débris avaient fait partie de la catacombe primitive. (Bolland., append. ad diem 28am junii, tom. VI, mensis junii, pag. 268 et 269.) Cette catacombe était dédiée à saint Jean l’Évangéliste, que nous considérons comme notre aïeul spirituel. Après la seconde persécution de Lyon, le prêtre Zacharie enterra le corps de saint Irénée dans la crypte de Saint-Jean, entre ceux de saint Alexandre et de saint Épipode qui y étaient déjà. Il y transporta aussi les restes de plusieurs autres martyrs, et comme il ne pouvait donner à tous une sépulture convenable, il remplit, avec les débris mutilés de ces saintes reliques, le petit puits qui existait déjà à-cette époque. Dès lors, la crypte de Saint-Jean fut entourée de la plus profonde vénération.

sarcocphage chrétien du ive siècle

Sans doute, lorsque la paix fut donnée à l’Église, les évêques de Lyon eurent soin de faire bâtir sur la crypte un petit oratoire, mais c’est saint Patient qui fit jeter les fondations d’une basilique splendide (472), contenant la crypte vénérée, ainsi que l’expliquent ces vers, composés à cette occasion :

Hic duo templa micant, tecto condita sub uno
Quæ Patiens sanctis conditor excoluit.
Corpora dumoso quondam demersa profundo
Perspicuum tracti luminis irradiat.
Subdita resptendent et fastigiata supernis
Cultibus in cœlum culmina prosiliunt.
Securus planè cœlestia regna requirit
Qui Christo in terris regia cepta parat.

« Ici, sous un même toit, sont construits deux temples que le fondateur Patient a érigés en l’honneur des saints. Un rayon de lumière éclaire les corps des martyrs ensevelis jadis dans une caverne profonde ; le sanctuaire inférieur est éclatant de richesses, et l’église supérieure élève dans les airs son faîte majestueux. Celui-là est sûrement sur le chemin qui mène au ciel, qui prépare ici-bas pour le Christ une royale demeure. »

M. l’abbé Tatu, qui a écrit sur saint Patient une thèse intéressante en certaines parties, mais erronée en beaucoup d’autres, avance que la basilique de saint Patient a duré jusqu’aux ravages des calvinistes en 1562. Il se trompe, un document lui a échappé. La basilique de saint Patient dura jusqu’à l’invasion des Sarrasins, qui la ruinèrent, en 756. Saint Remy la releva, et comme saint Patient l’avait fait déjà, il institua une congrégation de serviteurs de Dieu pour desservir les deux églises avec une pieuse vénération, et y demeurer assidus au culte du Dieu tout-puissant. Les nouveaux desservants étaient au nombre de vingt, quatorze pour l’une des églises et six pour l’autre, avec faculté néanmoins de desservir les deux églises en commun, s’ils le préféraient. Observons en passant que M. Meynis se trompe quand il dit que cette congrégation établie par saint Remy fut celle de saint Ruf de Valence. Les chanoines de saint Ruf ne furent institués qu’en 1039, et ils ne s’établirent à Valence qu’en 1210.

Ce fut vers cette époque, fin du neuvième siècle, que les chanoines-comtes de Lyon firent construire, à côté de la crypte, une chapelle qui devait servir à leur sépulture. Les comtes de Forez et de Beaujolais avaient choisi, pour la même destination, l’église supérieure. En 1083, saint Jubin, archevêque de Lyon, fut enterré sous le portique de la chapelle des martyrs ; en 1824, il fut monté dans l’église supérieure. Au treizième siècle, le pape Innocent IV enrichit d’indulgences l’église de saint Irénée. Signalons encore la séparation des chapitres de Saint-Just et de Saint-Irénée, qui d’abord ne faisaient qu’un ; ensuite une célèbre contestation entre ces deux chapitres, à propos des reliques de saint Irénée, que chacun d’eux prétendait posséder : le chapitre de Saint-Just fut débouté de ses prétentions ; enfin une délibération du chapitre de Saint-Irénée, lequel, sur la proposition de son prieur, Jean de Chènevoux, en 1409, statua que dorénavant il ne célébrerait plus dans la crypte, à cause de l’humidité du lieu, l’office canonial tout entier. Il se réservait toutefois d’y descendre chaque jour, après sexte, pour y chanter l’antienne et réciter l’oraison en l’honneur de saint Irénée. Les chanoines s’étaient donc astreints jusqu’alors à faire toutes leurs cérémonies religieuses près des tombeaux des martyrs.

L’église, élevée par saint Remy, possédait dans la crypte un fragment de la colonne de la Flagellation que les calvinistes briseront plus tard en morceaux, et dans l’église supérieure, une remarquable mosaïque dont Arthaud, ancien conservateur de notre musée, a donné la description, dont nous ne transcrivons que la fin :

« Au-dessous de ces figures une grande inscription, sur fond blanc, occupait huit lignes. À droite et à gauche, deux personnages la montraient du doigt. Leur costume se composait d’une tunique grise et d’une barrette rouge. »

Cette inscription a été reproduite en mosaïque au pied du grand autel de l’église actuelle de Saint-Irénée. En voici le texte et la traduction :

Ingrediens loca tam sacra, jam tua pectora tunde ;
Posce gemens veniam ; lacrymas hic cum prece funde.
Præsulis hic Irenæi turma jacet sociorum,
Quos per martyrium perduxit ad alta polorum.
Istorum numerum, si nosce cupis, tibi pando :
Hinc mulieres et pueri simul excipiuntur.
Quos tulit atra manus, nunc Christi luce fruuntur.

En entrant dans ces lieux sacrés, frappez-vous la poitrine, demandez pardon en gémissant, répandez vos larmes avec vos prières. Ici reposent les compagnons du Pontife Irénée qu’il conduisit par le martyre dans les hauteurs des cieux. Leur nombre, si vous désirez le connaître, fut de dix-neuf mille, sans compter les femmes et les enfants. Ceux qu’a enlevés la sombre mort jouissent maintenant de la lumière du Christ.

Mais voici les Calvinistes qui vont tout saccager. En un instant tout disparut : lampes d’argent, habits sacerdotaux, cloches, vases et ornements sacrés. Ils démolissent les habitations des prêtres, brûlent les titres anciens ou les dispersent, mutilent les autels, renversent les tombeaux des martyrs, exhument ces restes sacrés, y mêlent des ossements d’animaux, les souillent de débris impurs, brisent le fragment de la colonne de la Flagellation, en dispersent les morceaux, arrachent les pavés de la nef, font voler en éclats les marbres dont les murs sont revêtus, détruisent les riches mosaïques, et quand il ne reste plus rien à saccager dans la crypte, ils en démolissent les colonnes, au risque d’être écrasés, et font ainsi crouler sur elle l’église supérieure. On ne lira pas sans intérêt ces vers tirés des Tristes de la France, qui est un livre contemporain des Calvinistes :

Irænei templum destructum, dilapidatum ;
Corpora sanctorum loca per sordida fusa ;
Fracta Jesu Christi in partes sancta columna,
In quâ pro nobis tulerat tot sæva flagella ;
Magna cohors erat ad furtum prompta latronum :
Unus namque trabes, alter postesque ferebat.
O pulchri lapides hic, ô speciosa plastra !
Sed rapidus fluvius calida hæc devexit ad ora.

Le temple de Saint-Irénée est détruit et dilapidé ; les corps des saints sont jetés dans des lieux ignobles ; la sainte colonne, où Jésus-Christ subit tant et de si douloureux coups de fouets, est brisée. Grand est le nombre des voleurs et des brigands avides ; l’un enlève le bois, l’autre les portes. Beaux marbres ! Remarquables bas-reliefs ! Mais les flots rapides du Rhône les a emportés vers les régions du Midi.

Disons tout de suite cependant que grâce à la pieuse industrie de quelques fidèles, on parvint à sauver de la profanation un assez grand nombre de reliques, et entre autres, le chef de saint Irénée, retrouvé de la façon la plus authentique en 1572.

Cet état de ruine et de dévastation dura longtemps : pendant plus de trente ans les prieurs de Saint-Irénée résidèrent hors de Lyon, et il y avait tant à faire et à refaire qu’un peu de découragement entra sans doute dans les âmes. Cependant, en 1584, on releva tant bien que mal, plutôt mal que bien, l’église supérieure, mais on ne s’occupa pas encore de la crypte. Le P. Chifflet, jésuite, cité par les Bollandistes, écrivait, en 1620, que la crypte de Saint-Irénée existait privée de ses colonnes, dépouillée de ses brillantes mosaïques, et que l’on avait élevé au-dessus une église qui était loin de valoir l’ancienne. Ce n’est qu’en 1635 qu’un nouveau prieur, Claude Grolier, entreprit cette restauration : il fit relever le tombeau de saint Irénée, construire des piliers à la place des colonnes, rechercher les ossements des martyrs, qu’on sépara avec soin des débris profanes, pour les réunir dans un caveau, dont l’ouverture grillagée permet aux fidèles de les voir et de les vénérer. Enfin le respectable prieur compléta son œuvre par une fondation destinée à l’entretien perpétuel d’une lampe devant l’autel de saint Irénée. À son exemple, un sieur de Bagnols, intendant de la province du Lyonnais, fit une fondation semblable pour l’entretien d’une lampe devant brûler nuit et jour au-dessus du puits des Martyrs.

Aux époques calamiteuses de la peste, pendant les années 1623, 1628 et 1629, on remarqua que l’église de Saint-Irénée et ses alentours étaient demeurés seuls à l’abri du fléau, malgré le grand nombre de personnes qui de toutes parts accouraient dans cette église pour recevoir les derniers sacrements.

Dès lors la piété des fidèles envers nos saints martyrs lyonnais prit un nouvel essor. La confrérie établie sous leur patronage fut rétablie, et le Saint-Siège l’enrichit d’indulgences. Huit fois chaque année les chanoines-comtes y montaient en procession ; le chapitre de Saint-Just s’y rendait cinq fois par an, et toutes les paroisses de la ville le premier jour des Rogations.

Parmi les manifestations de la dévotion à nos saints martyrs, il en est une que je m’en voudrais d’omettre. Près de la crypte, on montre une chambre rectangulaire, sombre et froide, qu’on appelle la chambre de la recluse. Je ne sais s’il y en eut plusieurs, mais nous avons la preuve que Marguerite de la Barge y entra en 1683, à l’âge de trente-quatre ans et qu’elle y vécut neuf ans. On y voit la pierre de sa tombe avec cette inscription :

« Ci-gît Damoiselle Marguerite de la Barge, de Lyon, décédée le 16 novembre 1692, âgée de 43 ans, à qui l’on n’a permis d’élire sa sépulture dans ce saint lieu qu’à cause de la vie pénitente qu’elle y a menée l’espace de neuf ans, pour être éternellement unie aux martyrs de cette église qu’elle a si fidèlement priés pendant sa vie. Requiescat in pace. Amen. »

Les relations du chapitre de Saint-Irénée avec le dehors étaient assez modestes. Les revenus de l’église de Grézieu lui appartenaient. Il possédait plusieurs terres au Mont-d’Or, dans les dépendances du village d’Albigny. Il avait acquis l’église de Saint-Laurent près du Rhône. Le prieur était reconnu comme supérieur du clergé de Beaujeu ; de là une union intime entre les chanoines de Beaujeu et ceux de Saint-Irénée. Et c’est tout, il n’y avait pas là des éléments de richesse.

Pendant le siège de Lyon, en 1793, la crypte devint un lieu de refuge pour diverses familles du voisinage qui venaient s’y mettre à l’abri des bombes. Mais aucun dégât ne fut commis, selon que l’atteste le procès-verbal de 1801. Il n’en fut pas de même du prieuré.

Enfin, quand nous aurons dit que l’église de Saint-Irénée fut, après la tourmente révolutionnaire, rendue au culte en 1802, agrandie en 1824, et restaurée en 1863, nous aurons achevé l’historique de ce sanctuaire si cher à la piété lyonnaise.

On le voit, notre église de Saint-Irénée a eu à subir bien des vicissitudes ; elles eurent un contre-coup sur le corps religieux qui en avait la garde. Saint Patient d’abord, saint Remy ensuite, instituèrent des chapitres pour la garde de ce sanctuaire. En 1084, le successeur de saint Jubin, Hugues, érige l’église de Saint-Irénée en collégiale et appelle pour la desservir les clercs réguliers de Saint-Augustin. En 1640, le chapitre est mis en commende, Claude Grolier est le dernier prieur élu. Enfin en 1702, viennent les Génovéfains.

Pour comprendre et suivre l’histoire des chanoines réguliers de la Congrégation de France ou de Sainte-Geneviève, vulgairement appelés Génovéfains, il faut remonter loin dans l’histoire.

En 1060, Anne de Russie, devenue la femme de Henri Ier et mère de Philippe Ier, rois de France, fonda l’abbaye de Saint-Vincent de Senlis, et y mit des chanoines qui vécurent de la vie commune et se rendirent célèbres par leur sainteté. Cette ferveur dura jusqu’aux guerres des Anglais ; alors le relâchement s’introduisit dans l’abbaye, et la commende acheva ce qu’avait épargné le relâchement religieux ; les désordres allèrent croissant jusqu’en 1614. À cette date, un jeune homme de vingt ans prenait l’habit religieux dans la célèbre abbaye de Saint-Vincent ; il devait être le réformateur de cette famille spirituelle en déroute. C’était le P. Charles Faure. Orphelin de bonne heure, et ayant pour la vertu les plus belles dispositions, il se voua au Seigneur. Pendant que ses frères les religieux se divertissaient, le jeune novice, enfermé dans sa cellule, se livrait à toutes les mortifications. On se moqua de lui, on le persécuta même, mais le cardinal de la Rochefoucault, évêque de Senlis, le couvrit de sa protection spéciale. Quelques-uns de ses confrères, entraînés par la force de l’exemple, cherchèrent à l’imiter, et cinq ou six morts tragiques survenues dans l’abbaye, emportant précisément les plus hostiles au jeune religieux, firent cesser toutes les oppositions et furent même les causes déterminantes d’une réforme dans cette congrégation. Lorsque les constitutions eurent été dressées, le Père Faure, devenu prêtre, fut chargé de prendre la direction des religieux. Dès lors l’abbaye de Saint-Vincent vécut dans une atmosphère de régularité et de ferveur qui lui mérita autant d’estime qu’elle s’était attiré de blâmes, hélas ! trop justifiés.

Mais voici qu’en 1619, le cardinal de la Rochefoucault fut nommé abbé de Sainte-Geneviève ; il y avait là aussi beaucoup à faire. Nous allons voir quel fut le rôle des chanoines réguliers de Senlis dans cette œuvre.

L’abbaye de Sainte-Geneviève fut fondée vers l’an 511 par Clovis, sur la prière de Clotilde, son épouse. Elle fut consacrée en l’honneur des apôtres saint Pierre et saint Paul, jusqu’à ce que l’humble bergère de Nanterre, qui sauva Paris des fureurs d’Attila, y fût enterrée ; des lors, elle ne fut plus connue que sous le nom qu’elle possède encore aujourd’hui.

génovéfain

Clovis y mit des chanoines séculiers qui y restèrent jusqu’en 1148. Alors un conflit malheureux étant survenu, à propos d’une visite du pape Eugène III, entre les chanoines séculiers et les officiers du pape, les chanoines séculiers furent remplacés par les chanoines réguliers de Saint-Victor, qui avaient à leur tête un abbé. Pour des mêmes raisons indiquées plus haut, le désordre s’introduisit dans l’abbaye et dura jusqu’en 1619, époque où devint abbé le cardinal de la Rochefoucault. En 1621, celui-ci essaya une réforme, mais il ne put aboutir à ses fins. Il fit venir douze religieux de l’abbaye de Senlis, et institua le P. Charles Faure supérieur de cette maison. La réforme fit dès lors de merveilleux progrès, et le nom de sainte Geneviève lui resta.

Cette congrégation fit de grands progrès et posséda plus de cent maisons. Ces chanoines réguliers disaient matines le soir à huit heures, immédiatement après l’examen de conscience et les litanies de la sainte Vierge, et levaient le matin à cinq heures. Ils jeûnaient tous les vendredis, les veilles des fêtes de la sainte Vierge, de saint Augustin, pendant l’Avent, et les deux jours qui précèdent le Carême universel.

Le costume consistait en une soutane de serge blanche avec un collet fort large et un rochet de toile. À la maison, ils avaient l’été un bonnet carré, et l’hiver un camail noir, et hors le monastère, ils portaient le manteau noir à la manière des ecclésiastiques. Pour habit de chœur, ils avaient l’été un surplis et une aumusse noire sur le bras, et l’hiver un grand camail et une chappe noire. Les armes de cette congrégation étaient d’azur à une main tenant un coeur enflammé avec cette devise Superemineat charitas.

Ce fut en 1702 que les Génovéfains s’établirent à Saint-Irénée. Outre le prieur commendataire, le chapitre était composé d’un prieur claustral, qui prenait le titre de sacristain-curé, et de six autres chanoines. Ils avaient tous des fonctions : l’un d’eux était vicaire et les autres se partageaient les charges de maître de chœur, de camérier, d’aumônier, d’infirmier et de cellérier. Il y avait de plus un noviciat.

De 1702 à la Révolution, il y eut huit prieurs claustraux.

À droite de l’église se trouve le prieuré, vaste édifice qui couronne la colline. Il fut bâti vers le milieu du siècle dernier sur les dessins de Soufflot et sous la conduite de l’architecte Loyer, par les libéralités du duc d’Orléans. Il était à peine terminé en 1789, et avait coûté onze cent mille francs. Il fut brûlé, pendant le siège de Lyon, par un boulet rouge tiré d’une batterie des assiégeants à la Guillotière.

Peu après, le domaine dès Génovéfains fut vendu comme bien national, au prix de cent trois mille trois cents livres, au sieur Peilleux, négociant en dorures, demeurant rue Saint-Dominique. En voici la désignation : l’entrée, grille en fer avec piliers de pierre de taille, avait cinquante-quatre pieds de largeur. La première cour, plantée d’arbres sur trois faces, avait un grand puits. La communication avec l’église fut bouchée. La maison comprend un rez-de-chaussée et deux étages, avec quinze ouvertures à chaque étage. Au rez-de-chaussée, il y avait une grande galerie au soir, et au matin diverses salles y compris la cuisine, deux sont boisées. Au premier étage, mêmes galeries et les chambres ; il y a un oratoire. Au second étage, pas de galeries, le corridor est au milieu et les chambres sur les grandes faces. À l’orient du grand bâtiment, il y a une grande terrasse, au milieu de cette terrasse un perron avec une rampe double pour descendre au jardin ; ce jardin est planté d’arbres fruitiers et d’allées de charmille ; au-dessous du jardin, il y a une vigne. Dans une des grandes salles du rez-de-chaussée, il y avait dix tableaux.

La ville racheta, en 1812, l’ancien couvent des Génovéfains au prix de cinq mille francs. Il fut donné aux religieuses de Saint-Michel, autorisées par un décret impérial de 1811. La maison fut entièrement réparée et même agrandie vers 1817, afin de pouvoir rendre tous les services qu’on en attendait.

Le prieuré des Génovéfains est devenu le refuge de Saint-Michel. Là des religieuses de la congrégation de Notre-Dame de Charité reçoivent, pour les retirer du désordre, les pauvres filles et femmes dont la conduite peu régulière fait la désolation des familles et de la société. Il y a de plus une catégorie de pensionnaires, dites Préservées, et une autre de Repentantes ou Madeleines. Les sœurs sont vêtues de blanc et mènent une vie austère. Puissent-elles faire à ces pauvres âmes tout le bien dont elles sont ambitieuses !

SOURCES :

La Montagne sainte, par D. Meynis.

Saint Patient, par l’abbé Tatu.

Le P. Hélyot, Ordres monastiques.

Lyon ancien et moderne, II, par Fleury la Serve.

Lyon tel qu’il était, par Guillon.

Archives municipales.

Archives du Rhône, IIe et IIIe volumes, articles de Cochard sur Saint-Irénée.