Les bases de l’histoire d’Yamachiche/07

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C. O. Beauchemin et Fils (p. 44-49).


CHAPITRE III

GROSBOIS-EST.


Une subdivision. — Un arrière-fief.


Le 12 septembre 1699, M. Boucher, seigneur de Boucherville et de Grosbois, par-devant son notaire Marien Taillandier, « vendit et concéda à M. Nicolas Gatineau (son beau-frère), une étendue de douze arpents de terre de front sur quarante-deux de profondeur, située au-dessous de la rivière Ouamachiche dit Grosbois, en commençant sur le bord de la dite rivière du grand bois debout, en descendant en bas jusqu’au bout de douze arpents de front et de quarante-deux de profondeur, avec les devantures comme elles ont été concédées au dit sieur Boucher ; pour en jouir en pleine propriété par le dit Gatineau, lui, ses hoirs et ayants cause en arrière-fief noble, en tous droits, à la réserve d’une rente nette et seigneuriale de quatre minots de bled froment, bon, loyal et marchand et la dite rente non rachetable, mais se paiera tous les ans à la Saint-Martin d’hiver, portable au lieu seigneurial du dit fief Grosbois, quand il y en aura un de baty, et en attendant aux Trois-Rivières où il sera indiqué au dit sieur Gatineau, laquelle rente de quatre minots de bled commencera à courir du jour de la Saint-Martin de l’année prochaine que l’on comptera mil sept cent et continuera à l’avenir d’année en année ; de plus sera tenu et obligé le dit Gatineau de porter la foy et hommage au dit (manoir) fief Grosbois quand il y en aura un de baty, et en attendant, elle sera portée au dit Boucherville pour la première fois, par le dit Gatineau, ses hoirs et ayants cause à perpétuité avec le revenu d’une année pour droit de rachat à chaque mutation de possesseurs suivant la Coutume, etc. »

Ce campeau de terre situé à l’embouchure de la grande rivière, côté nord-est et ainsi constitué en « arrière-fief noble, » fait partie de Grosbois-Est ; aussi est-il spécialement réservé dans le troisième et dernier contrat de M. de Boucherville, par lequel il se désintéresse complètement de son fief Grosbois, en vendant la dernière part à ses petits-neveux, Charles et Julien Le Sieur.

Ce contrat fut passé le 2 juillet 1702, devant Marien Taillandier, notaire de la terre et seigneurie de Boucherville, et témoins ; « furent présents, Pierre Boucher, escuyer seigneur de Boucherville et de Grosbois et Jeanne Crevier sa femme de luy suffisamment autorisée pour le fait des présentes, lesquels ont volontairement recognu et confessé, recognaissent et confessent avoir vendu, quitté, ceddé et transporté et delaissé par les présentes, du tout dès mainenant et à toujours, promis et promettent garantir de tous troubles, hypothèques et autres empêchements généralement quelconques, aux sieurs Charles et Julien Le Sieur, frères, demeurant à Batisquant, présents et acceptants, preneurs et retenants au dit titre pour eux, leurs hoirs et ayans cause, une part de seigneurie, scise à la rivière Ouamachiche, de la contenance de trois carts de lieue et sept arpents de front sur deux lieues de profondeur, à commencer à sept arpents au-dessus de la dite rivière Augmachiche, et trois carts de lieue au-dessous et au même rumb de vent et mêmes lignes que les terres des seigneurs des allentours suivront, aux charges, clauses et conditions qui sont portées au contrat d’acquisition que mon dit Sieur Boucher a eu de M. Talon, intendant pour Sa Majesté, en date du troisième novembre mil six cent soixante-douze que mon dit sieur Boucher leur met entre les mains et autres pièces qu’ils ont reçu ; mon dit Sieur et Damlle Boucher mettent les dits acquéreurs du tout en son lieu et place et de la même manière qu’il tient le dit fief du Roy, aux mêmes foy et hommage portés au dit contrat, sans rien réserver ny retenir aucunes choses que de lesser le dit Sieur Nicolas Gatineau jouir d’une concession que mon dit Sieur Boucher a donnée au dit Gatineau dans la dite terre, suivant son contrat d’acquisition, etc., etc. »

Dans l’acte de concession de ce fief par M. de Lauzon, le 23 mai 1653, M. Pierre Boucher prenait pour la première fois le titre de Sieur de Grosbois, et par le contrat de vente que nous venons de citer, il l’abandonne. Cependant les seigneurs Le Sieur n’ont point porté ce titre. Était-ce parce qu’ils n’étaient propriétaires que de la moitié du fief de Grosbois, ou bien parce que M. de Boucherville, aimant beaucoup ce nom, l’ayant porté pendant près d’un demi-siècle, avait nommé Grosbois une île bien boisée, en face de sa résidence à Boucherville et que l’un de ses fils, devenu propriétaire de cette île, fut appelé monsieur ou sieur de Grosbois ? Ce dernier est l’ancêtre, du Dr de Grosbois, député de Shefford à la législature de Québec. Ce sont deux souvenirs d’Yamachiche conservés dans la famille du vénérable et noble personnage qu’était M. Pierre Boucher de Boucherville.

Quoi qu’il en soit, Charles et Julien Le Sieur ont reçu, par cet acte, tous les droits de fief et seigneurie en acquérant la dernière partie de Grosbois.

Grâce à leur activité et à leurs efforts pour se mettre en règle avec les exigences, les conditions et injonctions exprimées dans l’acte primitif de concession de ce fief, répétées dans leur contrat d’acquisition, cette partie de Grosbois a fait un progrès notable durant les vingt premières années, eu égard aux circonstances.

Nous en avons la preuve dans le dénombrement soumis à l’intendant Bégon, par le seigneur Charles Le Sieur, le 18 février 1723, publié dans un autre article sur le mouvement de la population.

Ce fief est resté plus longtemps que les autres en la possession de cette famille seigneuriale, jusqu’après 1830 ; mais il fut tellement divisé et subdivisé en parts d’héritage par les descendants, qu’il passa finalement en des mains étrangères.

M. Pierre-Benjamin Dumoulin en fut seigneur par acquisition de la principale partie.

Modeste Richer dit Laflèche lui succéda par contrat de vente.

Quelques années avant l’abolition du régime féodal, M. B.-C.-A. Gugy l’acheta des mains du shérif, succédant à M. Laflèche