Les carrosses à cinq sols/Texte entier

La bibliothèque libre.


LES CARROSSES

À CINQ SOLS,

OU

LES OMNIBUS

DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.









Se trouve à Paris                
Chez

FIRMIN DIDOT, rue Jacob, no 24.

MESNIER, successrur de Sautelet, Place de la Bourse

DELAUNAY, au Palais-Royal.

BLAISE, rue Férou, no 24.


LES CARROSSES
À CINQ SOLS,
OU
LES OMNIBUS
DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.
Multa renascentur quæ jam cecidere.
Horat., ad Pisones.
PARIS,
IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT,
rue jacob, n° 24.
♣♣♣♣♣♣♣
M DCCC XXVIII.


OBSERVATIONS

Séparateur


Rien ne doit être dédaigné de ce qui tient à l’histoire de nos usages ; on aime à savoir comment faisaient ceux qui nous ont précédés. Ce sentiment de curiosité nous fait dévorer d’arides détails dans l’Histoire de la vie privée des Français de Legrand d’Aussy, et l’on ne peut s’empêcher de regretter que ce patient écrivain n’ait pas atteint le terme de la carrière qu’il s’était tracée. Il n’eût sans doute pas manqué de porter ses minutieuses recherches sur l’origine de nos voitures publiques, ce moyen de communication si commode, devenu si facile et si rapide, qui permet aux plus petites fortunes d’user de facilités, qui ne pouvaient appartenir anciennement qu’aux grands seigneurs et aux riches financiers.

Aujourd’hui que de longues voitures, appelées Omnibus, parce qu’elles conviennent à tout le monde, transportent les promeneurs, d’une extrémité de la ville à l’autre, pour la modique rétribution de cinq sous, il ne sera pas hors de propos d’établir que cette utile invention est connue depuis près de deux siècles.

Des voitures de louage existaient sous la minorité de Louis XIV. Nicolas Sauvage s’était établi rue Saint-Martin, vis-à-vis de la rue de Montmorency, dans une grande maison, où pendait pour enseigne l’image de Saint-Fiacre. Il louait des carrosses, à l’heure, ou à la journée, à ceux qui se présentaient. Ces voitures prirent le nom du saint ; elles le conservent encore aujourd’hui[1].

Une pièce du temps en donne une preuve qui paraît sans réplique. Sarrazin, dans la lettre badine qu’il écrivit à Ménage, au mois de mai 1648, sur la pompe funèbre de Voiture, indique au chapitre V de la Table de la Grande Chronique du noble Vetturius (Voiture), comme Vetturius entreprit la conduite de la Reyne de Sarmatie (de Pologne), jusques au chasteau des Peronelles (Péronne) ; et comme Lionnelle (mademoiselle Paulet) l’y suivit dans le char de l’enchanteur FLACRON[2].

Louise-Marie de Gonzague épousa Sigismond IV, roi de Pologne, le 6 novembre 1645. Elle quitta la France peu de temps après ; ainsi, en 1645, les voitures de louage dont on se servait à Paris portaient déja le nom de Saint-Fiacre.

Sauvage ne sollicita point de privilége. D’autres loueurs de voitures suivirent l’exemple qu’il avait donné, et ces sortes d’entreprises se multiplièrent. Ces carrosses stationnaient-ils sur les places ou dans les carrefours ? allait-on les chercher au domicile des entrepreneurs ? Les ouvrages du temps ne nous en ont rien appris.

M. de Givry obtint, au mois de mai 1657, des lettres-patentes qui lui accordaient « la faculté de faire établir dans les carrefours, lieux publics et commodes de la ville et faubourgs de Paris, tel nombre de carrosses, calèches et chariots attelés de deux chevaux chacun ; qu’il jugeroit à propos, pour y être exposés depuis les sept heures du matin jusqu’à sept heures du soir, et être loués à ceux qui en auroient besoin, soit par heure, demi-heure, journée ou autrement, à la volonté de ceux qui voudroient s’en servir, pour être menés d’un lieu à l’autre, où leurs affaires les appelleroient, tant dans la ville et faubourgs de Paris, qu’à quatre et cinq lieues aux environs ; soit pour les promenades : des particuliers, ou pour aller à leurs maisons de campagne[3]. »

Il paraît que M. de Givry ne s’empressa pas d’user de son privilége. Il sollicita et obtint de nouvelles lettres-patentes au mois de décembre 1664, par lesquelles il lui fut permis de prendre des associés. Il céda en conséquence son privilége aux frères Francini, qui obtinrent la vérification des lettres-patentes au Parlement, par arrêt du 3 septembre 1666[4].

Cependant de nouvelles voitures parcouraient dans plusieurs sens la capitale. Le duc de Roanès, le marquis de Sourches, et le marquis de Crenan, avaient obtenu par lettres-patentes du mois de janvier 1662, enregistrées au Parlement le 27 février suivant ; la faculté avec privilége, d’établir des carrosses à cinq sous par place, qui devaient suivre dans l’intérieur de Paris des routes déterminées, et partir à des heures fixes[5].

Ces carrosses commencèrent à circuler le 18 mars 1662 : Loret nous a conservé cette date dans sa Muse historique. On lit ce qui suit dans ce rimeur singulier, que sur les petits faits on peut utilement consulter.


L’établissement des carrosses
Tirés par des chevaux non rosses,
(Mais qui pourront à l’avenir
Par leur travail, le devenir),
A commencé d’aujourd’huy mesme ;
Commodité sans doute extresme,
Et que les bourgeois de Paris,
Considérant le peu de prix
Qu’on donne pour chaque voyage ;
Prétendent bien mettre en usage.
Ceux qui voudront plus amplement

Du susdit establissement
Sçavoir au vrai les ordonnances
Circonstances et dépendances,
Les peuvent lire tous les jours
Dans les placards des carrefours[6]
Le dix-huit de mars nostre veine
D’écrire cecy prit la peine[7].


Suivant Sauval, ces voitures furent, durant les premiers jours, poursuivies par la populace avec des huées et des coups de pierres. Ce fait nous paraît plus que douteux ; Loret n’en a pas parlé, et il n’eût pas manqué d’en faire la remarque. Il existe au reste une autorité bien supérieure à cette preuve négative ; c’est le récit fait par madame Perier, sœur de Pascal, et par Pascal lui-même, de la joie publique que causa dans Paris l’apparition des carrosses à cinq sous.

Ce récit est contenu dans une lettre écrite par madame Perier[8] et par Pascal à Arnauld de Pomponne qui, enveloppé dans la disgrace du surintendant Fouquet, venait d’être exilé à Verdun. L’original de cette lettre fait partie des manuscrits de la Bibliothèque royale de l’Arsenal.

Ainsi que Pomponne, Pascal et sa sœur avaient un intérêt dans l’entreprise ; on a même cru dans le temps que c’était Pascal qui en avait donné la première idée. Sauval, comme on le verra tout-à l’heure, le dit positivement, et madame de Sévigné semble y faire allusion, lorsqu’elle passe si brusquement, dans une de ses lettres, de Pascal aux postillons[9] Il n’est pas vraisemblable que l’auteur des Provinciales ait inventé les carrosses à cinq sols. Il était à cette époque si accablé par des infirmités prématurées, qu’il avait renoncé, depuis plusieurs années, à l’étude des sciences, même à celle de l’Ecriture sainte ; il n’était plus occupé que des œuvres de piété et du soin de soutenir une vie languissante ; il n’écrivait même plus de lettres, comme le dit madame Perier dans la pièce que nous publions. Il est plus probable qu’étant l’ami du duc de Roanès, il avait placé des fonds dans l’entreprise dont ce seigneur venait d’obtenir le privilège[10]. Mais Pascal ne ressemblait pas à la plupart des spéculateurs ; il ne désirait d’obtenir des bénéfices que pour verser dans le sein des pauvres de plus abondantes aumônes. Madame Perier nous apprend cette circonstance touchante dans le petit ouvrage qu’elle a consacré à la mémoire de son frère ; nous en citerons ce passage :

« Dès que l’affaire des carrosses fut établie, il me dit qu’il vouloit demander mille francs par avance, pour sa part, à des fermiers avec qui l’on traitoit… pour envoyer aux pauvres de Blois ; et comme je lui disois que l’affaire n’étoit pas assez sûre pour cela, et qu’il falloit attendre à une autre année, il me fit tout aussitôt cette réponse : qu’il ne voyoit pas un grand inconvénient à cela, parce que, s’ils perdoient, il le leur rendroit de son bien, et qu’il n’avoit garde d’attendre à une autre année, parce que le besoin étoit trop pressant pour différer la charité : et comme on ne s’accordoit pas avec ces personnes, il ne put exécuter cette résolution, par laquelle il nous faisoit voir la vérité de ce qu’il nous avoit dit tant de fois, qu’il ne souhaitoit avoir du bien que pour en assister les pauvres, puisqu’en même temps que Dieu lui donnoit l’espérence d’en avoir, il commençoit à le distribuer par avance, avant même qu’il en fut assuré[11] ».

On a vu que la première route fut établie le 18 mars 1662. Ce jour-là sept carrosses parcoururent pour la première fois les rues qui conduisent de la Porte-Saint-Antoine au Luxembourg[12].

La seconde route, qui commençait à la rue Saint Antoine, vis-à-vis de la Place Royale, et se terminait à la rue Saint-Honoré, à la hauteur de Saint-Roch, fut ouverte le onze avril 1662.

Et enfin la troisième route, de la rue Montmartre, au coin de la rue Neuve-Saint-Eustache, au Luxembourg, fut mise en exercice le 22 mai de la même année 1662.

Sauval assure qu’au bout de peu d’années on ne se servit plus de ces carrosses ; il attribue la chute de l’entreprise à la mort de Pascal. Le passage de cet écrivain est si singulier, que nous croyons devoir l’insérer ici en entier. « Chacun, dit-il, deux ans durant, trouva ces carrosses si commodes, que des auditeurs et maîtres de comptes, des conseillers du Châtelet et de la cour, ne faisoient aucune difficulté de s’en servir pour venir au Châtelet et au Palais : ce qui les fit augmenter de prix d’un sol, jusque-là que le duc d’Enghien[13] s’en servi par occasion. Mais que dis-je ? le Roi, passant l’été à Saint-Germain, où il consentit que tels carrosses vinssent, lui-même par plaisir monta dans un, et du vieux château où il logeoit, vint au nouveau trouver la Reine-mère. Nonobstant cette grande vogue, l’usage de ces carrosses, trois ou quatre ans après leur établissement, fut si méprisé qu’on ne s’en servoit presque plus, et ce mauvais succès fut attribué à la mort de Paschal[14], célèbre mathématicien, mais plus encore par ses Lettres au Provincial, car à ce qu’on dit, il en étoit l’inventeur, aussi bien que le conducteur, et de plus l’on veut qu’il en eût fait l’horoscope et mise au jour, sous certaine constellation, dont il auroit bien su détourner les mauvaises influences[15]. »

La vogue des carrosses à cinq sous fut si grande, qu’un comédien de la troupe du Marais, nommé Chevalier, fit une comédie en trois actes et en vers, qu’il intitula l’Intrigue des carrosses à cinq sols. Elle fut représentée, en 1662, sur le théâtre du Marais. Les frères Parfaict ont donné un extrait de cette pièce dans l’Histoire du théâtre-français[16].

La pièce de Chevalier fut imprimée en 1663 ; une nouvelle édition vient d’en être publiée[17]. L’éditeur aura pensé que la vogue des Omnibus pourrait tant soit peu rejaillir sur ce pitoyable ouvrage. Il a cru devoir supprimer l’épître dédicatoire à Madame de la Châtaigneraie, et l’avis du libraire, dont le ridicule aurait au moins donné quelques curiosité à cette reproduction.

Nous en citerons les vers suivants qui confirment ce que nous avons dit sur le nom des fiacres, et indiquent que les carrosses ne parcouraient que les trois routes dont nous venons de parler.

Dans la scène cinquième du premier acte, Guillot dit à Clidamont, son maître :

On vous voit le jour en fiacres à cinq sous,
À faire l’entendu, le beau fils, les yeux doux ;
À nommer vos objets de merveilleux chefs-d’œuvres,
Ce pendant que Guillot avale des couleuvres.
Ah ! monsieur, j’aimerois tout autant me voir mort,
Que d’être à tout moment à courir le bon bord
À la Place royale, et puis aux Tuileries,
Luxembourg, l’Arsenal, ce sont nos galeries ; etc.

On voit encore dans la seconde scène du deuxième acte que les laquais et les cochers de ces carrosses étaient vêtus de bleu[18] ; Clindor, en montant, dit au petit laquais :

Tiens, petit enfant bleu, prends mes cinq sous marquez.

La pièce n’offre au reste aucun intérêt ; en donner l’analyse serait abuser de la patience des lecteurs.

Nous allons indiquer la série des pièces relatives aux carrosses à cinq sols qui composent le petit recueil que nous publions.

1o Lettres-patentes données par Louis XIV, au mois de janvier 1662, portant établissement des carrosses à cinq sols.

2o Arrêt du Parlement de Paris du 7 février 1662 qui ordonne, sous de certaines conditions, l’enregistrement de ces lettres-patentes.

3o Lettres du marquis de Crenan (l’un des concessionnaires) à Arnauld de Pomponne, du 26 février 1662, relative à quelques préparatifs qui concernent l’entreprise des carrosses.

4o Lettre de madame Perier (sœur de Pascal) à Arnauld de Pomponne, du 21 mars 1662.

Cette lettre est suivie d’une apostille de la main de Pascal. Ces lignes sont d’autant plus précieuses, qu’il est vraisemblable que se sont les dernières que la main de ce grand homme ait tracées. Nous les avons fait lithographier avec la fin de la lettre de madame de Perier.

5o  La copie du placard imprimé, qui fut affichée dans Paris, pour annoncer que l’ouverture de la seconde route aurait lieu mardi 11 avril 1662.

6o  La copie d’un autre placard imprimé, qui fut également affiché, pour annoncer que l’ouverture de la troisième route aurait lieu le lundi 22 mai 1662.

Nous aurions voulu faire connaître la forme des carrosses à cinq sous, mais nous n’avons pu en trouver ni le dessin, ni la gravure. On voit seulement par les pièces qui suivent, que ces voitures contenaient huit personnes, qu’elles étaient supportées par de longues sous-pentes posées sur des moutons. Ainsi, elles avaient la forme des carrosses qui sont représentées dans les tableaux de Vander Meulen et de Martin.

Nous mettons à la suite les lettres-patentes données par Louis XIV au mois de mars 1662, portant établissement dans Paris de porte-flambeaux et de porte-lanternes. Elles sont suivie de l’arrêt du Parlement qui ordonne l’enregistrement de ces lettres sous diverses conditions ; un imprimé du temps indique de quelle manière cette administration fut organisée.

Ces documents se rattachent naturellement aux recherches sur les carrosses à cinq sous ; elles ne peuvent manquer d’intéresser les habitants de Paris.


Août 1828.
L. J. N. MONMERQUÉ




LES CARROSSES
À CINQ SOLS,
OU
LES OMNIBUS
DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.


I.

EXTRAIT
DES REGISTRES DU PARLEMENT,
9e vol. des Ordonnances de Louis XIV,
RRR. f° 28, recto. (Archives judiciaires du royaume.)

Établissement de Carrosses en la ville de Paris, en faveur des sieurs duc de Roanès, marquis de Sourches et marquis de Crénan.


LOUIS, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Nostre très cher et bien amé cousin, le duc de Roanès, pair de France, gouverneur et nostre lieutenant général de nostre province de Poitou, et nos chers et amez les marquis de Sourches, chevalier de nos ordres, grand prévost de nostre hostel, chevalier et marquis de Crénan, grand échanson de France ; nous ayant très-humblement supplié de leur vouloir accorder la permission de faire un establissement dans la ville et faubourgs de Paris, pour la commodité d’un grand nombre de personnes peu accommodées, comme plaideurs, gens infirmes et autres qui, n’ayant pas le moyen d’aller en chaises ou en carrosse, à cause qu’il en couste une pistole ou deux écus[19] pour le moins par jour, pourront estre menez en carrosse pour un prix tout à fait modique, par le moyen de l’establissement de carrosses qui feroient tousjours les mesmes trajets de Paris d’un quartier à autre ; sçavoir les plus grands pour cinq sols marquez, et les autres à moins, et pour les fauxbourgs à proportion, et partiroient toujours à heures réglées, quelque petit nombre de personnes qui s’y trouvassent auxdites heures, et mesme à vuide, quand il ne s’y presenteroit personne, sans que ceux qui se serviroient de ladite commodité fussent obligez de payer plus que leurs places ; nous aurions sur le placet qu’ils nous en auroient présenté, renvoyé l’affaire à nostre conseil, le vingt-cinquiesme novembre dernier, pour donner son avis sur le contenu en iceluy ; sur quoy nostre dit conseil ayant par son résultat du dis-neufviesme janvier, mois présent, cy attaché sous nostre contre scel, déclaré que nous pouvons accorder à nostre dit cousin le duc de Roanès, et auxdits marquis de Sourches et de Crenan, la permission et concession d’establir des carrosses publics dans la ville et fauxbourgs de Paris, à l’instar des coches de la campagne, et qu’à cet effet toutes lettres nécessaires peuvent estre expédiées. À ces causes désirans reconnoistre les services de nostre dit cousin le duc de Roanès et desdits marquis de Sourches et de Crenan, qui nous sont en très particulière recommandation, et faciliter autant qu’il nous est possible la commodité de nos sujets, de nostre grace spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons donné et octroyé, donnons et octroyons à nostre dit cousin le duc de Roanès et aux dits marquis de Sourches et de Crenan, par ces présentes signées de notre main, la faculté et permission d’establir en nostre dite ville et fauxbourgs de Paris, et autres de notre obéissance, tel nombre de carrosses qu’ils jugeront à propos, et aux lieux qu’ils trouveront le plus commode, qui partiront à heures réglées pour aller continuellement d’un quartier à autre, où chacun de ceux qui se trouveront auxdites heures ne payera que sa place, pour un prix modique comme il est dit cy-dessus ; pour jouir dudit privilège par nostre dit cousin le duc de Roanès et marquis de Sourches et de Crenan, leurs successeurs et ayant causes, pleinement et paisiblement et à tousjours ; faisant très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, de faire, ni souffrir estre fait, aucun establissement de carrosses, coches, ou autres voitures différentes, sous prétexte qu’elles fussent d’autre forme, figure, nombre de chevaux, et autres différences, ni de toutes autres sortes de voitures roulantes généralement quelconques, qu’on voudroit faire aller à l’instar des coches de la campagne, et à l’imitation du présent establissement, dans nostre bonne ville de Paris et autres, sans la permission de nostre dit cousin le duc de Roanès et des dits marquis de Sourches et de Crenan, ou de ceux qui se trouveront estre valablement autorisez d’eux ou de leurs successeurs et ayant cause, à peine contre les contrevenans de trois mil livres d’amende et de confiscation de leurs chevaux, carrosses et autres voitures. Si donnons en mandement à nos amez et féaux conseillers, les gens tenant nostre cour de Parlement de Paris, et autres qu’il appartiendra, que ces présentes ils fassent enregistrer et du contenu en icelles jouir et user nostre dit cousin le duc de Roanès et marquis de Sourches et de Crenan, leurs successeurs et ayant cause, pleinement et paisiblement et à toujours, cessant et faisant cesser tous troubles et empeschements au contraire, car tel est notre plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, au mois de janvier l’an de grace mil six cent soixante deux, et de nostre règne le dix-neufviesme. Signé Louis, et sur le reply, de par le Roy, de Lomenie, et scellé du grand sceau de cire verte.

Registrées, ouy et ce consentant le procureur général du Roy, pour jouir par les impetrans de l’effet et contenu en icelles aux modifications portées par l’arrest de ce jour, à Paris, en Parlement, le sept février mil six cent soixante deux.

Collationné à son original,
Signé Du TILLET.
II.
EXTRAIT
DES REGISTRES DU PARLEMENT.
Conseil secret, vol. K (Arch. judic. du royaume).
Séparateur
Du mardi sept février mil six cente soixante-deux

Veu par la Cour, les lettres patentes du Roy, données à Paris au mois de janvier 1662, signées Louis, et sur le reply, par le Roy, de Lomenie, et scellées sur laz de soie du grand sceau de cire verte, obtenues par messires Artus Gouffier du de Roanès, etc. Jean De Bouschet, chevalier des ordres du Roy, marquis de Sourches, grand prévost de l’hôtel, et Pierre de Perrien, chevalier, marquis de Crenan, grand eschanson de France, par lesquelles et pour les causes y contenues, ledit seigneur leur auroit donné et octroyé la faculté de (suit l’extrait des lettres patentes)………

……Requête présentée à la Cour par lesdits impetrans à fin d’enregistrement desdites lettres, conclusions du procureur général du Roy, ouy le rapport de M. Pierre de Brilhac, conseiller du Roy en la Cour, tout considéré, la Cour a ordonné et ordonne que lesdites lettres seront registrées au greffe d’icelle pour estre exécutées, et jouir par les impetrans de l’effet et contenu en icelles, à la charge que les soldats, pages, laquais et autres gens de livrées, mesmes les manœuvres et gens de bras, ne pourront entrer esdits carrosses, et sans que lesdites lettres puissent nuire ni préjudicier à la liberté de ceux qui louent des carrosses dans la ville et fauxbourgs de Paris[20], et sans préjudice des voitures bien et duement establies en icelle, ni de celles qui pourront estre establies à l’avenir.


♣♣♣♣♣♣♣♣♣
III
LETTRE
DU MARQUIS DE CRENAN[21]
À ARNAULD DE POMPONNE.
Séparateur


(Paris) ce 26 février (1662).


Nous avons cru que vous seriez bien aise de savoir l’essai que nous avons fait de la force des chevaux de louage. Nous en avons loué deux, deux jours de suite, qui ont parti à six heures du matin, et ont fait leurs huit routes gaillardement ; quatre le matin, et finissoient devant onze heures, n’allant qu’au pas, et ayant même rencontré des embarras : l’après-dînée, ils commençoient à deux heures et demie et finissoient à six. C’étoit un même carrosse de louage et les mêmes chevaux ont travaillé tous les deux jours, et ils n’étoient point harassés. De-là vous jugerez du reste. Nous avons fait marché à huit tours, à cent écus par mois, pour une route, laquelle serait déjà établie sans la raison principale. Nous espérons y remédier dans un peu de jours. Nous sommes persécutés de tout le monde pour l’établir, et un chacun dit qu’il ira, et notre affaire est maintenant crue aussi bonne qu’elle passoit au commencement pour ridicule, et, nous la tenons tous maintenant indubitables.

Mandez-vous, je vous supplie, des nouvelles de votre santé, et nous croyez absolument à vous.

Signé : Cn
Suscription : À monsieur de Pomponne.
On lit au dos, de la main de Pomponne : — 26 février 1662, M. le marquis de Crenan[22].
IV
LETTRE
DE MADAME PERRIER
À ARNAULD DE POMPONNE.
Séparateur


À Paris, ce 21 mars 1662


Comme chacun s’est chargé d’un emploi particulier dans l’affaire des carrosses, j’ai brigué avec empressement celui de vous faire savoir les bons succès, et j’ai eu assez de faveur pour l’obtenir ; ainsi, monsieur, toutes les fois que vous verrez de mon écriture, vous pourrez vous assurez qu’il y a de bonnes nouvelles.

L’établissement commença samedi à sept heures du matin ; mais avec éclat et une pompe merveilleux. On distribua les sept carrosses dont on a fourni cette première route. On en envoya trois à la porte Saint-Antoine et quatre devant Luxembourg, où se trouvèrent en même temps deux commissaires du Châtelet en robe, quatre gardes de monsieur le grand prévôst, dix ou douze archers de la ville, et autant d’hommes à cheval.

Quand toutes les choses furent en état, messieurs les commissaires proclamèrent l’établissement, et ayant remontré les utilités, ils exhortèrent les bourgeois de tenir main forte, et déclarèrent à tout le petit peuple que si on faisoit la moindre insulte, la punition seroit rigoureuse, et ils dirent tout cela de la part du Roi. Ensuite ils délivrèrent aux cochers chacun leurs casaques, qui sont bleues, des couleurs du Roi et de la ville, avec les armes du Roi et de la ville en broderies sur l’estomac : puis ils commandèrent la marche.

Alors il partit un carrosse avec un garde de monsieur le grand prévôt dedans. Un demi-quart d’heure après on en fit partir un autre, et puis les deux autres dans des distances pareilles, ayant chacun un garde qui y demeurèrent tout ce jour-là. En même temps les archers de la ville et les gens de cheval se répandirent dans toute la route.

Du côté de la porte Saint-Antoine, on pratiqua les mêmes cérémonies, à la même heure, pour les trois carrosses qui s’y étoient rendus, et on observa les mêmes choses qu’à l’autre côté pour les gardes, pour les archers et pour les gens de cheval. Enfin la chose a été si bien conduite qu’il n’est pas arrivé le moindre désordre, et ces carrosses-là marchent aussi paisiblement comme les autres.

Cependant la chose a réussi si heureusement, que dès la première matinée, il y eut quantité de carrosses pleins, et il y alla même plusieurs femmes ; mais l’après-dînée ce fut une si grande foule, qu’on ne pouvoit en approcher, et les autres jours ont été pareils ; de sorte qu’on voit par expérience que le plus grand inconvénient qui s’y trouve, c’est celui que vous aviez appréhendé ; car on voit le monde dans les rues qui attend un carrosse pour se mettre dedans, mais quand il arrive, il se trouve plein : cela est fâcheux, mais on se console, car on sait qu’il en viendra un autre dans un demi-quart d’heure : cependant, quand cet autre arrive, il se trouve qu’il est encore plein, et quand cela est arrivé ainsi plusieurs fois, on est contraint de s’en aller à pied ; et, afin que vous ne croyiez pas que je dis cela par hyperbole, c’est que cela m’est arrivé à moi-même. J’attendois à la porte de Saint-Merry, dans la rue de la Verrerie, ayant grande envie de m’en retourner en carrosse, parceque la traite est un peu longue de là chez mon frère, mais j’eus le déplaisir d’en voir passer cinq devant moi, sans pouvoir y avoir place, parce qu’ils étoient tous pleins ; et pendant ce temps-là j’entendois les bénédictions qu’on donnoit aux auteurs d’un établissement si avantageux et si utile au public ; et comme chacun disoit son sentiment, il y en avoit qui disoient que cela étoit parfaitement bien inventé, mais que c’étoit une grande faute de n’avoir mis que sept carrosses sur une route, et qu’il n’y en avoit pas pour la moitié du monde qui en avoit besoin, et qu’il falloit y en avoir mis pour le moins vingt : j’écoutois tout cela, et j’étois de si mauvaise humeur d’avoir manqué cinq carrosses que j’étois presque de leur sentiment dans ce moment-là. Enfin, c’est un applaudissement si universel, que l’on peut dire que jamais rien n’a si bien commencé. Le premier et le second jour, le monde était rangé sur le Pont-Neuf et dans toutes les rues pour les voir passer, et c’était une chose plaisante de voir tous les artisans cesser leur ouvrage pour les regarder, en sorte que l’on ne fit rien samedi dans toute la route, non plus que si c’eût été une fête. On ne voyoit partout que des visages riants, mais ce n’étoit pas un rire de moquerie, mais un rire d’agrément et de joie, et cette commodité se trouve si grande que tout le monde la souhaite, chacun dans son quartier.

Les marchands de la rue Saint-Denis demandent une route avec tant d’instance qu’ils parloient même de présenter requête. On se disposoit à leur en donner une dans huit jours, mais hier au matin, M. de Roanès, M. de Grenan, et M. le Grand-Prévôt[23], étant tous trois au Louvre, le Roi s’entretint de cette nouvelle avec beaucoup d’agrément, et en s’adressant à ces messieurs, il leur dit : « Et notre route, ne l’établirez-vous pas bientôt ? » Cette parole du Roi les oblige de penser à celle de la rue Saint-Honoré, et de différer de quelques jours celle de la rue Saint-Denis. Au reste, le Roi en parlant de cela, dit qu’il vouloit qu’on punît rigoureusement ceux qui feroient la moindre insolence, et qu’il ne vouloit point qu’on troublât en rien cet établissement.

Voilà en quel état est présentement l’affaire ; je m’assure que vous ne serez pas moins surpris que nous de ce grand succès : il a surpassé de beaucoup toutes nos espérances. Je ne manquerai pas de vous mander exactement tout ce qui arrivera de bon, suivant la charge qu’on m’en a donnée, pour suppléer au défaut de mon frère, qui s’en seroit chargé avec beaucoup de joie, s’il pouvoit écrire.

Je souhaite de tout mon cœur d’avoir matière pour vous entretenir toutes les semaines, et pour votre satisfaction, et pour d’autres raisons que vous pouvez bien deviner. Je suis votre très-obéissante servante.

G. Pascal.


APOSTILLE DE LA MAIN DE PASCAL.


J’ajouterai à ce que dessus, qu’avant-hier, au petit coucher du Roi, une batterie dangereuse fut entreprise contre nous par deux personnes de la cour, les plus élevées en qualité et esprit, et qui allait à la ruiner en la tournant en ridicule, et qui eût donné lieu d’entreprendre tout ; mais le Roi y répondit si obligeamment et si sèchement pour la beauté de l’affaire et pour nous, qu’on rengaîna et promptement. Je n’ai plus de papier. Adieu ; je suis tout à vous[24].


V.
COPIE
D’UN PLACART IMPRIMÉ,
Étant dans un recueil d’édits et autres pièces, Biblioth. royale de l’Arsenal, in-4o, Jurisprudence, no 2830.
Séparateur



DE PAR LE ROY,


SECONDE ROUTE DES CARROSSES PUBLIOCS ESTABLIS POUR LA COMMODITÉ DES BOURGEOIS DE PARIS.


On fait à sçavoir, que l’on commencera Mardy prochain, onzième jour du mois d’Avril, la seconde route des carrosses publics qui iront de la rue Saint-Antoine, vis-à-vis la Place-Royale, jusques à la rue Saint-Honoré près l’église Saint-Roch, lesquels carrosses partiront pleins ou vuides, et commenceront leur route à six heures et demie du matin, et continueront de demy quart d’heure, en

demy quart d’heure ; (ce qui sera toujours de mieux en mieux exécuté, et dans les heures mesmes où la disnée a causé jusques à present quelque retardement, qui n’arrivera plus, par le moyen d’une auction de l’établissement :) Et passeront par la rue et Place Royale, rue Neuve-Sainte-Catherine[25], rue des trois Pavillons, rue Barbette, vieille rue du Temple, rue des Quatre fils, eschelle du Temple, Michel le Comte, rue Grenier Saint-Lazare, rue aux Ours, rue Saint-Denis, r…[26]
Il partira aussi aux mesmes heures d’autres carrosses[27]
route, et iront jusques au mesme endroit de la rue Saint-Antoine, sans se détourner, et ne s’arresteront que pour laisser monter et descendre en tel lieu de ladite route que l’on voudra, et où chacun ne payera pour sa place que le prix ordinaire, « 

Et ainsi tous ceux qui se trouveront dans les rues cy dessus marquées, où aux environs, pourront prendre lesdits carrossés en tel lieu de ladite route qui leur sera le plus commode, et les faire arrester pour y monter, ou se faire descendre, en tel lien aussi de ladite route qui leur plaira.

Et pour la plus grande commodité du public, en attendant qu’on establisse toutes les routes droites, par le moyen desquelles on ira dans un mesme carrosse de tous les quartiers de Paris aux autres, l’on a pratiqué que la seconde route se vint rejoindre à la première dans la rue Saint-Denys, près Saint-Innocent, afin que l’on puisse se servir de l’advantage des deux routes ; car, par ce moyen, ceux qui voudront, par exemple, aller du quartier de Luxembourg, vers celui des Petits-Capucins du Marais, se mettront dans un des carrosses de la rue de Tournon, qui les menera jusques dans la rue Saint-Denys, au bout de la rue des Lombards, où ils se feront descendre, pour monter dans le premier carrosse qui passera par le coin de Saint-Innocent, qui les menera au Marais. De mesme ceux du quartier Saint-Gervais, qui auront affaire au Louvre, s’y feront mener par la mesme manière : Et enfin on pourra aller de cette sorte de tous les quartiers d’une route, à tous ceux de l’autre : et encore qu’en changeant de carrosse, on soit obligé de payer de nouveau, néantmoins le prix est si modique, et la commodité si grande, qu’il n’y a personne qui ne soit bien aise de se servir de cet advantage, en attendant l’establissement des autres (comme il est dit cy dessus) où l’on ne payera qu’une fois, parce-qu’on ne changera plus de carrosse.

Et attendu que par expérience on a trouvé qu’il arrivoit divers inconvénients lorsque l’on retenoit les carosses entiers, pour six places seulement, et entr’autres, que dès qu’il y avoit six personnes dans lesdits carrosses, ils refusoient de recevoir les survenants, disant qu’ils estoient tous d’une mesme compagnie, et avoient arresté le carrosse tout entier, ce qui apportoit une incommodité fort notable à ceux qui attendoient sur la route ; on fait à scavoir que personne ne pourra retenir lesdits carrosses entiers, qu’en payant les huit places. Et comme on a encore eu advis qu’il estoit arrivé quelques inconvéniens qui pouvoient donner de l’incommodité aux bourgeois qui desirent se servir desdits carrasses : comme par exemple, lorsque les cochers refusent de s’arrester pour les prendre sur la route, quoyqu’il y ait encore des places vuides, ou autres choses semblables ; on fait aussi à scavoir que l’on a marqué tous les carrosses, et que la marque est posée au haut des moutons[28] aux deux costez du siège du cocher, avec des fleurs de lys, par un, deux, trois, quatre, etc., selon le nombre des carrosses de chaque route. Et ainsi on prie ceux qui pourroient avoir quelque sujet de se plaindre des cochers, de vouloir se souvenir de la marque du carrosse, et d’en donner advis au commis d’un des bureaux, afin qu’on y donne l’ordre nécessaire.

Les carrosses seront toujours armoriez des armes et blazons de la Ville de Paris, et les cochers vestus d’une casaque bleue.

On fait aussi à sçavoir que par l’arrest de vérification du Parlement, défenses sont faites à tous soldats, pages, laquais, et autres gens de bras, d’y entrer, pour la plus grande commodité et liberté des bourgeois.


VI.
COPIE
D’UN PLACART IMPRIMÉ,
Étant dans un recueil d’édits et autres pièces, Biblioth. royale de l’Arsenal, in-4o, Jurisprudence, no 2830.
Séparateur



DE PAR LE ROY,


On fait à sçavoir que la troisiesme route des carrosses publics sera établie le lundy, 22e jour de may 1662, et qu’ils commenceront à partir à six heures et demie du matin de la rue Montmartre, au carrefour de la rue Neuve-St.-Eustache, et passeront de demy quart d’heure en demy quart d’heure par la rue des Fossez-Montmartre, rue des Vieux-Augustins, rue Coquillière, rue Grenelle, devant l’hostel de monsieur le Chancelier[29], rue d’Orléans devant celuy de monsieur le Procureur général[30], rue Saint-Honoré, à la Croix du Tiroir, rue de l’Arbre-Sec, devant Saint-Germain-l’Auxerrois, sur le Pont-Neuf, au Cheval de bronze, le long du cay des Orphèvres, vis-à-vis la porte de l’hostel de monsieur le premier Président[31], rue neufve Saint-Louys, sur le pont Saint-Michel, rue de la Harpe, rue des Cordeliers, à la porte Saint-Germain, rue de Condé et rue de Tournon, jusqu’au bureau cy-devant estably devant Luxembourg : où estant arrivez ils retourneront sans retardement et par le mesme chemin à ladite rue Montmartre, et ne s’arresteront que pour laisser monter ou descendre, en tel lieu de la route que l’on voudra, et

où chacun ne payera pour sa place que le prix ordinaire. Ainsi ceux qui auront affaire au Sceau, au Louvre, au grand Conseil et au Palais, pourront se servir des carrosses de cette route[32]
 

bronze[33] ; et avec la seconde qui va de Saint-Roch à la dite rue Saint-Antoine, le long de la rue Saint-Honoré, depuis la Croix du Tiroir jusqu’au carrefour de la rue d’Orléans. Ainsi ceux qui voudront aller par exemple, depuis la rue Montmartre et ses environs jusqu’à la Place-Royale, pourront descendre à la Croix du Tiroir, et prendre un des carrosses qui de Saint-Roch vont à ladite Place-Royale, et ainsi des autres. Par ce moyen on pourra aller de chacun des quartiers de ces trois routes à tous ceux des deux autres ; et encore qu’en changeant de carrosse on soit obligé de payer une seconde fois, néantmoins le prix est si modique, et la commodité si grande, qu’il n’y a personne qui ne soit bien aise de se servir de cet avantage.

Le desir que l’on a de rendre le public satisfait de plus en plus, a obligé de faire de grandes dépenses pour avoir un équipage dont chascun aura sujet d’estre content, soit pour la bonté, des chevaux, soit pour la beauté des carrosses, soit pour la diligence avec laquelle ils feront leurs voyages.

On fait aussi à sçavoir que pour empêcher les longueurs des changemens de monnoye, qui consomment beaucoup de temps, on ne prendra point d’or.

Et pour éviter tous les inconvéniens qui pourroient donner de l’incommodité aux bourgeois qui se servent des dits carrosses, comme par exemple lorsque les cochers refusent de s’arrester pour prendre sur la route ceux qui désirent entrer dans les dits carrosses, quoyqu’il y ait des places vuides : le public est averty que tous les carrosses tiendront doresnavant huit personnes à l’aise, et que la marque de chaque carrosse sera apposée aux quatre moutons, par une, deux, trois, ete., selon le nombre des carrosses de chaque route, et dans celle-cy les marques sont de fleurs de lis d’or à fonds d’azur. Ainsi on prie ceux qui pourroient avoir quelque sujet de se plaindre d’un des cochers, de se souvenir de la marque du carrosse, et d’en avertir un des commis qui seront aux bureaux, aux deux bouts de la route, afin qu’on y apporte les ordres nécessaires.

Les carrosses seront toujours armoriez des armes et écussons de la ville, et les cochers et lacquais vestus d’une casaque bleue ; mais celles de cette troisième route auront sur les coutures un galon aurore, blanc et rouge.

Ou fait encore à sçavoir que par l’arrest de vérification au Parlement, défenses sont faites à tous soldats, pages, laquais, et tous autres gens de livrée, manœuvres et gens de bras d’y entrer, pour la plus grande commodité et liberté des bourgeois.

OBSERVATIONS.

Séparateur


On voit dans nos vieux monuments historiques, que dans les temps de troubles, les habitants de Paris étaient obligés, pendant la nuit, de placer des lanternes allumées sur leurs fenêtres.

Un réglement de la chambre des vacations, du 29 octobre 1558, y substitua des falots qui devaient constamment brûler depuis dix heures du soir jusqu’à quatre heures du matin, et être placés au coin de chaque rue, et au milieu, si la rue était longue[34].

Un arrêt du Parlement, du 14 novembre suivant, ordonna qu’on mettrait au lieu de ces falots des lanternes ardentes et allumantes[35].

Ces précautions étaient devenues nécessaires pour la sûreté publique ; Paris était pendant la nuit la proie des larrons et des effracteurs de portes[36].

Mais, soit nonchalance, soit excès de misère, cet utile réglement ne fut exécuté que très-imparfaitement. Les ouvriers se mirent à fabriquer des lanternes ; mais la plupart ne furent pas payés, tant par la nécessité du temps, que pauvreté des manans et habitans et le Parlement fut obligé d’ordonner, le 21 février 1559, que « les matières desdites lanternes, potences pour icelles asseoir et pendre, et autres choses à ce nécessaires, qui n’ont été mises en œuvre, » seraient vendues aux enchères publiques, et que le prix en serait distribué aux pauvres ouvriers[37].

Il y a apparence que dans le cours du siècle qui suivit, l’usage s’établit, en vertu de ces arrêts du Parlement, d’entretenir aux frais des habitants de Paris des lanternes dans les carrefours et au milieu de chaque rue. On voit au moins, par les lettres-patentes qui suivent, qu’il en existait en 1669.

Ces lettres, dont un extrait a seulement été imprimé jusqu’à présent[38], nous ont paru mériter d’être publiées en entier. Elles confèrent à l’abbé Laudati Caraffe le privilége d’établir dans Paris des porte-lanternes et des porte-flambeaux.

Nous y joignons l’arrêt du Parlement qui en ordonne l’enregistrement, sous des conditions assez singulières.

Enfin, un imprimé du temps entre dans des détails singuliers sur la manière dont cette administration était régie.

Il est vraisemblable que l’abbé Laudati Caraffe était de la grande maison napolitaine qui porte ce nom ; il serait possible qu’après la révolution de 1647, dans laquelle le duc de Guise joua un si grand rôle, Laudati Caraffe eût été forcé d’abandonner sa patrie et de se réfugier en France, mais ce m’est qu’une conjecture que nous ne pouvons étayer d’aucune autorité.

Quoi qu’il en soit, il ne paraît pas que l’entreprise des porte-lanternes ait prospéré. Lorsqu’au mois de mars 1667, la charge de lieutenant-général de police fut créée, M. de La Reynie qui en fut le premier pourvu, ordonna que des lanternes seraient établies dans Paris[39] ; mais on ne les allumait que depuis le premier novembre jusqu’au dernier jour de février[40]. On sentit bientôt la nécessité d’éclairer les rues pendant un plus long espace de temps, et un arrêt du 23 mai 1671, ordonna qu’à l’avenir on allumerait les lanternes dès le vingt octobre, et que l’on continuerait de le faire jusqu’au dernier jour de mars[41].

On trouve dans les lettres de madame de Sévigné une trace de ce mode d’éclairage de Paris. « Nous trouvâmes plaisant, écrit-elle à sa fille, d’aller remener madame Scarron à minuit, au fin fond du faubourg Saint-Germain, fort au-delà de madame de la Fayette, quasi auprès de Vaugirard, dans la campagne ;… nous revînmes gaiement à la faveur des lanternes, et dans la sûreté des voleurs[42] »

Nous ne nous proposons pas d’écrire l’histoire de l’éclairage de Paris ; mais il nous a semblé que ces courtes observations étaient nécessaires à l’intelligence des pièces qu’on va lire.

       L. J. N. M.


I.
EXTRAIT
DES REGISTRES DU PARLEMENT,
9e vol. mss. des Ordonnances de Louis XIV,
RRR. f° 140, verso. (Archives judiciaires du royaume.)
Séparateur



Establissement des Porte-flambeaux et des Porte-lanternes en faveur du sieur Laudati Caraffe.


LOUIS, par la gracede Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Les vols, meurtres et accidens qui arrivent journellement en nostre bonne ville de Paris, faute de clarté suffisante dans les rues ; et d’ailleurs la pluspart des bourgeois et gens d’affaires, n’ayant pas les moyens d’entretenir des valets pour se faire éclairer la nuit, pour vacquer à leurs affaires et négoce, souffrant une très-grande incommodité, et principalement l’hiver, que les jours estant courts, il n’y a pas de temps plus commode à y vacquer que la nuit, n’osant pour lors se hazarder d’aller et venir par les rues, faute de clarté, et sur ce que nostre cher et bien amé le sieur abbé Laudati Caraffe nous a fait entendre que, pour la commodité publique, il serait nécessaire d’establir en nostre ville et faubourgs de Paris, et autres villes de nostre royaume, des porte-lanternes et porte-flambeaux pour mener, conduire et éclairer ceux qui voudront aller et venir par les rues ; comme nous sommes particulièrement informez de la fidélité et affection qu’il a tesmoigné au bien de nostre service, et de ceux qu’il nous a rendus, et continue de nous rendre journellement, et des dépens et pertes extraordinaires qu’il a aussi faites dans les emplois que nous lui avons confiez, et voulant luy donner moyen de se dédommager d’une partie d’icelles, sçavoir faisons que pour ces causes et autres particulières considérations, à ce nous mouvans, et de nostre grace spéciale, pleine puissance et autorité royale, avons par ces présentes signées de nostre main, au dit sieur abbé Laudati Caraffe, à l’exclusion de tous autres, acordé et acordons le pouvoir, faculté, permission et privilège d’avoir et d’establir en nostre ville et fauxbourgs de Paris, et en toutes les autres villes de nostre royaume, par toutes les rues, places et lieux qu’il jugera nécessaires pour la commodité publique, des porte-flambeaux et porte-lanternes à louage, pour conduire, mener et esclairer de nuit ceux qui voudront s’en servir pour aller et venir, les lesquelles lanternes seront à plusieurs lumières, pour estre distinguées de celles des bourgeois, et estre connues d’abord et sans peine pour estre de louage par ceux qui en auront besoin. Pour dudit pouvoir, privilège, faculté et permission, jouir et user, en faire et disposer par ledit sieur abbé Laudati Garasse, ses hoirs, successeurs et ayant cause, pleinement, paisiblement et perpétuellement. Voulons et nous plaist que les lanternes qui sont aux coins et au milieu des rues de nostre ville et fauxbourgs de Paris, y soient conservées, ainsi que de coutume ; défendons très-expressément à toutes personnes, de quelque qualité et conditions qu’elles soient, de s’immiscer en pareil establissement, ni de lui donner aucun trouble ou empeschement, sous quelque pré texte et occasion que ce soit, à peine de mil livres d’amende, applicable un tiers à l’hospital général, l’autre au dénonciateur, et l’autre audit sieur abbé Laudati Caraffe. Si donnons en mandement à nos amez et seaux seillers, les gens tenans nostre cour de Parlement de Paris, prévost dudit lieu, ou son lieutenant civil, et à tous nos autres justiciers et officiers qu’il appartiendra, chacun à leur égard, que ces dites présentes ils ayent à faire registrer purement et simplement, et de leur contenu jouir et user ledit sieur abbé Laudati Caraffe, ses hoirs, successeurs et ayant cause, pleinement, paisiblement et perpétuellement, comme aussi ceux qu’il commettra pour lesdits porte-flambeaux et porte-lanternes, cessans et faisant cesser tous troubles et empeschemens au contraire ; car tel est nostre plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces dites présentes, sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Paris, au mois de mars, l’an de grace mil six cent soixante-deux, et de nostre règne le dix-neufviesme, signé Louis. Et sur le reply est escrit : Par le Roy, de Lomenie, avec paraphe ; et à costé, visa Seguier, pour servir aux lettres patentes portant permission… etc.

Registrées, ouy et ce consentant le procureur général du Roy, pour jouir par l’impétrant de l’effet et contenu en icelles, aux charges portées par l’arrest de vérification de ce jour, à Paris, en Parlement, le 26 aoust mil six cent soixante-deux.


II.
EXTRAIT
DES REGISTRES DU PARLEMENT,
Conseil secret, vol. K Archives judiciaires du royaume.
Séparateur


Du 26 août 1662.


Veu par la Cour les lettres patentes du Roy, données à Paris au mois de mars 1662, signées Louis, etc., obtenues par le sieur abbé Laudati de Caraffe, par lesquelles… etc. Arrest du 5 aoust dernier, par lequel la cour avant de procéder à l’enregistrement desdites lettres, auroit ordonné qu’elles seroient communiquées au lieutenant civil, prévost des marchands et eschevins, pour donner leur advis sur icelles, et que par le conseiller rapporteur[43] il seroit informé de la commodité ou incommodité dudit establissement, pour ce fait, rapporté et communiqué au procureur général dudit seigneur, estre ordonné ce que de raison ; les advis dudit lieutenant-civil et prévost des marchands et eschevins des 8 et 9 aoust 1662, ensemble l’information… etc. ; requeste présentée par les impétrans, afin d’enregistrement desdites lettres, conclusions du procureur général ; tout considéré, la Cour a ordonné et ordonne que lesdites lettres seront registrées au greffe d’icelles, pour en jouir par l’impetrant, pendant vingt années, selon leur forme et teneur ; faict deffenses à toutes personnes de troubler ledit Laudati Caraffe en la jouissance et possession desdits porte-flambeaux et porte-lanternes, ny de s’immiscer au fait desdits porte-flambeaux et porte-lanternes, que par la permission par écrit dudit Laudati Caraffe, à la charge que tous les flambeaux dont lui ou ses commis se serviront, seront pris et acheptez chez les maistres espiciers de ceste ville de Paris, ou fabriquez par eux ; que lesdits flambeaux seront d’une livre et demie, de bonne cire jaune, et marquez des armes de la ville, et divisez en dix portions esgalles, sur lesquelles seront réservés trois poulces, qui seront enclavés dans un morceau de bois, affin que lesdites dix portions puissent brusler entièrement, pour faire service ; pour chacune desquelles portions, ceux qui se voudront servir desdits flambeaux, payeront cinq sols ; et celle desdites portions qui sera entamée sera payée cinq sols, comme si elle estoit consommée ; et à l’esgard desdits porte-lanternes, ils seront divises par postes, qui seront chacun de huit cent pas, valant cent toises, pour lequel poste sera payé, par ceux qui s’en voudront servir, un sol marqué. À ces effets seront obligez lesdits porte-lanternes de faire peindre à chaque poste une lanterne pour éviter les contestations qui pourroient naistre entre lesdits porte-lanternes et ceux qui s’en serviront ; pourront aussi lesdits porte-lanternes esclairer ceux qui vont en carrosse ou en chaise, et pour chascun quart d’heure sera payé cinq sols. À ces effets lesdits porte-lanternes auront un sable, juste d’un quart d’heure, marqué aux armes de la ville, qu’ils porteront attaché à leurs ceintures ; et les gens de pied qui se voudront servir desdites lanternes, payeront par chaque quart d’heure trois sols ; le tout à la liberté de ceux qui voudront s’en servir, et sans que personne puisse estre contrainct de se servir desdits porte-flambeaux, ou porte-lanternes.


III.
COPIE D’UN IMPRIMÉ,
Étant dans un recueil d’édits et autres pièces, Biblioth. de l’Arsenal, Jurisprudence, no 2830.



Establissement des Porte-flambeaux, et Porte-lanternes à louage, dans la ville et faubourgs de Paris, et toutes autres villes du Royaume, par Lettres-patentes du Roy, verifiées en Parlement ; et réglement fait par ladite cour des salaires desdits Porte-flambeaux et Porte-lanternes.


Comme Sa Majesté prend plaisir à donner diverses commoditez à ses subjets, et surtout aux habitans de sa bonne ville de Paris, cela donne occasion aux esprits d’en rechercher tous les jours de nouvelles, comme entr’autres celle de porte-flambeaux et porte-lanternes à louage, pour conduire et esclairer de nuit ceux qui voudront s’en servir pour aller et venir partout où bon leur semblera, dont sadite Majesté par ses lettres-patentes du mois de mars dernier, vérifiées et registrées au Parlement le vingt-sixième jour d’aoûst ensuivant, en a permis l’establissement dans sa ville et faubourgs de Paris, et autres villes de son royaume, avec défenses à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soyent, de s’immiscer en pareil establissement, sans avoir sur cela permission par escrit du propriétaire, qui a obtenu ledit privilége et don, privativement et à l’exclusion de tous autres, à peine de mille livres d’amende.

Pour donner l’intelligence de la commodité doit apporter au public cet establissement, il faut premièrement sçavoir à l’esgard des porte-flambeaux, que lesdits porte-flambeaux se placeront aux environs du Louvre, du palais, lieux d’assemblées, carrefours et places publiques, afin que ceux qui n’auront pas de valets et flambeaux, à point nommé, puissent se retirer chez eux, à toute heure qu’il leur plaira, et estre conduits et esclairez partout où bon leur semblera ; lesquels flambeaux seront du poids d’une livre et demie de bonne cire jaune, afin que la bonté et durée d’iceux oblige un chacun de s’en servir, et marquez des armes de la ville, pour estre connus de louage.

Et afin que ceux qui voudront estre conduits et esclairez par flambeaux, le puissent estre à si peu de frais qu’il leur plaira, la Cour par son arrest dudit jour, 26 aoust dernier, ordonne que lesdits flambeaux du poids et qualité cy-dessus, et marquez des armes de la ville, comme dit est, seront divisez par marques en dix portions esgales, sur lesquelles seront reservez trois pouces, qui seront enclavez dans un morceau de bois, afin que lesdites dix portions puissent brûler entièrement pour faire service ; pour chacune desquelles portions ceux qui se voudront servir desdits flambeaux payeront cinq sols ; et pour esviter toutes contestations, ordonne que celle desdites portions entamée sera payée comme si elle estoit consommée, et que lesdits flambeaux ne pourront estre faits ny fabriquez par autres que par les maistres espiciers de cette ville de Paris.

De sorte que tant pour le flambeau, que pour la peine et salaire de celuy qui le portera, il ne sera payé que cinquante sols. Quoique ledit flambeau (du poids et qualité cy-dessus, pris chez les marchands espiciers) reviendra à trente-cinq sols, et lorsque l’on se voudra servir desdits porte-flambeaux, on leur payera par advance la première portion.

Et à l’esgard des porte-lanternes, il faut scavoir que leurs lanternes seront à huille, et que la lampe d’icelle sera composée de six gros luminons, qui feront autant de clarté qu’aucun flambeau ; l’huille desquelles ne se peut respandre, quelque mouvement violent que l’on puisse faire, ny le feu s’esteindre, pour quelque pluye ou vent que ce soit ; ce qui ne se rencontre pas tousjours dans un flambeau : et lesdites lanternes seront à plusieurs lumières, pour estre distinguées de celles des bourgeois, comme il est porté par lesdites lettres-patentes et arrest de ladite cour de Parlement.

Et afin que ceux qui voudront estre conduits et esclairez par lanternes le puissent estre avec bien moins de frais que par flambeaux, la Cour par son dit arrest a réglé le salaire desdits porte-lanternes, scavoir, pour les gens qui vont à pied, à trois sols pour, quart-d’heure, et pour les gens qui vont en carrosses et en chaises, à cinq sols, et à cet effet ordonne que lesdits porte-lanternes auront un sable, juste d’un quart-d’heure, marqué aux armes de la ville, qu’ils porteront à leurs ceintures ; et lorsque tant les gens des carrosses et de chaises, que ceux qui vont à pied se voudront servir desdits porte-lanternes, ils leur payeront d’avance la susdite taxe, ensuite de quoy lesdits porte-lanternes tourneront leurs sables et marcheront.

Et comme il n’y a point de carrosses ny de chaises, qui dans une traitte d’un quart-d’heure ne se rendent où bon leur semble, en quelque endroit de la ville qu’ils puissent estre, ils trouveront un grand advantage à se servir de cette commodité, tant pour le peu de frais qu’il y a, que parceque ces lanternes feront autant de clarté qu’aucun flambeau, et que leur feu ne se peut esteindre, comme il est dit cy-dessus.

Lesdits porte-lanternes seront postez pareillement aux environs du Louvre, du palais, lieux d’assemblées, carrefours et places publiques, et à mesure que leur nombre augmentera, on les distribuera dans les autres lieux plus passants et plus nécessaires.

Et s’il arrivoit que le nombre d’iceux allast jusques à quinze ou seize cents, pour lors on pourra les poster aux coins et au milieu des rues, de trois cents en trois cents pas, ce qui donnera une troisiesme commodité au public d’estre éclairé de poste en poste ; pour chacun desquels postes sera payé un sol marqué, suivant le réglement de ladite cour. Lesquels porte-lanternes se relayeront les uns les autres et retourneront en mesme temps au poste d’où ils seront partis ; et en cas que, dans le poste où ils auront conduit et esclairé, il ne se trouve aucun porte-lanterne, à cause qu’il seroit party de son poste pour éclairer d’autres personnes, ils poursuivront à esclairer de poste en poste, jusques à ce qu’ils ayent trouvé un autre porte-lanterne, et prendront pareillement chacun desdits postes un sol marqué ; de sorte qu’en quelque endroit de la ville et des faubourgs que l’on puisse estre, on pourra trouver des porte-lanternes qui esclaireront et escorteront de rue en rue, et de poste en poste.

Et ceste commodité de pouvoir aller et venir, et d’estre esclairé à si peu de frais, fera que les gens d’affaires et de négoce sortiront plus librement, que les rues en seront bien plus fréquentées de nuit (ce qui contribuera beaucoup à exempter la ville de Paris de voleurs), et que l’on pourra fort souvent rencontrer des occasions d’estre esclairé sans que qu’il en couste rien, en suivant lesdits porte-flambeaux et porte-lanternes, lorsqu’ils éclaireront d’autres personnes.

Outre les commoditez que cet establissement apporte à ceux qui se feront esclairer, il en donne d’autres à ceux qui seront employez à cet exercice ; par exemple à quantité de manœuvres, de beaucoup de sortes de mestiers, qui, dans la saison de l’hyver, ne peuvent trouver aucun travail pour gaigner leur vie, et à quantité de pauvres gens d’y faire occuper leurs enfans de quinze à seize ans, qui bien souvent ne font rien, et leur sont à charge.

Ceux qui voudront estre employez à porter lesdits flambeaux et lanternes, s’adresseront au bureau estably à cet effet, où leur sera donnée la permission par escrit, et payeront audit bureau pour le droit quatre sols par jour.

Et aux porte-lanternes sera fourny une lanterne avec une lampe de léton, à six lumières, un sable d’un quart d’heure, et une affiche de fer blanc, où sera peinte une lanterne, qu’ils attacheront eux-mêmes aux postes qui leur seront distribuez, et ne payeront pour ladite lanterne, lampe, sable et affiche, que six livres, quoyque le tout revienne au maistre du bureau à onze livres ; et mesme il seront dispensez et exempts pour le premier mois de payer ledit droit de quatre sols par jour ; après lequel temps ils commenceront à le payer par advance de quinze en quinze jours. Et seront tenus lesdits porte-lanternes, en cas qu’ils quittent, de rapporter au bureau ladite lanterne, lampe et sable, et d’en donner bonne et suffisante caution. On prétend aussi que, tant les porte-flambeaux que porte-lanternes, soient gens connus et ayant leur domicile en cette ville, ou fauxbourgs de Paris, sans quoy il ne seront point reçeus.

Pour ce qui est de la dépense d’huille que lesdits porte-lanternes feront, quand même les six lumières de leurs lanternes seroient toujours allumées, elle ne va qu’à neuf deniers par heure, et ils ne seront obligez à les tenir toutes allumées que lorsqu’ils seront employez.

Et si ceux qui ont le soin des carrosses à cinq sols veulent se servir de la commodité desdites lanternes, ils s’adresseront au bureau estably à cet effet, où leur sera donnée la permission par escrit pour leurs valets, en payant le droit de quatre sols par jour pour chacun d’iceux

Le Bureau est estably rue Saint-Honoré, près les pilliers des halles, et sera ouvert le quatorziesme octobre 1662.


FIN.

    Fermes. Il n’en reste plus que la porte principale, accompagnée de beaux pilastres d’ordre composite. L’Académie Française y tint ses séances jusqu’à la mort du chancelier Séguier.(Voyez Jaillot.Recherches sur Paris, Quartier Saint-Eustache, p.24

  1. Antiquités de Paris, par Sauval, tom. I, p. 187
  2. Œuvres de Sarrasin, t. II, p.19, édit. de 1685.
  3. Traité de la Police, de Delamarre, t. IV, p. 437.
  4. Ibid. p. 438.
  5. Ibid. Antiquités de Sauval, tom.I, p. 192.
  6. Nous publions deux de ces placards.
  7. Loret, Muse historique, liv. XIII Lettre onzième, datée du 18 mars 1662
  8. Gilberte Pascal, femme de Florin Perier, conseiller à la cour des Aides de Clermont-Ferrand. Elle devint veuve en 1672 et mourut en 1687.
  9. « À propos de Pascal, je sais en fantaisie d’admirer l’honnêteté des ces Messieurs les postillons qui sont incessamment sur les chemins pour porter et reporter nos lettres. » (Lettre à madame de Grignan, du 12 juillet 1671.)
  10. Le duc de Roanès était si lié à Pascal, qu’il fut un de ceux qui lui conseillèrent de proposer au public ses célèbres problèmes sur le Cycloïde, ou la Roulette.(Discours sur la vie et les ouvrages de Pascal, par Bossut, à la tête de l’édition des Pensées. Renouard, 1803, p. xciv.)
  11. Vie de M. Pascal, par madame Perier, sa sœur, à la tête des Pensées de Pascal. Amsterdam, 1700, p.34.
  12. Ou plutôt à Luxembourg, comme on disait alors.
  13. Henri Jules de Bourbon-Condé, duc d’Enghien, fils du grand Condé
  14. Pascal mourut le 19 août 1662 ; ainsi les carrosses à cinq sous lui ont survécu pendant plusieurs années.
  15. Antiquités de Sauval, tom. I, p. 192.
  16. Tom. IX, p. 163.
  17. Paris, 1828, in-32, chez Lécluse.
  18. On voit, par le second placard, qu’ils portaient une casaque bleue.
  19. La pistole, équivalente à la pièce de vingt-quatre livres d’aujourd’hui, valoit alors onze livres, et l’écu d’or cinq livres quatorze sols. (Voyez le Traité historique des monnoies de France, de Le Blanc. Amsterdam, 1692, p. 306.)
  20. L’établissement des fiacres. (Voyez les Observations qui précèdent, p. 6.)
  21. Pierre de Perrien, marquis de Crenan, en Bretagne, grans echanson de France. (Voyez l Histoire généalogique des grands-officiers de la couronne, par le P. Anselme, t. VIII, p. 586)
  22. L’original autographe de cette lettre fait partie des manuscrits de Pomponne, à la Bibliothèque royale de l’Arsenal.
  23. M. de Sourches.
  24. L’original autographe de cette lettre fait partie des manuscrits de Pomponne, à la Bibliothèque royale de l’Arsenal.
  25. On omet ici de nommer la rue des Francs-Bourgeois, qui commence à la rue Culture-Sainte-Catherine.
  26. Il y a ici une ligne et demie, environ, qui a été coupée par le relieur.
  27. Il y a encore ici quelques mots coupés.
  28. On appeloit ainsi les pièces de bois, posées à plomb sur l’essieu des carrosses, auxquelles on attachoit les soupentes. (Dictionnaire de Trévoux.) Le même ouvrage définit le carrosse : « Un vaisseau propre à tenir plusieurs personnes, suspendu avec de grosses courroies sur quatre moutons, posé sur un train à quatre roues. »
  29. L’hôtel du chancelier Séguier, acquis de sa famille par les fermiers-généraux, a depuis porté le nom d’Hôtel des
  30. Achille de Harlay, deuxième du nom, était procureur-général du parlement depuis l’année précédente (1661). Cet hôtel, devenu depuis l’hôtel d’Aligre, existe encore, mais avec tant de changements qu’il est difficile de le reconnaître.(Voyez Jaillot. Recherches sur Paris, p.38)
  31. C’est aujourd’hui la Préfecture de Police, après avoir été le bureau central pendant la révolution.
  32. Deux lignes environ ont été coupées par le relieur.
  33. Le cheval de bronze, ou la statue de Henri IV sur le Pont-Neuf.
  34. Félibien, Histoire de Paris, Preuves, tom. IV, p. 785.
  35. Ibid. p. 786.
  36. Félibieu, Histoire de Paris, Preuves, tom. IV, p. 785.
  37. Ibid. p. 786.
  38. Félibien, Histoire de Paris, Preuves, tom. V, p. 191.
  39. Traité de la Police, de Delamarre, Tom. IV, p. 230.
  40. Félibien Histoire de Paris, tom. V, p. 204.
  41. Félibieu, Histoire de Paris, tome V, p. 214.
  42. Lettre du 4 décembre 1673.
  43. M. Tambonneau.