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Les cavaliers de Miss Pimbêche/16

La bibliothèque libre.
George E. Desbarats, éditeur (p. 66-67).


TROIS CANADIENS-FRANÇAIS.

Appel aux Canadiens-Français qui émigrent
aux États-Unis.

« L’ouvrage manque, la misère
«  S’appesantit sur nos hameaux,
«  Et le printemps, pour nous sévère,[1]
«  N’apporte que malheurs nouveaux ! »
— Ainsi parlaient trois fils de France,
Trois Canadiens au cœur vaillant.
« Quittons ces lieux, car l’espérance
Nous fuit : il faut au moins mourrir en travaillant ! »

Ah ! ne franchis pas la frontière,
Ne va pas en lointain pays,
Bon Canadien, c’est la prière
De ta mère éplorée et de tes vrais amis !

C’était le plus vieux de la bande
Qui tenait ce sombre discours.
« Frère, dit le second, demande
« Aux Anciens ce que, dans ces tours
«  Au loin, la bourse et le cœur gagnent ?…
«  Quitter nos mères, nos foyers,

« Nos sœurs !… Que de maux accompagnent
« Le départ des soldats et des aventuriers ! »

Ah ! ne franchis pas la frontière,
Etc., etc., etc.

« Être soldat de ma patrie,
« C’est bien ! » répliqua le dernier,
« À l’étranger vendre ma vie !
« Jamais, fallût-il mendier !
« Frères, votre cœur jeune encore
« A connu la voix de l’amour,
« C’est cette voix qui vous implore,
« Restons, et le bonheur aura bientôt son tour. »

Ah ! ne franchis pas la frontière,
Etc., etc., etc.

Fidèles au vœu de leurs mères
Et fidèles à leur pays,
À leurs blondes, à leurs chaumières,
Ici vivent nos trois amis.
Le dimanche, après la grand’messe,
Le bon cure leur dit parfois :
« Vous êtes heureux ?… Ô jeunesse,
« Bonheur à qui du ciel fait entendre la voix ! »

Ah ! ne franchis pas la frontière,
Ne va pas en lointain pays,
Bon Canadien, c’est la prière
De ta mère éplorée et de tes vrais amis !


  1. Les inondations qui ont eu lieu au printemps de 1865.