Les contes choisis (Aulnoy)/Le Rameau d'or
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LE RAMEAU D’OR.
La reine sa mère voulut qu’on l’appelât Torticoli ; soit qu’elle aimât ce nom, ou qu’étant effectivement tout de travers, elle crût avoir rencontré ce qui lui convenait davantage. Le roi Brun, qui pensait plus à sa grandeur qu’à la satisfaction de son fils, jeta les yeux sur la fille d’un puissant roi, qui était son voisin, et dont les états, joints aux siens, pouvaient le rendre redoutable à toute la terre. Il pensa que cette princesse serait fort propre pour le prince Torticoli, parce qu’elle n’aurait pas lieu de lui reprocher sa difformité et sa laideur, puisqu’elle était pour le moins aussi laide et aussi difforme que lui. Elle allait toujours dans une jatte, elle avait les jambes rompues. On l’appelait Trognon. C’était la créature du monde la plus aimable par l’esprit ; il semblait que le ciel avait voulu la récompenser du tort que lui avait fait la nature.
Le roi Brun ayant demandé et obtenu le portrait de la princesse Trognon, le fit mettre dans une grande salle sous un dais, et il envoya quérir le prince Torticoli, auquel il commanda de regarder ce portrait avec tendresse, puisque c’était celui de Trognon, qui lui était destinée. Torticoli y jeta les yeux, et les détourna aussitôt avec un air de dédain qui offensa son père. — Est-ce que vous n’êtes pas content ? lui dit-il d’un ton aigre et fâché. — Non, seigneur, répondit-il ; je ne serai jamais content d’épouser un cul-de-jatte. — Il vous sied bien, dit le roi Brun, de trouver des défauts en cette princesse, étant vous-même un petit monstre qui fait peur ! — C’est par cette raison, ajouta le prince, que je ne veux point m’allier avec un autre monstre ; j’ai assez de peine à me souffrir : que serait-ce si j’avais une telle compagnie ? — Vous craignez de perpétuer la race des magots, répondit le roi d’un air offensant ; mais vos craintes sont vaines, vous l’épouserez. Il suffit que je l’ordonne pour être obéi. Torticoli ne répliqua rien ; il fit une profonde révérence, et se retira.
Le roi Brun n’était point accoutumé à trouver la plus petite résistance ; celle de son fils le mit dans une colère épouvantable. Il le fit enfermer dans une tour qui avait été bâtie exprès pour les princes rebelles.
Le roi Brun, persuadé que Torticoli se lasserait de sa prison, agit comme s’il avait consenti à épouser Trognon ; il envoya des ambassadeurs au roi son voisin, pour lui demander sa fille, à laquelle il promettait une félicité parfaite. Le père de Trognon fut ravi de trouver une occasion si avantageuse de la marier ; car tout le monde n’est pas d’humeur de se charger d’un cul-de-jatte. Il accepta la proposition du roi Brun ; quoiqu’à dire vrai, le portrait du prince Torticoli, qu’on lui avait apporté, ne lui parût pas fort touchant. Il le fit placer à son tour dans une galerie magnifique ; l’on y apporta Trognon. Lorsqu’elle l’aperçut, elle baissa les yeux et se mit à pleurer. Son père, indigné de la répugnance qu’elle témoignait, prit un miroir. Le mettant vis-à-vis d’elle : Vous pleurez, ma fille, lui dit-il ; ah ! regardez-vous, et convenez après cela qu’il ne vous est pas permis de pleurer. — Si j’avais quelque empressement d’être mariée, seigneur, lui dit-elle, j’aurais peut-être tort d’être si délicate ; mais je chérirai mes disgrâces, si je les souffre toute seule ; je ne veux partager avec personne l’ennui de me voir. Que je reste toute ma vie la malheureuse princesse Trognon, je serai contente, ou tout au moins je ne me plaindrai point. Quelque bonnes que pussent être ses raisons, le roi ne les écouta pas ; il fallut partir avec les ambassadeurs qui l’étaient venu demander.
Pendant qu’elle fait son voyage dans une litière, où elle était comme un vrai Trognon, il faut revenir dans la tour, et voir ce que fait le prince. Aucun de ses gardes n’osait lui parler. On avait ordre de le laisser ennuyer, de lui donner mal à manger, et de le fatiguer par toute sorte de mauvais traitements. Le roi Brun savait se faire obéir : si ce n’était pas par amour, c’était au moins par crainte ; mais l’affection qu’on avait pour le prince, était cause qu’on adoucissait ses peines autant qu’on le pouvait.
Un jour qu’il se promenait dans une grande galerie, pensant tristement à sa destinée qui l’avait fait naître si laid et si affreux, et qui lui faisait rencontrer une princesse encore plus disgraciée, il jeta les yeux sur les vitres, qu’il trouva peintes de couleurs si vives, et les dessins si bien exprimés, qu’ayant un goût particulier pour ces beaux ouvrages, il s’attacha à regarder celui-là ; mais il n’y comprenait rien, car c’était des histoires qui étaient passées depuis plusieurs siècles. Il est vrai que ce qui le frappa, ce fut de voir un homme qui lui ressemblait si fort, qu’il paraissait que c’était son portrait. Cet homme était dans le donjon de la tour, et cherchait dans la muraille, où il trouvait un tire-bourre d’or, avec lequel il ouvrait un cabinet. Il y avait encore beaucoup d’autres choses qui frappèrent son imagination ; et sur la plupart des vitres, il voyait toujours son portrait. Par quelle aventure, disait-il, me fait-on faire ici un personnage, moi qui n’étais pas encore né ? Et par quelle fatale idée le peintre s’est-il diverti à faire un homme comme moi ? Il voyait sur ces vitres une belle personne, dont les traits étaient si réguliers, et la physionomie si spirituelle, qu’il ne pouvait en détourner les yeux. Enfin il y avait mille objets différents, et toutes les passions y étaient si bien exprimées, qu’il croyait voir arriver ce qui n’était représenté que par le mélange des couleurs.
Il ne sortit de la galerie que lorsqu’il n’eut plus assez de jour pour distinguer ces peintures. Quand il fut retourné dans sa chambre, il prit un vieux manuscrit qui lui tomba le premier sous la main ; les feuilles en étaient de vélin, peintes tout autour, et la couverture d’or émaillé de bleu, qui formait des chiffres. Il demeura bien surpris d’y voir les mêmes choses qui étaient sur les vitres de la galerie ; il tâchait de lire ce qui était écrit ; il n’en put venir à bout. Mais tout d’un coup il vit que dans un des feuillets où l’on représentait des musiciens, ils se mirent à chanter ; et dans un autre feuillet, où il y avait des joueurs de bassette et de tric-trac, les cartes et les dés allaient et venaient. Il tourna le vélin : c’était un bal où l’on dansait ; toutes les dames étaient parées, et d’une beauté merveilleuse. Il tourna encore le feuillet : il sentit l’odeur d’un excellent repas ; c’étaient les petites figures qui mangeaient : la plus grande n’avait pas un quartier de haut. Il y en eut une qui se tournant vers le prince : Á ta santé, Torticoli, lui dit-elle, songe à nous rendre notre reine, si tu le fais, tu t’en trouveras bien ; si tu y manques, tu t’en trouveras mal.
Á ces paroles, le prince fut saisi d’une si violente peur, car il y avait déjà quelque temps qu’il commençait à trembler, qu’il laissa tomber le livre d’un côté, et il tomba de l’autre comme un homme mort. Au bruit de sa chute, ses gardes accoururent ; ils l’aimaient chèrement, et ne négligèrent rien pour le faire revenir de son évanouissement. Lorsqu’il se trouva en état de parler, ils lui demandèrent ce qu’il avait ; il leur dit qu’on le nourrissait si mal, qu’il n’y pouvait résister, et qu’ayant la tête pleine d’imaginations, il s’était figuré de voir et d’entendre des choses si surprenantes dans ce livre, qu’il avait été saisi de peur. Ses gardes affligés, lui donnèrent à manger, malgré toutes les défenses du roi Brun. Quand il eut mangé, il reprit le livre devant eux, et ne trouva plus rien de ce qu’il avait vu ; cela lui confirma qu’il s’était trompé.
Il retourna le lendemain dans la galerie ; il vit encore les peintures sur les vitres, qui se remuaient, qui se promenaient dans des allées, qui chassaient de cerfs et des lièvres, qui pêchaient, ou qui bâtissaient de petites maisons ; car c’étaient des miniatures fort petites, et son portrait était toujours partout. Il avait un habit semblable au sien, il montait dans le donjon de la tour, et il y trouvait le tire-bourre d’or. Comme il avait bien mangé, il n’y avait plus lieu de croire qu’il entrât de la vision dans cette affaire. Ceci est trop mystérieux, dit-il, pour que je doive négliger les moyens d’en savoir davantage ; peut-être que je les apprendrai dans le donjon. Il y monta, et frappant contre le mur, il lui sembla qu’un endroit était creux ; il prit un marteau, et démaçonna cet endroit, et trouva un tire-bourre d’or fort proprement fait. Il ignorait encore à quel usage il devait lui servir, lorsqu’il aperçut dans un coin du donjon une vieille armoire de méchant bois. Il voulut l’ouvrir, mais il ne put trouver de ferrures ; de quelque côté qu’il la tournât, c’était une peine inutile. Enfin il vit un petit trou, et soupçonnant que le tire-bourre lui serait utile, il l’y mit ; puis tirant avec force, il ouvrit l’armoire. Mais autant qu’elle était vieille et laide par dehors, autant était-elle belle et merveilleuse par dedans ; tous les tiroirs étaient de cristal de roche gravé, ou d’ambre, ou de pierres précieuses ; quand on en avait tiré un, l’on en trouvait de plus petits aux côtés, dessus, dessous et au fond, qui étaient séparés par de la nacre de perle. On tirait cette nacre, et les tiroirs ensuite ; chacun était rempli des plus belles armes du monde, de riches couronnes, de portraits admirables. Le prince Torticoli était charmé ; il tirait toujours sans se lasser. Enfin il trouva une petite clé, faite d’une seule émeraude, avec laquelle il ouvrit un guichet d’or qui était dans le fond ; il fut ébloui d’une brillante escarboucle qui formait une grande boîte. Il la tira promptement du guichet ; mais que devint-il, lorsqu’il la trouva toute pleine de sang, et la main d’un homme qui était coupée, laquelle tenait encore une boîte de portrait !
Á cette vue Torticoli frémit, ses cheveux se hérissèrent, ses jambes mal assurées le soutenaient avec peine. Il s’assit par terre, tenant encore la boîte, détournant les yeux d’un objet si funeste ; il avait grande envie de la remettre où il l’avait prise, mais il pensait que tout ce qui s’était passé jusqu’alors, n’était point arrivé sans de grands mystères. Il se souvenait de ce que la petite figure du livre lui avait dit : que selon qu’il en userait, il s’en trouverait bien ou mal ; il craignait autant l’avenir que le présent. Et venant à se reprocher une timidité indigne d’une grande âme, il fit un effort sur lui-même ; puis attachant les yeux sur cette main : Ô main infortunée ! dit-il, ne peux-tu par quelques signes m’instruire de ta triste aventure ? Si je suis en état de te servir, assure-toi de la générosité de mon cœur.
Cette main à ces paroles parut agitée, et remuant les doigts, elle fit des signes, dont il entendit aussi bien le discours, que si une bouche intelligente lui eût parlé. Apprends, dit la main, que tu peux tout pour celui dont la barbarie d’un jaloux m’a séparée. Tu vois dans ce portrait l’adorable beauté qui est cause de mon malheur : va sans différer dans la galerie, prends garde à l’endroit où le soleil darde ses plus ardents rayons, cherche, et tu trouveras mon trésor. La main cessa alors d’agir ; le prince lui fit plusieurs questions, à quoi elle ne répondit point. Où vous remettrai-je ? lui dit-il. Elle lui fit de nouveaux signes ; il comprit qu’il fallait la remettre dans l’armoire : il n’y manqua pas. Tout fut refermé ; il serra le tire-bourre dans le même mur où il l’avait pris, et s’étant un peu aguerri sur les prodiges, il descendit dans la galerie.
Á son arrivée les vitres commencèrent à faire un cliquetis et un trémoussement extraordinaire ; il regarda où les rayons du soleil donnaient ; il vit que c’était sur le portrait d’un jeune adolescent, si beau et d’un si grand air, qu’il en demeura charmé. En levant ce tableau, il trouva un lambris d’ébène avec des filets d’or, il le lève, et il se trouve dans un vestibule tout de porphyre, ornée de statues ; il monte un large degré d’agate, dont la rampe était d’or ; il entre dans un salon tout de lapis, et traversant des appartements sans nombre, où il restait ravi de l’excellence des peintures et de la richesse des meubles, il arriva enfin dans une petite chambre, dont tous les ornements étaient de turquoise, et il vit sur un lit de gaze bleue et or, une dame qui semblait dormir. Elle était d’une beauté incomparable ; ses cheveux, plus noirs que l’ébène, relevaient la blancheur de son teint ; elle paraissait inquiète dans son sommeil ; son visage avait quelque chose d’abattu et d’une personne malade.
Le prince craignant de la réveiller, s’approcha doucement ; il entendit qu’elle parlait, et prêtant une grande attention à ses paroles, il entendit ce peu de mots, entrecoupés de soupirs : Penses-tu, perfide, que je puisse t’aimer, après m’avoir éloignée de mon aimable Trasimène ? Quoi ? à mes yeux tu as osé séparer une main si chère, d’un bras qui doit t’être toujours redoutable ? Est-ce ainsi que tu prétends me prouver ton respect et ton amour ? Ah ! Trasimène, mon cher amant, ne dois-je plus vous voir ?
Il restait au pied de son lit comme immobile, ne sachant s’il devait l’éveiller ou la laisser plus longtemps dans un sommeil si triste ; il comprenait déjà que Trasimène était son amant, et qu’il en avait trouvé la main dans le donjon ; il roulait mille pensées confuses sur tant de différentes choses, quand il entendit une musique charmante ; elle était composée de rossignols et de serins, qui accordaient si bien leur ramage, qu’ils surpassaient les plus agréables voix. Aussitôt un aigle, d’une grandeur extraordinaire, entra ; il volait doucement, et tenait dans ses serres un rameau d’or chargé de rubis, qui formaient des cerises. Il attacha fixement ses yeux sur la belle endormie ; il semblait voir son soleil ; et déployant ses grandes ailes, il planait devant elle, tantôt s’élevant, et tantôt s’abaissant jusqu’à ses pieds.
Après quelques moments, il se tourna vers le prince, et s’en approcha, mettant dans sa main le rameau d’or cerisé ; les oiseaux qui chantaient poussèrent alors des tons qui percèrent les voûtes du palais. Le prince jugea que cette dame était enchantée ; il s’avance vers elle, il met un genou en terre, il la frappe avec le rameau, et lui dit : Belle et charmante personne, je vous conjure au nom de Trasimène de rentrer dans toutes les fonctions de la vie. La dame ouvre les yeux, aperçoit l’aigle, et s’écrie : — Arrêtez, cher amant, arrêtez. Mais l’oiseau royal jette un cri aussi aigu que douloureux, et il s’envole avec ses petits musiciens emplumés.
La dame se tournant en même temps vers Torticoli : J’ai écouté mon cœur plutôt que ma reconnaissance, lui dit-elle ; je sais que je vous dois tout, et que vous me rappelez à la lumière, que j’ai perdue depuis deux cents ans. L’enchanteur qui m’aimait, et qui m’a fait souffrir tant de maux, vous avait réservé cette grande aventure ; j’ai le pouvoir de vous servir, j’en ai un désir passionné, et voyez ce que vous souhaitez ;
Le prince reconnaissant embrassa ses genoux. Elle l’obligea de se relever ; il se mira dans les glaces qui ornaient cette chambre, et Sans-Pair ne reconnut plus Torticoli. Il était grandi de trois pieds ; il avait des cheveux qui tombaient par grosses boucles sur ses épaules, un air plein de grandeur et de grâces, des traits réguliers, des yeux d’esprit ; enfin c’était le digne ouvrage d’une fée bienfaisante et sensible. Que ne m’est-il permis, lui dit-elle, de vous apprendre votre destinée ! de vous instruire des écueils que la fortune mettra en votre chemin ! de vous enseigner les moyens de les éviter ! Que j’aurais de satisfaction de joindre ce bon office à celui que je viens de vous rendre ! mais j’offenserais le Génie supérieur qui vous guide : allez, prince, fuyez de la tour, et souvenez-vous que la fée Bénigne sera toujours de vos amis. À ces mots, elle, le palais et les merveilles que le prince avait vues, disparurent : il se trouva dans une épaisse forêt, à plus de cent lieues de la tour où le roi Brun l’avait fait mettre.
Laissons-le revenir de son juste étonnement, et voyons deux choses ; l’une, ce qui se passe entre les gardes que son père lui avait donnés ; et l’autre, ce qui arrive à la princesse Trognon. Ces pauvres gardes, surpris que leur prince ne demandât point à souper entrèrent dans sa chambre, et ne l’ayant pas trouvé, ils le cherchèrent partout avec une extrême crainte qu’il ne se fût sauvé. Leur peine étant inutile, ils pensèrent se désespérer ; car ils appréhendaient que le roi Brun, qui était si terrible, ne les fît mourir. Après avoir agité tous les moyens propres à l’apaiser, ils conclurent qu’il fallait qu’un d’entre eux se mît au lit, et ne se laissât point voir ; qu’ils diraient que le prince était bien malade, que peu après il le feindraient mort, et qu’une bûche ensevelie et enterrée les tirerait d’intrigue. Ce remède leur parut infaillible ; sur-le-champ ils le mirent en pratique. Le plus petit des gardes, à qui l’on fit une grosse bosse, se coucha. On fut dire au roi que son fils était bien malade ; il crut que c’était pour l’attendrir, et ne voulut rien relâcher de sa sévérité. C’était justement ce que les timides gardes souhaitaient ; et plus ils faisaient paraître d’empressements, plus le roi Brun marquait d’indifférence.
Pour la princesse Trognon, elle arriva dans une petite machine qui n’avait qu’une coudée de haut, et la machine était dans une litière. Le roi Brun alla au-devant d’elle : lorsqu’il la vit si difforme, dans une jatte, la peau écaillée comme une morue, les sourcils joints, le nez plat et large, et la bouche proche des oreilles, il ne put s’empêcher de lui dire :
— En vérité, princesse Trognon, vous êtes gracieuse, de mépriser mon Torticoli ; sachez qu’il est bien laid, mais sans mentir, il l’est moins que vous. — Seigneur, lui dit-elle, je n’ai pas assez d’amour-propre pour m’offenser des choses désobligeantes que vous me dites : je ne sais cependant si vous croyez que ce soit un moyen sûr pour me persuader d’aimer votre charmant Torticoli ; mais je vous déclare, malgré ma misérable jatte, et les défauts dont je suis remplie, que je ne veux point l’épouser ; et que je préfère le titre de princesse Trognon, à celui de reine Torticoli.
Le roi Brun s’échauffa fort de cette réponse. Je vous assure, dit-il, que je n’en aurai pas le démenti ; le roi votre père doit être votre maître, et je le suis devenu depuis qu’il vous a mise entre mes mains. — Il est des choses, dit-elle, sur lesquelles nous pouvons opter ; c’est en dépit de moi qu’on m’a conduite ici, je vous en avertis ; et je vous regarderai comme mon plus mortel ennemi, si vous me faites violence. Le roi encore plus irrité la quitta, et lui donna un appartement dans son palais, avec des dames, qui avaient ordre de lui persuader que le meilleur parti à prendre, pour elle, était d’épouser le prince.
Cependant les gardes, qui craignaient d’être découverts, et que le roi ne sût que son fils s’était sauvé, se hâtèrent de lui aller dire qu’il était mort. Á ces nouvelles il ressentit une douleur dont on le croyait incapable ; il cria, il hurla, et se prenant à Trognon de la perte qu’il venait de faire, il l’envoya dans la tour à la place de son cher défunt.
La pauvre princesse demeura aussi triste qu’étonnée de se trouver prisonnière ; elle avait du cœur, et elle parla comme elle devait d’un procédé si dur. Elle croyait qu’on le dirait au roi ; mais personne n’osa l’en entretenir. Elle croyait aussi qu’elle pouvait écrire à son père les mauvais traitements qu’elle souffrait, et qu’il viendrait la délivrer.
Ses projets de ce côté-là furent inutiles ; on interceptait ses lettres, et on les donnait au roi.
Comme elle vivait dans cette espérance, elle s’affligeait moins, et tous les jours elle allait dans la galerie regarder les peintures qui étaient sur les vitre ; rien ne lui paraissait plus extraordinaire que ce nombre de choses différentes qui y étaient représentées, et de s’y voir dans sa jatte.
— Depuis que je suis arrivée en ce pays-ci, les peintres, disait-elle, ont pris un étrange plaisir à me peindre ; est-ce qu’il n’y a pas assez de figures ridicules sans la mienne ! ou veulent-ils, par des oppositions, faire éclater davantage la beauté de cette jeune bergère, qui me semble charmante ? Elle regardait ensuite le portrait d’un berger qu’elle ne pouvait assez louer. Que l’on est à plaindre, disait-elle, d’être disgraciée de la nature au point que je le suis ! Eh que l’on est heureuse quand on est belle ! En disant ces mots, elle avait les larmes aux yeux ; puis se voyant dans un miroir, elle se tourna brusquement ; mais elle fut bien étonnée de trouver derrière elle une petite vieille, coiffée d’un chaperon, qui était la moitié plus laide qu’elle ; et la jatte où elle se traînait, avait plus de vingt trous, tant elle était usée. Princesse, lui dit cette vieillotte, vous pouvez choisir entre la vertu et la beauté ; vos regrets sont si touchants, que je les ai entendus. Si vous voulez être belle, vous serez coquette, glorieuse et très galante ; si vous voulez rester comme vous êtes, vous serez sage, estimée et fort humble. Trognon regarda celle qui lui parlait ; et lui demanda si la beauté était incompatible avec la sagesse. — Non, lui dit la bonne femme ; mais à votre égard il est arrêté que vous ne pouvez avoir que l’une des deux. — Hé bien, s’écria Trogon d’un air ferme, je préfère ma laideur à la beauté. — Quoi ! vous aimez mieux effrayer ceux qui vous voient ? reprit la vieille. — Oui, madame, dit la princesse, je choisis plutôt tous les malheurs ensemble, que de manquer de vertu. — J’avais apporté exprès mon manchon jaune et blanc, dit la fée ; en soufflant du côté jaune, vous seriez devenue semblable à cette admirable bergère qui vous a paru si charmante, et vous auriez été aimée d’un berger dont le portrait a arrêté vos yeux plus d’une fois ; en soufflant du côté blanc, vous pourrez vous affermir encore dans le chemin de la vertu, où vous entrez si courageusement. — Hé ! madame, reprit la princesse, ne me refusez pas cette grâce, elle me consolera de tout le mépris que l’on a pour moi. La petite vieille lui donna le manchon de vertu et de beauté ; Trognon ne se méprit point, elle souffla par le côté blanc, et remercia la fée, qui disparut aussitôt.
Elle était ravie du bon choix qu’elle avait fait ; et quelque sujet qu’elle eût d’envier l’incomparable beauté de la bergère peinte sur les vitres, elle pensait, pour s’en consoler, que la beauté passe comme un songe ; que la vertu est un trésor éternel et une beauté inaltérable, qui dure plus que la vie : elle espérait toujours que le roi son père se mettrait à la tête d’une grosse armée, et qu’il la tirerait de la tour.
Elle attendait le moment de la voir avec mille impatiences, et elle mourait d’envie de monter au donjon pour voir arriver le secours qu’elle attendait. Mais comment grimper si haut ? Elle allait dans sa chambre moins vite qu’une tortue ; et pour monter, c’était ses femmes qui la portaient.
Cependant elle en trouva un moyen assez particulier. Elle sut que l’horloge était dans le donjon ; elle ôta les poids, et se mit à la place. Lorsqu’on monta l’horloge, elle fut guindée jusqu’en haut ; elle regarda promptement à la fenêtre qui donnait sur la campagne, mais elle ne vit rien venir, et elle s’en retira pour se reposer un peu. En s’appuyant contre le mur que Torticoli, ou pour mieux dire le prince Sans-Pair, avait défait et raccommodé assez mal, le plâtre tomba et le tire-bourre d’or près de Trognon. Elle examina à quoi il pouvait servir. Comme elle avait plus d’esprit qu’un autre, elle jugea bien vite que c’était pour ouvrir l’armoire, où il n’y avait point de serrure ; elle en vint à bout, et elle ne fut pas moins ravie que le prince l’avait été, de tout ce qu’elle y rencontra de rare et de galant. Il y avait quatre mille tiroirs, tous remplis de bijoux antiques et modernes ; enfin elle trouve le guichet d’or, la boîte d’escarboucle, et la main qui nageait dans le sang. Elle en frémit, et voulut la jeter ; mais il ne fut pas en son pouvoir de la laisser aller, une puissance secrète l’en empêchait. — Hélas ! que vais-je faire ? dit-elle tristement. J’aime mieux mourir que de rester davantage avec cette main coupée. Dans ce moment elle entendit une voix douce et agréable, qui lui dit : Prends courage, princesse, ta félicité dépend de cette aventure. — Hé ! que puis-je faire ? répondit-elle en tremblant. — Il faut, lui dit la voix, emporter cette main dans ta chambre, la cacher sous ton chevet ; et quand tu verras un aigle, la lui donner sans tarder un moment.
Quelque effrayée que fût la princesse, cette voix avait quelque chose de si persuasif, qu’elle n’hésita pas à obéir ; elle replaça les tiroirs et les raretés comme elle les avait trouvés, sans en prendre aucune. Ses gardes, qui craignaient qu’elle ne leur échappât à son tour, ne l’ayant point vue dans sa chambre, la cherchèrent et demeurèrent surpris de la rencontrer dans un lieu où elle ne pouvait, disaient-ils, monter que par enchantement.
Elle fut trois jours sans rien voir ; elle n’osait ouvrir la belle boîte d’escarboucle, parce que la main coupée lui faisait trop grand’peur. Enfin, une nuit elle entendit du bruit contre sa fenêtre ; elle ouvrit son rideau, et elle aperçut au clair de lune un aigle qui voltigeait. Elle se leva comme elle put, et se traînant dans la chambre, elle ouvrit la fenêtre. L’aigle entra, faisant grand bruit avec ses ailes, en signe de réjouissance ; elle ne différa pas à lui présenter la main, qu’il prit avec ses serres, et un moment après elle ne l’aperçut plus ; il y avait à sa place un jeune homme, le plus beau et le mieux fait qu’elle eût jamais vu ; son front était ceint d’un diadème, son habit couvert de pierreries. Il tenait dans sa main un portrait ; et prenant le premier la parole : Princesse, dit-il à Trognon, il y a deux cents ans qu’un perfide enchanteur me retient en ces lieux. Nous aimions l’un et l’autre l’admirable fée Bénigne : j’étais souffert, il était jaloux. Son art surpassait le mien ; et voulant s’en prévaloir pour me perdre, il me dit d’un air absolu, qu’il me défendait de la voir davantage. Une telle défense ne convenait ni à mon amour, ni au rang que je tenais : je le menaçai ; et la belle que j’adore se trouva si offensée de la conduite de l’enchanteur, qu’elle lui défendit à son tour de l’approcher jamais. Ce cruel résolut de nous punir l’un et l’autre.
Un jour que j’étais auprès d’elle, charmé du portrait qu’elle m’avait donné, et que je regardais, le trouvant mille fois moins beau que l’original, il parut, et d’un coup de sabre il sépara ma main de mon bras. La fée Bénigne (c’est le nom de ma reine) ressentit plus vivement que moi la douleur de cet accident ; elle tomba évanouie sur son lit, et sur-le-champ je me sentis couvert de plumes ; je fus métamorphosé en aigle. Il m’était permis de venir tous les jours voir la reine, sans pouvoir en approcher ni la réveiller ; mais j’avais la consolation de l’entendre sans cesse pousser de tendres soupirs, et parler en rêvant de son cher Trasimène. Je savais encore qu’au bout de deux cents ans un prince rappellerait Bénigne à la lumière, et qu’une princesse, en me rendant ma main coupée, me rendrait ma première forme. Une fée qui s’intéresse à votre gloire, a voulu que cela fût ainsi ; c’est elle qui a si soigneusement enfermé ma main dans l’armoire du donjon ; c’est elle qui m’a donné le pouvoir de vous marquer aujourd’hui ma reconnaissance. Souhaitez, princesse, ce qui peut vous faire le plus de plaisir, et sur-le-champ vous l’obtiendrez.
— Grand roi, répliqua Trognon (après quelques moments de silence), si je ne vous ai pas répondu promptement, ce n’est point que j’hésite ; mais je vous avoue que je ne suis pas aguerrie sur des aventures aussi surprenantes que celle-ci, et je me figure que c’est plutôt un rêve qu’une vérité. — Non, madame, répondit Trasimène, ce n’est point une illusion ; vous en ressentirez les effets, dès que vous voudrez me dire quel don vous désirez. — Si je demandais tous ceux dont j’aurais besoin pour être parfaite, dit-elle, quelque pouvoir que vous ayez, il vous serait difficile d’y satisfaire ; mais je m’en tiens au plus essentiel : rendez mon âme aussi belle que mon corps est laid et difforme. — Ah ! princesse, s’écria le roi Trasimène, vous me charmez par un choix si juste et si élevé ; mais qui est capable de le faire est déjà accomplie : votre corps va donc devenir aussi beau que votre âme et que votre esprit. Il toucha la princesse avec le portrait de la fée ; elle entend cric, croc dans tous ses os ; ils s’allongent, ils se remboîtent : elle est droite, elle a le teint plus blanc que du lait, tous les traits réguliers, un air majestueux et modeste, une physionomie fine et agréable. — Quel prodige ! s’écrie-t-elle. Est-ce moi ? Est-ce une chose possible ? — Oui, madame, reprit Trasimène, c’est vous ; le sage choix que vous avez fait de la vertu vous attire l’heureux changement que vous éprouvez. Quel plaisir pour moi, après ce que je vous dois, d’avoir été destiné pour y contribuer ! Mais quittez pour toujours le nom de Trognon ; prenez celui de Brillante, que vous méritez par vos lumières et par vos charmes. Dans ce moment il disparut ; et la princesse sans savoir par quelle voiture elle était allée, se trouva au bord d’une petite rivière, dans un lieu ombragé d’arbres, le plus agréable de la terre.
Elle ne s’était point encore vue ; l’eau de cette rivière était si claire, qu’elle connut avec une surprise extrême qu’elle était la même bergère dont elle avait tant admiré le portrait sur les vitres de la galerie. En effet, elle avait comme elle un habit blanc, garni de dentelles fines, le plus propre qu’on eût jamais vu à aucunes bergères ; sa ceinture était de petites roses et de jasmins, ses cheveux ornés de fleurs ; elle trouva une houlette peinte et dorée auprès d’elle, avec un troupeau de moutons qui paissaient le long du rivage, et qui entendaient sa voix ; jusqu’au chien du troupeau, il semblait la connaître, et la caressait.
Quelles réflexions ne faisait-elle point sur des prodiges si nouveaux ! Elle était née, et elle avait vécu jusqu’alors la plus laide de toutes les créatures ; mais elle était princesse. Elle devenait plus belle que l’astre du jour ; elle n’était plus qu’une bergère, et la perte de son rang ne laissait pas de lui être sensible.
Ces différentes pensées l’agitèrent jusqu’au moment où elle s’endormit. Elle avait veillé toute la nuit, (comme je l’ai déjà dit), et le voyage qu’elle avait fait, sans s’en apercevoir, était de cent lieues : de sorte qu’elle s’en trouvait un peu lasse. Ses moutons et son chien, rassemblés à ses côtés, semblaient la garder, et lui donner les soins qu’elle leur devait. Le soleil ne pouvait l’incommoder, quoiqu’il fût dans toute sa force ; les arbres touffus l’en garantissaient ; et l’herbe fraîche et fine, sur laquelle elle s’était laissée tomber, paraissait orgueilleuse d’une charge si belle.
Les oiseaux y faisaient de doux concerts, et les zéphirs retenaient leur haleine, dans la crainte de l’éveiller. Un berger, fatigué de l’ardeur du soleil, ayant remarqué de loin cet endroit, s’y rendit en diligence ; mais lorsqu’il vit la jeune Brillante, il demeura si surpris, que sans un arbre contre lequel il s’appuya, il serait tombé de toute sa hauteur. En effet, il la reconnut pour cette même personne dont il avait admiré la beauté sur les vitres de la galerie et dans le livre de vélin ; car le lecteur ne doute pas que ce berger ne soit le prince Sans-Pair. Un pouvoir inconnu l’avait arrêté dans cette contrée ; il s’était fait admirer de tous ceux qui l’avaient vu. Son adresse en toutes choses, sa bonne mine et son esprit, ne le distinguaient pas moins entre les autres bergers, que sa naissance l’aurait distingué ailleurs.
Il attacha ses yeux sur Brillante avec une attention et un plaisir qu’il n’avait point ressenti jusqu’alors. Il se mit à genoux auprès d’elle ; il examinait cet assemblage de beauté, qui la rendait toute parfaite ; et son cœur fut le premier qui paya le tribut qu’aucun autre depuis n’osa lui refuser. Comme il rêvait profondément, Brillante s’éveilla ; et voyant Sans-Pair proche d’elle avec un habit de pasteur extrêmement galant, elle le regarda, et rappela aussitôt son idée parce qu’elle avait vu son portrait dans la tour. — Aimable bergère, lui dit-il, quelle heureuse destinée vous conduit ici ? Vous y venez, sans doute, pour recevoir notre encens et nos vœux. Ah ! je sens déjà que je serai le plus empressé à vous rendre mes hommages. — Non, berger, lui dit-elle, je ne prétends point exiger des honneurs qui ne me sont pas dus ; je veux demeurer simple bergère, j’aime mon troupeau et mon chien. La solitude a des charmes pour moi, je ne cherche qu’elle. — Quoi ! jeune bergère en arrivant en ces lieux vous y apportez le dessein de vous cacher aux mortels qui les habitent ! Est-il possible, continua-t-il, que vous nous vouliez tant de mal ? Tout du moins exceptez-moi, puisque je suis le premier qui vous ai offert ses services. — Non, reprit Brillante, je ne veux point vous voir plus souvent que les autres, quoique je sente déjà une estime particulière pour vous ; mais enseignez-moi quelque sage bergère, chez qui je puisse me retirer ; car étant inconnue ici, et dans un âge à ne pouvoir demeurer seule, je serai bien aise de me mettre sous sa conduite. Sans-Pair fut ravi de cette commission. Il la mena dans une cabane si propre, qu’elle avait mille agréments dans sa simplicité. Il y avait une petite vieillotte qui sortait rarement, parce qu’elle ne pouvait presque plus marcher : Tenez, ma bonne mère, dit Sans-Pair en lui présentant Brillante, voici une fille incomparable, dont la seule présence vous rajeunira. La vieille l’embrassa, et lui dit d’un air affable qu’elle était la bien-venue ; qu’elle avait de la peine de la loger si mal, mais que tout au moins elle la logerait fort bien dans son cœur. — Je ne pensais pas, dit Brillante, trouver ici un accueil si favorable, et tant de politesse ; je vous assure, ma bonne mère, que je suis ravie d’être auprès de vous. Ne me refusez pas, continua-t-elle, en s’adressant au berger, de me dire votre nom, pour que je sache à qui je suis obligée d’un tel service. — On m’appelle Sans-Pair. La princesse lui dit qu’on la nommait Brillante. La vieille parut charmée d’un si aimable nom.
La vieille bergère ayant peur que Brillante n’eût faim, lui présenta dans une terrine fort propre, du lait doux, avec du pain bis, des œufs frais, du beurre nouveau battu, et un fromage à la crème. Sans-Pair courut dans sa cabane ; il en apporta des fraises, des noisettes, des cerises et d’autres fruits, tous entourés de fleurs ; et pour avoir lieu de rester plus longtemps auprès de Brillante, il lui demanda permission d’en manger avec elle. Elle le voyait avec un plaisir extrême ; et quelque froideur qu’elle affectât, elle sentait bien que sa présence ne lui serait point indifférente.
Lorsqu’il l’eut quittée, elle pensa encore longtemps à lui, et lui à elle. Il la voyait tous les jours, il conduisait son troupeau dans le lieu où elle faisait paître le sien, il chantait auprès d’elle des paroles passionnées : il jouait de la flûte et de la musette pour la faire danser. Mais comme Brillante s’appliquait à fuir Sans-Pair, un jour qu’il avait résolu de lui parler, il prit un petit agneau, qu’il enjoliva de rubans et de fleurs ; il lui mit un collier de paille peinte, travaillé si proprement, que c’était une espèce de chef-d’œuvre ; il avait un habit de taffetas couleur de rose, couvert de dentelles d’Angleterre, une houlette garnie de rubans, une panetière ; et en cet état tous les Céladons du monde n’auraient osé paraître devant lui. Il trouva Brillante assise au bord d’un ruisseau, qui coulait lentement dans le plus épais du bois ; ses moutons y paissaient épars ; la profonde tristesse de la bergère ne lui permettait pas de leur donner ses soins. Sans-Pair l’aborda d’un air timide ; il lui présenta le petit agneau. Mais Brillante s’éloigna. Le prince désespéré voulut la suivre ; mais sa douleur devint si forte, qu’il tomba sans connaissance au pied d’un arbre.
Brillante ne put s’empêcher de tourner plusieurs fois la tête, pour regarder s’il la suivait ; elle l’aperçut tomber demi-mort : elle l’aimait, et elle se refusa la consolation de le secourir.
Depuis qu’elle avait été transportée dans ces lieux, elle avait entendu parler d’un célèbre enchanteur, qui demeurait dans un château qu’il avait bâti avec sa sœur aux confins de l’île : on ne parlait que de leur savoir ; et sans en rien dire à sa charitable hôtesse, elle se mit en chemin. Elle ne s’arrêtait ni jour ni nuit ; elle ne buvait ni ne mangeait, tant elle avait envie d’arriver au château pour guérir de sa tendresse.
Elle continua son chemin vers le château ; elle y parvint, et elle y entra sans obstacle. Elle traversa plusieurs grandes cours, où l’herbe et les ronces étaient si hautes qu’il semblait qu’on n’y avait pas marché depuis cent ans ; elle les rangea avec ses mains, qu’elle égratigna en plus d’un endroit. Elle entra dans une salle où le jour ne venait que par un petit trou : elle était tapissée d’ailes de chauves-souris. Il y avait douze chats pendus au plancher, qui servaient de lustres, et qui faisaient un miaulis à faire perdre patience ; et sur une longue table, douze grosses souris attachées par la queue, qui avaient chacune devant elles un morceau de lard, où elles ne pouvaient atteindre ; de sorte que les chats voyaient les souris sans les pouvoir manger ; les souris craignaient les chats, et se désespéraient de faim près d’un bon morceau de lard.
La princesse considérait le supplice de ces animaux, lorsqu’elle vit entrer l’enchanteur avec une longue robe noire. Il avait sur la tête un crocodile qui lui servait de bonnet ; et jamais il n’a été une coiffure si effrayante. Ce vieillard portait des lunettes, et un fouet à la main d’une vingtaine de longs serpents tous en vie. Ô ! que la princesse eut de peur ! qu’elle regretta dans ce moment son berger, ses moutons et son chien ! Elle ne pensa qu’à fuir ; et sans dire mot à ce terrible homme, elle courut vers la porte ; mais elle était couverte de toiles d’araignées. Elle en leva une, et elle en trouva une autre, qu’elle leva encore, et à laquelle une troisième succéda ; elle la lève, il en paraît une nouvelle, qui était devant une autre ; enfin ces vilaines portières de toiles d’araignées étaient sans compte et sans nombre. La pauvre princesse n’en pouvait plus de lassitude ; ses bras n’étaient pas assez forts pour soutenir ces toiles. Elle voulut s’asseoir par terre afin de se reposer un peu, elle sentit de longues épines qui la pénétraient. Elle fut bientôt relevée, et se mit encore en devoir de passer ; mais toujours il paraissait une toile sur l’autre. Le méchant vieillard, qui la regardait, faisait des éclats de rire à s’en engouer. Á la fin il l’appela, et lui dit : « Tu passerais là le reste de ta vie sans en venir à bout ; tu me sembles jeune et plus belle que tout ce que j’ai vu de plus beau ; si tu veux, je t’épouserai ; je te donnerai ces douze chats que tu vois pendus au plancher, pour en faire tout ce que tu voudras, et ces douze souris qui sont sur cette table, seront tiennes aussi. Les chats sont autant de princes, et les souris autant de princesses. Les friponnes, en différents temps, avaient eu l’honneur de me plaire (car j’ai toujours été aimable et galant) ; aucune d’elles ne voulut m’aimer. Ces princes étaient mes rivaux, et plus heureux que moi. La jalousie me prit ; je trouvai le moyen de les attirer ici, et à mesure que je les ai attrapés, je les ai métamorphosés en chats et en souris. Ce qui est plaisant, c’est qu’ils se haïssent autant qu’ils se sont aimés, et que l’on ne peut trouver une vengeance plus complète. — Ah ! seigneur, s’écria Brillante, rendez-moi souris ; je ne le mérite pas moins que ces pauvres princesses. — Comment, dit le magicien, petite bergeronnette, tu ne veux donc pas m’aimer ? — J’ai résolu de n’aimer jamais, dit-elle. — Ô ! que tu es simple ! continua-t-il, je te nourrirai à merveille, je te ferai des contes, je te donnerai les plus beaux habits du monde, tu n’iras qu’en carrosse et en litière, tu t’appelleras madame. — J’ai résolu de n’aimer jamais, répondit encore la princesse. — Prends garde à ce que tu dis, s’écria l’enchanteur en colère ; tu t’en repentiras pour longtemps. — N’importe, dit Brillante, j’ai résolu de n’aimer jamais. — Ho bien, trop indifférente créature, dit-il en la touchant, puisque tu ne veux pas aimer, tu dois être d’une espèce particulière : tu ne seras donc à l’avenir ni chair, ni poisson, tu n’auras ni sang ni os, tu seras verte, parce que tu es encore dans ta verte jeunesse ; tu seras légère et fringante, tu vivras dans les prairies, comme tu vivais ; on t’appellera sauterelle. Au même moment, la princesse Brillante devint la plus jolie sauterelle du monde ; et jouissant de la liberté, elle se rendit promptement dans le jardin.
Quand Sans-Pair revint à lui, il se rendit chez la vieille bergère où Brillante se retirait, il apprit qu’elle n’avait point paru depuis la veille ! Il pensa mourir d’inquiétude. Il s’éloigna, accablé de mille pensées différentes ; il s’assit tristement au bord de la rivière : il fut près cent fois de s’y jeter, et de chercher dans la fin de sa vie celle de ses malheurs.
Il fut abordé par une petite vieille, qui avait une fraise au cou, un vertugadin, un moule sous ses cheveux blancs, un chaperon de velours ; et son antiquité avait quelque chose de vénérable. — Mon fils, lui dit-elle, vous poussez des regrets bien amers ; je vous prie de m’en apprendre le sujet. — Hélas ! ma bonne mère, lui dit Sans-Pair, je déplore l’éloignement d’une aimable bergère qui me fuit ; j’ai résolu de l’aller chercher par toute la terre, jusqu’à ce que je l’aie trouvée. — Allez de ce côté-là, mon enfant, lui dit-elle, en lui montrant le chemin du château où la pauvre Brillante était devenue sauterelle. J’ai un pressentiment que vous ne la chercherez pas longtemps. Sans-Pair ls remercia.
Le prince n’eut aucune rencontre sur sa route digne de l’arrêter ; mais en arrivant dans le bois, proche le château du magicien et de sa sœur, il crut voir sa bergère ; il se hâta de la suivre ; elle s’éloigna. Le fantôme fuyait encore plus loin ; et dans cet exercice, le reste du jour se passa. Lorsque la nuit fut venue, il vit beaucoup de lumières dans le château : il se flatta que sa bergère pouvait y être. Il y court ; il entre sans aucun empêchement. Il monte, et trouve dans un salon magnifique une grande et vieille fée d’une horrible maigreur. Ses yeux ressemblaient à deux lampes éteintes ; on voyait le jour au travers de ses joues. Ses bras étaient comme des lattes, ses doigts comme des fuseaux, une peau de chagrin noir couvrait son squelette ; avec cela elle avait du rouge, des mouches, des rubans verts et couleur de rose, un manteau de brocart d’argent, une couronne de diamants sur la tête, et des pierreries partout.
— Enfin, prince, lui dit-elle, vous arrivez dans un lieu où je vous souhaite depuis longtemps. Ne songez plus à votre petite bergère ; une passion si disproportionnée vous doit faire rougir. Je suis la reine des Météores ; je vous veux du bien, et je puis vous en faire d’infinis si vous m’aimez. — Vous aimer, s’écria le prince, en la regardant d’un œil indigné, vous aimer, madame ! Hé ! suis-je maître de mon cœur ! Non, je ne saurais consentir à une infidélité ; et je sens même que si je changeais l’objet de mes amours, ce ne serait pas vous qui le deviendriez. Choisissez dans vos Météores quelque influence qui vous accommode ; aimez l’air, aimez les vents, et laissez les mortels en paix.
La fée était fière et colère en deux coups de baguette elle remplit la galerie de monstres affreux, contre lesquels il fallut que le jeune prince exerçât son adresse et sa valeur. Les uns paraissaient avec plusieurs têtes et plusieurs bras, les autres avaient la figure d’un centaure ou d’une sirène, plusieurs lions à la face humaine, des sphinx et des dragons volants. Sans-Pair n’avait que sa seule houlette, et un petit épieu, dont il s’était armé en commençant son voyage. La grande fée faisait cesser de temps en temps le chamaillis, et lui demandait s’il voulait l’aimer ? Il disait toujours qu’il se vouait à l’amour fidèle, qu’il ne pouvait changer. Lassée de sa fermeté, elle fit paraître Brillante : Hé bien, lui dit-elle, tu vois ta maîtresse au fond de cette galerie, songe à ce que tu vas faire ; si tu refuses de m’épouser, elle sera déchirée et mise en pièces à tes yeux par des tigres. — Ah ! madame, s’écria le prince en se jetant à ses pieds, je me dévoue volontiers à la mort pour sauver ma chère maîtresse ; épargnez ses jours en abrégeant les miens. — Il n’est pas question de ta mort, répliqua la fée, traître, il est question de ton cœur et de ta main. Pendant qu’ils parlaient, le prince entendait la voix de sa bergère qui semblait se plaindre. — Voulez-vous me laisser dévorer ? lui disait-elle. Si vous m’aimez, déterminez-vous à faire ce que la reine vous ordonne.
Le pauvre prince hésitait : Hé quoi ! Bénigne, s’écria-t-il, m’avez-vous donc abandonné, après tant de promesses ? Venez, venez nous secourir. Ces mots furent à peine prononcés, qu’il entendit une voix dans les airs, qui prononçait distinctement ces paroles :
« Laisse agir le destin ; mais sois fidèle, et cherche le « Rameau d’Or. »
La grande fée, qui s’était crue victorieuse par le secours de tant de différentes illusions, pensa se désespérer de trouver en son chemin un aussi puissant obstacle que la protection de Bénigne. — Fuis ma présence, s’écria-t-elle, prince malheureux et opiniâtre ; puisque ton cœur est rempli de tant de flammes, tu seras un grillon, ami de la chaleur et du feu.
Sur-le-champ, le beau et merveilleux prince Sans-Pair devint un petit grillon noir, qui se serait brûlé tout vif dans la première cheminée ou le premier four, s’il ne s’était souvenu de la voix favorable qui l’avait rassuré. — Il faut, dit-il, chercher le Rameau d’Or, peut-être que je me dégrillonnerai. Ah ! si j’y trouvais ma bergère, que manquerait-il à ma félicité ?
Le grillon se hâta de sortir du fatal palais ; et sans savoir où il fallait aller, il se recommanda aux soins de la belle fée Bénigne, puis partit sans équipage et sans bruit ; car un grillon ne craint ni les voleurs, ni les mauvaises rencontres. Au premier gîte, qui fut dans le trou d’un arbre, il trouva une sauterelle fort triste ; elle ne chantait point. Le grillon ne s’avisant pas de soupçonner que ce fût une personne toute pleine d’esprit et de raison, lui dit : — Où va ainsi ma commère la sauterelle ? Elle lui répondit aussitôt : — Et vous, mon compère le grillon, où allez-vous ? Cette réponse surprit étrangement l’amoureux grillon. — Quoi ! vous parlez ? s’écria-t-il. — Hé ! vous parlez bien ! s’écria-t-elle. Pensez-vous qu’une sauterelle ait des privilèges moins étendus qu’un grillon ? — Je puis bien parler, dit le grillon, puisque je suis un homme. — Et par la même règle, dit la sauterelle, je dois encore plus parler que vous, puisque je suis une fille. — Vous avez donc éprouvé un sort semblable au mien, dit grillon. — Sans doute, dit la sauterelle. Mais encore, où allez-vous ? — Je serais ravi, ajouta le grillon, que nous fussions longtemps ensemble. Une voix qui m’est inconnue, répliqua-t-il, s’est fait entendre dans l’air. Elle a dit : « Laisse agir le destin, et cherche le Rameau d’Or. Il m’a semblé que cela ne pouvait être dit que pour moi. Sans hésiter, je suis parti, quoique j’ignore où je dois aller.
Leur conversation fut interrompue par deux souris qui couraient de toute leur force, et qui voyant un trou au pied de l’arbre, se jetèrent dedans la tête la première, et pensèrent étouffer le compère grillon et la commère sauterelle. Ils se rangèrent de leur mieux dans un petit coin. — Ah ! madame, dit la plus grosse souris, j’ai mal au côté d’avoir tant couru ; comment se porte votre altesse ? — J’ai arraché ma queue, répliqua la plus jeune souris ; car sans cela je tiendrais encore sur la table de ce vieux sorcier. Mais as-tu vu comme il nous a poursuivies ? Que nous sommes heureuses d’être sauvées de son palais infernal ! — Je crains un peu les chats et les ratières, ma princesse, continua la grosse souris, et je fais des vœux ardents pour arriver bientôt au Rameau d’Or. — Tu en sais donc le chemin, dit l’altesse sourissonne ? — Si je le sais, madame ? comme celui de ma maison, répliqua l’autre. Ce Rameau est merveilleux ; une seule de ses feuilles suffit pour être toujours riche ; elle fournit de l’argent, elle désenchante, elle rend belle, elle conserve la jeunesse ; il faut, avant le jour, nous mettre en campagne. — Nous aurons l’honneur de vous accompagner, un honnête grillon que voici et moi, si vous le trouvez bon, mesdames, dit la sauterelle ; car nous sommes, aussi bien que vous, pèlerins du Rameau d’Or. Il y eut alors beaucoup de compliments faits de part et d’autre ; les souris étaient les princesses que ce méchant enchanteur avait liées sur la table ; et pour le grillon et la sauterelle, ils avaient une politesse qui ne se démentait jamais.
Chacun d’eux s’éveilla très matin ; ils partirent de compagnie fort silencieusement, car ils craignaient que des chasseurs à l’affût les entendant parler, ne les prissent pour les mettre en cage. Ils arrivèrent ainsi au Rameau d’Or. Il était planté au milieu d’un jardin merveilleux ; au lieu de sable, les allées étaient remplies de petites perles orientales plus rondes que des pois ; les roses étaient de diamants incarnats, et les feuilles d’émeraudes ; les fleurs des grenades, de grenats, les soucis de topazes, les jonquilles de brillants jaunes, les violettes de saphirs, {{{2}}} des bluets de turquoises, les tulipes d’améthystes, opales et diamants ; enfin, la quantité et la diversité de ces belles fleurs brillait plus que le soleil.
C’était donc là (comme je l’ai déjà dit), qu’était le Rameau d’Or, le même que le prince Sans-Pair reçut de l’aigle, et dont il toucha la fée Bénigne lorsqu’elle était enchantée. Il était devenu aussi haut que les plus grands arbres, et tout chargé de rubis, qui formaient des cerises. Dès que le grillon, la sauterelle et les deux souris s’en furent approchés, ils reprirent leur forme naturelle. Quelle joie ! quels transports ne ressentit point l’amoureux prince à la vue de sa belle bergère ? Il se jeta à ses pieds ; il allait lui dire tout ce qu’une surprise si agréable et si peu espérée lui faisait ressentir, lorsque la reine Bénigne et le roi Trasimène parurent dans une pompe sans pareille ; car tout répondait à la magnificence du jardin. Quatre amours armés de pied en cap, l’arc au côté, le carquois sur l’épaule, soutenaient avec leurs flèches un petit pavillon de brocart or et bleu, sous lequel paraissaient deux riches couronnes. — Venez, aimables amants, s’écria la reine, en leur tendant les bras, venez recevoir de nos mains les couronnes que votre vertu, votre naissance et votre fidélité méritent ; vos travaux vont se changer en plaisirs. Princesse Brillante, continua-t-elle, ce berger si terrible à votre cœur, est le prince qui vous fut destiné par votre père et par le sien. Il n’est point mort dans la tour. Recevez-le pour époux, et me laissez le soin de votre repos et de votre bonheur. La princesse, ravie, se jeta au cou de Bénigne ; et lui laissant voir les larmes qui coulaient de ses yeux, elle connut par son silence que l’excès de sa joie lui ôtait l’usage de la parole. Sans-Pair s’était mis aux genoux de cette généreuse fée ; il baisait respectueusement ses mains, et disait mille choses sans ordre et sans suite. Trasimène lui faisait de grandes caresses, et Bénigne leur conta, en peu de mots, qu’elle ne les avait presque point quittés ; que c’était elle qui avait proposé à Brillante de souffler dans le manchon jaune et blanc ; qu’elle avait pris la figure d’une vieille bergère pour loger la princesse chez elle ; que c’était encore elle qui avait enseigné au prince de quel côté il fallait suivre sa bergère. Á la vérité, continua-t-elle, vous avez eu des peines que je vous aurais évitées, si j’en avais été la maîtresse ; mais enfin, les plaisirs d’amour veulent être achetés.
L’on entendit aussitôt une douce symphonie qui retentit de tous côtés ; les amours se hâtèrent de couronner les jeunes amants ; l’hymen se fit ; et pendant cette cérémonie, les deux princesses qui venaient de quitter la figure de souris, conjurèrent la fée d’user de son pouvoir, pour délivrer du château de l’enchanteur les souris et les chats infortunés qui s’y désespéraient. Ce jour-ci est trop célèbre, dit-elle, pour vous rien refuser. En même temps elle frappe le Rameau d’Or, et tous ceux qui avaient été retenus dans le château parurent ; chacun, sous sa forme naturelle, y retrouva sa maîtresse : la fée libérale, voulant que tout se ressentît de la fête, leur donna l’armoire du donjon à partager entre eux : ce présent valait plus que dix royaumes de ce temps-là. Il est aisé d’imaginer leur satisfaction et leur reconnaissance. Bénigne et Trasimèné achevèrent ce grand ouvrage par une générosité qui surpassait tout ce qu’ils avaient fait jusqu’alors, déclarant que le palais et le jardin du Rameau d’Or seraient à l’avenir au roi Sans-Pair et à la reine Brillante ; cent autres rois en étaient tributaires, et cent royaumes en dépendaient.
Lorsqu’une fée offrait son secours à Brillante,
Qui ne l’était pas trop pour lors,
Elle pouvait d’une beauté charmante
Demander les rares trésors.
C’est une chose bien tentante !
Je n’en veux prendre pour témoins
Que les embarras et les soins
Dont pour la conserver le sexe se tourmente.
Mais Brillante n’écouta pas
Le désir séducteur de servir des appas ;
Elle aima mieux avoir l’esprit et l’âme belle.
Les roses et les lys d’un visage charmant,
Comme les autres fleurs, passent dans un moment,
Et l’âme demeure immortelle.