Les danseuses Bedojo

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LES DANSEUSES BEDOJO À L’ÎLE DE JAVA.

M. Pfyffer de Neueck qui a passé huit ans, de 1819 à 1827, à l’île de Java, au service de la compagnie hollandaise des Indes orientales, raconte ce qui suit au sujet d’une espèce de danseuses appelées Rougin ou Bedojo[1]. Leurs chants sont presque toujours improvisés et adaptés aux circonstances et aux spectateurs. Elles célèbrent la beauté de l’homme, la grâce extérieure de ses traits, l’élégance de son costume, et finissent toujours par vanter sa générosité. Ces filles ont aussi des chants populaires qui contiennent des histoires et des traditions des anciens habitans de l’île. Plusieurs de ces chants sont composés dans le goût des Métamorphoses d’Ovide, et font partie de la mythologie javanaise, les monjes (singes) y jouent un grand rôle. Il y avait entr’autres, disent-elles, un singe géant, qui transportait des montagnes. Une de ces montagnes, dont le sommet avait la forme d’un bateau, est appelée Gunong-prahve (la montagne du bateau) : l’arche de Haby Noah (prophète) s’est fixée, d’après la tradition, sur cette montagne après le déluge. Danser comme une Rougin, ou savoir bien danser avec elles, entre dans l’éducation des Javanais. Quant au caractère moral, ces danseuses peuvent être comparées aux courtisanes en Europe ; car elles vivent de leurs charmes. Lorsqu’un chef javanais a plusieurs de ces Rougins à son service, et qu’il veut faire honneur à un Européen qui loge chez lui, il en met une à sa disposition. Il est curieux de voir danser ces filles ; la tête, les yeux, la langue, les doigts de la main et des pieds sont toujours en mouvement. Elles battent la mesure avec un éventail dont elles frappent leur coude.

S. M.


  1. Skizzen von der Insel Java, par Pfyffer de Neueck, in folio Schaffhouse, 1829.