Les fêtes de la Révolution française/36

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Les fêtes de la Révolution française
Le Ménestrelno 36 (p. 1-3).

LES FÊTES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

(Suite.)

CHAPITRE x

LE CONSULAT
FIN DES FÊTES NATIONALES

iii

En effet, ces traditions de la vie républicaine, tous les actes du gouvernement de Bonaparte devaient tendre à les faire tomber peu à peu dans l’oubli, puis dans la haine. L’on cessa de commémorer les grandes dates de la Révolution : plus de fêtes nationales et populaires, si ce n’est celles qui pouvaient grandir et consacrer la puissance du nouveau maître. Celui-ci ne craignit même pas de faire célébrer le 18 Brumaire en instituant à cette date, en l’an x (9 novembre 1801), une fête nationale, dite « Fête de la paix générale », dont le but apparent était de se réjouir de l’ouverture des négociations qui allaient bientôt aboutir à la conclusion de la paix d’Amiens. On y revit des chars, des cortèges analogues à ceux des fêtes du Directoire : une grande pantomime militaire fut jouée sur un théâtre élevé place de la Concorde, à l’entrée des Champs-ÉLysées ; il y eut parade dans la cour du Carrousel, des joutes et un feu d’artifice sur la Seine, tout ce qui constitue encore à présent la banale fête officielle. Quant à ce qui était naguère l’âme des fêtes nationales, la musique, c’en était fini : elle fit complètement défaut en ce jour. Nous connaissons, à la vérité, un Chant de la paix de Lesueur, qui remonte approximativement à cette époque, et dont la bibliothèque de l’Opéra possède le manuscrit[1] ; mais il est en réalité postérieur de plus d’une année à la fin de 1801 : ce Chant de la paix porte la date du 14 avril 1803, — l’heure même où cette paix était rompue ; très probablement (le lieu où il est conservé en est un suffisant indice) il avait été composé en vue d’une solennité théâtrale, nullement populaire. Le temps du chant national est passé ; voici déjà l’avènement de la cantate !

Aussi bien, la religion de la patrie ne pouvait-elle plus être l’objet du même culte exclusif et jaloux depuis qu’avec l’assentiment et sous la protection de l’État les églises avaient été rendues aux prêtres. La plus belle cérémonie officielle de 1802 fut sans contredit celle du jour de Pâques, où, dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris, en présence des consuls, des autorités et corps constitués, et avec la plus grande solennité, la messe fut célébrée et le Te Deum chanté en l’honneur du Concordat. Et, comme aux idées nouvelles il faut toujours des interprètes nouveaux, ce ne fut plus aux musiciens des fêtes révolutionnaires que l’on eut recours ; le Te Deum de Gossec eût été manifestement déplacé en un pareil jour ! On en fit composer un autre, tout exprès, et ce soin fut dévolu au favori de Bonaparte, Paisiello. Il est probable que l’œuvre donna toute satisfaction au protecteur, car elle ne ressemble pas du tout à celles que les musiciens français produisaient depuis dix années. Le Te Deum de Paisiello est écrit à double chœur ; mais cela est seulement pour la forme, et sans que cette disposition ajoute le moindre intérêt à l’ensemble de la composition, comme ç’avait été le cas récemment avec les œuvres magistrales de Méhul et de Lesueur. Pour tout accompagnement, le musicien italien n’emploie qu’un petit orchestre de violons et de quelques instruments à vent, à l’exclusion de toute sonorité énergique et éclatante ; pas même de trompettes. Par contre, les chanteurs solistes sont en nombre raisonnable : ils chantent des duetti, terzetti, quartetti ; il y aurait des cavatines si c’eût été déjà la mode. Cela nous donne un avant-goût du Stabat mater de Rossini, type le plus recommandable de cette forme d’art. Cette musique édulcorée dut plaire au futur empereur, qui disait un jour à Cherubini : « J’aime la musique qui me berce… »

On pourrait croire pourtant que Bonaparte avait eu un remords. Ayant commandé le Te Deum à un Italien, il craignit sans doute de paraître exiler tout à fait les maîtres de l’école française, et fit écrire par Méhul le Domine salvam par lequel se terminait la cérémonie. Besogne subalterne en vérité : un seul verset de psaume répété trois fois, quelques mesures seulement à mettre en musique. Cela suffit pour montrer la différence. Il y a plus d’inspiration dans les quarante-quatre mesures du Domine salvam de Méhul que dans tous les opéras de Paisiello ensemble. Le génie viril du maître apparaît tout entier en ces strophes fières, énergiques et d’un grand souffle. Même un si petit développement lui a permis de donner véritablement une impression de musique monumentale ; l’alternance des voix, les femmes répondant en un mélodieux et pu accent de prière à l’invocation fortement cadencée des hommes soutenus par la fanfare des trompettes, enfin, après la triple répétition de cette période savamment ordonnée, l’union des forces sonores en une éclatante péroraison, tout cela forme un ensemble d’une architecture grandiose en sa savante simplicité[2].

Conformément aux usages liturgiques, le verset du psaume était répété trois fois. Les deux premières, le chœur disait : Domine salvam fac rempublicam ; la troisième Salvos fac consules. Reportons-nous aux premières pages de ce travail, à la fête de la Fédération : là encore le Te Deum s’était trouvé suivi de l’invocation traditionnelle. Mais alors, la prière était tout autre : elle appelait les bénédictions de Dieu tour à tour en faveur de la Nation, la Loi, le Roi. Douze ans depuis ce jour ! Que les temps sont changés !…

Car la tradition des fêtes nationales, inaugurée en cette journée incomparable, était définitivement brisée. Une fois encore seulement nous verrons le futur Empereur, toujours nominalement chef de la République, faire appel aux maîtres qui avaient versé généreusement les trésors de leur génie en l’honneur de la Liberté. À la fête du camp de Boulogne, dans laquelle les croix de la Légion d’honneur furent distribuées aux braves de la grande armée, le premier consul, se souvenant des prodigieux effets produits par la musique dans les batailles révolutionnaires, voulut donner une dernière et superbe exécution du Chant du départ. Méhul et Gossec, les premiers musiciens, avec Grétry, qui aient reçu les insignes de l’ordre national, y assistèrent et conduisirent l’exécution : douze cents chanteurs, nous dit-on, firent retentir le rivage des énergiques accents de Méhul[3]. L’écho en résonna-t-il jusqu’à l’autre côté du détroit ? Et ce hautain défi musical inspira-t-il aux Anglais l’effroi salutaire ?

Quoi qu’il en soit, à partir de ce jour, il ne fut plus question des chants de la Révolution. Le 2 décembre 1804, l’Empire était définitivement consacré : suivant la coutume, des chars de forme antique parcoururent les rues de Paris, promenant dans la ville des bandes de musiciens. Il y eut les ordinaires réjouissances populaires. Quant à la cérémonie religieuse du couronnement, elle eut lieu, on le sait, avec une grande magnificence. Mais là encore, au point de vue musical, les représentants des deux époques se trouvèrent en présence : Méhul et Paisiello composèrent l’un et l’autre une Messe du Sacre ; et, symbole caractéristique, l’œuvre choisie fut celle de Paisiello : la Messe du couronnement de Méhul demeura inédite, même complètement ignorée jusqu’à ces dernières années[4].

Le surlendemain du couronnement, 4 décembre, eut enfin lieu le cérémonial qui inaugurait définitivement le nouveau régime : la remise des aigles impériales par Napoléon aux chefs de son armée. Comme les plus grandes fêtes de la Révolution, celle-ci eut lieu au Champ de Mars : l’Empereur, du haut du trône placé au milieu de la tribune élevée pour la circonstance devant l’École militaire, occupait exactement la place d’où Louis xvi avait prononcé le serment de la Fédération. Mais, maintenant, ce n’était plus le souverain qui jurait : au contraire il recevait le serment de ses sujets, lesquels répondaient à sa voix, recevant de sa main leurs étendards : « Nous jurons de sacrifier notre vie pour les défendre, et de les maintenir constamment, par notre courage, sur le chemin de la victoire ». David, qui avait retracé jadis la simple et grandiose scène du Serment du jeu de paume, qui, plus tard, avait dirigé la fête célébrée sous Robesrpierre en ce même lieu, a laissé le majestueux et brillant témoignage de ces deux fêtes, par lesquelles le régime issu de la Révolution fut reconnu solennellement, en présence de la Nation et des représentants du monde entier.

iv

Notre tâche est finie. Sous un autre nom et un autre chef, la monarchie est revenue en France ; toute influence de l’esprit révolutionnaire est de nouveau proscrite. Avec l’Empire, les fêtes nationales sont abolies, et le mouvement artistique auquel elles avaient donné naissance est arrêté. Si le gouvernement requiert encore parfois les musiciens et les poètes de mettre leurs talents à son service, ce n’est plus pour chanter une idée, mais pour être agréable au pouvoir ; les fêtes nationales sont devenues des cérémonies officielles ; l’hymne a fait place à la cantate. L’auteur du Chant du départ en est réduit à écrire une cantate pour célébrer « l’état intéressant de l’impératrice » [5]. L’Empire n’a même pas de chant national. Le peuple ne chante plus.

Quand, avec les journées de 1830, l’esprit de la Révolution parut renaître, il y eut, en même temps, une sorte de réveil du chant national. La Marseillaise retentit de nouveau ; son auteur fut tiré de l’état misérable où il végétait, pensionné, décoré. La musique reprit sa place dans la vie publique. Une autre révolution, répondant comme un écho presque instantané à celle de France, celle qui a fait la Belgique indépendante, commença au son d’un autre chant français qui, certes, n’avait pas été composé dans une telle intention : c’est après avoir entendu chanter au théâtre le duo de la Muette de Portici : « Amour sacré de la patrie » (vers qui, soit dit en passant, est un franc plagiat de la Marseillaise) que les habitants de Bruxelles se soulevèrent à leur tour. Et l’auteur, Auber, si peu révolutionnaire, fut chargé d’adapter un air aux paroles destinées à devenir le chant national du règne de Louis-Philippe, la Parisienne de Casimir Delavigne. Poète et musicien, d’ailleurs, s’acquittèrent médiocrement de la tâche, comme s’ils eussent pressenti combien peu le nouveau gouvernement conformerait ses actes à ses origines.

Pourtant, quand le premier anniversaire des journées de juillet fut célébré, il parut une œuvre lyrique signée de deux grands noms. Victor Hugo fit les vers d’une ode en l’honneur des martyrs de la Liberté :

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie…

La musique en fut composée par le digne élève de Méhul, Herold, et chantée au Panthéon par Nourrit et les chœurs de l’Opéra : œuvre virile et d’un grand caractère en son allure sévère et convaincue.

Mais, de tous les musiciens de 1830, celui qui se rattache le plus intimement aux traditions de l’école révolutionnaire, c’est le plus grand, Hector Berlioz. Plus d’une fois déjà l’idée de rapprocher certaines de ses conceptions des essais tentés aux fêtes nationales nous était venue au cours de ce travail : on peut dire qu’en maintes circonstances il ne fit que réaliser les rêves entrevus par Gossec, par Lesueur, par Méhul, mettre, en quelque sorte, la dernière main à leurs ébauches. Sa Symphonie funèbre et triomphale n’est qu’un développement, une mise en œuvre musicale du plan des fêtes funèbres célébrées aux époques les plus violentes de la Révolution, en 1792, 93, 94. Il a composé plusieurs hymnes dans le même esprit que ceux de ce temps-là, et cela spontanément, sans commande, sans même qu’il pût prévoir une occasion favorable pour les faire entendre : cela est si vrai que son Hymne à la France ne put être exécuté dans un cadre digne de lui qu’en 1867, aux fêtes de l’Exposition universelle, alors que l’œuvre était écrite depuis une trentaine d’années. C’est en effet par un instinct naturel, une prédestination, qu’il suivit cette voie. N’avait-il pas dès 1830, étant encore élève au Conservatoire, harmonisé et orchestré le chant de la Marseillaise, avec des annotations qui témoignent vivement de l’intensité de son enthousiasme ?

Il est deux œuvres de Berlioz où l’influence des musiciens de la Révolution est plus manifeste encore. Ce sont, à la vérité, des compositions religieuses, mais conçues l’une et l’autre en vue de cérémonies ayant un caractère national et patriotique. L’une est son célèbre Requiem, son œuvre de prédilection, dont il écrivait, peu avant sa mort : « Si j’étais menacé de voir brûler mon œuvre entière moins une partition, c’est pour la Messe des morts que je demanderais grâce. » L’autre est son Te Deum, moins connu, mais tout aussi digne d’admiration. Leur destination n’est pas douteuse : le Requiem fut composé pour une cérémonie commémorative en l’honneur des morts des journées de Juillet ; n’ayant pu être exécuté à cette occasion, il fut donné aux funérailles d’un général mort à l’ennemi. Pour le Te Deum, exécuté dans une cérémonie patriotique à Saint-Eustache, en 1855, deux morceaux en caractérisent assez l’intention : d’abord la Marche pour la présentation des drapeaux, qui termine l’œuvre ; puis un prélude instrumental qui n’existe pas dans la partition gravée, mais qui se trouve dans l’autographe avec une note indiquant qu’il convient essentiellement « à une cérémonie d’actions de grâces pour une victoire, ou toute autre se ralliant par quelque point aux idées militaires[6]. »

Or, ces deux œuvres se relient intimement aux vastes compositions musicales étudiées au commencement de ce dernier chapitre. Avec le Chant du 25 Messidor, de Méhul, et celui du 1er Vendémiaire, de Lesueur, le Requiem et le Te Deum de Berlioz sont les plus beaux modèles de musique monumentale qui aient été conçus en France. Comme eux, le Requiem, exécuté aux Invalides, a adopté la disposition si hardie des orchestres se répondant des diverses parties de l’édifice : là où les quatre chœurs de son maître Lesueur, représentaient les voix de la foule se renvoyant le joyeux murmure de l’allégresse populaire, Berlioz a osé, lui, faire retentir aux quatre coins de l’édifice la terrible fanfare des trompettes du Jugement dernier. De même dans le Te Deum, où les voix sont divisées en trois chœurs, leur masse, unie à celle des instruments, dialoguait, du fond de l’église, avec l’orgue répondant du haut de sa tribune. Ainsi la tradition se poursuivait-elle sans discontinuité.

Mais les temps étaient changés. Si les hommes de la Révolution avaient vu en la musique une force et l’avaient traitée avec honneur, les gouvernements qui suivirent tendirent de plus en plus à ne considérer en elle qu’un vain bruit. Berlioz, à lui seul, fournira toutes les preuves nécessaires de cette fâcheuse évolution. On sait la peine qu’il eut à obtenir pour son Requiem une exécution digne de sa grande et superbe conception. Pour sa Symphonie funèbre et triomphale, exécutée au dixième anniversaire des journées de 1830, pour l’inauguration de la colonne de Juillet, personne ne l’écouta et c’est à peine si l’exécution put aller jusqu’au bout : au plus beau moment de l’Apothéose, les tambours des régiments se mirent à battre et les soldats à défiler pour retourner à leurs casernes. Sous le second Empire, le maître avait encore, pour une cérémonie officielle, composé une cantate : l’Impériale. Mais au milieu de l’exécution, on vint lui dire que l’Empereur s’impatientait et qu’il eût à finir sa musique au plus tôt.

C’était la fin : la musique nationale était morte en France, tombée sous l’indifférence du pouvoir.

Cet épilogue n’était pas inutile pour compléter notre étude du rôle de la musique dans les fêtes nationales, dans la vie nationale elle-même. Il nous montre la décadence d’une forme d’art issue des événements et des idées de la Révolution française, parallèlement consommée avec celle des institutions sorties des mêmes sources. Aujourd’hui que ces principes semblent avoir définitivement triomphé, ne serait-il pas opportun de tenter, dans un sens analogue, un réveil de cet art ? Ce n’est point à nous qu’il appartient d’en rien préjuger : le champ reste ouvert à l’insondable avenir. Notre but, moins ambitieux, était simplement de faire revivre des souvenirs injustement oubliés : d’autres diront si ces souvenirs, outre l’intérêt qu’ils peuvent offrir par eux-mêmes, méritent en même temps de servir d’exemple et de leçon.

Julien Tiersot.
FIN

SEMAINE THÉATRALE


reprise de falstaff à l’opéra-comique

L’Opéra-Comique nous a rendu Falstaff’avec un nouveau Falstaff en la personne de M. Fugère, pour qui la soirée était d’importance. Il s’agissait pour lui de succéder dans ce rôle à M. Maurel, qui, après avoir établi le personnage à Milan, était venu le jouer ici, imposé par Verdi, qui ne voulait pas d’un autre interprète pour l’apparition de son œuvre devant le public parisien. C’est toujours chose fort délicate et parfois dangereuse pour un comédien que de reprendre un rôle marqué de sa griffe par un autre artiste, surtout lorsque le souvenir de celui-ci est encore si frais dans l’esprit du spectateur. Il est vrai qu’il s’agissait ici de M. Fugère, c’est-à-dire d’un artiste depuis longtemps en possession de la faveur du public, bien qu’à mon sens il ne jouisse pas de l’immense renommée que devraient lui valoir, avec ses rares et précieuses qualités, la souplesse et la variété d’un talent que je considère pour ma part comme de premier ordre. Cette souplesse et cette variété, il les a déployées, Dieu sait comme, dans une foule de créations diverses, parmi lesquelles il suffirait de rappeler, entre vingt autres, le Roi magré lui, Phrymé, le Flibustir et le Portrait de Manon, où les types établis par lui sont inoubliables.

Mais j’ai hâte de dire que la soirée de mercredi a été excellente our lui, et qu’un succès aussi complet que bruyant l’a récompensé de son nouvel effort. Ce succès ne pourra que s’accentuer encore, si toutefois la chose est possible, lorsque M. Fugère aura pris pleine possession de son personnage en lui donnant toute l’ampleur dont il est susceptible. Chanteur de goût et de style, il a été parfait au point de vue vocal, bien que certaines notes du rôle soient un peu graves pour sa voix ; comédien habile et expérimenté, plein de tact et de finesse et sachant rester comique sans jamais sombrer dans la charge, il a donné au personnage tout son caractère de suffisance prétentieuse, de majesté burlesque et de sensualité grossière, sans sortir un instant des bornes du bon goût. Avec cela, une véritable originalité dans la diction musicale, en même temps que des intentions scéniques d’un comique achevé.

Déjà, au premier acte, son succès avait été grand avec le morceau de l’honneur, qu’il avait dit d’une façon exquise. Ce succès ne fit que grandir, au second, dans la scène avec Quickly, puis dans le duo avec Ford, pour atteindre à son paroxysme dans le fameux badinage : Quand j’étais page du sire de Norfolk. On vit alors, ce que peut-être on n’avait jamais vu à Paris, le public obliger l’artiste à chanter quatre fois ce couplet si amusant, et ne se lassant pas de le lui faire répéter. On ne l’avait jamais redemandé que trois à M. Maurel. Le record est décidément à M. Fugère. En résumé, cette épreuve a été un véritable triomphe pour l’excellent artiste, et Falstaff, grâce à lui, va pouvoir continuer brillamment sa carrière.

Deux autres rôles sont tenus nouvellement dans l’ouvrage : celui de Nanette, où l’aimable Mlle Laisné succède, très gentiment et très intelligemment, à Mme Landouzy, et celui de Ford, qui a passé de M. Soulacroix à M. Badiali, lequel s’est fort bien tiré de l’air emphatique de la jalousie, qui n’est décidément pas l’un des meilleurs morceaux de cette partition si exquise en son ensemble. Pour le reste, il faut rappeler avec éloges les noms de Mlle Grandjean,

  1. Voy. Th. de Lajarte, Catalogue de la Bibliothèque de l’Opéra.
  2. La Bibliothèque du Conservatoire possède une partition manuscrite du Te Deum de Paisielle et du Domine salvam de Méhul. — L’abbé Grégoire s’est exprimé en termes sévères sur le compte de cette cérémonie politico-religieuse, qu’il ne craint pas de rapprocher des fêtes de 1793. Il parle, à l’occasion de ces fêtes, des hymnes exécutés au Champ de Mars « par les Vestales de l’Opéra, qui avaient figuré à la fête de la Raison à Notre-Dame, que l’on retrouve dans le même temps à la fête du Concordat, et qui, habituellement, ont figuré dans les églises de Paris pour exécuter des oratorios, des pièces de Haydn, de Mozart, auxquelles affluait le beau monde avec des billets taxés comme à la comédie, la maison de Dieu travestie en salle de spectacle. » Grégoire, Histoire des sectes, T. i, p. 109.
  3. Pierre Hédouin, Gossec, dans la Mosaïque. p. 303.
  4. Cette messe a été découverte, dans des circonstances toutes fortuites, par M. l’abbé Neyrat, en Autriche, où une copie en était venue, on ne sait comment : M. Neyrat, en ayant eu communication, l’a publiée il y a quelques années, avec réduction de l’orchestre pour orgue ou piano.
  5. A. Pougin, Méhul, pp. 310 et 388.
  6. La partition autographe du Te Deum de Berlioz est conservée à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, à qui le maître en a fait don. Voy. Octave Fouque, les Révolutionnaires de la musique, p. 230 et suiv.