Les fleurs poétiques, simples bluettes/02/05

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C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. 79-81).

LES MARGUERITES

À M. GABRIEL MARCHAND

Que Dieu t’abrite
Contre l’aquilon,
Ô marguerite,
Astre du vallon !

P. Dupont.


Marguerites des champs, votre corolle blanche
Est faite de beauté, de grâce et de candeur.
En groupes gais, joyeux, chantant sous la splendeur
D’un firmament d’azur où le soleil se penche,

Les jeunes filles vont se mêler parmi vous.
Elles ont des yeux clairs, des fronts purs, des cœurs doux ;
Vous les reconnaissez, ce sont vos sœurs aimées.
Se tenant par la main, guirlandes animées,
Elles dansent en rond. Vous partagez leurs jeux ;
Bientôt vous recevrez leurs tendres confidences,
Leurs secrets bien gardés, leurs timides aveux.
Elles vous rediront leurs chères espérances,
Leurs bonheurs entrevus, et leurs rêves dorés,
Et leurs déceptions, et leurs peines secrètes…

Dans le calme de l’air, dans le calme des prés,
Elles vous disent tout, comme à des sœurs discrètes ;
Et vous interrompez vos méditations
Pour entendre les vœux des jeunes amoureuses,
Pour écouter leur voix, souriant aux heureuses,
Aux autres prodiguant des consolations.

Vous ne pouvez parler. Votre lèvre est bien close,
Impuissante à trahir les secrets révélés.
Vous observez la loi que la candeur impose ;
Mais vous savez tout dire avec des mots voilés.
Dans vos discours muets vous vous faites comprendre
Des jeunes amoureux, charmés de vous entendre…