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Les loisirs du chevalier d'Éon/1/Alsace/III

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CHAPITRE III.

Du Gouvernement Ecclésiastique.


LA Province d’Alsace est de quatre diocèses différens, savoir, Besançon, Basle, Spire & Strasbourg. Il y a environ 24 paroisses qui dépendent du premier : près de 240 paroisses qui forment presque toute la haute Alsace, relèvent de celui de Basle dont l’évêque tient un official à Altkire, petite ville sur les frontières de la Suisse. Les appels simples de cet official se relèvent par devant celui de Besançon, qui est son métropolitain : & les appels comme d’abus se portent au conseil supérieur d’Alsace : une partie de la basse Alsace au nombre de 110 paroisses, est sous l’évêché de Spire dont l’official juge définitivement les appels simples, mais on relève au conseil supérieur les appels comme d’abus.

L’évêché de Strasbourg est si ancien, que l’on prétend qu’il existoit du tems de Constantin-le-grand, & qu’en 346 S. Amand évêque de Strasboug assista au concile de Cologne.

Ce siège fut déclaré suffragant de Mayence par Charlemagne, qui érigea cette dernière ville en métropolitaine. Les rois des deux premières races & les Empereurs Othon, Henri & Lothaire donnèrent de si grandes possessions à cette église, que les plus grands Princes en recherchèrent les bénéfices avec empressement, & que fondés sur un usage, qu’ils disoient être aussi ancien que leur institution, ils exclurent les roturiers dès le 13e siècle, & ensuite les simples gentils-hommes, malgré les oppositions des Papes.

La ville de Strasbourg ayant embrassé le luthéranisme, les habitans en chassèrent le chapitre, les moines, les prêtres & tout ce qui étoit attaché à la Religion Catholique ; car pour l’évêque, la ville craignant depuis longtems qu’il n’entreprit sur sa liberté, il avoit été convenu par des capitulations qu’il feroit sa résidence à Saverne. Ils y retournèrent en 1550 mais après l’abdication de Charles-quint arrivée en 1556 ils furent si effrayées de se trouver sans appui au milieu d’un peuple nombreux qui leur étoit opposé, qu’ils se retirèrent à Molsheim.

L’évêque étant mort sur ces entrefaites, les Luthériens élurent George prince de Branbebourg, & les Catholiques assemblés à Saverne choisirent Charles Cardinal de Lorraine ; ce qui excita une longue guerre entre les deux partis, qui diminua considérablement les revenus de l’évêché, ayant été convenu par le traité de 1604 conclu à Haguenau, que le bénéfice demeureroit au Cardinal moyennant une grande somme, pour le paiement de laquelle ce prélat aliéna, à la ville de Strasbourg, le baillage de Marlenheim & beaucoup d’autres droits.

Des quatre canonicats luthériens qu’il devoit y avoir dans l’église de Strasbourg suivant le traité de pacification, il en subsistoit encore deux en 1687. Un arrêt du conseil Supérieur d’Alsace, séant pour lors à Brisac, en dépouilla les Princes de Brunswik & de Meckelbourg qui en étoient pourvus ; & depuis ce tems il n’y a point eu de chanoines Protestans.

Le chapitre est composé de douze chanoines capitulaires & de douze domiciliaires, dont les premiers ont seuls voix & entrée au chapitre, lorsque les derniers n’y ont aucun droit, & n’ont que des places d’attente pour parvenir à celles des capitulaires.

L’évêque est membre de l’Empire, & jouït, avec la même supériorité territoriale que les autres souverains d’Allemagne, de deux baillages considérables situés au-delà du Rhin, en conséquence desquels il a voix & séance à la diette de l’Empire & fournit son contingent, tant en troupes qu’en entretien de la chambre de Spire transférée à Vetzlaar.

L’évêque est élu par les chanoines ; si c’est l’un d’entre eux, il ne faut qu’une voix au-delà de la moitié de celles des présens pour rendre l’Élection valable : mais si c’est un étranger, ce ne peut être que par postulation ; & dans ce cas la validité de l’acte requiert les deux tiers des voix.

Pour être chanoine, il faut faire preuve, pour les Allemands, de quatre générations de comtes ou Princes de l’Empire, & pour les François de quatre générations de ducs ou princes.

Il y a dans la dépendance de ces évêchés plusieurs abbayes d’hommes & de filles, des chapitres nobles & non-nobles, des églises collégiales & des communautés de prêtres, des prieurés simples & à charge d’âmes, des commanderies des ordres de Malthe & Teutonique, & autres bénéfices dans le détail desquels on croit inutile d’entrer.