Les mœurs du tigre, récit de chasse/Préface
LES MŒURS DU TIGRE
RÉCIT DE CHASSE
Je n’offre ici que les notes et les remarques d’un chasseur. J’ai beaucoup étudié le tigre, et j’en puis parler consciencieusement et véridiquement.
D’abord, je dois m’élever contre un préjugé très accrédité parmi les Européens, notamment en France, pays où l’on croit beaucoup sur paroles les récits fantaisistes de quiconque vient de loin. On y affectionne les comparaisons entre les animaux féroces. On donne généralement au lion la priorité en force et en courage. L’élégant romancier Méry, qui a raconté une Inde de sa création, a narré quelque part un combat entre un lion et un couple de tigres. À son dire, les trois animaux moururent, — ce qui est vraisemblable ; mais le lion, sans doute pour sauvegarder sa dignité, mourut le dernier.
Sincèrement, de tels parallèles sont puérils et dénués de fondements. On aime encore à établir un rapport entre l’éléphant et le tigre, ennemis jurés, qui, toujours selon les raconteurs fort à l’aise, se livrent, à l’état sauvage, d’épiques combats. — Autre invention. Je dirai plus loin ce que j’ai vu moi-même et ce que je tiens des chasseurs anglais et indiens les plus dignes de confiance.
Enfin, l’immense majorité des lecteurs prend indistinctement pour « tigres » tous les félins à pelage tacheté. Ceci est encore une erreur. Le tigre est essentiellement rayé de bandes. Il ne se rencontre qu’en Asie. Le jaguar d’Amérique, l’once d’Afrique appartiennent à la famille des panthères et des léopards, et chacune de ces races a son signalement à part. Le tigre, par sa taille, sa force et son courage surpasse de beaucoup ces subalternes de l’espèce féline. Il est au lion d’Afrique ce que le
Ces préliminaires établis, j’entre dans mon sujet.