Les mausolées français/Cottin

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MME COTTIN.



Sous une simple pierre, sans pompe et sans ornements, repose dans un lieu solitaire et presque ignoré, une femme aussi recommandable par les qualités du cœur que par les agréments de son esprit, l’aimable auteur des romans de Claire d’Albe, de Malvina, de Mathilde, etc., et qui doit occuper un rang distingue parmi nos femmes célèbres.

Un épais buisson de rosiers, de jasmins, de liladiers, de chèvre-feuille, amoureusement entrelacés, ombrage cette tombe et semble vouloir la dérober aux regards ; emblème de l’estimable modestie qui caractérisa toujours cette femme intéressante, au milieu des succès les plus flatteurs.

En écartant d’une main respectueuse le feuillage tutélaire, on lit :


ICI REPOSE
Marie Sophie RISTAUD,
veuve de J. M. COTTIN,
décédée le 25 août
1815.




Madame Cottin, née à Tonneins en 1773, reçut de sa mère une éducation très-soignée, et épousa dès l’age de dix-sept ans un riche banquier de la capitale, qui lui fut ravi dans les troubles de la révolution, après trois ans de la plus douce union. Retirée dans la solitude, elle écrivit pour charmer ses ennuis ; et ses amis purent recueillir une foule de pièces fugitives, en vers ou en prose, dont elle seule ignorait le charme et le mérite. Entraînée par son gout et une facilité extraordinaire, elle conçut un plan, traça de suite deux cents pages, et composa ainsi Claire d’Albe, ouvrage plein de grace et de sentiment[1]. Bientôt on vit Malvina, Amélie de Mansfield, Mathilde, Élisabeth, etc., sortir de sa plume spirituelle et féconde ; et elle travaillait à un livre sur l’éducation, lorsqu’elle fut surprise par une maladie cruelle dans la quarante-deuxième année de son âge.

Madame Cottin en écrivant ne faisait qu’obéir à un penchant irrésistible, et ne cherchait point à satisfaire son amour-propre : car elle avait pour principe qu’une femme ne doit point être auteur. Elle s’est souvent blâmée elle-même d’avoir publié ses ouvrages ; et c’était en quelque sorte pour se faire pardonner ce qu’elle regardait comme un tort, que le produit en était toujours consacré à quelques œuvres de bienfaisance.

On a dit d’elle que d’autres écrivains avaient mieux connu le monde et ses ridicules, mais que personne n’est allé plus avant dans les secrets du cœur, et n’a rendu les sentiments et les passions avec plus d’éloquence et de vérité.


  1. Un de ses amis, qui venait d’être proscrit, avait besoin de cinquante louis pour sortir de France, et dérober sa tête aux échafauds révolutionnaires ; madame Cottin rassemble les feuilles éparses qu’elle vient d’écrire, les vend à un libraire, et en remet le prix à son malheureux ami. Ce fut ainsi que le premier pas de madame Cottin dans la carrière des lettres fut marqué par une bonne action et un bon ouvrage.