Les mausolées français/Parny

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PARNY.



Du milieu d’un buisson de rosiers et d’arbustes fleuris, s’élève un petit obélisque en marbre noir surmonté d’une urne cinéraire. Sur une des faces, au-dessous d’une couronne d’étoiles d’or, on lit :


évariste
parny
mort le 5
décembre 1814
élevé par sa malheureuse
veuve,
ses parents, ses
amis les plus intimes


Le chevalier Évariste de Parny, membre de l’Institut et de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, naquit à Paris, d’une famille noble et distinguée. Nous croyons ne pouvoir mieux le faire connaitre qu’en transcrivant ici presque textuellement une partie des discours qui furent prononcés sur sa tombe.

Doué à la fois d’une ame sensible et d’une imagination ardente, il chercha d’abord la gloire dans la noble profession des armes, devint capitaine de cavalerie, et maniait tout à la fois la lyre et l’épée. Mais sa santé trop faible lui commanda bientôt la retraite. Il n’aspira dès-lors qu’à des succès plus paisibles et à des lauriers plus doux et se plaça bientôt sur le Parnasse français, à côté des écrivains du grand siècle. Ses poésies se distinguent par la grâce, l’harmonie et la délicatesse des pensées ; on reconnait dans ses élégies le langage expressif et vrai du sentiment, et c’est dans son cœur qu’il puisait la tendresse et la sensibilité qui respirent dans ses écrits.

Ami de ses rivaux et soutien de ses jeunes émules, il ignora les passions funestes qui corrompent les douceurs de l’étude, et chanta successivement l’amour, l’amitié et la reconnaissance. Frappé soudain d’un mal qui dévora lentement ses jours, la douleur le trouva impassible, et, jeune encore, il en supporta les plus cruelles atteintes sans s’émouvoir. Il souffrit avec la fermeté d’un stoïcien, et, après une longue agonie, il mourut avec le calme d’un sage.

Outre ses poésies érotiques, il a publié la Guerre des Dieux, le Portefeuille volé, et les Roses Croix, poëmes où il s’est montré l’émule de Voltaire, mais dont on a justement condamné l’immoralité[1].

Comme, dans l’antiquité, Virgile et Tibulle se suivirent de près au tombeau, de même, Delille et Parny, qui ont fait revivre parmi nous ces deux poètes, furent presque en même temps ravis aux lettres et à l’amitié.

  1. Le premier de ces poëmes l’écarta de l’institut jusqu’en 1805, et la publication du second fut arrêtée par le gouvernement impérial.