Les mausolées français/Visconti

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VISCONTI.



Tout auprès de la superbe sépulture du comte Regnault de Saint-Jean-d’Angely est un cippe de forme antique, orné de quelques légères sculptures et d’un buste en marbre blanc, dont les traits rappellent un homme justement révéré de toute l’Europe savante ; qui posséda au plus haut degré les connaissances numismatiques et archéologiques, et répandit des lumières encore inconnues dans la science de l’antiquité ; Visconti enfin, un des plus utiles collaborateurs de l’académie française, un de ses plus rares ornements[1], et dont le nom seul doit attacher à ce tombeau le plus vif intérêt.

On y lit pour toute épitaphe,

MEMORIAE

ENNI QVIRINI VISCONTI IOAN
DIEM FVNCTI VII ED FEBR A M. DCCC. X. VIII
ANNO AETATIS LXIV
PETRVS COLLOT AMICVS
THERESIA DORIA VXOR
SIGISMVNDVS ET LVDOVICVS FILII
AMORIS ET PIETATIS CAVSA

POSVERE
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Ennius Quirinus Visconti, membre de l’Institut (académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et académie des Beaux-Arts), conservateur du musée royal des Antiques, chevalier de la Légion-d’honneur, etc., naquit à Borne en 1754. Élevé dans le Vatican même par les soins de J. B. Visconti, son père, homme également recommandable, et qui y était chargé du noble emploi de conserver les précieux monuments de l’art des anciens, et-de les décrire, il y puisa de bonne heure cette vaste érudition, ce goût pur, dont l’influence a si puissamment contribué à détruire une foule d’erreurs accréditées, à découvrir des vérités nouvelles, et à rétablir les bonnes doctrines dans l’empire des arts.

La langue grecque semblait être sa langue naturelle ; rien n’échappait à sa mémoire ; les productions de la littérature ancienne, les ouvrages des artistes de la Grèce et de l’Italie lui étaient également familiers, et l’antiquité vivait pour ainsi dire tout entière dans son esprit.

Ne cherchant que la vérité, aucune prévention, aucun système ne l’égara dans ses recherches, ni ne maîtrisa jamais ses opinions. Chérissant autant les savants que la science, il recherchait et protégeait ceux qui se livraient aux mêmes travaux que lui. Là où les autres deviennent rivaux, il devenait ami ; et sa modestie et ses vertus privées rehaussaient encore l’éclat de ses talents éminents.

À cette époque fameuse où la victoire, fidèle à nos armes, transportait dans les galeries du Louvre les trésors de l’Italie, Visconti fut invité par le chef du gouvernement français à suivre à Paris les marbres et les monuments qu’il avait si savamment étudiés ; et sa nouvelle patrie s’honora de l’adopter comme un de ses enfants.

Ses principaux ouvrages sont la description du musée Pio-Clémentin, commencée par son père, mais à laquelle il eut la principale part ; celle de la Villa Pinciana, qui en peu de mots renferme la plus grande érudition, et qui fonda de bonne heure sa réputation ; son Iconographie grecque et romaine, vaste ouvrage qu’il n’a pu terminer, mais qui, bien qu’incomplet, est un des titres les plus honorables de sa gloire littéraire ; des Notices jointes aux antiques gravés dans le Musée français et dans le Musée royal ; des dissertations, destinées à enrichir les mémoires de l’Académie ; de nombreuses restaurations d’inscriptions grecques, la description des sculptures du Parthénon d’Athènes ; de doctes articles pour le dictionnaire que prépare l’Académie, etc., etc. ; enfin, c’est à lui que nous devons la nouvelle disposition et la classification du musée actuel des antiques. Il mourut le 7 février 1818, à l’âge de soixante-quatre ans.

  1. Discours prononcé sur sa tombe, par M. Quatremère de Quincy.