Les moteurs à gaz/Épuration chimique

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L. Boulanger (Le livre pour tous no 95p. 12-17).

ÉPURATION CHIMIQUE

À l’origine l’épuration chimique se faisait dans des cuves à moitié remplies d’un lait de chaux. Ce lait de chaux absorbait l’hydrogène sulfuré en produisant du sulfure de calcium ; il s’emparait aussi de l’acide carbonique, en formant du carbonate

Installation d’un extracteur de gaz Kœrting, avec son régulateur.
de chaux, et il décomposait les sels ammoniacaux, mais il fallait ensuite se débarrasser de l’ammoniaque libre, en faisant passer le gaz dans une eau légèrement acidulée.

Ce moyen était long, assez efficace pourtant, mais il avait l’inconvénient d’augmenter la pression dans les cornues.

On l’abandonna pour se servir de grandes caisses, en tôle ou en fonte, divisées en trois ou quatre compartiments par des claies en fil de fer, sur lesquelles on répandait de la chaux éteinte en poudre.

Le gaz arrivait par la partie inférieure de la caisse, traversait successivement toutes les couches de chaux et, la caisse étant fermée hermétiquement par un système hydraulique, il ne pouvait sortir que par l’issue qui lui était ménagée.

On se sert toujours des caisses à compartiments, mais presque partout on a renoncé à l’emploi de la chaux et l’on garnit aujourd’hui les claies métalliques d’une couche de sciure de bois, fortement imbibée de chaux et de sulfate de fer.

Cet agent est infiniment préférable, non seulement pour son énergie, mais pour les résidus qu’il produit, et qui sont utilisés par l’industrie pour faire un bleu de Prusse magnifique.

L’opération n’est, du reste, pas tout à fait la même. Ainsi, les claies sont disposées de façon que le gaz, arrivant par le fond de la caisse, sature les premières couches de sciure de bois, tandis que les couches supérieures restent fraîches ; à chaque renouvellement de la cuve, les claies sont descendues d’un étage et la dernière, rechargée à nouveau, se trouve redevenir la première et ainsi de suite.

Il y a aussi le procédé anglais, inventé par M. Lamming et qui se compose de deux épurateurs distincts.

Le gaz arrive dans le premier, qui contient du chlorure de calcium ; il y laisse son carbonate d’ammoniaque ; de là il passe dans un second, composé d’une couché d’oxyde de fer, d’une couche de sciure de bois et d’une couche de carbonate de chaux.

Là l’hydrogène sulfuré du gaz est transformé par l’oxyde de fer, en sulfure de fer ; celui-ci, abandonné pendant quelques heures au contact de l’air, devient du sulfate de fer et par suite de la réaction chimique, il se produit du sulfate de chaux et de l’oxyde de fer.

Ce sont les mêmes agents que dans le système français, qui est en somme une modification plus pratique de ce procédé.

Quelles que soient, d’ailleurs, les matières employées, il y a maintenant un moyen économique de les revivifier, c’est-à-dire de leur redonner toute la puissance d’épuration qu’elles ont pu perdre par l’usage.

C’est le souffleur à jet de vapeur du système Kœrting.

Certes, l’idée n’est pas nouvelle, et l’on comprend facilement qu’on ait essayé de longtemps à revivifier la masse d’épuration employée pour débarrasser le gaz, du soufre qu’il contient. Ce qu’on avait fait de mieux c’était de souffler de l’air atmosphérique ordinaire à travers les épurateurs, mais on n’obtenait que des résultats médiocres et qui étaient même souvent négatifs, par la raison que la prompte oxydation du soufre de fer étant toujours suivie de l’échauffement très rapide de la masse totale, aussi bien que des épurateurs ; il arrivait quelquefois que les caisses brûlaient, lorsqu’elles étaient en bois.

Avec le procédé Kœrting, on peut se servir d’épurateurs en bois, sans aucun danger, et revivifier très promptement et sans déplacement, le chargement de tous les compartiments, qui, par cette raison, peut être considérablement diminué.

Une seule chose est nécessaire au bon fonctionnement de l’appareil, c’est qu’au préalable la masse de purification ait été tamisée soigneusement, de façon à être dépourvue de toute poussière ; autrement, l’humidité contenue dans l’air compose avec cette poussière, une masse limoneuse qui, s’écoulant en bas, forme dans la masse d’épuration, des canaux par lesquels le gaz passe sans être purifié.

À cela près, on charge à la manière ordinaire, l’épurateur qui n’a pas besoin non plus d’être d’une construction spéciale, pourvu que son couvercle soit muni d’un trou d’homme (ce qui est le cas le plus général). Il suffit que l’on pratique à sa partie inférieure une tubulure pour laisser passer le tuyau à air, sur lequel est fixé le souffleur.

Ce souffleur, qui est d’une disposition analogue à celle de tous les appareils à jet de vapeur des frères Kœrting, doit être monté à une distance d’au moins 6 mètres de l’épurateur, afin que l’eau condensée, qui se forme par le mélange de la vapeur, ait le temps de s’abattre et de s’écouler par un robinet purgeur, placé à l’endroit le plus bas du tuyautage.

Voici maintenant comment il fonctionne. Quand l’épurateur est mis hors d’action et que la revivification de la masse est devenue nécessaire, on ouvre le trou d’homme, percé au milieu du couvercle, de l’épurateur, et l’on met en
marche le souffleur, en ouvrant entièrement le robinet du tuyau d’arrivée de vapeur, et, selon les besoins, les clapets à air, placés de chaque côté du souffleur.

L’ouverture de ces clapets se règle selon l’état et la composition de la masse ; en général il faut les ouvrir d’autant plus que la masse a été plus en usage et qu’elle est plus saturée de soufre et d’autres impuretés.

On ouvre aussi le petit robinet, placé à la partie supérieure du souffleur, mais pas plus qu’il ne faut pour laisser écouler l’eau de condensation du tuyau d’arrivée de vapeur.

Pendant que le souffleur est en marche, l’action chimique de l’air, qu’il refoule dans l’épurateur, se produit et absolument sans danger ni inconvénient ; car cet air, refoulé au moyen d’un jet de vapeur, s’imprègne d’un degré d’humidité tel, que tout échauffement successif est évité sûrement. La température dans l’épurateur s’élève, il est vrai, mais graduellement, et elle s’abaisse graduellement aussi, jusqu’à la température de l’air envoyé par l’appareil. Alors, la revivification terminée, on ferme le robinet à vapeur, les clapets à air et le trou d’homme, et l’épurateur, dont la masse est comme neuve, est prêt à être remis en action pour l’épuration du gaz.