Les oiseaux artificiels/Préface

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PRÉFACE




Mon cher ami,

Les ouvrages sur l’aviation abondent. Quelques-uns n’étaient peut-être pas indispensables.

Il nous manquait celui-ci.

Lorsque j’en feuilletai les bonnes pages, je ne cherchai point à dissimuler cette opinion sincère.

Ce fut, de ma part, une imprudence. Ne me vaut-elle pas de présenter aujourd’hui au public, d’une plume inexperte, les Oiseaux artificiels ?

Non pas que ma tâche de préfacier, si nouvelle pour moi, m’apparaisse bien lourde ; je serais plutôt tenté de l’imaginer superflue. Mais pouvais-je renoncer au plaisir de dire, avec ma profonde sympathie pour l’auteur, la haute estime que je professe pour son œuvre.

Voici tantôt dix ans, mon cher ami, que nous fîmes connaissance. Je commençais mes recherches et mes expériences sur les ballons dirigeables. Vous veniez d’être touché par la grâce aéronautique et, négligeant le soin d’une carrière de chroniqueur et d’homme de lettres qui s’annonçait déjà brillante, vous aviez résolu de vous faire, par la presse et par le livre, le champion, le propagateur de « l’Idée aérienne ».

La lâche était ardue, surtout à cette époque. Mal informé, prisonnier de préjugés antiques, le public accordait à peine une attention railleuse aux travaux de ceux qui s’efforçaient, la terre étant conquise, d’annexer l’espace aérien au domaine de l’homme.

Pour éclairer l’opinion, vous commenciez alors un labeur journalistique, continué depuis une défaillance. Votre foi ardente, votre enthousiasme s’exprimaient en des chroniques colorées, vivantes, chaleureuses. Retenu tout d’abord par le charme puissant du style, le lecteur y puisait, sans même s’en douter, les notions claires, précises et sûres, qui lui permettaient de comprendre l’œuvre entreprise et d’en sentir toute la grandeur. Vous le guidiez par la main vers ces horizons nouveaux, ces lointains magiques, entrevus jusqu’alors par de rares initiés, et qui sont aujourd’hui si distincts et si proches ! Ce rôle d’éducateur, la plus pure noblesse du métier d’écrivain, nul ne l’a mieux compris, nul ne l’a plus brillamment rempli que vous. Le suffrage unanime du public, l’estime de vos confrères vous en ont récompensé.

Vous avez voulu faire mieux encore. Aux aperçus forcément partiels et fragmentaires du journaliste technique, dominé par l’actualité et les nécessités quotidiennes de l’information, vous teniez à joindre les larges tableaux d’ensemble et l’abondance de détails que permet seul le cadre agrandi du livre.

Vous aviez déjà donné avec Au fil du cent, l’œuvre de longue haleine agréable et solide, où se retrouvent, avec l’histoire admirablement documentée de l’aérostation, l’exposé lumineux de ses gloires, de ses drames, de sa pratique, de ses applications, le sentiment profond et nuancé de sa poésie incomparable.

Avec les Oiseaux artificiels, vous tentez avec le même succès, pour l’Aviation, la même entreprise. Les lecteurs y reconnaîtront votre clarté de méthode, vos divisions judicieuses par chapitres nettement séparés, sans aucun arbitraire, mais conformément aux faits et aux choses ; cet enchaînement logique des idées et des événements, qui eût échappé à un auteur moins maître de son sujet. Ils aimeront votre talent d’exposition, qui sait, quand il le faut, faire comprendre sans fatigue les notions les plus arides. Bien peu se douteront de ce que dissimule d’érudition éclairée, de conscience scientifique, l’aisance alerte du style.

Tous vous liront avec autant de profit que d’agrément. Aussi me demandé-je pourquoi vous avez tenu à donner à votre nouveau travail un patronage dont il n’avait, entre nous, nul besoin. C’est d’eux-mêmes et sans mon secours, croyez-le bien, que les Oiseaux artificiels, à l’exemple de vos précédentes œuvres, prendront leur vol vers le succès.