Les oracles de Michel de Nostredame/Tome 2/Partie 3/Avant-Propos

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Texte établi par Anatole Le Pelletier, Le Pelletier (p. 281-284).

AVANT-PROPOS.





Le Glossaire comprend les mots forgés ou tirés par Nostredame du celtique, du roman, de l’espagnol, de l’italien, du latin, du grec ; les anagrammes, les jeux de mots, les énigmes, les tropes, les métaphores historiques & mythologiques. Il ne contient aucun mot français, à moins que ce mot n’offre un sens particulier ou n’appartienne à une autre langue. Il existe notamment beaucoup de mots français en apparence & qui ont, dans le roman, une acception toute différente[1].

Il manque au Glossaire quelques noms de lieux introuvables & un petit nombre de mots que je n’ai pu amener à un sens plausible ni rattacher à aucune langue. Faut-il en accuser l’incorrection du texte, ou le défaut de pénétration du traducteur ? C’est un point que je ne me permets pas de résoudre ; & je laisse aux érudits le soin de compléter mes recherches, de me redresser au besoin & de suppléer à ce qui m’est échappé.

Nostredame est un auteur tellement impénétrable, qu’il faudrait être bien présomptueux ou bien illusionné, pour se flatter d’en avoir touché le fond. Protée capricieux, sous une forme naïve & primesautière, il se dérobe, quand il lui plaît, derrière les artifices de son vocabulaire polyglotte, & plonge à des profondeurs où le scoliaste dérouté renonce à le poursuivre. Je n’hésite pas à déclarer pour ma part, que j’ai, nombre de fois, — suivant la pittoresque expression de Nostredame[2], — « retiré le front en arrière » devant un obstacle invincible & que, malgré ma persévérance & j’ose même dire mon aptitude à déchiffrer ce grimoire cabalistique, j’ai dû circonscrire le cercle de mes investigations & laisser derrière moi, à de nouveaux commentateurs, un champ immense encore à parcourir.

Les chiffres romains placés en regard d’un mot indiquent la Centurie, & les chiffres arabes le Quatrain où se trouve ce mot. Les signes abréviatifs : Quat. Six. Prés. Préf. Épît., indiquent la référence, soit aux Quatrains supplémentaires, soit aux Sixains, soit aux Présages, soit à la Préface en forme d’Epître à César de Nostredame, soit à l’Epître dédicatoire à Henry Second.

Ces chiffres & ces signes donnent une concordance & sont autant de repères destinés à relier entre eux, de manière à en composer des séries, tous les quatrains & passages dans lesquels se rencontre le même mot. C’est là, selon tous les interprètes, la clef par excellence du mystère & le grand secret de l’explication historique des Centuries, au passé, au présent & au futur.

Indépendamment de leurs chiffres & signes indicatifs, les principaux noms énigmatiques ont une note spéciale qui donne la concordance de chaque nom avec ses synonymes. Car Nostredame désigne fréquemment un même personnage par plusieurs noms figuratifs, soit tirés de diverses langues[3], soit métaphoriques[4], soit empruntés à des particularités remarquables de sa vie[5], soit relatifs à sa personne ou à son caractère[6].

Les mots usuels ou indifférents n’ont pas de chiffres de concordance.

  1. Exemples : classes est synonyme de glas (tintement funèbre des cloches pour l’office des morts) ; si est fréquemment mis pour très, par pour per (préposition latine usitée dans plusieurs acceptions) ; saigne signifie ravin, départ division, rebour voleur, sucre belle-mère (du latin socrus), pavé manteau, etc.
  2. Épître à César de Nostredame, § 38.
  3. Exemples :
    Marie-Antoinette est appelée la Reyne Ergaste (du latin ergastulus, prisonnier) ;
    Cromwell est appelé Lonole (du grec ὀλλύω, destructeur) ; et Macelin (de l’italien macellaio boucher) ;
    Le duc de Bordeaux est appelé Claude (du latin claudus, boîteux) ; Ranc (mot roman qui signifie : boîteux) ; & Ascans (du grec σχάζω, boîteux ).
  4. Exemples :
    Louis XIV est appelé Æmathien (d’Æmathion, fils de l’Aurore), par allusion au Soleil que ce Roi avait pris pour emblème ;
    La Convention Nationale, de 1793, est appelée Néron, par allusion au tyran de Rome, à qui Nostredame la compare ;
    Louis-Philippe Ier est appelé le Macédon par allusion à son homonyme Philippe de Macédoine (Macédon) qui usurpa la couronne sur la tête de son neveu.
  5. Exemples :
    Le cardinal de Richelieu est appelé Liqueduct (du latin : ille aquâductus, celui-là qui se fait conduire par eau), par allusion à une particularité remarquable & bien connue de la vie de Richelieu ;
    Louis XVI est appelé Capet Esleu (c’est-à-dire : le Capétien élu — révolutionnairement, — Roi constitutionnel des Français) ;
    Le général Garibaldi est appelé l’Aspre (ellipse d’Aspro-monte, où il fut vaincu & blessé par ses compatriotes).
  6. Exemples :
    Napoléon Ier est appelé la Tête rase (le Prince aux cheveux courts) ; & l’Olestant (du grec όλέσθα, inf. aor. d’ὀλλύω, destructeur) ;
    Napoléon III est appelé le Grand Neveu (le Neveu par excellence du fondateur de la dynastie Napoléonienne) ;
    Victor-Emmanuel II est appelé le Roy poil crespe (le Roi à la barbe crêpue) ; & l’Oiseau de proye (ravisseur des États-Pontificaux, etc.).