Les origines de la Corée

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LES
ORIGINES
DE LA
CORÉE


extrait
du 東國通鑑 Tong-kouo-thong-kienn.
par
CAMILLE SAINSON
élève-interprète.


Séparateur



PÉKING
TYPOGRAPHIE DU PÉ-T’ANG

1895.




INTRODUCTION.



Ce court extrait est tiré de l’ouvrage coréen intitulé 東國通鑑 Toug-kouo-thong-kienn, « Miroir pour arriver à la connaissance du Royaume de l’est. » Cet ouvrage est dû au coréen 李克墩 Li-Kho-toueunn, aidé de quelques collaborateurs, et a été terminé en l’année 乙巳 Y-sse des années 成化 Tch’eng-houa de l’empereur 憲宗 Hienn-tsong des Ming (1485). Il compte 27 volumes et traite de l’histoire de Corée depuis les origines jusqu’à l’avénement de la dynastie actuelle. Nous en avions traduit cet extrait pour servir d’introduction à l’ouvrage coréen intitulé 三國史記 « Saun-kouo-che-ki » dont nous avons commencé la traduction. Les événements dont la Corée est actuellement le théâtre nous ont inspiré la pensée de le publier. Il résume toutes nos connaissances historiques sur la Corée primitive.


Mong-tze, 9 Octobre 1894.

C. Sainson.



N. B. — Un C. devant un nom propre signifie
« Transcription coréenne. »


東國通鑑

TONG-KOUO-THONG-KIENN


PÉRIODE LÉGENDAIRE EN DEHORS DES ANNALES.


LA CORÉE DE THANN-KIUNN[1].


À l’origine, la Corée n’avait pas de souverain, mais un jour, un génie étant descendu au pied d’un thann[2], les gens du pays le nommèrent leur prince ; de là son nom de Thann-kiunn, « prince du thann ». Il donna à son royaume le nom de Tch’ao-sienn[3]. Ceci se passait en l’année Ou-tch’enn[4] de Thangyao[5]. La capitale de Thann-kiunn était à l’origine à P’ing-jang[6] ; ensuite, il la transporta à Po-yo[7]. Dans la 8ème année de Wou-ting[8] de la dynastie Chang[9], année Y-ouei[10], il entra dans la montagne A-sse-ta[11] et y devint génie.

Nous lisons dans les anciennes chroniques : « Thann-kiunn et Yao montèrent sur le trône dans la même année Ou-tch’enn. Thann-kiunn vécut à la même époque que Yu[12] et les Hia[13] ; dans la 8ème année de Wou-ting des Chang, année Y-ouei, il entra dans la montagne A-sse-ta où il devint génie après avoir vécu 1048 ans. » Il est d’ailleurs permis de douter de ce récit. D’abord, nous constatons que Yao prit le pouvoir dans l’année Kia-tch’enn[14] du premier cycle[15] et que Thann-kiunn prit le pouvoir vingt-cinq ans après en l’année Ou-tch’enn. Nous prétendons donc que ce dernier ne monta pas sur le trône en même temps que Yao. En second lieu, depuis Thang et Yu jusqu’au Hia et aux Chang, la perversité s’introduisit peu à peu parmi les hommes ; les princes qui occupèrent le plus longtemps le pouvoir ne régnèrent pas plus de 50 à 60 ans. Comment donc Thann-kiunn seul aurait-il eu la chance de vivre et de régner 1048 ans ? Il est par suite aisé de voir que tous ces récits sont erronés.

Des écrivains nos devanciers ont écrit à ce sujet :

« En parlant de 1048 ans, on a voulu indiquer la période de temps pendant laquelle les diverses générations de la famille Thann se transmirent le pouvoir et non le nombre d’années de Thann-kiunn. » Et cette remarque est judicieuse.

Quand Kinn Che-khiuenn[16] se rendit à la cour céleste[17] y visiter l’empereur Thai-tsou-kao-houang-ti[18], celui-ci lui demanda de faire des vers en prenant Thann-kiunn comme sujet. Il dit dans les vers qu’il composa à cette occasion : « On ne sait combien de générations de la famille de Thann-kiunn se transmirent le pouvoir, mais on sait que ce fut pendant plus de mille ans. » L’empereur ayant lu ce passage y donna son approbation. À cette époque, tous ceux qui en ont parlé ont dit aussi que cette phrase de Kinn était juste. Pour le moment, nous nous en tiendrons là au sujet de ce point de critique ; nous y reviendrons plus tard pour l’examiner.




LA CORÉE DE KI-TSE.


Le grand précepteur impérial des Ynn[19], Ki-tse[20] était oncle paternel de l’empereur Tch’eou[21]. Ce souverain se conduisant mal, Pi-kann[22] lui en fit des remontrances et y gagna la mort. Ouei-tse[23] s’enfuit alors et Ki-tse ayant été réduit à l’état d’esclave, laissa sa chevelure en désordre et contrefit le fou. « La dynastie Chang penche vers sa ruine », disait-il, mais jamais on ne me verra en servir une autre. »

Puis Wou-ouang[24] des Tcheou punit l’empereur Tchéou. Il eut alors divers entretiens avec Ki-tse sur la manière dont on doit se conduire. Les réponses de Ki-tse à ce sujet se trouvent dans le Hong-fann-kieou-tch’eou[25]. Wou-ouang le nomma roi de Tch’ao-sienn ; il établit sa capitale à P’ing-jang. Il enseigna à son peuple les rites et les devoirs de l’homme ; il l’initia à l’agriculture, à l’élevage des vers à soie et au tissage des étoffes ; enfin, il rédigea pour lui une loi en huit articles. L’assassin devait aussitôt payer son crime de sa vie. L’auteur de coups et blessures devait payer une indemnité en grains. Le voleur, si c’était un homme, était donné comme esclave au volé, comme servante si c’était une femme ; il leur était permis de se racheter, l’homme moyennant 500,000 sapèques ; mais, bien qu’après ce rachat les coupables se trouvassent replacés sur le même pied que les autres citoyens, l’ignominie restait attachée à leurs personnes, et, s’ils voulaient se marier, personne ne voulait d’eux. Aussi, les voleurs étaient-ils inconnus ; il n’était même pas nécessaire de fermer les portes des habitations. Les femmes étaient chastes et n’avaient pas de pensées impures. Ki-tse fit encore défricher les terres et construire une capitale et des villes ; il apprit à ses sujets à boire et manger dans des ustensiles de bambou. Son influence réformatrice les dirigea dans la voie de la vertu et de la sagesse.

Un prince feudataire de Tch’ao-sienn de ses descendants vit les Tcheou perdre l’empire et le pays de Yenn[26] dont le souverain s’était déclaré roi, former des projets contre la Corée. Il prit alors lui-même le titre de roi et voulut faire la guerre à Yenn en se déclarant fidèle aux Tcheou, mais son ministre Li[27] l’en dissuada. Il envoya alors ce ministre vers l’ouest parler au prince de Yenn qui s’arrêta dans ses projets d’agression. Dans la suite, ses descendants se montrèrent orgueilleux et tyranniques ; le souverain de Yenn envoya alors son général faire la guerre dans le pays de l’est[28]. Ce général s’empara de plus de 2 000 li[29] de pays et atteignit Mann-p’ann-hann[30], qui désormais marqua la frontière. Le pays de Tch’ao-sienn fut par suite bien affaibli.

Les Thsinn[31] donnèrent l’unité à l’empire, construisirent la grande muraille[32] et s’étendirent jusqu’au Leao-tong[33]. Le 40ème successeur et descendant de Ki-tse, Feou[34], monta à cette époque sur le trône ; par crainte des Thsinn, il se reconnut leur vassal. Puis Feou mourut et son fils Tchoueunn[35] prit le pouvoir. Il régnait depuis plus de vingt ans quand Tch’enn[36] et Hiang[37] parurent sur la scène. L’empire fut dans le trouble, et, comme dans les pays de Yenn, de Tsi[38] et de Tchao[39], le peuple était misérable, il fuyait peu à peu vers Tchoueunn se soumettre à lui. Lou Khouann[40] était alors prince de Yenn ; Tchoueunn et lui prirent pour frontière commune la rivière Pei-chouei[41]. Puis Khouann se révolta contre l’empereur et se donna aux Hiong-nou[42].

À cette époque un homme de Yenn de cette espèce d’aventuriers qui ne redoutent rien et risquent leur vie sans souci, Ouei Mann[43], réunit plus de mille individus de son espèce. Il leur ordonna de nouer leurs cheveux au sommet de la tête et de s’habiller à la façon des barbares[44] ; puis, se dirigeant vers l’est, il leur fit passer la rivière Peichouei en disant à Tchoueunn : « Nous allons nous établir pour toujours sur votre frontière occidentale où nous vous servirons de rempart. » Tchoueunn eut confiance en eux ; il donna à Ouei Mann le titre de pouo-che[45], lui remit un kouei[46] et lui donna en apanage cent li[47] de pays en le chargeant de garder sa frontière occidentale.

Ouei Mann attira peu à peu à lui quantité de vauriens, puis il envoya dire faussement à Tchoueunn : « L’armée des Hann[48] s’approche par dix routes différentes, j’accours pour vous défendre. » Et il arriva soudain sans que Tchoueunn s’y attendit. Tchoueunn lui livra bataille, et l’ayant perdue s’enfuit par mer vers le sud.

Fann Houa[49] a écrit : « Ki-tse échappa à la ruine qui fut le destin de la dynastie Ynn ; il se retira dans le pays de Tch’ao-sienn auquel il donna huit articles de lois. Il apprit aux gens du pays à connaître ce qui était défendu ; aussi, on ne voyait parmi eux ni voleurs, ni gens sans moralité. Point n’était besoin de fermer les portes la nuit. Les coutumes du pays étaient douces et les lois exactement observées ; on y pratiquait la vertu et la fidélité aux devoirs. Aussi, quoique les lois ne fussent pas compliquées, les gens étaient honnêtes et ne faisaient que ce qui était juste. C’est que ces lois avaient été faites par un sage divin. »

Hann Hiu-tse[50] a écrit : « Ki-tse menant avec lui cinq mille chinois se rendit dans le pays de Tch’aosienn. Il y avait parmi ceux qui le suivirent des poètes, des écrivains, des gens versés dans la connaissance des rites, de la musique et de la médecine, des devins, des astrologues, des gens sachant interroger la tortue et l’achillée[51], et de plus, quantité de travailleurs et d’artisans. Arrivés dans le pays de Tch’ao-sienn, comme leur langue n’était pas comprise des indigènes, il se forma parmi ceux-ci des interprètes auxquels on enseigna la poésie et l’art d’écrire ; on leur apprit à connaître les règles concernant la musique et les rites chinois, les relations de père à fils et de prince à sujet, les cinq vertus cardinales[52], on les instruisit des huit articles de lois ; enfin, on leur enseigna à estimer la loyauté, l’exactitude à remplir ses devoirs, l’application dans les lettres. Peu à peu, les indigènes de Tch’ao-sienn adoptèrent les coutumes chinoises ; on leur fit perdre l’habitude de se battre continuellement entre eux, et par la vertu, on ramena à l’obéissance ces natures violentes et indomptables. Les pays voisins admirant cette conduite se lièrent d’amitié avec le nouvel état. Les règlements concernant l’habillement et la coiffure furent identiques à ceux de la Chine. Aussi, on put dire : « Le royaume de Tch’ao-sienn est un royaume où la poésie, la littérature, les rites et la musique sont en honneur ; c’est un pays de vertu et de justice. »

Ce fut donc Ki-tse qui établit ainsi le royaume de Tch’ao-sienn, car comment pourrait-on ne pas croire ce récit.




LA CORÉE DE OUEI MANN.


Ouei Mann ayant chassé Ki-tchoueunn[53] s’empara de Ouang kienn-tch’eng[54]. À l’époque de Hiao-houei et de Kao-heou, l’empire commença à être affermi ; le préfet du Leao-tong fit alors avec Ouei Mann un accord qui mit se dernier sur le pied d’un prince feudataire en le chargeant de protéger la frontière contre les incursions des autres pays voisins, tout en laissant ceux-ci entrer en relations avec l’empire s’ils le désiraient. À la faveur de cet accord, Ouei Mann à l’aide de ses forces militaires et de ses richesses envahit et força à la soumission les petits pays voisins. Ceux de Tchenn-fann[55] et de Linn-toueunn[56] se soumirent à lui, et son territoire embrassa ainsi plusieurs milliers de li. Il le transmit à son fils, puis il passa à son petit-fils Yeou-kiu[57]. Ils attiraient à eux beaucoup de fugitifs de l’empire des Hann et de plus n’étaient jamais allés à la cour. Yeou-kiu refusait encore le passage aux gens de Tch’enn-kouo[58] qui désiraient se rendre à la cour du Fils du Ciel. L’empereur Wou-ti[59] envoya alors Che Ho[60] lui en faire des reproches et lui porter ses ordres ; mais Yeou-kiu refusa absolument d’y obéir et fit tuer Ho par surprise.

Dans la 3ème année Yuenn-fong[61] (108), l’empereur fit partir Yang Pou[62] à la tête d’une armée navale. Du pays de Tsi, il fit voile par la mer de P’ou-hai[63], tandis que le général de gauche, Siunn Tche[64], prenait le Leao-tong pour base d’invasion. Yeou-kiu avait levé des troupes pour résister. Les deux généraux assiégeaient sa ville capitale, mais sans succès, quand le premier ministre de Tch’ao-sienn envoya secrètement des gens parler d’accommodement et de soumission au général de l’armée navale afin de le tromper. Là dessus, le général de gauche ayant vivement attaqué l’ennemi, le chef de l’armée navale qui désirait faire un accommodement ne le soutint pas. Le général de gauche s’imagina qu’il voulait se révolter et de là, la division naquit entre les deux armées.

L’empereur voyant qu’après un si long temps ses troupes n’étaient arrivées à rien, envoya le préfet de Thsi-nann[65] Kong-soueunn Souei[66] à l’armée expéditionnaire avec pleins pouvoirs. À la suite de son arrivée, le général de gauche attaqua avec ardeur ; les ministres de Tch’ao-sienn, Lou Jenn[67], Hann Ynn[68] et Ni-khi-Thsann[69] de concert avec le maréchal Ouang-kia[70] formèrent un complot et tuèrent Yeou-khiu ; puis, ils se soumirent aux Hann. À la suite de cet événement, le pays de Tch’ao-sienn fut divisé en quatre provinces. Thsann fut nommé marquis[71] de Houa-thsing[72], Ynn marquis de Ti-tsiu[73], Kia marquis de Ping-tcheou[74] et Tsouei[75] fils de Lou Jenn marquis de Nié-yang[76].




ÉPOQUE DES QUATRE PROVINCES.


Dans la 3ème année Yuenn-fong, Hann-Wou-ti punit Yeou-khiu. Par suite, l’ancien royaume de Tch’ao-sienn forma les quatre provinces de Lo-lang[77], Linn-thoueunn[78], Hiuenn-thou[79] et Tchenn-fann[80]. La province de Lo-lang ou sous-préfecture de Tch’ao-sienn fut formée du pays où était située la capitale de Yeou-khiu. La province de Linn-thoueunn est la sous-préfecture de Tong-y[81]. La province de Hiuenn-thou est la même chose que Ouo-tsiu-tch’eng[82] ; elle fut dans la suite envahie par les Y-mo[83] et alors on reforma une province du même nom au nord-ouest de Keou-li[84]. La province de Tchenn-fann est la même chose que Yunn-hienn[85]. Ces provinces reçurent leurs premiers fonctionnaires du Leao-tong. Ces fonctionnaires constatèrent que le peuple du pays ne possédait rien, que les marchands qui y venaient étaient pillés pendant la nuit, que les coutumes s’étaient peu à peu perverties, que les actes exigeant répression étaient devenus nombreux, à ce point que les articles de lois étaient montés à plus de soixante et que les instructions réformatrices du divin sage Ki-tse étaient tombées dans l’oubli[86].




ÉPOQUE DES DEUX PRÉFECTURES.


Dans la 5ème année Che-yuenn[87] (82 av. J.-C.) de Hann-chao-ti[88], on forma avec les anciens pays de Tch’ao-sienn, P’ing-na[89], Hiuenn-thou, etc…, le gouvernement[90], de P’ing-tcheou[91] ; des provinces de Linn-thoueunn, Lo-lang, etc…, on forma celui de Tong-fou[92].


LES SANN-HANN[93].

Ma-hann[94]. — Ki-tchoueunn ayant été attaqué et dépouillé de son royaume par Ouei Mann, s’enfuit par mer avec les gens de son palais et alla s’établir au pays de Hann[95], dans la province de Kinn-ma[96], Il y prit le titre de roi de Hann. Les indigènes étaient des agriculteurs, ils connaissaient les vers à soie et le mûrier et savaient tisser des étoffes. Ils avaient des chefs dont les plus considérables s’appelaient Tch’enn-tche[97] et ceux de moindre importance Y-tsié[98]. Ils vivaient dispersés dans les montagnes ou sur les côtes et n’avaient pas de villes. Ils formaient les petits états de Yuenn-siang[99], Meou-chouei[100], Seng-ouai[101], Siao-che-souo[102], Ta-che-souo[103], Yeou-hiou- meou-tchouo[104], Tch’enn-feunn-kou[105], Pai-thsi[106], Sou-lou-pou-sse[107], Jé-houa[108], Kou-tann-tche[109], Kouli[110], Nou-lann[111], Yue-tche[112], Tze-li-meou-lou[113], Sou- ouei-khienn[114], Kou-yuann[115], Thsao-lou[116], Pei-li[117], Tchann-li-pei[118], Tch’enn-hinn[119], Tche-thsinn[120], Keou-lou[121], Pei-mi[122], Kienn-hi-pei-li[123], Kou-p’ou[124], Tche-li-kiu[125], Jann-lou[126], Eurr-linn[127], Sse-lou[128], Nei-pei-li[129], Kann-hi[130], Ouann-lou[131], Pi-pei-li[132]. Kieou-sse-ou-tann[133], Y-li[134], Pou-li[135], Yeou-pann[136], Keou-sou[137], Tsié-lou[138], Meou-lou-pei-li[139], Tch’enn- sou-thou[140], Kou-la[141], Linn-sou-pann[142], Tch’enn- yunn-sinn[143], Jou-lai-pei-li[144], Tch’ou-chann-thoupei-li[145], Y-tche[146], Keou-hi[147], Pou-yunn[148], Pou-sse-feunn-sié[149], Yuenn-tch’e[150], Khienn-ma[151], Tch’ou-li[152], en tout plus de cinquante. Les plus importants de ces états comptaient plus de dix mille familles, les petits, quelques milliers ; le tout faisait cent et quelques dizaines de milliers de familles. Les lois de ces tribus étaient peu compliquées ; elles habitaient des maisons de chaume et de terre dont l’entrée se trouvait à la partie supérieure[153]. Leurs membres n’estimaient aucunement l’or, l’argent, les soieries et les étoffes, mais ils ornaient leur chevelure de perles et de pierres rares et en suspendaient à leurs oreilles. Les hommes portaient une robe longue de soie unie et des chaussures de paille ; ils étaient d’un naturel brave et belliqueux. Quand ils faisaient un travail exigeant dépense de force, ils avaient l’habitude de pousser des cris. Ils excellaient à se servir de l’arc, du petit bouclier, de la lance et du grand bouclier.

Tch’enn-hann[154]. — Le pays de Tch’enn-hann était à l’est de celui de Ma-hann. Les habitants se disaient des fugitifs de l’empire des Thsinn[155] qui, pour éviter les corvées, s’étaient enfuis au pays de Hann. Les indigènes de la contrée leur avaient donné la partie orientale du pays où ils avaient établi des villes et des bourgs fortifiés. Leur langage ressemblait en effet à celui des gens de Thsinn ; aussi, appelait-on encore leur pays Thsinn-hann[156]. Ils furent toujours sous la domination de Ma-hann et les générations se succédèrent sans qu’ils parvinssent à l’indépendance, comme il était connu qu’ils étaient des exilés fugitifs, ils furent toujours soumis aux lois des gens de Ma-hann. Leur pays produisait les cinq sortes de grains[157] ; ils étaient grands éleveurs de vers à soie et cultivateurs de mûriers et s’entendaient très bien à faire du taffetas et de la toile. Ils se servaient du bœuf et du cheval comme bètes de trait et de selle. Ils avaient des coutumes et des rites relatifs aux mariages qui différaient selon qu’il s’agissait de l’homme ou de la femme. Quand deux personnes se rencontraient sur une route, l’usage était qu’elles s’arrêtassent pour se céder le pas.

Il y avait aussi le pays de Pienn-hann. On ne connaît pas ses origines. Il dépendait de Tch’enn-hann et ces deux pays comptaient chacun douze états principaux et beaucoup d’autres plus petits. Chacune de ces divisions territoriales avait son chef ; les plus puissants s’appelaient tch’enn-tche[158] et ceux de second ordre hienn-tche[159] ; puis venaient les fann-houei[160], les cha-ki[161] et les y-tsié[162]. Les divers états de Tch’enn-hann et de Pienn-hann étaient ceux de Ki-ti[163], Pou-sse[164], Pienn-tch’enn-mi-li-mi-tong[165], Pienn-tch’enn-tsié-thou[166], Khinn-khi[167], Tche-mi-li- mi-tong[168], Pienn-tch’enn-kou-tse-mi-tong[169], Pienn- tch’enn-kou-choueunn-che[170], Jann-hi[171], Pienn- tch’enn-pann-lou[172], Pienn-lo-nou[173], Kiunn-mi[174], Pienn-kiunn-mi[175], Pienn-tch’enn-mi-ou-sié[176], Jou- tchenn[177], Pienn-tch’enn-kann-lou[178], Hou-lou[179], Tcheou-sienn[180], Ma-yenn[181], Pienn-tch’enn-keou- sié[182], Pienn-tch’enn-tseou-thsao-ma[183], Pienn- tch’enn-ngan-sié[184], Pienn-tch’enn-tou-lou[185], Sselou[186], Yeou-tchong[187], en tout vingt-quatre[188]. Les plus grands comptaient de quatre à cinq mille familles, les petits de six à sept cents ; le tout formait 40 à 50,000 familles.

Kinn Khiuenni[189] a écrit : « Dans tout ce que l’on a dit sur les Sann-hann, il y a évidemment des choses qui ne concordent pas. Il y a pourtant un point certain, c’est que Tchoueunn, roi de Tch’ao-sienn, pour fuir les troubles causés par Ouei Mann, se sauva par mer vers le sud où il fonda un état appelé Ma-hann qui, lors de l’avénement de Ouenn-tso[190], roi de Pai-thsi[191], acquit son unité. Il y a encore à présent dans le Y-tcheou[192] une ancienne ville appelée jusqu’à aujourd’hui ville de Ki-tchoueunn. Ma-hann est donc bien la même chose que Pai-thsi, il n’y a pas de doute à cet égard.

Le Tch’enn-hann est l’origine du royaume de Sinn-lo[193] qui fut fondé par Ho Kiu-che[194]. »

D’autre part, on lit dans le Sinn-khang-chou[195] : « Pienn-hann était situé dans le pays de Lo-lang appelé encore P’ing-jang : c’est l’ancienne province de Lo-lang des Hann[196]. Tch’enn-hann est Sinn-lo et Pienn-hann est Kao-keou-li[197] ; il n’y a aucun doute à ce sujet. Le Heou-hann-chou[198] place Pienn-hann dans le sud, Tch’enn-hann à l’est et Ma-hann à l’ouest. Ce qu’il dit de Pienn-hann qu’il place au sud, s’entend par rapport à la frontière des Hann, c’est-à-dire par rapport au Leao-tong ; il ne veut pas dire que ce pays soit au sud de Tch’enn-hann et de Ma-hann. Thsouei Tche-yuenn[199] en disant que Ma-hann est Li[200] et Pienn-hann Pai-thsi est dans l’erreur. »

Nous nous bornerons donc à constater que les Sann-lann comptaient plus de 70 états ; on voit leurs noms dans le Sann-kouo-tche[201] de Tch’enn Cheou[202], et certainement, ce ne sont pas des noms inventés à plaisir et ne s’appliquant en réalité à rien ; mais le Tong-che[203] ne nous les ayant pas transmis, on ne peut savoir aujourd’hui quelle était leur situation respective.


  1. 檀君.
  2. arbre à bois dur ressemblant à l’accacia.
  3. 朝鮮 (C. Tchô-sen), c’est encore le nom officiel actuel.
    Corée (C. Korye)高麗 est le nom qu’avait donné au pays la dynastie précédente.
  4. 友長 2333 av. J.-C. Cette antiquité fabuleuse a été inventée sur le tard par des écrivains coréens désireux de donner à leur histoire nationale une antiquité égale à celle à laquelle prétendent les chinois.
  5. 唐堯 empereur légendaire de la Chine 2356-2255 av. J.-C.
  6. 平壤 (C. Hpyeng-sang) au Nord-ouest de la Corée, auj. capitale de la province de P’ing-ngann (C. Hpyeng-an) 平安道.
  7. 白岳.
  8. 武丁 empereur chinois 1324-1265 av. J.-C.
  9. la 2ème les dynasties chinoises 1766-1222 av. J.-C.
  10. 乙未 1286 av. J.-C.
  11. 阿斯達.
  12. l’empereur Choueunn 2255-2203 av. J.-C.
  13. la 1ère dynastie chinoise 2205-1766 av. J.-C.
  14. 甲長 2357 av. J.-C.
  15. Les chinois comptent le temps par cycles de 60 ans. L’année Kia-tch’enn étant la 41ème du cycle, la 1ère année du 1er cycle se place en 2397 av. J.-C.
  16. 近世權 envoyé coréen à la cour de Péking.
  17. La cour de Péking.
  18. 太祖高皇帝, plus connu sous son nom d’années de Hong-wou 洪武, le fondateur de la dynastie Ming , règne 1368-99.
  19. nom que donna à la dynastie Chang en 1401 l’empereur P’ann-keng 盤庚.
  20. 箕子 (C. Keui-tja), le vicomte de Ki, ministre de Tch’eou-sinn 紂辛 dernier empereur de la dynastie Chang ou Ynn qui régna de 1154 à 1122. Les Coréens le regardent comme le fondateur de leur royaume.
  21. Tchi’eou-sinn.
  22. 比干 oncle de Ouei-tse comme Ki-tse et collègue de ce dernier. Tch’eou-sinn irrité de ses remontrances lui fit arracher le cœur en disant qu’il avait entendu dire que le cœur des sages avait sept ouvertures et qu’il voulait s’en assurer (1123 av. J.-C.).
  23. 微子. — Khi , vicomte de Ouei 微子 était frère aîné de Tch’eou-sinn, mais fils d’une concubine ce qui le fit écarter du trône. Il fut créé prince de Song par les Tcheou.
  24. 武王, premier empereur, (1222-1115) de la dynastie Tcheou (1122-255 av. J.-C.).
  25. 洪範九疇 les neuf articles de la grande règles ; chapitre du Chou-king 書經 attribué à Ki-tse.
  26. Cette principauté était formée du centre de la province actuelle du Tché-li. Sa capitale était située près de l’emplacement actuel de Péking.
  27. .
  28. La Corée d’alors comprenait le Leao-tong et la province de Hpyeng-an, pays situés à l’est de celui de Yenn.
  29. Environ 250 de nos lieues.
  30. 滿潘汘.
  31. 4ème dynastie chinoise 255-206 av. J.-C.
  32. Elle fut en réalité construite à diverses époques et par différents princes.
  33. 遼東, le sud de la Mandchourie, province actuelle de Cheng-king 盛京 dont la capitale est Moukden.
  34. .
  35. .
  36. 陳平 Tch’enn P’ing, chef de partisans à la chute des Thsinn ; il devint ministre des Hann et mourut en 178 av. J.-C.
  37. 項羽 Hiang Yu, chef de partisans qui se proclama roi de Thsou à la chute des Thsinn et qui, après diverses aventures, voyant son parti ruiné par Lieou Pang 劉邦 ou Hann-kao-tsou, 漢高祖 se suicida (201 av. J.-C.).
  38. ancienne principauté chinoise ; elle comprenait la plus grande partie du Chann-tong 山東 actuel.
  39. ancienne principauté chinoise formée de portions des provinces actuelles de Tché-li 直隸, Ho-naun 河南 Chann-si 山西.
  40. 盧綰.
  41. 浿水. On identifie consent cette rivière avec le 大同江 Ta-thong-kiang, rivière du nord de la Corée qui passe à Hypeng-yang. Cette opinion parait d’ailleurs s’appuyer sur le dictionnaire de Kang-chi (v. au caractère 浿). Il nous paraît plus probable que ce nom s’applique à une rivière située à l’ouest du Leao-ho 遼河. En cela, nous sommes d’ailleurs d’accord avec le P. de Mailla (Histoire générale de la Chine, Vol. ii, p. 61-62).
  42. 匈奴, les Huns, peuplade établie alors dans le sud de la Mongolie, au nord de la Grande Muraille.
  43. 衞滿.
  44. M. Griffis (The Hermit kingdom p. 16) explique que c’était pour cacher leur qualité de chinois : "They entered Chô sen pretending that they had come from the far west."
  45. 博士 sorte de grand feudataire.
  46. Tablette de jade donnée aux vassaux qui la tenaient entre leurs mains pendant les cérémonies.
  47. 50 kilomètres.
  48. Dynastie chinoise (206 av. J.-C. — 220 ap. J.-C.).
  49. 范華. Il faut lire probablement Fann Yé 范曄 nom de l’auteur de l’histoire des Hann postérieurs. Il vivait au 5e  siècle de notre ère.
  50. 涵虛子.
  51. Les anciens chinois consultaient les sorts, soit en plaçant une écaille de tortue sur le feu et en observant les desseins que formaient les fentes qui s’y produisaient, soit avec des brins d’achillée dont on observait la disposition après les avoir jetés au hasard.
  52. jenn, l’humanité ; y, la justice ; li, l’urbanité ; tche, la prudence ; sinn, la loyauté.
  53. 箕準 le même que Tchoueunn.
  54. 王儉城, la capitale du royaume ; on la place ordinairement dans le bassin de 大同江.
  55. 眞藩, v. plus bas.
  56. 臨屯 v. plus bas.
  57. 佑渠.
  58. 辰國 peut-être le même pays que Tch’enn-haun 辰韓.
  59. 武帝 6ème souverain de la dynastie Hann 140-86 av. J.-C.
  60. 涉何.
  61. 元封 un des noms de règne (110-114), de Wou-ti.
  62. 楊僕.
  63. 渤海 ancien arrondissement, auj. Pinn-tcheou 濵州 du Chaim-tong 山東, on désignait aussi par ce nom sous les Hann, le pays de Thienn-tsin 天津 et de Ho-kienn 河間. De là le nom passa à la mer avoisinante. — Plus tard Pou-hi désigna un royaume situé au nord de la Corée.
  64. 苟彘.
  65. 濟南 auj. capitale de la province du Chaun-tong.
  66. 公孫遂.
  67. 路人.
  68. 韓陰.
  69. 尼谿参.
  70. 王唊.
  71. À cette époque, ce titre équivalait à celui de grand feudataire.
  72. 澅淸侯.
  73. 荻苴侯.
  74. 平州侯.
  75. .
  76. 湟陽侯.
  77. 樂浪 auj. la province coréenne de Hpyeng-an.
  78. 臨屯 auj. la province coréenne de Ham-kyeng 咸鏡道.
  79. 玄莬 ou 元莬 Yuenn-thou.
  80. 眞藩 le centre du Leao-tong actuel.
  81. 東暆縣.
  82. 沃沮城, la ville des Ouo-tsiu ; on appelle de ce nom un peuple qui occupait l’extrême nord de la province coréenne de Ham-kyeng.
  83. 夷貊 peuple barbare de la Mandchourie.
  84. 勾麗 originairement on appela ainsi les populations de la longue montagne blanche ou Tch’ang-pai-chann 長白山 au nord de la Corée et du pays de Hing-king 興京 au Leao-tong. Plus tard ces peuples formeront l’état de Kao-keou-li (C. Ko Kourye) 高勾麗 qui deviendra la Corée unifiée.
  85. 霅縣.
  86. Il est probable qu’elles n’ont jamais existé qu’à l’état de légendes.
  87. 始元 nom de règne 86-80 de l’empereur Chao-ti.
  88. 漢昭帝 règne 86-73 av. J.-C.
  89. 平那.
  90. 都督府 Tou-tou-fou, préfecture ayant à sa tête un préfet ne relevant que de l’empereur et analogue aux 總督 Tsong-tou (vice-rois) actuels.
  91. 平州.
  92. 東府.
  93. 三韓 les trois Han.
  94. 馬韓 Ce pays comprenait les provinces coréennes de Hong-hai 黃海道 et Kyeng-keni 京畿道.
  95. .
  96. 金馬郡.
  97. 臣知.
  98. 邑借.
  99. 爰襄國.
  100. 牟水國.
  101. 桑外國.
  102. 小石索國.
  103. 大石索國.
  104. 優休牟涿國.
  105. 臣濆沽國.
  106. 伯濟國 Cette tribu engloba plus tard toutes les autres et forma le royaume de Paik-tjiei.
  107. 速盧不斯國.
  108. 日華國.
  109. 古誕者國.
  110. 古离國.
  111. 怒藍國.
  112. 肢國.
  113. 咨離牟盧國.
  114. 素謂乾國.
  115. 古爰國.
  116. 草盧國.
  117. 卑離國.
  118. 占離卑國.
  119. 臣釁國.
  120. 支侵國.
  121. 狗盧國.
  122. 卑彌國.
  123. 監奚卑離國.
  124. 古蒲國.
  125. 致利鞠國.
  126. 冉路國.
  127. 兒林國.
  128. 駟盧國.
  129. 內卑離國.
  130. 感奚國.
  131. 萬盧國.
  132. 辟卑離國.
  133. 舊斯鳥旦國.
  134. 一離國.
  135. 不離國.
  136. 友半國.
  137. 狗素國.
  138. 捷盧國.
  139. 牟盧卑離國.
  140. 臣蘇塗國.
  141. 古臘國.
  142. 臨素半國.
  143. 臣雲新.
  144. 如來卑離國.
  145. 楚山塗卑離國.
  146. 一雉國.
  147. 狗奚國.
  148. 不雲國.
  149. 不斯濆邪國.
  150. 爰池國.
  151. 乾馬國.
  152. 楚離國.
  153. C’est-à-dire que ces maisons devaient être des espèces de terriers à moitiés creusés dans la terre.
  154. 辰韓 c’est aujourd’hui la province de Kang-ouen 江源道.
  155. .
  156. 秦韓.
  157. Le chanvre : ma . Une sorte de millet : chou . Une autre espère de millet à grain jaune : tsi . Le blé : mai . Les légumineuses : teou .
  158. 臣知.
  159. 險側.
  160. 樊濊.
  161. 殺奚.
  162. 邑借.
  163. 已柢國.
  164. 不斯國.
  165. 弁辰彌離彌凍國.
  166. 弁辰接塗國.
  167. 勤耆國.
  168. 雉彌離彌凍國.
  169. 弁辰古資彌凍國.
  170. 弁辰古淳是國.
  171. 冉奚國.
  172. 弁辰半路國.
  173. 弁樂奴國.
  174. 軍彌國.
  175. 弁軍彌國.
  176. 弁辰彌烏邪國.
  177. 如湛國.
  178. 弁辰甘路國.
  179. 戶路國.
  180. 州鮮國.
  181. 馬延國.
  182. 弁辰狗邪國.
  183. 弁辰走漕馬國.
  184. 弁辰安邪國.
  185. 弁辰瀆盧國.
  186. 斯盧國.
  187. 優中國.
  188. L’auteur vient d’en nommer vingt-cinq.
  189. 近權.
  190. 温祚 fondateur du royaume de l’ai-thsi en l’an 18 av. J.-C. Il mourut en l’an 28 ap. J.-C.
  191. 百濟 (C. Paik-tjiei).
  192. 益州 (C. Ik-tjiou).
  193. 新羅 royaume formé du sud et de l’est de la Corée des pays de Pienn-hann et Tch’enn-hann et détruit en 935.
  194. 赫居世 fondateur du royaume de Sinn-lo (C. Sin-ra) en l’an 27 av. J.-C. Il mourut en l’an 4 de J.-C.
  195. 新康書.
  196. Cette assimilation n’est pas généralement admise.
  197. 高勾麗 (C. Ko Kourie), état fondé au nord de la Corée en 37 av. J.-C. Son identification avec le Pienn-hann paraît inexacte.
  198. 後漢書 Histoire des Hann postérieurs, ouvrage en 120 livres comprenant l’histoire de Chine entre 25 et 320 ap. J.-C.
  199. 崔致遠.
  200. Pour Kao-keon-li.
  201. 三國志 histoire des trois royaumes (Chou , Ouei , Ou ) qui se partagèrent la Chine à la chute des Hann.
  202. 陳壽 (293-97 ap. J.-C.).
  203. 東史 ou Tong-che-kang-mou 東史綱目, Histoire de la Corée depuis les origines jusqu’à la dynastie actuelle.