Les principaux monuments funéraires/Desaugiers

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DÉSAUGIERS.




Désaugiers (Marc-Antoine-Madelaine) est né à Fréjus (Var).

Son père l’amena à Paris, encore enfant, et le mit au Collège Mazarin : il y fit de très bonnes études.

Jusqu’à seize ans, sa complexion fut frêle et délicate, son caractère sérieux et mélancolique ; mais, lorsqu’il eut franchi le passage de l’adolescence à la jeunesse, il se fit remarquer par des saillies vives et spirituelles, et par une gaîté qui devait l’accompagner jusqu’au tombeau.

Sa famille le destinait à l’état ecclésiastique ; mais il abandonna cette carrière pour suivre celle du théâtre. À dix-sept ans, il fit représenter aux boulevards une comédie en un acte et en vers qui obtint du succès.

Témoin des premiers excès de la révolution, il partit avec une de ses sœurs, mariée à un colon de Saint-Domingue.

Arrivé dans cette colonie, les nègres étaient révoltés contre les blancs : il prit les armes contre les noirs, et fut fait prisonnier. Il allait être fusillé, mais sa jeunesse et sa physionomie spirituelle et enjouée, désarmèrent la férocité de ses assassins. On le jeta dans un cachot, d’où il parvint à s’échapper.

Poursuivi de tous côtés, il se déroba à toutes les recherches pendant plusieurs jours, franchissant des ravins, gravissant des mornes et traversant des rivières : enfin, exténué de lassitude et de faim, il fut recueilli sur le rivage par un vaisseau anglais qui faisait voile pour les États-Unis. Sur ce bâtiment il fut atteint d’une maladie très grave, et comme elle offrait tous les symptômes de la fièvre jaune, en passant devant New-York, on l’abandonna sur le rivage. Une femme en eut pitié, lui prodigua les soins les plus généreux, et la nature, aidée de la jeunesse, triompha de la maladie.

Il se rendit à Philadelphie, où il donna des leçons de clavecin, et dès qu’il fut en état de payer son passage, il revint en France.

Les orages de la révolution étaient passés : le Français commençait à se livrer à sa gaîté naturelle : Désaugiers se trouva dans son élément. Il donna plusieurs pièces pétillantes d’esprit et de gaîté. Il publia des chansons pleines de naturel et de facilité. Il devint enfin l’ami et le collaborateur des auteurs féconds qui alimentaient les théâtres de la capitale. Mais, c’est surtout par ses chansons qu’il a pris rang parmi les auteurs les plus renommés dans la poésie légère.

La société du caveau qui existait avant la révolution, s’étant réorganisée, sous la présidence de Laujon, Désaugiers en fit partie.

Barré, qui avec Radet, Desfontaines et Piis, avait long-temps dirigé le théâtre du Vaudeville, désigna Désaugiers pour son successeur. En i8i5 la direction lui en fut confiée. Ces fonctions fatigantes et pénibles ne s’alliaient point avec son caractère : il se retira.

Il fut nommé en 1820 chevalier de la Légion-d’Honneur. En 1825, il fut rappelé par le vœu des actionnaires, et par ordre, à la direction du Vaudeville.

Dès cette époque, sa santé s’altéra : il eut deux attaques de colique néphrétique : l’existence de la pierre se déclara. Après avoir vainement essayé le secours de la lithotritie, il fallut recourir à l’opération de la taille. Il la supporta avec le plus grand courage. Mais à peine replacé, sur son lit, sa respiration devint difficile : des cris plaintifs, des sons inarticulés signalèrent son agonie : ces mots : J’étouffe… j’étouffe… furent les derniers qu’il prononça, et il expira peu de temps après.

L’amitié s’est chargée d’élever un tombeau à celui qui n’a fait verser de larmes que le jour de sa mort, et qui, pendant trente ans de sa vie, a fait rire et chanter toute la France.

Son mausolée se compose d’un cippe carré, en marbre blanc, élevé sur un socle et surmonté d’un fronton à chaque face, dans le tympan desquels sont sculptés des attributs lyriques. À la face principale est le buste de Désaugiers sculpté en creux et entouré de laurier et de lys ingénieusement liés ensemble par un nœud de ruban, auquel est suspendue la croix de la Légion-d’Honneur. Au-dessous est gravée cette inscription :

À DÉSAUGIERS,
ses amis.

À la face opposée on lit :

marc antoine madelaine.
DÉSAUGIERS,
né a fréjus.
le 17 novembre 1772.
décédé à paris.
le 9 aout 1827.

Ce monument fait honneur au goût et au talent de M. Dubuc, marbrier, qui l’a exécuté.