Les principaux monuments funéraires/Lemercier

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LEMERCIER.




Lemercier (Louis-Jean-Népomucène), membre de l’Institut, l’un des poètes les plus féconds et les plus variés de notre époque, naquit à Paris, le 22 avril 1771, d’une famille honorable. Il n’avait que seize ans lorsqu’il donna sa tragédie de Méléagre, et en avait vingt-cinq lorsqu’il fit représenter son Agamemnon, tragédie, où il sut fondre habilement les beautés éparses dans Eschyle, Sénèque et Alfieri, qui ont traité le même sujet. Aucun ouvrage de l’auteur n’a obtenu et mérité plus de succès ; c’est une des meilleures pièces du théâtre moderne. La tragédie d’Ophis, toute d’invention, réussit moins, mais n’affaiblit pas les espérances qu’on avait conçues du talent de M. Lemercier. Moins heureux dans la comédie, quoiqu’il eût, dans un de ses trois premiers essais, stigmatisé les hommes qui avaient voulu exploiter la révolution à leur profit, il rappela sur lui l’attention du public par la comédie de Pinto, pièce d’un genre nouveau, dont le sujet et le but appartiennent à la tragédie, les détails et les moyens à la comédie. Il fallait infiniment d’esprit pour présenter sous un aspect comique la révolution qui mit la maison de Bragance sur le trône de Portugal, pour rapprocher d’une manière piquante tant de personnages si différents d’états et de caractères, et les faire concourir à un grand événement. M. Lemercier a tiré parti de ces oppositions avec autant de sagacité que de bonheur. Ce fut en 1809 qu’il fit représenter à l’Odéon Christophe Colomb, comédie historique en trois actes et en vers, soutenue par la police et repoussée par la majorité du parterre ; elle occasionna des scènes sanglantes et un grand appareil militaire de la part du gouvernement, qui fit retirer la pièce après sept a huit représentations. Toutefois, cet ouvrage, original dans son plan, dans ses détails et dans son exécution, offre, à travers le mélange de l’héroïque et du familier, des pensées sublimes, des expressions énergiques et de bons vers.

Le besoin d’innover n’était pas, chez M. Lemercier, corruption du goût, mais désir de trouver des effets qui n’eussent pas été produits. L’indépendance de son caractère égala celle de son talent. Quoiqu’il ait eu des relations nombreuses avec la plupart des grands acteurs de la révolution, il ne s’y est mêlé politiquement que pour ses opinions personnelles, et non par ses actions. Sa conduite au commencement du consulat fut noble et courageuse. Accueilli chez Bonaparte, il ne fut jamais au nombre de ses flatteurs ; sa seule inspiration fut constamment l’amour de la vérité ; le besoin de la dire lui a coûté sa fortune presque entière, et la série d’injustices et de persécutions qu’il a éprouvées l’a puni sans le corriger. Sa modestie a toujours répugné à alimenter les biographies des détails qui lui étaient personnels, mais on peut aisément le connaître en lisant ses écrits, où il ne développe que ce qu’il pense et ce qu’il sent.

Il est décédé le 7 juin 1840, et a été inhumé au cimetière du Père-Lachaise dans un monument aussi simple que modeste, composé d’un obélisque en marbre blanc d’un seul bloc, sur lequel est sculpté en creux le portrait du célèbre écrivain.

Ses ouvrages, que nous regrettons de n’avoir pu analyser entièrement, faute d’espace, sont gravés par ordre au-dessous de son épitaphe, ainsi conçue :

louis-jean-népomucène
LEMERCIER,
Membre de l’Institut,
Né à Paris, le 22 avril 1771
Décédé le 7 juin 1840.
Il fut homme de bien
Et cultiva les lettres.
Ophis. Pinto.
Clovis. Plaute.
Charles VI. Richelieu.
Frédégonde. Le Corrupteur.
Agamemnon. Christophe Colomb
Etc. Etc.
Cours de littérature :
La Panhipocrisiade. Alexandre.
Les Ages français. Homère.
L’Atlantique. Moïse, etc.

Ce monument a été construit par M. Beau, marbrier, sous la direction de M. Pector.