Les récentes histoires de la littérature allemande

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Les récentes histoires de la littérature allemande
Revue pédagogique, premier semestre 1884 (p. 472-474).

Les récentes histoires de la littérature allemande. — Le temps est bien passé où les Allemands tenaient leur littérature en médiocre estime, et s’intéressaient beaucoup plus aux écrivains français ou anglais qu’à leurs propres auteurs. Aujourd’hui il y a une forte poussée en sens inverse ; chaque jour voit paraître, non seulement de nouvelles éditions de classiques allemands, mais encore des histoires de la littérature ou des recueils de prose et de poésie pour les écoles, aux différents degrés, pour les écoles normales et les gymnases ou collèges.

Nous ne pouvons ici faire une analyse exacte et étendue de pareils livres, qui la plupart du temps ne sont que des compilations. Il nous suffira d’indiquer quelques titres, pour montrer combien l’activité scolaire des Allemands se porte de ce côté.

L’histoire de la littérature allemande de Rodolphe Matz est un livre très nourri de faits, de noms, de dates, de titres d’ouvrages, de jugements intéressants et dignes d’attention. Malgré son caractère de manuel, il donne à réfléchir, il témoigne d’un savoir extrêmement étendu, et semble plutôt fait pour servir de programme aux . professeurs que pour être mis directement dans les mains des élèves. Mais il est clair que des écoliers, nourris de cette forte publication, seraient bien préparés à comprendre les auteurs eux-mêmes. On pourrait reprocher au livre de M. Matz d’être trop dense et trop complet. Il peut servir utilement de memento et de guide aux étrangers.

L’histoire de la littérature allemande, depuis son origine jusqu’aux temps modernes, par Hirsch, offre un autre caractère. Ce n’est pas un manuel, mais une histoire étendue, à en juger d’après la première livraison qui vient de paraître et qui n’est guère consacrée qu’aux origines les plus lointaines et à la prose latine du moyen âge. Peut-être, malgré le ton un peu vulgaire qu’il affecte, ce livre ne sera-t-il ni assez populaire, à cause des longueurs et des détails qu’il laisse prévoir, ni assez scientifique, s’il se borne à exposer des faits et des jugements sans entrer dans les discussions approfondies auxquelles se plaît la critique allemande.

MM. Hentschel et Linke ont de moins hautes prétentions ; ils publient une Petite histoire de la littérature vraiment destinée aux écoles et qui semble bien à la portée des enfants, si du moins il est sage et de bon profit de donner un pareil enseignement aux écoliers. Peut-être est-il plus expédient de leur faire connaître directement un certain nombre de pages ou d’œuvres des auteurs que de les nourrir de noms, de dates et de titres qui ne rappellent pas grand’chose à leur esprit.

M. Horn, instituteur, semble avoir compris combien il est difficile et peu pratique d’enseigner ainsi la littérature aux enfants ; il s’est borné à écrire une trentaine de courtes biographies des principaux auteurs et d’y joindre quelques éléments de la poésie allemande. C’est simple, naturel, et ne contient guère que l’indispensable. Il appelle avec raison son livre : Auxiliaire pour l’enseignement de l’histoire de la littérature.

M. Krüger, recteur à Kœnigsberg, a publié une Histoire de la littérature allemande en images et en esquisses. C’est un petit volume de 82 pages avec des illustrations, arrangé avec ordre et méthode, et qui convient assez bien aux écoles.

Le livre de M. Gustave Zeynek, inspecteur des écoles à Troppau, en Autriche, a écrit ses Éléments de l’histoire de la littérature allemande plus spécialement en vue des écoles normales. Aussi ne faut-il pas s’étonner d’y trouver, beaucoup plus que dans la plupart des autres, les principaux écrivains pédagogiques et en particulier ceux qui appartiennent à l’Autriche. C’est un ouvrage méthodique, bien ordonné, clair, vivant, avec des notices excellentes sur les auteurs, sur leurs œuvres, et une réelle habileté à discerner et à mettre en lumière les bonnes pages.

L’œuvre du Dr Pfalz : est beaucoup plus importante. Son Histoire de la littérature allemande dans les principaux traits de son développement et dans ses principales œuvres s’adresse aux plus fortes classes et aux élèves déjà avancés. Le premier volume est tout entier consacré au moyen âge. À la narration historique il joint les textes mêmes, de façon à mettre les pièces sous les yeux de ses lecteurs et de les amener à juger en connaissance de cause.

Arrêtons-nous là ; il y aurait encore bien d’autres histoires de la littérature allemande à signaler dans ces dernières années ; nous nous sommes bornés à ces derniers mois. Il faudrait y ajouter les innombrables recueils de morceaux choisis qui pullulent en Allemagne et qui mettent les principaux chefs-d’œuvre de la langue à la portée de tous.

Il est utile aussi de mentionner les nombreuses éditions populaires et à bon marché des meilleurs écrivains, en particulier la publication « historique-critique » de la Littérature nationale par Joseph Kürschner, avec le concours d’un grand nombre de savants (Berlin et Stuttgart, chez Spemann). Ce sont de petits volumes : de 50 pfennings (environ 65 centimes) bien imprimés, bien reliés, d’un texte exact, savamment établi, et qui constituent facilement une intéressante et précieuse bibliothèque.

Il y a là une preuve d’activité, de propagande intelligente, un choix d’instruments de culture, un mouvement de patriotisme bien placé, qui ne peuvent que nous servir de modèles. La connaissance et l’amour de la littérature nationale sont sans contredit l’un des plus puissants moyens d’éducation d’un peuple.