Les rues de Paris/Chauveau-Lagarde

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Bray et Rétaux (tome 1p. 191-203).


CHAUVEAU-LAGARDE



Cet homme éminent, l’une des gloires les plus pures du barreau moderne, peut et doit être proposé en exemple aux jeunes stagiaires comme aux avocats en renom ; car il réunit toutes les vertus qui rendent cette profession si admirable quand on l’exerce comme elle devrait toujours s’exercer. Véritablement éloquent, de « cette éloquence qui est l’âme même, » comme a dit si bien le père Lacordaire, et dont, en effet, les inspirations venaient du cœur, Chauveau-Lagarde ne montrait pas pour ses clients moins de zèle que de désintéressement, et plus d’une fois il leur ouvrit sa bourse, bien loin d’accepter des honoraires. À ces vertus il joignait le courage qui ne reculait pas devant l’accomplissement d’un devoir pour lui sacré, fut-ce au péril de sa vie.

Né à Chartres, le 21 janvier 1756, Chauveau-Lagarde (Claude-François) était fils d’un modeste artisan récompensé, ce qui n’arrive pas toujours, des sacrifices bien lourds qu’il s’était imposés pour son éducation, par les succès de l’enfant au collége d’abord, puis par ceux du jeune homme au barreau. Car, avant 89, Chauveau-Lagarde comptait déjà parmi les avocats distingués au Parlement, et les évènements politiques vinrent ouvrir à son talent une nouvelle et plus glorieuse carrière, quand par le triomphe des violents montagnards, jacobins, maratistes, hébertistes, la Révolution, qui avait éveillé tant d’espérances cruellement déçues, fut devenue le régime abominable de la Terreur. Alors que la guillotine, par décret spécial, se dressait en permanence (moins le couperet, retiré tous les soirs) sur la place dite aujourd’hui de la Concorde, la profession d’avocat exposait à de grands périls et, pour les éviter ou les braver, il ne fallait pas moins de courage que d’habileté. Chauveau-Lagarde eut l’un et l’autre, et souvent il ne craignit pas de disputer obstinément à Fouquier-Tainville ses victimes. Plus d’une fois, trop rarement au gré de son désir, il eut le bonheur de les lui arracher comme il fit du général Miranda, acquitté grâce à l’éloquente plaidoirie de son défenseur.

Il fut moins heureux pour d’autres, pour Brissot, pour Charlotte Corday ; mais celle-ci, condamnée à l’avance, pouvait-elle être sauvée « quand, dit un historien, son héroïsme se glorifiait de ce qu’on lui imputait à crime. » Aux questions du président, lorsqu’elle comparut devant le tribunal, elle répondit : « Oui, c’est moi qui ai tué Marat.

— Qui vous a poussée à ce meurtre ?

— Ses crimes.

— Quels sont ceux qui vous l’ont conseillé ?

— Moi seule ; je l’avais résolu depuis longtemps ; j’ai voulu rendre la paix à mon pays.

— Croyez-vous donc avoir tué tous les Marat ?

— Hélas ! non, reprit-elle.

Comment défendre une prévenue qui s’accusait ainsi elle-même ? « Chauveau-Lagarde, dit M. Durozoir, sans démentir ni son caractère, ni l’opinion qu’il s’était formée comme citoyen ou comme homme de l’assassinat de Marat » (blâmable au point de vue de la stricte morale), sut remplir noblement sa mission d’humanité. Il prononça en faveur de l’accusée un court mais émouvant plaidoyer, en s’efforçant, chose à peu près impossible d’ailleurs, d’appeler l’indulgence des juges sur sa cliente entraînée, disait-il, comme malgré elle, par le fanatisme et l’exaltation politique. Mais ici il fut interrompu par Charlotte Corday qui, dans un langage énergique, rétablit les faits et maintint le caractère véritable selon elle de son acte accompli, après mûre réflexion, dans la plénitude de la raison et avec une volonté tranquille et résolue, par pur dévoûment à la patrie. Du reste, elle se plut à rendre justice au zèle de son défenseur, et la condamnation prononcée, elle lui dit :

« Vous m’avez défendue, Monsieur, d’une manière délicate et généreuse ; c’était la seule qui pût me convenir ; je vous en remercie et je veux vous donner une preuve de mon estime. On vient de m’apprendre que tous mes biens sont confisqués : je dois quelque chose à la prison, je vous charge d’acquitter cette dette. »

Chauveau-Lagarde s’empressa d’accomplir ce pieux devoir, et avant même que Charlotte quittât la prison pour être conduite à l’échafaud, toujours calme, toujours forte et courageuse, mais revenue de quelques-unes de ses illusions d’après ce fragment d’une lettre à Barbaroux : « Quel triste peuple pour fonder une république ! On ne conçoit pas ici qu’une femme inutile, dont la plus longue vie n’est bonne à rien, puisse s’immoler de sang-froid à son pays. » La pauvre jeune héroïne n’eût pas dû ignorer que l’assassinat jamais n’a rien fondé, et qu’une vie n’est jamais inutile, n’est jamais trop longue, lorsqu’elle est remplie par la pratique des humbles et pieuses vertus et des obscurs dévoûments qui sont l’honneur de la femme, jeune fille où mère de famille.

Quelques mois après l’exécution de Charlotte Corday, Chauveau-Lagarde fut choisi d’office par le tribunal pour défendre une autre et plus illustre accusée, l’infortunée Marie-Antoinette. « Quelques personnes, dit Chauveau-Lagarde lui-même dans sa brochure si intéressante relative au procès[1], ont vanté le prétendu courage qu’il nous fallut (à M. Tronçon-Ducoudray et à moi) pour accepter cette tâche à la fois honorable et pénible : elles se sont trompées. Il n’y a point de vrai courage sans réflexion. Nous ne songeâmes pas même aux dangers que nous allions courir. Je partis à l’instant pour la prison, plein du sentiment d’un devoir si sacré, mêlé de la plus profonde amertume. »

Puis il reprend avec un accent où le cœur se trahit, où l’on sent cette vivacité de souvenirs du témoin oculaire ému, attendri : « La chambre où fut renfermée la Reine était alors divisée en deux parties par un paravent. À gauche en entrant était un gendarme avec ses armes ; à droite, on voyait dans la partie occupée par la Reine, un lit, une table, deux chaises. Sa Majesté était vêtue de blanc avec la plus extrême simplicité.

« … En abordant la Reine avec un saint respect, mes genoux tremblaient sous moi ; j’avais les yeux humides de pleurs ; je ne pus cacher le trouble dont mon âme était agitée, et mon embarras fut tel, que je ne l’eusse éprouvé jamais à ce point si j’avais eu l’honneur d’être présenté à la Reine et de la voir au milieu de sa cour, assise sur un trône, environnée de tout l’éclat de sa couronne.

« Elle me reçut avec une majesté si pleine de douceur, qu’elle ne tarda pas à me rassurer par la confiance dont je m’aperçus bientôt qu’elle m’honorait à mesure que je lui parlais et qu’elle m’observait. » De cette confiance d’ailleurs le défenseur sut se montrer digne. « Je lus avec elle son acte d’accusation. À la lecture de cette œuvre d’enfer, mois seul je fus anéanti. La Reine sans s’émouvoir, me fit des observations, » insistant sur l’inanité de l’accusation fondée sur cette prétendue conspiration contre la France, d’accord avec les ennemis de l’extérieur et de l’intérieur.

Les pièces annexées à l’acte d’accusation pourtant étaient en si grand nombre, qu’il semblait impossible, dans le peu de temps qui restait, d’en prendre connaissance. L’avocat obtint, non sans peine, de la Reine qu’elle fît une demande à la Convention pour qu’il lui fût accordé un délai rigoureusement nécessaire. La note fut remise à Fouquier-Tainville qui promit de la communiquer à l’Assemblée ; mais il n’en fit rien, on n’en fit qu’un usage inutile, puisque, le lendemain matin, dès huit heures, ainsi qu’il avait été annoncé, les débats commencèrent, ils durèrent pendant vingt heures consécutives.

« Il faut avoir été présent, dit Chauveau-Lagarde, à tous les détails de ce débat trop fameux pour avoir une juste idée du beau caractère que la Reine y a développé ; » « plus occupée des autres que d’elle-même, comme l’a écrit M. de Montjoie ; elle mit tous ses soins à ne compromettre aucune des personnes qui lui avaient été attachées. »

« … La Reine fut, dans son procès, comme elle l’avait toujours été durant le cours de sa vie, admirable de bonté. En voici d’ailleurs comme preuve quelques traits que j’ai recueillis dans ses réponses :

« On lui reproche d’avoir, avec le Roi, trompé le peuple :

Elle répond : « Que sans doute le peuple a été trompé ; qu’il l’a même été cruellement ; mais que ce n’est assurément ni par le Roi, ni par elle qui l’ont toujours également aimé.

On reprochait à la Reine d’avoir entretenu, avant la Révolution, des rapports politiques avec le roi de Bohème et de Hongrie (Joseph II).

Elle répond : « Qu’elle n’a jamais entretenu avec son frère que des rapports d’amitié et point de politique ; mais que si elle en avait eu de ce genre, ils auraient été tous à l’avantage de la France.

On l’accuse d’avoir constamment nourri avec le Roi le projet de détruire la liberté, en remontant sur le trône, à quelque prix que ce soit.

Elle répond : « Que le Roi et elle n’avaient pas besoin de remonter sur le trône, puisqu’ils y étaient qu’ils n’avaient, au reste, jamais désiré rien autre chose que le bonheur de la France ; et qu’il leur aurait suffi que la France fût heureuse pour qu’ils le fussent eux-mêmes. »

Toutes les autres et si nombreuses questions faites à l’illustre accusée avaient le même caractère de puérilité odieuse ou d’absurdité ridicule ; et toujours elle sut répondre avec autant de dignité que d’à-propos. Mais qu’importait au tribunal ! que lui importait la plaidoierie des avocats dont Chauveau-Lagarde dit modestement : « Sans doute quelque talent que déploya M. Tronçon-Ducoudray dans sa plaidoierie et quelque zèle que je pouvais avoir mis dans la mienne, nos défenses furent nécessairement au-dessous d’une telle cause, pour laquelle toute l’éloquence d’un Bossuet ou d’un Fénelon n’aurait pu suffire ou serait restée du moins impuissante. »

« … Ce que je puis dire, d’ailleurs, c’est que ni la présence des bourreaux devant lesquels un mot, un geste, une réticence pouvaient être un crime, ni l’appareil épouvantable de la mort dont nous étions environnés, ne nous ont fait oublier nos obligations ; mais qu’au contraire nous combattîmes avec chaleur, avec énergie et de toutes nos forces, tous les chefs d’accusation, et que nous plaidâmes pendant plus de trois heures… Il ne faut pas que les étrangers puissent croire que, dans les temps horribles où la Reine et Mme Élisabeth ont été assassinées, elles aient péri sans défense ; ou, ce qui serait la même chose, pour ne pas dire plus affreux encore, que les Français qui furent chargés de les défendre n’aient pas senti toute l’importance de la mission qui leur était confiée. » J’avais ainsi plaidé pendant près de deux heures, j’étais accablé « … de fatigue ; la Reine eut la bonté de le remarquer et de me dire avec l’accent le plus touchant :

« Combien vous devez être fatigué, M. Chauveau-Lagarde : je suis bien sensible à toutes vos peines. »

« Ces mots qu’on entendit autour d’elle ne furent point perdus pour les bourreaux… La séance fut un instant suspendue avant que M. Tronçon-Ducoudray prît la parole. Je voulus en vain me rendre auprès de la Reine : un gendarme m’arrêta sous ses propres yeux. M. Tronçon-Ducoudray, ayant ensuite plaidé, fut arrêté de même en sa présence ; et de ce moment, il ne nous fut plus permis de lui parler. »

Voilà ces temps, ces affreux temps que, de nos jours encore, certains écrivains, par une aberration de la folie ou du crime, osent excuser, que dis-je ? justifier, glorifier, et si l’on en croyait leur langage, qu’on peut croire une misérable forfanterie, voudraient nous ramener !

Les défenseurs revirent la Reine de loin seulement lorsqu’ils entrèrent, toujours escortés par les gendarmes, pour le prononcé de l’arrêt. « Cet horrible arrêt, dit Chauveau-Lagarde, nous ne pûmes l’entendre sans en être consternés ; la Reine seule l’écouta d’un air calme… Ce calme ne l’a point abandonnée jusqu’à ses derniers moments. Rentrée à la prison et avant de s’endormir dans la sécurité de sa conscience, du sommeil des justes, elle écrivit à Mme Élisabeth la lettre que la Providence vient de révéler au monde, et qui est un monument éternel de l’inébranlable fermeté d’âme ainsi que de l’inépuisable bonté de cœur qu’elle avait manifestée durant tout le cours du procès. »

Les deux courageux avocats, après avoir été fouillés et longuement interrogés sans qu’on trouvât rien à leur charge, furent laissés cependant dans la prison : « moins occupés de ce que nous allions devenir, dit la Notice historique, que de l’épouvantable issue de cet horrible procès. Quand on nous mit en liberté… la Reine n’existait plus. »

Sept mois après, Chauveau-Lagarde fut averti par un message de Mme Élisabeth, qu’il était choisi pour la défendre. C’était la veille même du jugement (9 mai 1794). Tout aussitôt, il courut à la prison, mais on ne lui permit pas de communiquer avec son auguste cliente. Fouquier-Tainville, par une exécrable perfidie, motiva le refus d’autorisation sur l’ajournement du procès qui ne devait pas avoir lieu de sitôt ; et le lendemain matin, en entrant dans la salle des séances du tribunal, Chauveau-Lagarde avait la douleur d’apercevoir « Mme Élisabeth environnée d’une foule d’autres accusés, sur le haut des gradins où on l’avait placée tout exprès la première pour la mettre plus en évidence. »

L’acte d’accusation fut plus absurde et plus odieux, s’il était possible, que celui dirigé contre la Reine : on en jugera par ces deux griefs principaux : « La complicité dans la conspiration du Roi et de la Reine contre la nation.— Les secours donnés par elle (Madame) aux blessés du Champ-de-Mars qu’elle avait pansés de ses propres mains. »

« Accusation monstrueuse, dit éloquemment Chauveau-Lagarde, et bien digne de ces temps d’irréligion et d’immoralité où ce qui paraissait le plus criminel à ces pervers était précisément ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes. »

La princesse, en présence de ces assassins à gages affublés de la toge du juge, fut admirable de fermeté et ne montra pas moins de présence d’esprit que de dignité dans ses réponses. Bien que son défenseur n’eût pu conférer avec elle, et que le débat n’eût duré qu’un instant, Chauveau-Lagarde prit la parole et se montra à la hauteur de sa mission, en établissant d’abord que l’acte d’accusation n’avait aucune base sérieuse et que les faits allégués ne prouvaient rien autre chose que la bonté de cœur de Madame et l’héroïsme de son amitié.

« Après avoir développé ces premières idées (lisons-nous dans la Notice historique), je finis en disant : qu’au lieu d’une défense je n’aurais plus à présenter pour Mme Élisabeth que son apologie ; mais que, dans l’impuissance où j’étais d’en trouver une qui fût digne d’elle, il ne me restait plus qu’une seule observation à faire, c’est que la princesse, qui avait été à la cour de France le plus parfait modèle de toutes les vertus, ne pouvait être l’ennemie des Français. »

À ces paroles prononcées avec l’énergique accent de la conviction, le président du Tribunal, Dumas, s’emporta jusqu’au délire de la fureur, en reprochant avec une brutalité sauvage et impie à l’avocat « de corrompre la morale publique en ayant l’audace de parler des vertus de l’accusée. » « Il fut aisé de s’apercevoir que Mme Élisabeth qui, jusqu’alors, était restée calme et comme insensible à ses propres dangers, fut émue de ceux auxquels je venais de m’exposer : et après avoir, comme la Reine, entendu sans s’émouvoir son arrêt de mort, comme la Reine, elle a consommé paisiblement le grand sacrifice de sa vie. »

Après l’audience, Dumas, toujours frénétique, proposa au tribunal de faire arrêter l’avocat. On ne l’osa pas encore cependant, parce qu’on voulait avoir l’air de laisser la liberté aux défenseurs tant qu’ils existaient, et ils ne furent supprimés que deux mois après « comme les fauteurs salariés de la tyrannie, dit le rapport à ce sujet, voués par état à la défense des ennemis du peuple. »

Bientôt après, 1er juillet, Chauveau-Lagarde, arrêté à la campagne, à vingt lieues de Paris, fut amené par des gendarmes à la prison de la Conciergerie. L’ordre d’arrestation portait « qu’il serait traduit sous trois jours au tribunal révolutionnaire pour y être jugé, attendu qu’il était temps que le défenseur de la Capet (sic) portât sa tête sur le même échafaud. »

Mais le prisonnier eut le bonheur d’être oublié dans cette foule de victimes que le tribunal immolait sans relâche : « Je ne réclamai point, dit-il, je gagnai du temps, et après quarante jours de captivité, je fus mis en liberté dix jours après la mort de Robespierre et de Payan qui m’avait fait arrêter. »

Libre, le courageux avocat reprit avec la même indépendance l’exercice de sa profession. En 1797, nous le voyons défendre, devant une commission militaire, l’abbé Brottier, accusé de conspiration royaliste. Sous l’Empire, à force de démarches et de persévérance, il obtient la grâce du lieutenant-colonel espagnol Darguines, que son éloquence n’avait pu faire absoudre. Sous la Restauration, à laquelle ses sympathies étaient acquises, un proscrit, le général Bonnaire, ne fit pas en vain appel à son dévouement ; et ce fut grâce à Chauveau-Lagarde, sans doute, que la déportation, au lieu de la peine capitale, fut prononcée en présence des charges sérieuses qui pesaient sur l’accusé, « coupable au moins, dit M. Leroy, d’une grande faiblesse dans des circonstances graves, et que la prudence comme le sang-froid avaient abandonné. »

La noble indépendance de son caractère ne nuisit point à Chauveau-Lagarde parmi les esprits élevés de son parti. La duchesse d’Angoulême fit au défenseur de sa mère et de sa tante l’accueil le plus bienveillant et lui dit avec un accent ému : « Depuis longtemps je connais vos sentiments. »

Pourtant il semble que le gouvernement de la Restauration qui, parfois, avec les intentions les meilleures, circonvenu par l’intrigue ou la passion, se montrait trop avare de ses faveurs pour les vrais dévouements, ne reconnut point, autant qu’il eût dû, les services de Chauveau-Lagarde, et ce fut presque tardivement que celui-ci fut appelé à siéger à la Cour de cassation. Il reçut de plus la décoration de la Légion d’honneur et des titres de noblesse. L’illustre avocat, d’ailleurs, jouissait depuis longtemps de la plus belle des récompenses, l’estime universelle, méritée par une vie sans tache. Dirai-je aussi aux yeux de tous les gens de bien, cette gloire, cet incomparable honneur d’avoir pu défendre, au péril de sa vie, deux des plus augustes victimes de la Révolution. « Qu’y a-t-il, en effet, de plus admirable que cette princesse… qui, toujours reine, toujours mère, toujours épouse, toujours elle-même, a su finir, comme Louis XVI, par demander à Dieu la grâce de ses bourreaux… Quant à Mme Élisabeth de France, ne s’est-elle pas aussi, par son angélique résignation, élevée comme au-dessus de l’humanité même[2] ? »

Chauveau-Lagarde mourut en chrétien, il n’est pas besoin de le dire, à Paris, le 24 février 1841, ne laissant qu’une fortune modeste et bien inférieure à celle que son grand talent et sa réputation pouvaient lui faire acquérir s’il n’eût point été aussi désintéressé.

Depuis longues années dans la tombe l’avait précédé l’autre défenseur de Marie-Antoinette, Tronçon-Ducoudray, mort, victime de son dévouement, à Synnamarie, où il avait été déporté.



  1. Notice historique sur les procès de la reine Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth ; in-8o, 1816.
  2. Notice historique sur le procès de la Reine, etc.