Les rues de Paris/Michel Combes

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Bray et Rétaux (tome 1p. 243-245).


COMBES (MICHEL)



Né à Feurs (Loire), le 20 octobre 1787, Combes entra au service comme volontaire en 1803 ; après avoir servi avec distinction sous l’Empire, il se trouvait chef de bataillon lors du désastre de Waterloo. Resté l’un des derniers sur le champ de bataille, et désespéré de la défaite, il quitta la France, où il ne revint qu’après les évènements de 1830. Rentré dans l’armée comme lieutenant-colonel du 24e de ligne, il fut nommé colonel du 66e en décembre 1831, et ce fut en cette qualité qu’il s’empara de la forteresse d’Ancône. Désavoué, et pas à tort, par son gouvernement, Combes se vit retirer son commandement ; mais l’année suivante, remis en activité, il fut fait colonel de la légion étrangère, et quelques mois après, du 47e de ligne.

Pourtant un biographe affirme qu’à cette même époque, prenant en dégoût sa carrière, il songeait à demander sa retraite, lorsqu’il fut appelé à faire partie du corps expéditionnaire du général Bugeaud, en Afrique. Sa conduite au combat de la Sicka lui valut la croix de commandeur de la Légion d’honneur. Mais quelle récompense n’eût-il pas méritée par son héroïque dévouement devant Constantine, s’il avait survécu à la victoire ? La tranchée ouverte le 12 octobre 1837, l’assaut fut résolu pour le lendemain matin 13. Combes commandait la deuxième colonne d’attaque, à la tête de laquelle il s’élança, sous une grêle de balles, vers la brèche, en criant :

« En avant, mes amis, et vive à jamais la France ! »

Arrivé l’un des premiers au sommet de la brèche, le colonel, quoique blessé assez grièvement au cou, n’en continua pas moins de marcher en avant. Une barricade, à l’abri de laquelle les Arabes faisaient un feu meurtrier, barrait le passage. Comprenant de quelle importance il était de renverser cet obstacle, Combes, montrant du doigt la barricade à ses soldats, s’écrie :

« La croix d’honneur est derrière ce retranchement ; qui veut la gagner ?

— Moi ! » s’écrie le sous-lieutenant du 47e, Besson, qui, d’un bond, franchit la barricade en entraînant derrière lui ses braves voltigeurs. Presque au même instant, Combes, atteint mortellement, reçoit en pleine poitrine une balle qui lui traverse le poumon. Mais, dominant la douleur par l’énergie de la volonté et préoccupé avant tout de la pensée d’assurer la victoire, il dit aux soldats, qui l’entourent d’un air inquiet :

« Ce n’est rien, mes enfants, je marcherai bientôt à votre tête. »

Sûr enfin que toute résistance sérieuse a cessé, il quitte la brèche, et d’un pas ferme encore, se rend auprès du commandant du siége pour lui rendre compte du succès décisif des colonnes d’assaut.

« La ville ne peut tenir plus longtemps, dit-il avec calme, le feu continue, mais va bientôt cesser ; je suis heureux et fier d’être le premier à vous l’annoncer. Ceux qui ne sont pas blessés mortellement pourront se réjouir d’un aussi beau succès, pour moi, je suis satisfait d’avoir pu verser encore une fois mon sang pour ma patrie. Je vais me faire panser, » ajouta-t-il, avec un sourire qui prouvait qu’il ne se faisait pas illusion sur la gravité de sa blessure. En effet, en dépit de sa stoïque fermeté, à quelques pas de là, chancelant et prêt à s’évanouir par la perte du sang, il dut être transporté à l’ambulance où il expira bientôt âgé de cinquante ans seulement.

Le gouvernement ordonna que le buste du vaillant soldat ornerait l’une des salles de l’Hôtel-de-Ville de Feurs, où son cœur serait également déposé. Une pension de 2,000 francs fut allouée à sa veuve, à titre de récompense nationale.

Entre les noms qu’ont illustrés nos guerres d’Afrique, celui du colonel Combes est assurément l’un des plus glorieux, et l’épisode du siége de Constantine, dans sa simplicité sublime, est l’un des plus admirables que rappellent nos annales militaires.