Les secondes oeuvres de mesdames Des Roches, de Poictiers, mère et fille/A ma fille

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Les secondes oeuvres de mesdames Des Roches, de Poictiers, mère et fille
Nicolas Courtois (p. 2--).

À ma Fille.


MAMIE, ie ſçay que la reuerence, l’amour, & l’honnete pudeur, ne vous permetent étre ſans moy au papier des Imprimeurs, & qu’il vous plaît mieux que ie ſuiue mon deuoir, mon deſir, & ma coutume. Marchons doncques en cete vnion qui nous a touiours maintenues, & prions la Diuine puiſſance, qu’elle vueille guider l’œuure, la penſée, & la parole de nous deux, nous preferuant (s’il luy plaît) de toutes calomnies, & du venin de l’ingrate dent de l’Enuie.

ODE.


LES contre-acordans acors,
Qui animent ce grand Cors,
Par vne ſage conduite,
Font qu’vn Element changeans
De ſoi-même s’étrangeant,
En vn autre prend ſa fuite.

Mais le Monde ſe maintient
En ſon ordre, & s’entretient
Par cete iuſte querelle,
Ou le trompé est plus fin,
Le trompeur plus iuſte, afin
D’aider cete Forme belle.

Les Entendemens parfaitz,
Connoiſſant de tant d’éſaitz.
Une Cauſe ſinguliere,
Sortent de leur propre lieu :
Pour aller trouuer en Dieu
Toute Forme ſans Matiere.

Ô cõbien l’Hõme est heureux,

Qui ſe trouuant deſireux,
De la Deité ſupréme,
Plein d’eſpoir, d’amour, & foy,
Se plaît de mourir en ſoy,
Pour viure en ſon Dieu qui l’aime.

ODE.


ESprit gentil, docte, expié,
Ferme ſur Arete apuié,
Amy aimé des Muſes,
Pour mes paßions enchanter,
Veuillez moy de Grace préter,
Vos excellentes ruſes.

Ce grand Grec étois enchanteur,
Ce graue & ſage correcteur
Des mignons d’Uranie,
Qui par le Vice combatu,
Rapella du Ciel la Vertu,
Par ſa douce Harmonie.

Si fut Orphé, & Amphion :
Et le penſé d’Amphytrion
Par ſa douce Éloquence,
A mieux le Gaulois ſurmonté,
Que le Romain ne la domté,

Par l’éfort de ſa lance.

Courte d’argent & de raiſon,
Ie veut bâtir vne Maiſon,
Et trouuer vne bourſe,
En creuſant vn vieux Fondement,
D’vn miſerable bâtiment,
Qui n’a poins de reſource.

La fieure tient mon cher ſouci,
Ie langui de la fieure außi,
Mon Mari d’vn caterre,
La maladie â pris acces,
A Medecins, Iuges, proces,
Trois pestes de la Terre.

Au lieu de manger & dormir,
Le plaint, le pleur, & le gemir,
Me ſeruent de viande,
Ie n’oy qu’vn propos ennuyeux,
Ie n’ay qu’vn penſer odieux,
Qui maitre me commande.

Mes maux ſe ſuiuent de ſi pres,
Que du ſeul funeſte cypres,
Maintenant i’ay enuie,

Si le conſeil & le repos,
Qui vient de vos ſages propos,
Ne raſſure ma vie.

Vous donc Eſprit ſaint & diuin,
Honneur du ſeiour Poiteuin,
Amy aimé des Muſes,
Pour mes paßions enchanter,
Veuillez moy de Grace préter,
Vos excellentes ruſes.

SONNETZ.

I.


LA ſacre-ſainte Deité,
Aux yeux des Humains tant propice,
Exerce vers nous ſon ofice,
Par vne douce Charité.
Mais pourtant la Diuinité
Du beau Soleil de ſaiustice,
Ne veut pas afubler le Vice,
Du manteau de la Verité.
Ainſi que vous, qui par louange
Faites ſouuent d’vn Diable vn Ange
Par vn argument plus ſubtil.
Ie ſuy en tout la Doriéne,
Car pour la fraze Helleniéne,
Ie nay l’Eſprit aſſez gentil.

2.


CEluy qui d’vn clin d’œil forma la terre & londe,
Qui fait luyre ſur nous les celeſtes flambeaux,
Qui du vent de ſa voix fit les ornemens beaux,
Dont l’accord diſcordant tient les membres du monde
Voit ores par quel art vostre plume feconde
Donne vie & honneur à deus Rochers nouueaux,
Ie crains qu’il vous puniſſe auec ſes iuſtes fleaux,
Comme larron du feu de la grand’torche blonde.
Prenez donc s’il vous plaiſt vn plus digne ſuier,
Vray, acomply, ſacré, ſaint & louable obiet,
Qui fera bien en vous renaiſtre vn autre foye :
Non comme Promethé pour la terre amollir,
Ny pour vouloir vn roc parer & embellir,
Que d’vn aigle nouueau vous ne ſoiez la proye.

3.


TOut ainſi qu’Eumetis, & la docte Aſpaſie,
Ont pris des ſçauants Grecz le plus digne ornement,
Vous me voulez donner forme & entendement,
Par les excellents traitz de voſtre poeſie :
La grande Diorime à eu l’ame ſaiſie
De ce Dæmon qui va les ames transformant,
Et ſage vous allez le vice reformant
Par la ſainte raiſon, vostre guide choiſie.
Vous ſçauez plus de loix que Lycurgue & Solon :
Vous eſtes eſleue ſur le char d’Apollon

Vous eſtes fauory de la plus chaſte Muſe.
Si ie veus faire voir vostre renom tant beau,
C’eſt monslrer le Soleil auecques vn flambeau
Ainſi le non pouuoir me ſeruira d’excuſe.

QVATRAINS.

I

Vostre temple eſt poly comme vn marbre de Pare :
Ne ſouhaitez celuy d’vn tenebreux Rocher,
Vostre esprit excellent ce temple honore & pare,
Et toutes les vertus s’en veulent approcher.

2

Voſtre Sommeil preſent des Cieux,
Repart la force afoiblie :
Vostre Veiller preſent des Dieux,
Nous rend la perdurable vie.


IE croy que le bonheur ne dépend que de nous,
Madame & gue chaſcun peut forger ſa fortune :
Le fol trop indiſcret ſe la rend importune,
Le ſage la conduit d’vn mouuement plus dous.
La preuue s’en fait claire aux actions de roms,
Au theatre mondain de la fable commune,
Tous les humains enclos ſoubz le Ciel de la Lune,
Trament leur bien & mal leur plaiſir & courrous.

Celle qui a de l’heur ſans eſtre mariée,
Elle est heureuſe außi en ſe trouuant liée
Aux ſainctes loix d’Hymen, & ſi amour l’esprit
Auec l’heureux flambeau d’vn chaſte mariage,
Elle est heureuſe encor en ſon ſimple veufuage
Pource que ſon bonheur depend de ſon Eſprit.

Poitiers à Meſſieurs des Grandz Iours.


NY mes Rochers hautains qui voiſinent les Cieux.
Ny de mes chams fleuris l’abondance fertille,
Ny du Paſſe-lourdin la demarche ſubtille,
Ny de mes dous Zephirs le ſoupir gracieux,
Ny mes eſpris locauls mes tutelaires Dieux
Ny de ma chere Echo la voix douce-gentille,
Ny de mes Citoyens la police ciuile,
Ny de mes temples ſaintz le chœur deuotieux,
Ny de ma grand’Themys la prudence honorée,
Ny de mes ſages loix la force reuerée
Ny du Ciel fauorable vn œil touſiours benin,
Ne ſçauroient m’animer autant que ces Orphées,
Qui tirant de l’oubly mes gloires eſtoufees
Me font luyre par tout comme vn astre diuin.

La meſme Ville au Roy.


SIRE ſi mon obeyſſance,
Et mon loyal deportement,
Merite quelque recompance,
Ie vous requiers vn Parlement.

À vous mon Roy ie me veut plaindre,
Et vous conter yci comment,
Ie crains ceux qui me deuroient craindre,
Par faute d’vn bon Parlement.

Mes voiſins me font tant d’iniure,
Que ie deſire inceſſamment,
Guerir la peine que i’endure,
Par le moyen d’vn Parlement.

Mon ame esperdue s’enuole,
Ie pers preſque tout ſentiment,
Mais ie prendray cueur & parole,
Si ie reçoy vn Parlement.

La belle & ſainte vierge Astrée
Ne ſeroit plus ſi longuement,
Sans viſiter cette contrée
S’il y auoit vn Parlement.

L’on verroit le mutin rebelle
Craindre le iuste chaſtiment,
Et cette ſuperbe Rochelle
Obeyr à mon Parlement.

 Doncques Sire ie vous ſuplie,
Auoir pitié de mon tourment,
Et me donner l’ame & la vie,
En me donnant vn Parlement.

Il est vray que la grace est grande,
Mais ce n’est pour moy ſeulement,
C’eſt pour vous que ie la demande
Qui ſerez chef du Parlement.

Vous ferez chaſtier le vice,
Par vn Royal commandement :
Mais on n’obſerue la iuſtice
Sinon auec vn Parlement.

On me pille, ruyne, & mange,
Tous maux ſe font impuniment,
Las ! s’il vous plaist que ie me vange,
Donnez moy donc vn Parlement.

Par la parole toute choſe

Eſt faite ſous le firmament :
Voila pourquoy ie me diſpoſe
De requerir vn Parlement.

Ie l’eu du Roy Charles ſeptieſme,
Et le garday heureuſement :
Plaiſez vous donc faire de meſme,
Et me rendez mon Parlement.


POitiers tu fus iadis le teſmoin de ma gloire
Lors que des ennemis les violens effors
Couuroient ton petit Clain de tant & tant de cors,
Dont les eſpritz erroient deſſus la riue noire.
Auec le fer tranchant ie graué la memoire
De mon nom immortel defiant mile mors,
Aiant le cueur hautain, les bras puiſſans & fors
Ma langue ne chantoit que Victoire, Victoire.
Tuant mon aduerſaire, ores ie meurs en toy,
Et te donne mon ſang pour preuue de ma foy,
Ie donne au Dieu guerrier mes forces & mes ruſes,
Mes graces a l’Amour, & mon eſprit aux Cieux,
Le dueil a mes amis, les larmes à tous yeux,
Mon ſeruice a mon Roy & mon renom aux Muſes.


VOus auez viole, le droit & l’equité,
Renonçeant a la foy promiſe a noſtre France,

Vous voiant ſans la foy, l’eſpoir vous a quité,
Pouviez vous esperer pardon de telle offence ?
Et puis vous demandez des villes d’aſſeurance,
Au Roy que vous auez tant de fois irrité,
Mais puis que vous n’auez la foy ny l’eſperance,
Vous ne meritez pas d’auoir la charité.

Si par la haute Deité,
On voit ceſte maße regie,
Nostre ſaincte Theologie
En démonſtre la verité.
Saint Iustin bien la recité
En ſa ſeconde Apologie,
Monstrant mieux que l’Astrologie
Le deſtin & la Trinité.
Il le monſtre en ſa Monarchie,
En ſa contraire Entelechie,
Au graue de ſa concion.
Manquoy la puiſſance diuine
Paſſe la grandeur de toute Hymne,
Chantée a ſa perfection.

Avx poetes chante pvce


LA Puce ſauteloit au ſommet d’vne Roche
D’ou premier elle veid le Soleil radieux :

Puis dreſſant vers le ciel ſon vol audacieux,
Plus ſon pouuoir l’élongne, & ſon deſir s’aproche.

Lors elle reconnoist le danger qui s’apreſte,
Penſant au vol d’Icare, au cours de Phaëton,
L’vn malheureux oyſeau, l’autre mauuais Chariõ
Se repent & reprend d’auoir haußé la teste.

Ô le digne ornement de la parfaicte bande,
Pasqvier de qui le nom, l’oraiſon, & les vers
Volent par la rondeur de ce grand vniuers,
La Puce maintenant voſtre ſecours demande.

Hauſſez la grand Chopin, de qui la voix exquiſe,
A ſouuent contenté ce filz de Iupiter,
Ce du Harlay qu’on void les hauts Dieux imiter,
Que tout le monde admire, estime, honore & priſe.

Le pilier, le miroir l’oracle de la France,
Qui ſoutient, repreſente, & anime ſans fin
Peuples, Princes, & loix, briſe l’air Poitevin,
Pour conduire la Puce auec plus d’aſſurance.

Mangot le verd printems à la vertu chenue,
Le fauory des Dieux le Mercure facond
Qui eſt premier de tous, & n’a point de fecond,
La ſouſleue, & luy fait outrepaſſer la nue.

Que diray ie ô esprit orne de beavt-dine
De vos vers diuins coulans, ſinon que les neuf ſeurs.
Ont verſe dedans eux leurs mielleuſes douceurs,
Pour attirer au ciel la Puce Poiteuine.

Celuy qui la reprend d’eſtre iniuste & cruelle,
L’honore en la blaſmant : il ne fait voir ſinon
Qu’elle est Puce fameuſe, & digne de renom,
Et la faiſant mourir il la rend immortelle.

Elle a pour ſon flambeau l’agreable lumiere
Des deux Freres germains par les Muſes eſlus,
Plus diuins mille fois que Caſtor & Pollus,
Car ilz ne changent point leur lampe iournaliere.

Cet excellent rameau de la noble racine,
Qui commandoit Verone, a voulu prendre ſoin
De la petite Puce, außi elle a beſoin
Pour monter dans les Cieux d’vne Escale diuine.

Ainſi qu’elle approchoit du throne de ſa gloire,
Amour la vint ſaiſir, ce petit affeté
En vain en eſt aloux : car il est arresté
Que les vers de Binet luy donnent la victoire.

Qui ſeroiz negligent à ſi louable peine,

Pour donner a la Puce vn gentil ornement ?
Le ſçauant la Coudray l’habille proprement,
Ores a la Françoiſe, & or’a la Romaine.

Comme au tams de Noé la douce coulombelle,
Pour vn ſigne de Paix vint l’Oliue approcher,
D’vn augure plus ſaint Pallas ton arbre cher
Preſente a nostre Puce vne robe nouuelle.

Mais qui luy a donné cette chefne dorée ?
Vraiment c’est le Clairor qui par l’eclair luyſant
De ſes beaux vers dorez luy a fait ce preſens,
Et par l’honneur de luy la Puce eſt honorée.

Le Delien Soulfour, qui a l’ame ſaiſie
De plus ſaintes fureurs, par vn diuin conſeil
La leve promptement ſur le char du Soleil,
Ou elle a ſa demeure eternelle choiſie.

Courage ma mignonne il faut prendre la place
Du meurtrier d’Orion, il faut prendre ce lieu
Qui vous eſt ordonné d’vn homme, mais d’vn Dieu
Qui vous y fait guider par les mains de la Grace.

L’oyſeau fauoriſe de l’archer du Tonnerre
Œilladant cette Puce auec vn dous regard,

Luy veut prester ſon dos pour luy ſentir de chart
Et de ſes ailerons mignardement l’enferre.

Elle eſt placée au Ciel, & le fourrier Hygine
Na merqué ſon logis : mais cet oyſeau ſacré
Qui fait entre les Dieux, ce qui luy viens àgré,
A voulu qu’elle fuſt vn fauorable ſigne.

Bien-heureux qui l’aura au point de ſa naiſſance
Pour ſon Aſtre aſcẽdant, & bien-heareux auſsi
De qui elle prendra vn gracieux ſouci,
Faiſant couler ſur luy ſa celeste influence.


AU printans de voſtre ieuneſſe
Eſpoint d’vne douce alegreſſe,
Vous ſerrastes dans vos eſpris
Toutes les flames de Cypris,
Puie d’vne plus ſeure embraſſée
En enſerrant vne Espouſée
Vous enſerrastes bonne part
Des biens que Fortune départ,
Ores vous ſerrez la pratique
Du droit Romain & de l’Attique,
Et vous monstrez fort diligent
Pour enſerrer l’Or & l’Argent,
Vous enſerrez la courtoiſie,

Vous enſerrez la Poeſie,
Vous enſerrez les ſaintes lois,
Et mille beautez à la fois.
Vostre ame ſans fin Amoureuſe
De ſerrer est tant de ſireuſe,
Que pluſtost que de ne ſerrer
On vous pourroit vif enterrer :
Encore eſtant deſſoubz la terre,
Ie ne croy point quelle vous ſerre,
Que vous espris de ſon amour
Ne la ſerriez à vostre tour,
En faiſant de vos Amourettes
Naistre les belles Paſquerettes
Qui viendront eſmailler nos chams
Comme les Graces font vos chans.


Fin des écris de la Mere.